Comité des droits de l'homme
Cinquantième session
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Cinquantième session -
Communication No 559/1993
Présentée par : J. M. [nom supprimé]
Au nom de : L'auteur
État partie : Canada
Date de la communication : 7 juin 1993
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 8 avril 1994,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est un citoyen canadien résidant à Sherbrooke
(Québec). Il affirme être victime d'une violation par le Canada des articles
14 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur a subi avec succès une opération du coeur en 1978. Toutefois,
à la suite de cette opération, il souffrait d'hypertension artérielle,
laquelle pouvait être enrayée avec des médicaments. Pour bien montrer
qu'il était en bonne santé, l'auteur signale qu'il a participé à deux
marathons à Montréal et à plusieurs autres courses de fond. Le 4 mai 1987,
l'auteur, qui est titulaire d'une licence en relations professionnelles,
souhaitant faire acte de candidature pour un poste d'"administrateur
du personnel", a envoyé son curriculum vitae à la Gendarmerie royale
du Canada (GRC). Au cours d'une conversation téléphonique, le 16 juin
1987, un représentant de la GRC lui fait savoir que seuls les membres
de la Gendarmerie possédant plusieurs années d'expérience pouvaient postuler
à ce poste.
2.2 Quelque temps plus tard, l'auteur a présenté sa candidature pour
un poste de gardien de la paix. Après avoir été reçu à un test d'aptitude,
il a rempli des formulaires dans lesquels il a fourni des renseignements
sur ses antécédents médicaux. Le 26 octobre 1987, l'auteur a reçu de la
GRC une lettre l'informant que sa candidature ne pouvait être retenue
pour le poste de gardien de la paix car il ne satisfaisait pas aux conditions
médicales requises par l'emploi.
2.3 Après avoir demandé des précisions, l'auteur a été informé par un
médecin de la GRC que sa candidature avait été rejetée sur la base du
questionnaire et sans examen médical parce qu'il avait subi une opération
cardiaque, qui lui avait provoqué de l'hypertension, qu'il souffrait d'une
chondromalacie au genou droit (corrigée en 1983) et qu'il était asthmatique.
2.4 L'auteur s'est adressé ensuite à la Commission canadienne des droits
de l'homme, pour déposer contre la Gendarmerie royale du Canada une plainte
en discrimination. La Commission a mené une enquête préliminaire à la
suite de laquelle une plainte officielle a été déposée en septembre 1988.
En août 1989, l'auteur a autorisé la Commission à faire appel à trois
spécialistes indépendants qui devaient lui faire passer une visite médicale.
Le 19 décembre 1989, le secrétariat de la Commission a fait savoir à l'auteur
qu'elle avait reçu une lettre dans laquelle la GRC avait reconnu qu'elle
avait pris une décision hâtive lorsqu'elle avait refusé le poste en question
à l'auteur sans le soumettre à un examen médical. Elle l'a invité à représenter
sa candidature, sans préjudice de la décision finale. L'auteur affirme
que la Commission ne lui a pas fourni copie de ladite lettre. Il a également
été informé que le poste d'"administrateur du personnel" était
un poste civil et que le représentant de la GRC s'était trompé lorsqu'il
lui avait dit en juin 1987 que seuls les membres de la Gendarmerie pouvaient
postuler.
2.5 L'auteur a demandé à la GRC de lui fournir la garantie que la procédure
de sélection et l'examen médical seraient justes et qu'il ferait l'objet
d'un traitement équitable. Comme il n'a pu obtenir de garantie satisfaisante
à ses yeux, il a décidé, au lieu de représenter sa candidature, de demander
une réparation pécuniaire (71 948,70 dollars canadiens). Le 26 novembre
1990, il a soumis sa demande de réparation à la GRC, mais les deux parties
n'ont pu parvenir à un accord.
2.6 Le 4 décembre 1990, l'auteur a été informé que, sur la base de l'enquête
réalisée, il avait été recommandé à la Commission de rejeter sa plainte.
L'auteur a été invité à présenter ses observations au sujet de la recommandation
dont le texte lui a été communiqué. Le 3 janvier 1991, l'auteur a contesté
la recommandation et demandé que la Commission pousse plus loin son enquête.
À cet égard, l'auteur fait observer que c'était à lui et non à la GRC
que continuait d'incomber la charge de la preuve. Le 25 mars 1991, la
Commission a notifié l'auteur qu'à son avis, la poursuite de la procédure
ne se justifiait pas.
2.7 Le 5 août 1991, l'auteur a demandé à la Division de première instance
de la Cour fédérale du Canada de rendre une ordonnance de certiorari
en vue d'annuler la décision de la Commission et d'obliger cette dernière
à porter son affaire devant le Tribunal des droits de la personne. L'auteur
a relevé des vices de procédure durant l'examen de son affaire par la
Commission, notamment le fait que des experts indépendants ne lui avaient
pas fait subir d'examen médical et que des coupures de journaux faisant
état de ses exploits sportifs avaient disparu de son dossier. Le 20 septembre
1991, la Cour a débouté l'auteur de sa demande, estimant que la Commission
avait exercé son pouvoir discrétionnaire conformément à la loi et aux
principes de droit établis par la jurisprudence. Le juge a également estimé
que la décision de la Commission ne portait pas atteinte au droit de l'auteur
de poursuivre la GRC pour dommages et intérêts présumés. L'auteur fait
valoir que, dans la mesure où le juge n'a pas commis d'erreur de droit,
il ne lui est pas possible de faire appel de ce jugement.
Teneur de la plainte
3. L'auteur affirme être victime d'un acte de discrimination de la part
de la Gendarmerie royale du Canada. Il prétend en outre que la Commission
canadienne des droits de l'homme a violé les principes d'une procédure
équitable et fait preuve de discrimination à son égard en acceptant l'explication
insuffisante fournie par la GRC. Il maintient que les faits décrits constituent
des violations des articles 14 et 26 du Pacte.
Délibérations du Comité
4.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
4.2 Le Comité relève que l'auteur affirme être victime d'un acte de discrimination
de la part de la Gendarmerie royale du Canada parce que le poste de gardien
de la paix lui a été refusé uniquement sur la base de ses antécédents
médicaux. Le Comité relève en outre que la Gendarmerie a reconnu avoir
commis une erreur de procédure et invité l'auteur à représenter sa candidature.
Toutefois, l'auteur n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite, préférant
demander une réparation pécuniaire. Le Comité estime que l'auteur n'a
pas suffisamment établi, aux fins de la recevabilité, que la proposition
qui lui a été faite par la police n'était pas effective et ne pouvait
pas ultérieurement déboucher sur un recours, le cas échéant. En conséquence,
la plainte de l'auteur n'est pas recevable en vertu de l'article 2 du
Protocole facultatif.
4.3 Le Comité estime en outre que l'auteur n'a pas établi, aux fins de
la recevabilité, que la procédure engagée devant la Commission canadienne
des droits de l'homme constituait une violation de ses droits en vertu
du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte, et qu'il n'a pas apporté d'éléments
suffisants pour étayer sa plainte sur le fondement de l'article 26 du
Pacte.
5. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole
facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur et, pour information,
à l'État partie.
[Texte adopté en anglais, en espagnol et en français (version originale).]