Comité des droits de l'homme
Cinquante-neuvième session
24 mars - 11 avril 1997
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe
4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques*
- Cinquante-neuvième session -
Communication No 561/1993
Présentée par : Desmond Williams [représenté par Mme K. Aston]
Au nom de : L'auteur
Etat partie : Jamaïque
Date de la communication : 30 juin 1993 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 8 avril 1997,
Ayant achevé l'examen de la communication No 561/1993 présentée
au nom de M. Desmond Williams en vertu du Protocole facultatif se rapportant
au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui
ont été communiquées par l'auteur de la communication, son conseil et
l'Etat partie,
Adopte les constatations suivantes :
Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif
1. L'auteur de la communication est Desmond Williams, citoyen jamaïquain,
actuellement en attente d'exécution à la prison du district de Sainte-Catherine
(Jamaïque). Il se déclare victime de violations par la Jamaïque des paragraphes
1 et 3 a), b), c) et e) de l'article 14 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques. Il est représenté par Mme K. Aston.
2.1 L'auteur a été arrêté en juin 1985 à la suite du meurtre, le 29 mai
1985, dans la paroisse de St. Andrew, d'un certain Ernest Hart. Le 9 juillet
1985, après avoir été identifié par Rafael et Elaine Hart, le fils et
la femme du défunt, lors d'une séance d'identification, il a été accusé
du meurtre de M. Hart. Le 5 octobre 1987, il a été reconnu coupable et
condamné à mort.
2.2 L'auteur a été débouté en appel le 21 juin 1988. Sa demande d'autorisation
spéciale de recours auprès de la Section judiciaire du Conseil privé ayant
été rejetée le 23 juillet 1992, il fait valoir que tous les recours internes
ont été épuisés. L'infraction pour laquelle l'auteur a été condamné a
été qualifiée de crime passible de la peine de mort conformément à la
loi de 1992 portant modification de la loi relative aux atteintes aux
personnes.
2.3 L'accusation s'est fondée sur des témoignages d'identification. Le
fils du défunt a déclaré que le 29 mai 1985, vers 2 h 30 du matin, il
avait été réveillé par sa mère et que de son lit il avait entendu quelqu'un
ouvrir la porte du salon à coups de pied, puis immédiatement après, des
coups de feu. Lorsqu'il était sorti de sa chambre, il s'était trouvé face
à face avec deux hommes, l'un armé d'un couteau ("l'homme au couteau")
et l'autre d'une arme à feu ("l'homme au revolver"). L'"homme
au couteau", qu'il avait plus tard identifié comme étant l'auteur,
lui avait ordonné d'allumer la lumière et de lui remettre tout l'argent
qui se trouvait dans la maison. Il avait dit aux deux hommes qu'il n'y
avait pas l'électricité dans la maison et que l'argent devait sans doute
se trouver sous le matelas de sa mère. Dans la chambre de ses parents,
les hommes lui avaient ordonné de soulever le matelas; l'"homme au
couteau", qui se tenait près de lui, avait alors allumé un morceau
de papier avec une allumette et avait commencé à chercher l'argent. Il
n'avait toutefois rien trouvé et avait entrepris de fouiller la pièce
à la lumière de morceaux de journaux enflammés. Lorsque les deux hommes
étaient partis, Rafael Hart s'était rendu dans le salon, où il avait trouvé
son père en travers de l'entrée, gisant dans une mare de sang. Selon lui,
les deux hommes étaient restés une quinzaine de minutes dans la maison
et, à la lumière des réverbères qui éclairaient le salon et des morceaux
de journaux allumés, il avait eu tout loisir d'observer le visage de l'auteur.
2.4 La femme du défunt a déclaré qu'alarmée par un bruit venu de l'extérieur
de la maison elle avait alerté son mari et était allée dans la chambre
de son fils; elle s'était alors cachée sous le lit, d'où elle avait entendu
une voix étrange demander à son fils de l'argent. Bien qu'elle n'eût jamais
vu le visage de l'auteur, elle l'avait reconnu lors d'une séance d'identification
à sa voix aiguë.
2.5 L'autopsie a révélé que la victime avait reçu trois balles d'une
arme légère, tirées à une distance d'au moins 45 cm. Le tireur n'a jamais
été retrouvé par la police.
2.6 La défense de l'auteur a invoqué un alibi. Desmond Williams n'a pas
témoigné; son père a témoigné en son nom, affirmant que son fils avait
été avec lui tout le temps et n'avait pas pu commettre le crime.
2.7 Pour ce qui est de l'épuisement des recours internes, l'auteur admet
qu'il n'a pas saisi la Cour suprême (constitutionnelle) de la Jamaïque.
Il affirme qu'une requête constitutionnelle auprès de la Cour suprême
aurait été inévitablement rejetée compte tenu du précédent établi par
les décisions de la Section judiciaire dans les affaires DPP c.
Nasralla /(1967) 2 ALL ER 161./ et Riley et al.
c. Attorney General of Jamaica /(1982) 2 ALL ER 469./,
selon lesquelles la Constitution jamaïquaine avait pour but de prévenir
la promulgation de lois injustes et non pas simplement l'application inéquitable
de la loi. L'auteur estimant qu'il a été traité de façon inéquitable en
application de la loi, et non pas que des lois postérieures à la Constitution
sont inconstitutionnelles, une requête constitutionnelle n'aurait pas
constitué un recours utile en l'espèce. Il fait valoir aussi que, même
s'il était admis qu'une requête constitutionnelle constituait un recours
à épuiser, un tel recours ne lui était pas accessible en raison de son
indigence, de l'absence de toute assistance judiciaire à cette fin et
du refus des avocats jamaïquains de représenter les requérants à titre
gracieux.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur se déclare victime d'une violation du paragraphe 1 de l'article
14, soutenant qu'il n'a jamais été prouvé qu'il avait tenu l'arme ou s'en
était servi et que, par conséquent, il n'aurait dû être reconnu coupable
de meurtre que si le jury avait eu la conviction qu'il était partie à
une intention commune de causer la mort ou des blessures graves.
Le conseil se réfère à des passages de la récapitulation du juge au jury
et soutient que le juge du fond n'a pas dûment instruit le jury quant
au degré de violence dont les intrus auraient dû prévoir d'user pour qu'ils
soient reconnus coupables de meurtre. Dans ce contexte, il fait remarquer
que le jury a rendu son verdict en moins de 10 minutes; selon lui, la
rapidité avec laquelle le jury a délibéré prouve que ce dernier ne s'est
préoccupé que de la question de savoir si l'auteur était l'homme au couteau
et non pas, à supposer qu'il fût l'homme au couteau, s'il avait
été partie à une intention commune de causer la mort ou des blessures
graves.
3.2 Le conseil affirme aussi que l'auteur n'a pas été représenté par
un avocat lors de la séance d'identification, en violation de l'article
554A du règlement de 1977 portant modification du règlement de la police
jamaïquaine, le policier responsable de la séance ignorant qu'une telle
condition était requise. La cour d'appel a rejeté ce moyen, se référant
à une décision antérieure dans l'affaire R. c. Graham et Lewis
(SCCA Nos 158 et 159/81), selon laquelle les règles applicables à la conduite
des séances d'identification n'étaient pas impératives mais procédurales
et que l'inobservation de ces règles n'avait d'incidence que sur la valeur
probante des éléments de preuve et non pas sur la validité de la séance.
Le conseil conteste les conclusions de la cour d'appel et fait valoir
que le libellé de la règle 554A ("en présence d'un avocat")
a un caractère impératif; il affirme que la séance d'identification n'était
pas valide et qu'en conséquence les témoignages d'identification n'auraient
pas dû être admis comme preuve dans la procédure judiciaire entamée contre
l'auteur / Il ressort toutefois des minutes du jugement de la cour d'appel
qu'avant la séance d'identification il a été demandé à l'auteur s'il avait
un avocat et s'il souhaitait qu'il assiste à la séance et que l'auteur
a répondu par la négative. Un juge de paix et le père de l'auteur étaient
présents à la séance./.
3.3 Pour ce qui est de la violation du paragraphe 3 a) de l'article 14,
le conseil fait observer que l'auteur a été détenu pendant six semaines
avant d'être accusé du crime dont il a été ensuite reconnu coupable.
3.4 L'auteur affirme ne pas avoir disposé du temps et des facilités nécessaires
à la préparation de sa défense, en violation du paragraphe 3 b) de l'article
14. Il déclare n'avoir rencontré l'avocate commise pour le représenter
que le premier jour du procès, après avoir passé plus de deux ans en détention.
L'avocate lui a conseillé de ne pas témoigner lors du procès; l'auteur
se plaint de ne pas avoir eu assez de temps pour réfléchir à ce conseil.
L'auteur se plaint aussi de ce que l'avocate n'ait pas demandé à son amie,
D. O., de témoigner en sa faveur comme il l'avait chargée de le faire.
A cet égard, il se réfère à une déclaration sous serment, datée du 17
février 1993, signée par D. O., dans laquelle elle affirme ne pas avoir
été citée à comparaître au tribunal alors qu'elle était disposée à témoigner
en faveur de l'auteur. Elle ajoute que, le 29 mai 1985, l'auteur était
avec elle à la maison depuis 21 h 45 / Pourtant, il apparaît
clairement que le crime avait été commis t_t le matin du 29 mai 1985./.
Selon l'auteur, le fait que son amie D. O. n'ait pas été appelée à témoigner
par l'avocate constitue une violation de ses droits en vertu du paragraphe
3 e) de l'article 14. S'agissant de la préparation de son recours en appel,
l'auteur affirme n'avoir rencontré son avocate qu'une fois, peu de temps
avant l'audience.
3.5 L'auteur souligne qu'il a été arrêté le 9 juillet 1985 et que son
procès a eu lieu du 1er au 5 octobre 1987, c'est-à-dire près de 27 mois
plus tard. Il déclare que ce retard lui a été préjudiciable, en particulier
du fait que l'accusation s'est fondée uniquement sur des témoignages d'identification.
Selon lui, cela équivaut à une violation du paragraphe 3 c) de l'article
14 du Pacte.
Observations de L'Etat partie et commentaires de l'auteur
4. Dans sa réponse du 6 avril 1994, l'Etat partie affirme que la communication
est irrecevable car l'auteur n'a pas épuisé les recours internes. Il fait
observer que l'auteur peut encore exercer un recours constitutionnel;
dans ce contexte, il note que les droits invoqués par l'auteur et protégés
par les paragraphes 1 et 3 a), b), c) et e) de l'article 14 sont aussi
énoncés dans les paragraphes 1 et 6 a), b) et d) de l'article 20 de la
Constitution jamaïquaine. En vertu de l'article 25 de la Constitution,
l'auteur peut demander réparation des violations alléguées en déposant
une requête constitutionnelle auprès de la Cour suprême.
5. Dans ses commentaires, datés du 3 février 1995, le conseil de l'auteur
déclare que l'aide judiciaire n'étant pas prévue pour le dép_t de requêtes
constitutionnelles, une telle requête ne constitue pas un recours utile
dans le cas de l'auteur.
Décision concernant la recevabilité
6.1 A sa cinquante-quatrième session, le Comité a examiné la recevabilité
de la communication. Il a pris note de l'argument de l'Etat partie selon
lequel l'auteur avait toujours la possibilité de déposer une requête constitutionnelle
et a rappelé que la Cour suprême de la Jamaïque avait autorisé le dép_t
de recours constitutionnels à l'égard de violations de droits fondamentaux
lorsque l'appel avait été rejeté. Il a rappelé toutefois que l'Etat partie
avait indiqué que l'aide judiciaire n'était pas prévue pour le dép_t de
requêtes constitutionnelles; en l'absence d'aide judiciaire, une requête
constitutionnelle ne pouvait être considérée comme constituant, pour un
condamné indigent, un recours disponible qui devait être épuisé aux fins
du Protocole facultatif. En conséquence, le Comité n'était pas empêché
par le paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif d'examiner
la communication.
6.2 Pour ce qui est des allégations de l'auteur concernant l'évaluation
des éléments de preuve et les instructions données par le juge au jury,
le Comité s'est référé à sa jurisprudence constante, selon laquelle, en
principe, il appartenait aux cours d'appel des Etats parties au Pacte,
et non au Comité, d'évaluer les faits et les éléments de preuve dans une
affaire donnée. De même, il n'appartenait pas au Comité de réexaminer
les instructions données au jury par le juge du fond, à moins qu'il puisse
être établi que lesdites instructions étaient clairement arbitraires ou
équivalaient à un déni de justice. Rien n'indiquant que le procès de l'auteur
ait été entaché de telles irrégularités, le Comité a considéré que cette
partie de la communication était irrecevable en vertu de l'article 3 du
Protocole facultatif.
6.3 Le Comité a estimé que l'auteur et son conseil avaient suffisamment
démontré que les autres allégations contenues dans la communication pouvaient
soulever des questions au titre de l'article 14 du Pacte. Il a donc décidé,
le 6 juillet 1995, que la communication était recevable au titre de l'article
14 du Pacte.
Observations de l'Etat partie quant au fond
7.1 Dans une réponse datée du 18 octobre 1995, L'Etat partie fait part
de ses observations sur le fond des allégations de l'auteur. En ce qui
concerne l'allégation selon laquelle il y aurait violation du paragraphe
3 a) de l'article 14 du Pacte au motif que M. Williams avait été détenu
pendant six semaines avant d'être informé des faits dont il était accusé,
l'Etat partie a promis de faire une enquête. Au 1er mars 1997, toutefois,
l'Etat partie n'avait pas fait savoir au Comité si l'enquête avait ou
non abouti.
7.2 L'Etat partie conteste qu'il y ait eu violation des paragraphes 3
b) et e) de l'article 14 du Pacte au motif que l'auteur n'avait rencontré
son défenseur que le premier jour du procès et que celle-ci n'avait pas
cité un témoin qui aurait pu fournir un alibi. L'Etat partie fait observer
qu'à supposer que le défenseur n'ait rencontré M. Williams que le premier
jour du procès elle aurait pu ou dû demander l'ajournement; rien n'indique
qu'elle l'ait fait. Sa décision de ne pas appeler D. O. à témoigner était
une question d'appréciation de la meilleure façon de présenter la défense,
ce dont l'Etat partie ne pouvait être tenu pour responsable. Dès lors
que l'Etat partie avait fourni à l'accusé les services d'un avocat compétent
et n'avait pas empêché ce dernier, par action ou par omission, d'exercer
ses fonctions, la question de savoir comment l'avocat organisait la défense
ne relevait pas de la responsabilité de l'Etat partie; l'Etat partie n'était
pas plus responsable du comportement d'un défenseur commis au titre de
l'aide judiciaire qu'il ne l'était de celui d'un défenseur privé.
7.3 De l'avis de l'Etat partie, il ne saurait y avoir violation du paragraphe
3 c) de l'article 14 au motif qu'il s'est écoulé deux ans entre l'arrestation
et le jugement. En effet, une procédure d'instruction avait eu lieu pendant
cette période et rien n'indiquait que le temps qui s'était écoulé entre
l'arrestation et le jugement ait porté préjudice aux intérêts de l'auteur.
8. Le défenseur de l'auteur avait la possibilité de faire des commentaires
sur les observations de l'Etat partie. Aucun commentaire n'a été reçu.
Examen quant au fond
9.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la communication en tenant
compte de toutes les informations qui lui avaient été soumises par les
parties, comme prévu au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.
9.2 Le paragraphe 3 a) de l'article 14 dispose que toute personne accusée
d'une infraction pénale a le droit d'être informée "dans le plus
court délai, dans une langue qu'elle comprend et de façon détaillée de
la nature et des motifs de l'accusation portée contre elle". L'auteur
soutient qu'il a été détenu pendant six semaines avant d'être inculpé
du délit pour lequel il a été par la suite condamné. Aux fins du paragraphe
3 a) de l'article 14, des informations détaillées sur les motifs de l'accusation
doivent être données non pas immédiatement, au moment même de l'arrestation,
mais au début de l'enquête préliminaire ou de toute autre procédure orale
qui donne lieu à une inculpation officielle de l'intéressé /
Voir l'Observation générale 13[21] du Comité, en date du 12 avril 1984,
par. 8./. Quoique le dossier n'indique pas la date de l'audience préliminaire,
il ressort des informations dont le Comité a été saisi que M. Williams
a été informé des raisons de son arrestation et de l'accusation portée
contre lui au moment où la procédure orale préliminaire a commencé. En
l'espèce, le Comité n'a pas de raison de conclure que M. Williams n'a
pas été informé dans le plus court délai et conformément aux dispositions
du paragraphe 3 a) de l'article 14 du Pacte des accusations portées contre
lui.
9.3 Le droit de tout accusé de disposer du temps et des facilités nécessaires
à la préparation de sa défense est un élément important de la garantie
d'un jugement équitable et un élément important du principe de l'égalité
des moyens. Lorsqu'un accusé risque la peine de mort, lui et son défenseur
doivent pouvoir disposer de suffisamment de temps pour préparer la défense.
La question de savoir ce que signifie "suffisamment de temps"
doit être appréciée selon les circonstances propres à chaque espèce. L'auteur
soutient aussi qu'il n'a pas pu obtenir la comparution d'un témoin qui
aurait pu fournir un alibi. Le Comité note toutefois qu'il ne ressort
pas des éléments d'information dont il est saisi que le défenseur ou l'auteur
se soit jamais plaint au juge du fond qu'il n'avait pas eu suffisamment
de temps pour préparer la défense. Si le défenseur ou l'auteur avaient
estimé qu'ils n'étaient pas suffisamment préparés, il leur incombait de
demander l'ajournement du procès. De plus, rien n'indique que la décision
du défenseur de ne pas citer D. O. à comparaître comme témoin ne découlait
pas du fait qu'elle n'avait pas jugé opportun de le faire, ni que, s'il
avait été demandé que D. O. soit citée à comparaître, le juge s'y serait
opposé. Dans ces conditions, rien ne permet de conclure qu'il y a eu violation
des paragraphes 3 b) et e) de l'article 14.
9.4 L'auteur s'est plaint qu'il y a eu violation du paragraphe 3 c) de
l'article 14, au motif que le procès avait eu lieu avec un "retard
excessif" et qu'une période de plus de deux ans s'était écoulée entre
l'arrestation et le jugement. L'Etat partie s'est borné, dans ses observations
sur le fond, à affirmer qu'une enquête préliminaire avait été effectuée
pendant la période de détention provisoire et que rien ne prouvait que
ce délai avait été préjudiciable à l'auteur. En rejetant l'allégation
de l'auteur en termes généraux, l'Etat partie ne s'est pas acquitté de
la charge de prouver que les retards intervenus entre l'arrestation et
le procès étaient compatibles avec le paragraphe 3 c) de l'article 14
alors qu'il lui incombait de démontrer que les circonstances particulières
de l'espèce avaient justifié la détention provisoire prolongée. Le Comité
conclut qu'en l'espèce il y a eu violation du paragraphe 3 c) de l'article
14.
10. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe
4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il
est saisi font apparaître une violation du paragraphe 3 c) de l'article
14 du Pacte.
11. Le Comité est d'avis que M. Desmond Williams a droit, conformément
au paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, à un recours approprié, y
compris, en tout état de cause, à la commutation de la peine de mort.
12. Etant donné qu'en adhérant au Protocole facultatif l'Etat partie
a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s'il y avait
eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l'article 2 du Pacte,
il s'est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire
et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer
un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation a été établie, le
Comité souhaite recevoir de l'Etat partie dans un délai de 90 jours des
renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations.
______________
* Ont participé à l'examen de la communication les membres suivants du
Comité : MM. Nisuke Ando, Prafullachandra N. Bhagwati et Thomas Buergenthal,
Mme Christine Chanet, M. Omran El Shafei, Mmes Elizabeth Evatt et Pilar
Gaitan de Pombo, MM. Eckart Klein et David Kretzmer, Mmes Cecilia Medina
Quiroga et Laure Moghaizel, MM. Fausto Pocar, Julio Prado Vallejo, Martin
Scheinin, Danilo Türk et Maxwell Yalden./
[Adopté en anglais (version originale), et traduit en espagnol et en
français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans
le rapport annuel présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]