Cinquante-septième session
8 - 26 juillet 1996
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques
- Cinquante-septième session -
Communication No 566/1993*
Au nom de : L'auteur et sa mère
État partie : Hongrie
Date de la communication : 20 août 1993 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 23 juillet 1996,
Ayant achevé l'examen de la communication No 566/1993, présentée au Comité par M. Ivan Somers, en son nom propre et au nom de sa mère, en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,
Adopte les constatations suivantes au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif.
1. L'auteur de la communication est Ivan Somers, citoyen australien d'origine hongroise résidant actuellement à Edgecliff en Nouvelle-Galles du Sud (Australie). Il présente la plainte en son nom et au nom de sa mère et affirme qu'il y a eu violation par la Hongrie des articles 14, 18, 19, 21, 22, 24 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour la Hongrie le 7 décembre 1988.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 En mars 1951, les parents de l'auteur et sa grand-mère maternelle ont été arrêtés par les services de la sûreté de l'État communiste de Hongrie (AVH). Ils ont été conduits au siège de l'AVH, à Budapest, interrogés pendant quatre semaines et forcés à signer de faux aveux qui, selon l'auteur, avaient été rédigés longtemps à l'avance. Les parents de l'auteur ont ensuite été incarcérés, sans jugement, à la prison de Kistarcsa, sous le prétexte qu'ils n'avaient pas dénoncé la grand-mère de l'auteur, laquelle aurait remis un paquet de vêtements à un officier russe, pour qu'il l'apporte à son fils qui vivait alors à Vienne.
2.2 D'après l'auteur, il n'a appris la véritable raison de l'arrestation qu'en 1992, lorsqu'il a pu obtenir copie d'un rapport établi en 1952 par la section locale de l'AVH dans la ville où ses parents avaient vécu (référence No 23-5354/52), et qui avait été adressé au siège de l'AVH à Budapest.
2.3 Dans ce rapport, les parents de l'auteur étaient accusés d'être des opposants au Parti communiste. Le père de l'auteur était désigné comme un membre influent du Parti social démocrate, que l'on était alors en train de "liquider". Ses parents étaient aussi désignés comme appartenant à la communauté juive locale ayant, selon le rapport, des contacts avec des sionistes. L'auteur indique qu'au début des années 50, une telle accusation suffisait à envoyer quelqu'un en prison sans jugement.
2.4 L'auteur se réfère en particulier au paragraphe 3 du rapport, qui confirme qu'après l'arrestation de ses parents, tous les biens et les avoirs de la famille ont été confisqués par les autorités locales. Ces expropriations sont antérieures à la nationalisation de la propriété privée en Hongrie. Ce qui ferait la différence, c'est que, malgré la nationalisation des terres et des biens sous le régime communiste, de nombreux Hongrois ont été autorisés à garder leur maison. Dans le cas des parents de l'auteur, toutefois, le logement familial situé dans un immeuble de deux étages, dans la ville de Szekesfehervar, qui appartenait au père de M. Somers, a été saisi et immédiatement occupé par le chef de la section locale du Parti communiste.
2.5 La mère et la grand-mère de l'auteur ont été libérées en août 1953, suite à une amnistie proclamée après la mort de Staline. Son père est décédé en prison dans des circonstances qui, aujourd'hui encore, restent en grande partie inexpliquées.
2.6 Depuis 1953, la mère de l'auteur a tenté à maintes reprises de récupérer son ancien logement. Elle a poursuivi ses démarches après avoir émigré en Australie. Les autorités locales de Hongrie ont rejeté sa demande, alors que l'on constate que les biens saisis sous le régime communiste sont peu à peu restitués à leurs anciens propriétaires.
Teneur de la plainte
3.1 En 1991, le Parlement hongrois a été appelé à examiner la question des biens expropriés pendant la période communiste. Lorsqu'il a adopté une nouvelle législation, l'État partie n'a pas, selon l'auteur, établi de distinction entre les cas où l'expropriation résultait de violations des dispositions du Pacte et les autres cas, majoritaires, où elle découlait de la nationalisation de biens privés.
3.2 L'auteur fait valoir qu'en excluant toute restitution des biens et en prévoyant à la place une compensation monétaire n'ayant qu'une valeur nominale (qui représente environ 2 % de la valeur actuelle sur le marché des biens saisis par l'État), la nouvelle législation continue à donner effet à ces expropriations, qu'elles aient été liées ou non, dans le passé, à des violations du Pacte.
3.3 L'auteur déclare que les avoirs de sa famille ont été saisis par l'État partie en violation des articles 14, 18, 19, 21, 22, 24 et 26 du Pacte (c'est-à-dire avant le vaste programme de nationalisation en Hongrie). Il affirme que la seule solution acceptable serait la restitution des biens que l'État hongrois a obtenus par des moyens extralégaux ou illégaux. D'après l'auteur, en ne restituant pas les biens obtenus par ces moyens, le Gouvernement actuel approuve d'une certaine manière les violations du Pacte qui ont été commises pendant la période communiste.
Observations de l'État partie et commentaires de l'auteur
4.1 Dans ses observations en date du 31 mars 1994, présentées au Comité en application de l'article 91 du règlement intérieur, l'État partie avance que, comme les événements sur lesquels porte la plainte se sont produits avant la date de l'entrée en vigueur du Protocole facultatif pour la Hongrie, la communication doit être jugée irrecevable ratione temporis. À cet égard, l'État partie se réfère à la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 et en particulier à son article 28 qui établit le principe de la non-rétroactivité des traités.
4.2 L'État partie souligne qu'il a toujours exprimé "sa plus profonde sympathie pour les victimes de violations des droits de l'homme commises sous le régime précédent... Il a toujours eu à coeur de leur apporter un appui moral et, conformément aux lois applicables, de leur accorder une compensation financière".
5.1 Dans ses commentaires, M. Somers réaffirme que ses parents ont été arrêtés et persécutés à cause de leurs origines sociales et de leurs opinions politiques. Il fournit un certificat daté du 6 juillet 1993, émanant du Service hongrois d'indemnisation et de compensation, dans lequel l'État partie reconnaît que sa mère a été emprisonnée injustement, et une lettre en date du 7 juillet 1993 émanant du même service, dans laquelle les autorités reconnaissent que le décès de son père était dû à des actes illégaux commis par des fonctionnaires.
5.2 Pour l'auteur, le fait que la confiscation du logement et des avoirs de sa famille ait eu lieu avant l'adoption du décret-loi No 4 de 1952 portant nationalisation de la propriété privée démontre le caractère politique de l'expropriation. Il ajoute que par la loi No 1027 de 1963, le Gouvernement hongrois de l'époque a permis à un certain nombre d'anciens propriétaires de biens immobiliers de demander l'annulation de l'ordre d'expropriation, et d'avoir la possibilité de se voir restituer leurs biens. Toutefois, en ce qui concerne la demande déposée par la mère de l'auteur, les autorités ont répondu que l'intéressée ne relevait pas de la loi No 1027 et qu'ayant été antérieurement détenue, son ancienne maison à Szekesfehervar ne pouvait lui être restituée.
5.3 En 1991, la Cour constitutionnelle de Hongrie (Alkotmánybiroság) a annulé le décret-loi No 4 de 1952 pour inconstitutionnalité. L'auteur constate cependant que la décision n'a eu manifestement aucun effet sur les expropriations effectuées conformément au décret.
5.4 S'agissant de l'argument ratione temporis invoqué par l'État partie, l'auteur réaffirme que son affaire concerne une mesure prise par l'État partie après la ratification du Pacte et du Protocole facultatif. Il note que, contrairement à la législation adoptée dans l'ancienne Tchécoslovaquie et en Allemagne, où les propriétaires légitimes de biens qui avaient été saisis par l'État peuvent en demander la restitution, la législation hongroise promulguée en 1991 (loi No XXV de 1991) et en 1992 (loi No XXVI) reconnaît simplement aux propriétaires le droit de recevoir une compensation symbolique et exclut toute restitution, sauf pour les biens appartenant à des communautés religieuses. C'est à ce titre que, selon l'auteur, la législation entérine le fait que l'État partie continue à posséder les biens confisqués pendant la période communiste.
5.5 M. Somers fait valoir qu'en tant que victimes de persécutions politiques sous l'ancien régime, lui-même et sa mère sont particulièrement désavantagés par la loi et la pratique actuelles concernant la privatisation de biens (de l'État). Il explique qu'en Hongrie les locataires ont la possibilité d'acheter le logement qu'ils occupent aux autorités locales et bénéficient à cet égard d'un droit de priorité.
5.6 L'auteur fait valoir qu'en restreignant le droit à réparation des anciens propriétaires, notamment de ceux qui ont été dépossédés en raison de persécutions politiques, la loi de 1991 a permis au Gouvernement hongrois de tirer des bénéfices substantiels de la vente, aux prix du marché d'aujourd'hui, de biens saisis sous le régime communiste. En outre, les propriétaires ne peuvent même pas réclamer le produit de la vente de leurs biens par l'État. L'auteur joint à ses commentaires une lettre datée du 21 juin 1994 émanant d'un organisme public, pour le compte du conseil municipal de Szekesfehervar, qui indique que bien que le Comité des droits de l'homme soit saisi de l'affaire, ledit organisme procédera à la vente du logement de la famille de l'auteur.
5.7 L'auteur souligne en outre que la loi de 1991 ne fait pas de distinction entre la nationalisation de la propriété privée en application de la loi et la confiscation des biens d'anciens prisonniers politiques, comme ses parents. Il constate que la loi de 1991 oblige l'État à verser un dédommagement sous forme de coupons dont la valeur est calculée en fonction d'un prix (fixé arbitrairement) du mètre carré de l'immeuble. En application de la loi, il a reçu des coupons d'une valeur nominale de 333 000 forint pour le règlement de l'ancien logement de ses parents, ce qui représente environ 3 330 dollars des États-Unis. L'auteur ajoute que ces coupons, qui se négociaient sur le marché boursier hongrois à seulement 42 % de leur valeur nominale (soit l'équivalent de 1 400 dollars des États-Unis), ont maintenant perdu toute valeur car ils ont cessé d'être cotés faute de demande.
5.8 D'après l'auteur, le caractère discriminatoire de la loi est aussi démontré par le fait que les occupants actuels de logements qui bénéficient d'un droit de préemption peuvent obtenir que la valeur nominale totale des coupons émis conformément aux lois de 1991 et 1992 sur l'indemnisation partielle soit déduite du prix d'achat de leur logement. L'auteur conclut donc qu'au regard de la loi actuelle, il est dans une situation bien plus mauvaise que celui qui, tout en ayant été privé de son droit de propriété par le décret-loi de 1952, a pu continuer à occuper son logement comme locataire.
5.9 Aux yeux de l'auteur, la possibilité pour l'État de tirer aujourd'hui un profit de la vente des biens de sa famille est "totalement incompatible avec son statut actuel d'État partie au Pacte et au Protocole". Il demande au Comité de chercher à obtenir des autorités hongroises la restitution de son bien ou, à défaut, le produit total de sa vente.
Décision du Comité concernant la recevabilité
6.1 À sa cinquante-troisième session, le Comité a examiné la question de la recevabilité de la communication. Il a pris note de la plainte de l'auteur concernant la confiscation des biens de sa famille en 1951 et a constaté qu'indépendamment du fait que ces événements s'étaient produits avant l'entrée en vigueur du Protocole facultatif pour la Hongrie, le droit à la propriété n'était pas garanti par le Pacte. L'allégation de violation du droit de l'auteur et de sa mère à la propriété est donc, en elle-même, irrecevable ratione materiae, au titre de l'article 3 du Protocole facultatif.
6.2 En ce qui concerne les griefs de l'auteur au titre des articles 14, 18, 19, 21, 22 et 24 du Pacte, le Comité a noté que l'auteur n'avait pas démontré, aux fins de la recevabilité de la communication, en quoi des mesures prises par l'État partie avant l'entrée en vigueur du Protocole facultatif pour la Hongrie avaient continué à produire des effets qui, en eux-mêmes, constitueraient une violation de l'un quelconque des droits consacrés dans ces articles après l'entrée en vigueur du Protocole. Les allégations étaient par conséquent irrecevables ratione temporis.
6.3 Quant à la plainte de l'auteur qui affirme que la législation relative à l'indemnisation des victimes d'expropriation pendant la période communiste, adoptée en 1991 et 1992 (soit après l'entrée en vigueur du Protocole facultatif pour la Hongrie), était discriminatoire, en ce sens qu'elle les plaçait, sa mère et lui, en tant que victimes de persécutions politiques pendant la période communiste, dans une position nettement moins favorable que ceux qui avaient été expropriés en application du décret-loi No 4 de 1952, le Comité a noté que l'État partie n'avait pas abordé cet aspect de la question et s'était contenté d'objecter que toutes les allégations de l'auteur étaient irrecevables ratione temporis. Il a rappelé que les obligations que l'État partie avait souscrites en vertu du Pacte le liaient à compter de la date où celui-ci entrait en vigueur à son égard. Il se posait cependant une autre question, celle de savoir à partir de quelle date le Comité avait compétence pour examiner, en vertu du Protocole facultatif, des plaintes concernant des violations du Pacte. Dans sa jurisprudence en application du Protocole facultatif, le Comité a estimé qu'il ne pouvait connaître de violations des dispositions du Pacte qui se seraient produites avant l'entrée en vigueur du Protocole pour l'État partie, à moins que lesdites violations ne persistent après l'entrée en vigueur du Protocole. Une violation persistante s'entendait de la prolongation, par des actes ou de manière implicite, de violations commises antérieurement par l'État partie.
6.4 En l'espèce, il était exact que M. Somers et sa mère n'étaient pas visés par la législation de 1991-1992 de l'État partie concernant l'indemnisation des victimes d'expropriations pendant la période communiste. Le Comité a noté que c'était précisément cette question qui était à la base de leur allégation de violation de l'article 26 : ils estimaient que l'omission d'un groupe d'individus clairement identifiable — c'est-à-dire ceux qui, antérieurement au décret-loi de 1952, avaient fait l'objet d'une discrimination en raison de leurs opinions politiques ou de leur origine sociale — du champ d'application de cette législation constituait une discrimination en violation de l'article 26, et que leur cas aurait dû être prévu dans les dispositions législatives pertinentes. Le Comité a conclu que cette question reposait sur des actes de l'État partie survenus après l'entrée en vigueur du Protocole facultatif pour la Hongrie et a estimé qu'elle devait être examinée au regard de l'article 26 du Pacte.
6.5 Le 15 mars 1995, le Comité a de ce fait déclaré la communication recevable dans la mesure où elle paraissait soulever des questions relevant de l'article 26 du Pacte.
Observations de l'État partie quant au fond et commentaires de l'auteur
7.1 Dans ses observations présentées au titre du paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif, datées du 31 janvier 1996, l'État partie rappelle que le Parlement a adopté jusqu'ici trois lois (la loi XXV de 1991 et les lois XXVI et XXVII de 1992) pour indemniser les personnes qui avaient été expropriées sous l'ancien régime communiste. Sur ces trois lois, seule la loi XXV est intéressante en l'espèce. Elle prévoit effectivement au paragraphe 2 de son article premier que les personnes dont les biens ont été saisis suite à l'application de dispositions prises après le 8 juin 1949 ont droit à une indemnisation. Cette indemnisation est partielle et son montant total doit être calculé à partir d'un barème donné au paragraphe 2 de l'article 4 de la loi. Pour ce qui est des modalités d'indemnisation, le paragraphe 1 de l'article 5 prévoit l'émission de coupons équivalant au montant total de l'indemnisation. En vertu du paragraphe 2, ces coupons sont des titres au porteur, transférables, dont la valeur nominale représente la somme totale de la dette encourue par l'État. Selon le paragraphe 1 de l'article 7, l'État doit veiller à ce que les porteurs de tels coupons puissent les utiliser dans les conditions énoncées dans la loi a) pour acheter des biens immobiliers et autres, vendus dans le cadre de la privatisation de biens de l'État, ou b) pour acquérir des terres agricoles.
7.2 Pour ce qui est de la législation portant privatisation, l'État partie indique qu'en ce qui concerne le cas de l'auteur, c'est la loi LXXVIII de 1993 sur la privatisation des immeubles d'habitation qui s'applique. L'article 45 de cette loi confère aux locataires d'appartements appartenant à l'État ou aux collectivités locales le droit d'acheter le logement qu'ils occupent. L'État partie souligne que le droit d'acheter un appartement est reconnu aux locataires, qu'ils aient été ou non dans le passé victimes de la violation du droit à la propriété ou d'autres droits. Pour exercer le droit d'acheter l'appartement qu'il occupe, le locataire n'a pas non plus à répondre à un quelconque autre critère de statut, lieu de résidence ou nationalité par exemple; peu importe que le locataire ait été ou non propriétaire du logement qu'il occupe actuellement avant la nationalisation générale du parc immobilier dans les années 40 et 50. L'intéressé doit répondre à une seule condition pour pouvoir acheter le bien en question : en être actuellement le locataire.
7.3 Pour ce qui est de la plainte formulée au titre de l'article 26 du Pacte, l'État partie rejette l'affirmation de l'auteur selon laquelle, en tant que victimes de persécutions politiques sous l'ancien régime politique, sa mère et lui-même se trouvent particulièrement désavantagés, puisque, contrairement aux locataires qui occupent actuellement un logement et jouissent de la possibilité de l'acheter à l'État à un prix intéressant, ils en sont empêchés. L'État partie relève que la raison pour laquelle l'auteur et sa mère ne peuvent recouvrer leur ancien appartement est d'ordre factuel et non juridique, puisqu'ils ne sont pas locataires d'un bien appartenant à l'État ou à une collectivité locale. De l'avis de l'État partie, la différence de traitement de deux groupes de personnes distincts — locataires et non-locataires — opérée par la loi, différence qui repose sur des critères objectifs, est raisonnable en ce sens que les locataires ont, selon la pratique du système locatif hongrois, toujours contribué financièrement à l'entretien de leur appartement ou y ont investi de l'argent pour en accroître le confort. La différence de traitement ne saurait donc être considérée comme constitutive d'une discrimination qui tomberait sous le coup du Pacte.
7.4 Pour ce qui est de la plainte de l'auteur selon laquelle, dans les lois de 1991 et 1992 portant indemnisation des personnes dont le droit à la propriété a été violé dans le passé, la Hongrie n'a pas fait la distinction entre les cas où l'expropriation résultait de violations des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et les cas, majoritaires, où elle découlait de la nationalisation de biens privés, l'État partie fait observer qu'à l'époque des faits, c'est-à-dire au début des années 50, en Hongrie, on ne faisait pas de distinction claire entre la confiscation ou la nationalisation pour motifs politiques ou pour d'autres motifs : à l'époque, la nationalisation prévue par la loi et la confiscation prononcée par les tribunaux ou sur décision administrative servaient un objectif politique, à savoir déposséder les personnes fortunées et toutes celles considérées comme des opposants au régime. Aussi, de l'avis de l'État partie, le point de départ de l'auteur est-il incorrect. Dans ces conditions, il note que le transfert de l'appartement des parents de l'auteur au domaine de l'État était, contrairement à ce que prétendait M. Somers, précisément fondé sur le décret-loi No 4 de 1952, intitulé "Sur le transfert de certains immeubles au domaine de l'État". L'extrait du registre foncier et la décision No 21-1122543-0015598 concernant l'indemnisation de l'auteur montrent que le père de M. Somers a été dépossédé sur la base du décret-loi 4.
7.5 L'État partie fait valoir qu'il ressort clairement du libellé de l'article premier de ce décret-loi que ce texte s'expliquait par l'intention de déposséder les propriétaires de biens immobiliers pour des raisons politiques. Comme M. Somers a été indemnisé pour avoir été privé de la propriété de son père en application du décret-loi No 4, l'État partie déclare que l'on ne peut prétendre que l'auteur a subi un préjudice attendu que la législation sur l'indemnisation ne prenait pas en considération le fait que son père avait été dépossédé de ses biens du fait de persécutions politiques. La plainte est donc sans fondement.
7.6 L'État partie admet que la valeur des coupons que l'auteur a reçus à titre d'indemnisation était effectivement inférieure à la valeur de l'appartement de son père. Mais il ajoute que la législation hongroise sur l'indemnisation ne prévoit qu'une indemnisation partielle des préjudices subis dans le passé, attendu qu'il ne saurait indemniser intégralement les requérants compte tenu du "nombre considérable de réclamations et de la situation économique difficile dans laquelle se trouve le pays". En tout état de cause, les exceptions qui seraient faites à cette règle ne s'appliquent pas au cas de l'auteur. L'indemnisation est calculée sur la base de critères objectifs : conformément à l'article 4 de la loi XXV de 1991, les mêmes critères sont appliqués à tous les requérants. Qui plus est, toutes les décisions d'indemnisation peuvent faire l'objet de recours si le requérant estime que la loi n'a pas été correctement appliquée dans son cas. L'État partie note que selon les informations dont il dispose, l'auteur n'a pas engagé de recours contre la décision d'indemnisation.
7.7 Se référant à l'allégation selon laquelle la législation hongroise relative à l'indemnisation est discriminatoire parce que les personnes qui sont autorisées à acheter le logement qu'elles occupent peuvent déduire du prix d'achat la valeur nominale totale de leurs coupons, tandis que l'auteur, qui n'est pas locataire, n'est pas en mesure de le faire, l'État partie note que si cette possibilité est bien prévue au paragraphe 1 de l'article 7 de la loi XXV de 1991, il ne s'agit en rien d'un traitement discriminatoire interdit. De l'avis de l'État partie, l'auteur compare simplement deux groupes de personnes sans en fait tenir compte de la différence non négligeable qui existe entre elles, à savoir que les unes sont locataires de leur appartement dont elles peuvent déduire leurs coupons du prix d'achat et les autres n'occupent ni ne louent un appartement appartenant à l'État ou à une collectivité locale. Pour l'État partie, "le fait de ne pas tenir compte de cette différence se traduit par une comparaison arbitraire de deux situations au titre de l'article 26 du Pacte". Or il ne se poserait un problème au titre de cet article que si le droit hongrois traitait différemment les occupants ou les locataires de logements appartenant à l'État, en permettant à certains de déduire leurs coupons du prix d'achat de leur logement tout en refusant cette possibilité à d'autres. Comme telle n'est pas la situation de l'auteur, l'État partie conclut qu'il ne fait pas l'objet de discrimination, attendu qu'il n'est pas locataire d'un bien immobilier appelé à être vendu dans le cadre de la loi sur la privatisation.
7.8 En conclusion et se référant à l'observation générale 18 [37] du Comité sur l'article 26 Il est dit dans cette Observation générale que toute différenciation ne constitue pas une discrimination, si elle est fondée sur des critères raisonnables et objectifs et si le but visé est légitime au regard du Pacte. Voir Documents officiels de l'Assemblée générale, Supplément No 40 (A/45/40), vol. I, annexe VI.A, par. 13., l'État partie fait valoir que les lois hongroises sur l'indemnisation des dommages passés et sur la privatisation des immeubles d'habitation, tout comme leur application au cas de l'auteur, respectent les dispositions de l'article 26 du Pacte.
8.1 Dans ses commentaires, l'auteur relève que l'État partie lui-même admet que la confiscation d'immeubles d'habitation sous l'ancien régime violait le Pacte, puisque la loi sur la nationalisation et les ordonnances de confiscation visaient à déposséder les personnes fortunées et les opposants au régime (voir par. 7.4 ci-dessus). Tel étant le cas, l'État partie aurait dû prévoir un "recours utile" pour les victimes de ce type de violations. L'auteur renvoie aux constatations que le Comité a adoptées au sujet de la communication 516/1992 Ibid., cinquantième session, Supplément No 40 (A/50/40), vol. II, annexe X.K, communication No 516/1992 (Simunek et consorts c. République tchèque), constatations adoptées le 19 juillet 1995., dans lesquelles ce dernier estimait qu'en cas de confiscation illégale de biens, le recours utile "peut prendre la forme d'une indemnisation si les biens en question ne peuvent pas être restitués". Il rappelle qu'il indiquait notamment dans sa communication que la Hongrie (contrairement à l'Allemagne, à la République tchèque et à la Slovaquie) n'avait pas restitué à leurs propriétaires les biens qui leur avaient été confisqués pendant l'époque communiste. L'État partie n'a donné aucune explication sur les raisons pour lesquelles il n'avait pas restitué ces biens à leurs légitimes propriétaires : M. Somers fait observer que l'État partie pourrait encore s'il le voulait lui restituer l'appartement de son père, pour autant que les locataires actuels soient protégés, puisque ce bien existe et que le fait que son père en était le propriétaire n'est pas en litige.
8.2 Quant au montant de l'indemnisation accordée par l'État partie, l'auteur rappelle que la somme payable pour les pertes hypothétiques supérieures à 200 000 forint hongrois (soit environ 2 000 dollars) diminue progressivement avec le jeu du barème d'indemnisation donné au paragraphe 2 de l'article 4 de la loi XXV de 1991. L'indemnité diminue de 10 % pour toute tranche de la perte supérieure à 500 000 forint. Dans le cas de l'auteur, ce "barème d'indemnisation" reflète le même préjugé idéologique que le décret-loi 4 de 1952, c'est-à-dire qu'il vise à déposséder les personnes fortunées et les autres considérées comme des opposants au régime. L'effet négatif qui en résulte pour quelqu'un qui se trouve dans la situation de M. Somers, fait-il observer, est aggravé par le fait qu'il n'est pas prévu d'indemnisation pour l'élément foncier du bien immobilier, la perte de revenu constitué par le loyer ou la confiscation du mobilier. Le fait que cette indemnisation est versée sous forme de coupons et non en espèces et que seuls les "locataires actuels" des biens immobiliers appartenant à l'État peuvent utiliser leurs coupons pour acheter des biens, contrairement aux anciens propriétaires des biens qui en ont été délogés en violation de leurs droits, soulignerait encore plus le caractère discriminatoire de la loi sur l'indemnisation.
8.3 M. Somers conteste l'argument avancé par l'État partie pour justifier le fait que la valeur nominale des coupons qui lui ont été donnés est inférieure à la valeur des biens qui appartenaient à son père défunt, à savoir "la situation économique difficile dans laquelle se trouve le pays". Il fait observer que la situation économique de la Hongrie n'est pas pire que celle de la République tchèque ou de la Slovaquie, lesquelles ont restitué leurs biens à leurs propriétaires légitimes : l'obligation de l'État partie de prévoir une juste indemnisation découle de son refus de restituer les biens qu'il a confisqués. Sa situation économique actuelle n'est pas à prendre en considération car le revenu qu'il a tiré des biens en question depuis 1952, c'est-à-dire le produit net des loyers pendant plus de 40 ans et celui de la vente des biens dans le cadre de la privatisation, lui permet d'indemniser correctement les intéressés. M. Somers déplore que l'État partie n'ait pas répondu à cet aspect de sa plainte.
8.4 L'auteur qualifie de trompeuse l'affirmation de l'État partie selon laquelle il n'a pas fait recours contre la décision d'indemnisation, car la loi de 1991 (loi XXV) ne prévoit aucune voie de recours contre les critères utilisés pour calculer le montant de l'indemnisation due à l'auteur.
8.5 M. Somers fait valoir que l'État partie "pour plus de commodité, ne fait aucun cas" de ce que, en tant que victimes de persécutions politiques sous le régime communiste, sa mère et lui-même se trouvent en outre désavantagés — de façon discriminatoire — en vertu de la législation de 1991 et 1993. Ainsi, la loi XXV de 1991 ne prévoit aucun recours ni indemnisation pour la violation que représente le fait même pour sa mère et lui-même d'avoir été délogés de leur appartement. Qui plus est, l'article 45 de la loi LXXVIII de 1993 maintient en vigueur cette mesure en réservant aux "locataires actuels" la possibilité de participer à la privatisation de tous les immeubles d'habitation appartenant à l'État. L'effet discriminatoire de l'article 45 serait renforcé par le paragraphe 1 de l'article 7 de la loi XXV de 1991 qui confère aux "locataires actuels" d'immeubles d'habitation le droit exclusif d'utiliser les coupons d'indemnisation prévus dans la loi de 1991 pour acheter les biens en question aux autorités locales.
8.6 L'auteur rejette en la qualifiant d'absurde l'affirmation de l'État partie selon laquelle il est à la fois juste et raisonnable que les locataires actuels participent à titre prioritaire à la privatisation d'immeubles d'habitation parce qu'ils ont contribué à l'entretien et à l'amélioration de leur logement pendant la durée du bail. Selon l'auteur, cela revient en fait pour l'État partie à confirmer les violations qui continuent de porter préjudice à sa mère et à lui-même en raison de persécutions politiques pendant la période communiste, attendu que l'unique raison pour laquelle ils ne sont ni locataires ni occupants de leur appartement tient à ce qu'ils en ont été délogés en 1951 et à toute la série de violations de leurs droits qui a fini par les contraindre à quitter la Hongrie. L'auteur rappelle aussi que le droit que possédait son père défunt sur l'appartement ne reposait pas sur un bail; par conséquent, il est tout à fait déraisonnable d'exiger comme condition préalable à remplir pour participer à la privatisation de l'appartement que l'intéressé en soit le locataire.
8.7 S'agissant de ce dernier argument, l'auteur explique qu'il existe deux types de biens à usage d'habitation en Hongrie : les biens en pleine propriété libres de droits réels et les biens sur lesquels pèsent des charges, à savoir les droits des locataires actuels. Dans la pratique, en vertu de la loi LXXVIII de 1993, les locataires actuels de biens appartenant à l'État peuvent acheter leur appartement/logement auprès des collectivités locales pour moins de la moitié de la valeur actuelle des biens en pleine propriété libres de droits réels. Comme l'article 45 de la loi LXXVIII de 1993 empêche l'auteur de participer à la privatisation d'immeubles d'habitation, il devrait, pour acheter un appartement comparable à celui que sa famille et lui-même occupaient en 1951, payer la valeur de l'appartement considéré en pleine propriété, libre de droits réels, soit environ le double de la somme payée pour les biens en question par les locataires actuels. Ce serait là un élément de discrimination supplémentaire que comporterait la législation de l'État partie.
8.8 L'auteur résume les éléments discriminatoires et les désavantages auxquels sa mère et lui-même se heurtent au titre des lois de 1991 et 1993 comme suit :
a) Absence de tout recours pour contester le fait qu'ils ont été illégalement privés du droit d'occuper leur appartement, c'est-à-dire contraints de quitter leur logement;
b) Absence de tout recours contre la confiscation de leur mobilier;
c) Interdiction, en vertu de l'article 45 de la loi LXXVIII de 1993, de participer à la privatisation d'immeubles d'habitation;
d) Interdiction, en vertu du paragraphe 1 de l'article 7 de la loi XXV de 1991, d'utiliser les coupons d'indemnisation qu'ils ont reçus à titre d'indemnisation nominale pour l'expropriation de l'appartement du père de l'auteur pour acheter un bien à usage d'habitation;
e) Qui plus est, en raison des interdictions visées aux alinéas c) et d) ci-dessus, les auteurs ont été contraints de vendre leurs coupons d'indemnisation sur le marché boursier hongrois où ils se sont négociés pour moins de la moitié de leur valeur nominale.
L'auteur suggère que pour remédier à la discrimination inhérente à l'interdiction qui lui est faite par la loi de 1993 de participer à la privatisation de leur ancien appartement, l'État partie leur accorde (au moins) le produit de la vente de leur ancien appartement dans son intégralité.
Examen quant au fond
9.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la communication en tenant compte de toutes les informations que les parties lui avaient communiquées conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.
9.2 Le Comité a déclaré la présente communication recevable uniquement dans la mesure où elle pouvait soulever des questions au titre de l'article 26 du Pacte. Comme le Comité l'a expliqué dans sa décision de recevabilité, le droit à la propriété en tant que tel n'est pas protégé par le Pacte. Cependant, la confiscation d'un bien ou l'absence d'indemnisation pour sa perte par un État partie au Pacte pourrait encore entraîner une violation du Pacte si l'action ou l'omission en question était fondée sur des motifs discriminatoires interdits par l'article 26.
9.3 La principale question dont le Comité est saisi est de savoir si l'application de la loi XXV de 1991 et de la loi LXXVIII de 1993 à l'auteur et à sa mère s'est traduite par une violation de leur droit à l'égalité devant la loi et à l'égale protection de la loi. L'auteur affirme que ces lois, dans leur effet, entérinent la confiscation discriminatoire de l'appartement de son père opérée antérieurement. Le Comité fait observer que ce n'est pas la confiscation proprement dite qui est en cause ici, mais plutôt l'effet discriminatoire que pourrait avoir la loi relative à l'indemnisation pour l'auteur et sa mère.
9.4 Le Comité doit déterminer d'abord si l'application de la législation relative à l'indemnisation — la loi XXV de 1991 — au cas de l'auteur, était discriminatoire. Comme il l'a noté au paragraphe précédent, la seule question qui se pose est de savoir si l'octroi d'une indemnisation partielle pour la perte des biens de l'auteur, en vertu de la loi XXV de 1991, est contraire à l'article 26 du Pacte. Le Comité relève que la loi XXV énonce des critères d'indemnisation objectifs qui sont appliqués équitablement et sans distinction aux individus qui se trouvent dans la situation de l'auteur.
9.5 Quant à savoir si les critères d'indemnisation et les barèmes de calcul prévus dans la loi XXV sont raisonnables, le Comité a pris note de l'argument invoqué par l'auteur selon lequel la valeur des titres au porteur émis sous forme de coupons qu'il a reçus à titre d'indemnisation diffère de fait selon que le porteur est locataire ou non d'un appartement situé dans un immeuble d'habitation appartenant à l'État, puisque seul le premier peut utiliser les coupons dans les conditions prévues au paragraphe 1 de l'article 7 de la loi (par exemple en en déduisant intégralement la valeur du prix d'achat du bien considéré). Sur la base des informations dont il dispose, le Comité ne peut interpréter ainsi l'article 7 de la loi XXV.
9.6 Le fait que le Pacte ne protège pas le droit à la propriété a pour corollaire qu'il n'existe pas de droit, en tant que tel, à la restitution de biens (expropriés ou nationalisés). Si un État partie au Pacte prévoit une indemnisation pour nationalisation ou expropriation de biens dans des conditions d'égalité, il n'exerce pas de discrimination à l'égard de ceux dont les biens ont été expropriés ou nationalisés. Le Comité est d'avis que l'article 7 de la loi XXV de 1991 prévoit une indemnisation dans des conditions d'égalité. D'après l'article 7.1, les particuliers qui ont été indemnisés sous forme de coupons mais qui ne sont pas locataires d'un logement peuvent déduire la valeur nominale totale de leurs coupons du prix d'achat de tout bien, toutes actions ou participations vendus dans le cadre de la privatisation de biens qui appartenaient autrefois à l'État. Cela signifie que si l'auteur voulait acheter un logement qui appartenait autrefois à l'État, il pourrait déduire du prix d'achat la valeur nominale totale des coupons qu'il a reçus. De même, s'il décidait d'investir dans d'autres biens, par exemple de prendre une participation dans des entreprises qui appartenaient autrefois à l'État, il pourrait également déduire la valeur nominale totale des coupons. C'est uniquement s'il voulait céder ses coupons sur le marché libre parce qu'il ne veut pas acheter d'autre bien que son ancien appartement qu'il obtiendrait moins que la valeur nominale desdits coupons.
9.7 À la lumière des considérations formulées aux paragraphes 9.5 et 9.6 ci-dessus, le Comité estime que les critères d'indemnisation fixés dans la loi XXV sont à la fois objectifs et raisonnables.
9.8 Le Comité s'est demandé en outre si l'article 9 de la loi XXV de 1991 et la législation de 1993 sur la privatisation (loi LXXVIII) étaient compatibles avec les prescriptions de l'article 26 du Pacte. Selon l'article 9 de la loi XXV, si le locataire n'exerce pas lui-même son "droit de préemption" pour acheter le logement qu'il occupe, l'ancien propriétaire dudit logement a le droit de le faire et, dans ces conditions, peut déduire du prix d'achat la valeur totale des coupons qu'il a reçus. Comme dans le cas de la loi XXV, les critères de privatisation des biens qui appartenaient autrefois à l'État énoncés dans la loi LXXVIII de 1993 sont objectifs. L'État partie a justifié la règle (exclusive) selon laquelle les locataires actuels de logements qui appartenaient autrefois à l'État ont un "droit de préemption" même par rapport à l'ancien propriétaire du logement visé, en faisant valoir que les locataires contribuent à l'entretien du logement en lui apportant des améliorations. Le Comité ne pense pas que le fait d'accorder aux locataires actuels de logements appartenant autrefois à l'État un droit de priorité pour acheter de tels biens dans le cadre de la privatisation soit en soi déraisonnable; les intérêts des "locataires actuels" qui occupent peut-être ce logement depuis des années méritent d'être protégés. Si les anciens propriétaires sont, en outre, indemnisés dans des conditions d'égalité et non discriminatoires (par. 9.6), la loi XXV de 1991 et la loi LXXVIII de 1993 considérées ensemble peuvent être réputées compatibles avec l'article 26 du Pacte; en ce qui concerne l'application à l'auteur de la législation relative à la privatisation, le Comité ne dispose pas d'éléments suffisants pour conclure que les critères ont été appliqués d'une façon discriminatoire.
10. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d'avis que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître de violation de l'article 26 ou de toute autre disposition du Pacte.
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* Conformément à l'article 85 du règlement intérieur, M. Thomás Bán n'a pas pris part à l'examen de la communication.
[Texte adopté en anglais, espagnol et français. Version originale : anglais.]