Comité des droits de l'homme
Cinquante-cinquième session
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Cinquante-cinquième session -
Communication No 573/1994
Présentée par : Harry Atkinson, John Stroud et Roger Cyr [représentés
par un conseil]
Au nom de : Les auteurs et les anciens combattants de Hong Kong
Etat partie : Canada
Date de la communication : 30 mai 1993 (communication initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 31 octobre 1995,
Adopte la décision ci-après concernant la recevabilité :
1. Les auteurs, Harry Atkinson, John Stroud et Roger Cyr, citoyens canadiens,
présentent la communication en leur nom et au nom des anciens combattants
de Hong Kong. Ils se déclarent victimes d'une violation par le Canada
de l'alinéa a) du paragraphe 3 de l'article 2 et de l'article 26 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques. Ils sont représentés
par un conseil.
Rappel des faits présentés par les auteurs :
2.1 Les auteurs appartenaient à deux bataillons envoyés à Hong Kong,
fin 1941, par le Gouvernement canadien qui craignait une invasion imminente
des Japonais. La garnison de Hong Kong a été contrainte de se rendre aux
forces impériales japonaises le 25 décembre 1941. Les membres survivants
des forces canadiennes à Hong Kong ont été internés dans des camps tenus
par les Japonais au Japon et dans des territoires administrés. Ils ont
été libérés en septembre 1945, après la capitulation du Japon devant les
forces alliées.
2.2 Les auteurs expliquent que les conditions de vie dans les camps japonais
étaient inhumaines. Des sévices et des tortures étaient infligés régulièrement.
Les prisonniers étaient obligés d'effectuer de longues marches dans des
conditions très dures et bon nombre de ceux qui tombaient étaient abattus
par les gardes. Ils étaient forcés de travailler comme des esclaves dans
la chaleur tropicale, sans aucune protection contre le soleil. Comme il
n'y avait pas d'abri, ni de nourriture et de médicaments, ils tombaient
malades et beaucoup mouraient. Les auteurs citent à ce propos un jugement
rendu en novembre 1948 par le Tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient,
qui traite des atrocités commises dans les camps; le tribunal a conclu
que les forces japonaises avaient pour pratique, voire pour politique,
de soumettre les prisonniers de guerre à des mauvais traitements graves
et à la torture et de procéder à des exécutions arbitraires, en violation
flagrante des lois de la guerre et du droit humanitaire /
Voir p. 395 à 448 du jugement./.
2.3 En raison des traitements barbares subis dans les camps, les prisonniers
libérés étaient en mauvaise santé et souffraient de malnutrition grave,
d'avitaminoses telles que le béribéri et la pellagre, du paludisme et
autres maladies tropicales, de la tuberculose, de lésions tropicales et
des séquelles de mauvais traitements. Les auteurs indiquent que les vétérans
de Hong Kong conservent des infirmités et des incapacités importantes,
conséquences directes des traitements subis.
2.4 Le Traité de paix de 1952 entre le Japon et les forces alliées n'a
pas prévu d'indemnisation adéquate pour les travaux forcés que les vétérans
de Hong Kong avaient dû accomplir et pour les brutalités dont ils avaient
fait l'objet. L'article 14 du Traité de paix autorisait le Canada à saisir
les biens japonais au Canada. La valeur totale des biens saisis a représenté
un peu plus de 3 millions de dollars, qui ont servi à constituer le fonds
d'indemnisation des victimes des crimes de guerre; les vétérans de Hong
Kong devaient recevoir une indemnité de 1 dollar, qui a ensuite été portée
à 1,50 dollar, par journée d'emprisonnement. Aucune autre source de fonds
n'a été prévue pour assurer une réparation aux vétérans et le Gouvernement
canadien, estimant qu'il avait renoncé à toutes prétentions à l'égard
du Japon en signant le Traité de paix, n'avait rien tenté pour obtenir
des fonds.
2.5 Les auteurs font valoir que les indemnités perçues ne sauraient en
aucune manière être considérées comme une indemnisation suffisante et
acceptable. Ils estiment qu'une indemnité de 18 dollars par jour (soit
environ 23 940 dollars par personne au total) pourrait représenter un
dédommagement suffisant pour les souffrances qu'ils ont endurées.
2.6 Les auteurs citent un ouvrage de Carl Vincent intitulé "No Reason
Why" ("Il n'y a pas de raison"), qui montre qu'eux-mêmes
et tous les autres membres du bataillon ont été envoyés à Hong Kong pour
des raisons purement politiques alors que chacun savait que la garnison
de Hong Kong ne pouvait pas résister à une attaque des troupes japonaises
et qu'il n'y avait aucun espoir d'évacuer les défenseurs de Hong Kong.
Ils soutiennent donc que le Gouvernement canadien était, dès le début,
responsable de leur situation et que le mépris pour leur sécurité dont
il a fait preuve est aggravé par le fait qu'il n'ait pas, par la suite,
défendu leurs intérêts en se prévalant du droit international lorsque
le Traité de paix avec le Japon est entré en vigueur, et qu'il ne leur
ait pas accordé une assistance financière ni un dédommagement appropriés.
2.7 Les auteurs font observer que le Gouvernement canadien a toujours
soutenu que la question de l'indemnisation due aux prisonniers de guerre
canadiens était réglée dans le Traité de paix avec le Japon. Ils réaffirment
que le Traité de paix ne traite pas des préjudices subis par les vétérans
de Hong Kong du fait des conditions d'emprisonnement imposées par le Gouvernement
japonais pendant la guerre et, plus particulièrement, qu'il n'y est pas
question de leur indemnisation pour les violations flagrantes de leurs
droits fondamentaux et les travaux forcés qu'ils ont dû effectuer. Les
auteurs estiment en outre que le Gouvernement canadien n'était pas légalement
habilité ou mandaté pour renoncer à faire valoir en leur nom un droit
à réparation pour les violations flagrantes de leurs droits d'anciens
combattants. A l'appui de cet argument, les auteurs citent la Convention
de La Haye du 18 octobre 1907, la troisième Convention de Genève de 1949,
le Protocole additionnel aux Conventions de Genève (Protocole I) et les
commentaires juridiques élaborés par le Comité international de la Croix-Rouge
ainsi que l'Etude concernant le droit à réparation des victimes de violations
flagrantes des droits de l'homme, présentée par M. Theo van Boven à la
Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de
la protection des minorités.
2.8 De retour au Canada, les auteurs ont continué à souffrir de graves
troubles physiques, mentaux et psychologiques, conséquences directes de
leurs 44 mois d'emprisonnement et de travail forcé entre les mains des
Japonais. Ils estiment que les autorités canadiennes n'ont pas reconnu
la nature et l'étendue des séquelles (infirmités et incapacités) dont
ils souffraient. Dans une étude menée en 1966, la Commission canadienne
des pensions a conclu que les problèmes de santé des vétérans de Hong
Kong étaient une conséquence directe des souffrances qu'ils avaient endurées
dans les camps de prisonniers. En 1968, le Comité chargé de contrôler
les travaux et l'organisation de la Commission canadienne des pensions
a reconnu que les vétérans de Hong Kong n'avaient pas reçu une pension
suffisante et que leurs invalidités étaient toujours sous-estimées. Par
des modifications apportées en mars 1971 à la loi sur les pensions et
à la législation sur les prisonniers de guerre les prestations ont été
augmentées. Toutefois, les auteurs soulignent que ces dispositions législatives
ne portaient pas précisément sur une forme d'indemnisation quelconque
pour les travaux forcés qu'ils avaient effectués et que ces pensions ne
leur étaient pas versées en réparation des violations du droit international
dont ils avaient été victimes. En outre, les auteurs déclarent que les
réformes prévues par la loi ne prenaient pas en considération toutes les
conséquences de leurs invalidités et qu'ils n'arrivent toujours pas à
obtenir un droit à pension pour un grand nombre des affections dont ils
souffrent.
2.9 Les auteurs indiquent que l'Association canadienne des vétérans de
Hong Kong, en collaboration avec les Amputés de guerre du Canada, a présenté
en 1987 une plainte à la Commission des droits de l'homme, conformément
à la procédure établie par la résolution 1503 (XLVIII) du Conseil économique
et social, concernant les violations flagrantes des droits de l'homme
commises par le Japon à l'encontre des militaires canadiens détenus comme
prisonniers de guerre. En 1991, la Sous-Commission de la lutte contre
les mesures discriminatoires et de la protection des minorités a fait
sienne l'opinion exprimée par son groupe de travail des communications
selon lequel "la procédure régie par la résolution 1503 (XLVIII)
du Conseil économique et social ne pouvait pas être considérée comme un
mécanisme d'indemnisation ou de recours en ce qui concerne les demandes
d'indemnisation pour les souffrances humaines ou les pertes causées pendant
la seconde guerre mondiale".
2.10 Les auteurs déclarent avoir épuisé tous les recours internes disponibles
et évoquent le long échange de correspondance entre les représentants
de l'Association canadienne des vétérans de Hong Kong et le Gouvernement
canadien.
Teneur de la plainte :
3.1 Les auteurs affirment que le Gouvernement canadien continue de leur
dénier le droit de disposer d'un recours, en violation de l'alinéa a)
du paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte. Ils estiment en effet que le
fait que le Gouvernement canadien n'ait pas reconnu qu'il n'avait pas
faculté pour renoncer à faire valoir leur droit à réparation dans le Traité
de paix avec le Japon et qu'il n'ait pas par la suite défendu leurs prétentions
envers le Japon auprès des instances internationales appropriées, a eu
pour résultat concret de les laisser sans recours utile pour les violations
flagrantes de leurs droits fondamentaux. D'après eux, le gouvernement
continue à soutenir la thèse du Japon, pour qui le Traité de paix de 1952
met un terme à sa responsabilité à l'égard des anciens prisonniers de
guerre. En mai 1991, le Premier Ministre canadien a informé le Gouvernement
japonais que le Canada continuait à considérer qu'avec l'application du
Traité de paix de 1952, le Gouvernement japonais s'était acquitté de ses
obligations concernant la question des réparations. Il a ajouté qu'il
appartiendrait au Canada d'examiner la question de l'indemnisation ou
du dédommagement des anciens prisonniers de guerre. Or en réponse aux
demandes de l'Association des vétérans de Hong Kong, le gouvernement a
fait savoir qu'il n'entendait par rouvrir le dossier de l'indemnisation.
3.2 Les auteurs affirment en outre qu'en ne leur accordant pas une assistance
financière et une indemnisation adéquates pendant les nombreuses années
qui ont suivi la guerre et en maintenant le montant des pensions à un
niveau insuffisant, le Gouvernement canadien est responsable d'une violation
de l'article 26 du Pacte. Ils prétendent en effet qu'ils n'ont pas reçu
de pensions suffisantes ou que leur taux d'invalidité a été sous-estimé
par rapport à d'autres vétérans canadiens de la même guerre.
3.3 Les auteurs font valoir que, même s'ils sont antérieurs à l'entrée
en vigueur du Pacte et du Protocole facultatif, les actes et les manquements
du Gouvernement canadien décrits ci-dessus continuent de produire des
effets qui constituent en eux-mêmes une violation du Pacte. Ils affirment
en effet qu'ils continuent à souffrir de problèmes physiques et mentaux
dus à leur emprisonnement dans les camps japonais. Ils mentionnent, à
l'appui de cet argument, un rapport établi par M. Gustave Gingras intitulé
"The sequelae of inhuman conditions and slave labour experienced
by members of the Canadian Components of the Hong Kong Forces, 1941-1945,
while prisoners of the Japanese Government" ("Les séquelles
laissées par les conditions inhumaines et les travaux forcés imposés aux
membres des bataillons canadiens des Forces armées à Hong Kong, prisonniers
du Gouvernement japonais entre 1941 et 1945"). Les auteurs estiment
que les effets persistants des violations dont ils ont été victimes constituent
en eux-mêmes une violation du Pacte et ce, depuis le 19 août 1976, date
de l'entrée en vigueur du Pacte et du Protocole facultatif au Canada.
Ils se réfèrent à cet égard aux décisions du Comité des droits de l'homme
relatives aux communications No 123/1982 (Manera c. Uruguay),
No 196/1985 (Gueye c. France), No 6/1977 (Sequeira
c. Uruguay) et No R6/24 (Lovelace c. Canada).
Renseignements complémentaires fournis par les auteurs
:
4.1 Le 10 février 1994, le Rapporteur spécial du Comité des nouvelles
communications a prié les auteurs, en application de l'article 91 du règlement
intérieur, d'étayer leur argument selon lequel les pensions qui leur étaient
versées les léseraient par rapport à d'autres anciens combattants canadiens.
4.2 Dans leur réponse, datée du 25 mars 1994, les auteurs se disent victimes
de discrimination du fait qu'ils ne peuvent prétendre aux prestations
complémentaires (allocation d'incapacité exceptionnelle, programme pour
l'autonomie des anciens combattants et indemnités complémentaires pour
incapacité totale ou invalidité de guerre prévues par la loi relative
au régime des pensions des anciens combattants) réservées à d'autres anciens
combattants dont les pensions sont calculées sur une base juridique différente.
4.3 Dans ce contexte, les auteurs expliquent qu'en vertu de cette loi,
l'allocation exceptionnelle d'incapacité destinée aux grands invalides
de guerre ne peut être perçue que par les bénéficiaires d'une pension
d'invalidité à 100 %. Comme cette loi n'assimile pas les prestations versées
aux anciens prisonniers de guerre de Hong Kong à une forme de pension
qui leur donnerait droit à l'allocation exceptionnelle d'incapacité, ils
se trouvent écartés d'office alors que la plupart d'entre eux remplissent
les autres conditions requises.
4.4 Pour bénéficier du programme de prestations de services destiné à
permettre aux anciens combattants de conserver leur autonomie, il faut
être "pensionné de guerre". Comme le Gouvernement canadien ne
reconnaît pas ce statut aux anciens combattants de Hong Kong, ils ne peuvent
prétendre bénéficier de ce programme alors que les allocations de prisonniers
de guerre accordées aux anciens combattants de Hong Kong étaient censées
correspondre à une forme de pension en reconnaissance des épreuves subies
pendant la guerre.
4.5 Quant aux pensions complémentaires prévues par la loi relative au
régime des pensions, les auteurs affirment que la Commission canadienne
des pensions se montre dans bien des cas peu encline à donner une suite
favorable aux demandes présentées par les anciens combattants de Hong
Kong invoquant le régime de pension qui leur a été accordé en tant que
partie intégrante de leurs indemnités de prisonniers de guerre.
4.6 Les auteurs affirment aussi que la législation relative à l'indemnisation
des prisonniers de guerre est en soi discriminatoire du fait que le montant
de l'indemnisation est directement fonction de la durée d'internement,
sans considération des conditions de détention (violations flagrantes
des droits de l'homme dans le cas des anciens combattants de Hong Kong).
4.7 Enfin, les auteurs considèrent que l'attitude sélective du Gouvernement
canadien en ce qui concerne la question du droit à réparation soulevée
par la seconde guerre mondiale est discriminatoire à leur égard. En effet,
ils font valoir que le Gouvernement canadien, qui a activement milité
pour l'indemnisation par la République fédérale d'Allemagne des victimes
des violations flagrantes des droits de l'homme commises par l'Allemagne
nazie n'a pas soutenu les revendications des victimes des violations des
droits de l'homme commises par le Japon. Dans ce contexte, les auteurs
font état des indemnités versées par le Canada à ses ressortissants d'ascendance
japonaise qui pour cette seule raison avaient été internés, déportés ou
dépossédés pendant la guerre.
Observations de l'Etat partie sur la recevabilité et commentaires
des auteurs :
5.1 Dans ses observations datées du 21 septembre 1994, l'Etat partie
traite de la recevabilité de la communication et retrace l'historique
du régime général d'indemnisation des anciens combattants canadiens.
5.2 La loi canadienne relative au régime des pensions prévoit toute une
série d'indemnisations en faveur des anciens combattants. Elles ne sont
pas imposables et s'ajoutent aux revenus professionnels ou autres. L'Etat
partie répertorie les suivantes :
5.3 Les pensions pour invalidité résultant du service armé, dont le montant
est fonction de la gravité de l'incapacité du prestataire. Sur les 547
prisonniers de guerre qui ont été internés dans des camps japonais pendant
plus d'un an (dont font partie tous les anciens combattants de Hong Kong),
180 perçoivent une pension d'invalidité au taux de 100 % et 91 au taux
de 50 %; pour les autres, elle se situe entre ces deux taux. En mai 1991,
le taux minimal d'invalidité a été fixé à 50 % pour tous les vétérans
de Hong Kong pour des considérations d'avitaminose.
5.4 En 1971, tous les anciens prisonniers qui avaient été détenus dans
des camps japonais pendant un an ou plus, y compris tous les anciens combattants
de Hong Kong, dont l'invalidité était mesurable se sont vu accorder des
dommages de guerre sous forme d'une pension d'invalidité au taux de 50
% (à l'exclusion de ceux déjà bénéficiaires d'une pension d'invalidité
calculée au taux de 50 % ou plus). En 1976, à la suite de la modification
des bases juridiques de l'indemnisation des anciens prisonniers de guerre,
le critère d'invalidité mesurable a été abandonné, et tous les anciens
prisonniers de la seconde guerre mondiale, toutes les puissances ennemies
confondues, ont pu bénéficier de dommages de guerre. Toutefois, des taux
nettement plus élevés ont été maintenus pour les anciens prisonniers des
camps japonais compte tenu des graves préjudices qu'ils avaient subis,
avec pour résultat qu'ils ont été indemnisés au taux de 50 % contre 10
à 20 %, selon la durée de l'internement, pour les anciens prisonniers
de guerre de belligérants européens. Ces indemnités s'ajoutaient, à concurrence
d'un plafond de 100 %, à leur pension d'invalidité. Depuis 1986, après
l'abandon de ce plafond, les anciens prisonniers de guerre perçoivent
leurs indemnités quel que soit le taux de calcul de leur pension d'invalidité.
Il en résulte que les moins invalides des anciens combattants de Hong
Kong perçoivent une pension d'invalidité à 100 % (pension d'invalidité
automatiquement fixée à 50 % plus une allocation d'ancien prisonnier de
guerre elle aussi fixée à 50 %); les plus gravement handicapés perçoivent
une pension d'invalidité calculée au taux de 150 %.
5.5 Les anciens combattants bénéficiaires d'une pension d'invalidité
de guerre maximale peuvent aussi percevoir une indemnité d'incapacité
exceptionnelle. L'Etat partie fait valoir que 105 anciens prisonniers
de guerre des camps japonais perçoivent cette indemnité.
5.6 L'invalidité totale nécessitant la présence d'un garde-malade donne
droit à une indemnité complémentaire. L'Etat partie affirme que 172 anciens
prisonniers de guerre des camps japonais perçoivent cette indemnité.
5.7 Le programme de prestations de services destiné à permettre aux anciens
combattants pensionnés de conserver leur autonomie subventionne l'aide
à domicile (activités ménagères et livraisons de repas). L'accès à ce
programme dépend de la nature de l'invalidité et des besoins des intéressés.
5.8 Une indemnité spéciale est prévue pour les anciens combattants canadiens
économiquement démunis, ce qui n'est pas le cas des anciens combattants
de Hong Kong bénéficiaires de pensions.
5.9 Les anciens combattants pensionnés bénéficient par ailleurs d'allocations
médicales complémentaires, d'allocations vestimentaires et de services
consultatifs.
5.10 Le produit de la confiscation des biens japonais au Canada, conformément
au Traité de paix de 1952, a permis de verser aux anciens combattants
de Hong Kong une indemnité forfaitaire calculée à raison de 1,50 dollar
par jour d'internement, en réparation des graves préjudices indûment subis.
6.1 L'Etat partie fait observer que les trois auteurs qui prétendent
agir au nom de tous les anciens combattants de Hong Kong n'ont toutefois
nommé aucun des autres ni fourni la preuve de leur capacité à les représenter.
L'Etat partie rappelle que les communications doivent émaner des particuliers
qui prétendent être les victimes d'une violation ou d'un représentant
dûment autorisé et se réfère à la jurisprudence du Comité à cet égard.
L'Etat partie fait valoir que dans la mesure où elle est déposée au nom
de tous les anciens combattants de Hong Kong, la communication est irrecevable
car ses auteurs ne sont pas dûment autorisés à les représenter.
6.2 Pour ce qui est de l'allégation des auteurs selon laquelle en signant
le Traité de paix de 1952 le Gouvernement canadien avait renoncé à faire
valoir leur droit à réparation et que, de ce fait, ils n'auraient pas
été indemnisés de façon satisfaisante, en violation de l'alinéa a) du
paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte, l'Etat partie soutient que l'indemnisation
perçue par les auteurs en application du Traité de paix ne constituait
en rien une violation d'une liberté ou d'un droit individuel quelconque,
mais représentait une réparation partielle en reconnaissance de leurs
souffrances. L'Etat partie rappelle que le Pacte ne prévoit pas, per
se, un droit à réparation et se réfère aux décisions antérieures du
Comité en ce qui concerne les communications Nos 275, 343, 344 et 345/1988.
L'Etat partie soutient qu'en conséquence cette partie de la communication
est irrecevable du fait de son incompatibilité ratione materiae.
Dans ce contexte, l'Etat partie nie avoir renoncé au droit des auteurs
à réparation en signant le Traité de paix de 1952 avec le Japon affirmant
qu'il a, en fait, facilité l'indemnisation des auteurs dans les meilleurs
délais.
6.3 L'Etat partie soutient aussi que les griefs formulés par les auteurs
au sujet du Traité de paix de 1952 sont irrecevables ratione temporis.
Il se réfère à la jurisprudence du Comité qui ne se reconnaît pas compétent
à l'égard d'allégations se rapportant à des événements antérieurs à l'entrée
en vigueur du Pacte et du Protocole facultatif, sauf si les violations
se perpétuent ou ont des effets qui constituent une violation postérieure
à la date d'entrée en vigueur. L'Etat partie souligne que c'est entre
1941 et 1945 que les auteurs ont été maltraités par les Japonais et que
cette époque est révolue. L'Accord de paix de 1952 sur lequel se fondent
les auteurs a été signé avant l'entrée en vigueur du Pacte et du Protocole
facultatif. L'argument de l'Etat partie est que le grief d'indemnisation
inadéquate ne peut servir à invoquer la persistance d'une violation relevant
du Pacte. Selon l'Etat partie, les décisions auxquelles se réfèrent les
auteurs (No 123/1982 Manera c. Uruguay; No 196/1985 Gueye
c. France; No 6/1977 Sequeira c. Uruguay et No R6/24
Lovelace c. Canada) ne sauraient être invoquées puisque
les deux premières concernent des violations résultant du maintien de
l'application d'une loi et que les deux autres ne font que renforcer l'argument
selon lequel le Comité n'est compétent que dans le cas de violations survenues
après l'entrée en vigueur du Pacte.
6.4 Quant à l'allégation des auteurs selon laquelle ils seraient traités
de manière discriminatoire du fait que l'indemnité d'ancien prisonnier
de guerre n'est pas considérée faire partie intégrante de leur pension
d'invalidité et que, partant, ils ne peuvent prétendre à des prestations
supplémentaires, dont l'allocation d'incapacité exceptionnelle ou l'allocation
pour garde-malade, l'Etat partie se réfère à l'interprétation donnée par
le Comité à l'article 26 pour arguer que les auteurs doivent présenter
des éléments de preuve suffisants à l'appui de leur allégation, à titre
de présomption. Selon l'Etat partie, il leur faudrait apporter la preuve
qu'ils subissent une discrimination qui porte atteinte à la jouissance
de leurs droits et libertés sur un pied d'égalité avec d'autres, que cette
discrimination n'est ni raisonnable ni objective et qu'elle est illégitime
au regard du Pacte. L'Etat partie fait valoir que tous les anciens prisonniers
de guerre, et pas seulement les anciens combattants de Hong Kong, ont
droit à des indemnités. Que pour aucun d'entre eux ces indemnisations
ne sont considérées faire partie intégrante d'une pension d'invalidité.
En conséquence, l'Etat partie considère que les auteurs n'ont pas apporté
la preuve d'une discrimination défavorable aux anciens combattants de
Hong Kong, pas plus qu'ils n'ont démontré que les modalités d'allocation
des prestations découlant des divers programmes destinés aux anciens combattants
sont déraisonnables ou illégitimes. L'Etat partie prétend que les critères
utilisés pour l'allocation des prestations (exposés ci-dessus) ne sont
pas discriminatoires mais tout à fait conformes aux dispositions du Pacte.
Par ailleurs, l'Etat partie souligne que les auteurs n'ont pas indiqué
les incapacités pour lesquelles ils ne seraient pas indemnisés, pas plus
qu'ils n'ont précisé les prestations dont ils étaient personnellement
bénéficiaires au titre des programmes gouvernementaux destinés aux anciens
combattants. Pour ce qui est des autres allégations de discrimination
concernant l'indemnisation des Canadiens d'ascendance japonaise internés
au Canada pendant la seconde guerre mondiale et la position prise par
le Canada au sujet des dommages de guerre réclamés à l'Allemagne, l'Etat
partie soutient qu'il s'agit là de circonstances tout à fait étrangères
à celles auxquelles se réfèrent les auteurs qui sont, de ce fait, sans
objet. L'Etat partie conclut que les auteurs n'ont pas étayé, aux fins
de recevabilité, l'allégation selon laquelle ils seraient victimes d'une
discrimination en violation de l'article 26 du Pacte.
6.5 L'Etat partie soutient que les auteurs n'ont pas épuisé tous les
recours internes comme l'exige l'alinéa b) du paragraphe 2 de l'article
5 du Protocole facultatif. A cet égard, l'Etat partie souligne que le
droit à l'égalité devant la loi et le droit de ne pas faire l'objet de
mesures discriminatoires sont protégés par la Charte canadienne des droits
et libertés qui fait partie intégrante de la Constitution canadienne de
1982. Conformément à l'article 24 de la Charte, toute personne dont les
droits et libertés tels que garantis par la Charte ont été lésés ou déniés
peut recourir aux tribunaux pour obtenir réparation. En conséquence, les
auteurs peuvent introduire une procédure auprès de la cour fédérale pour
réclamer réparation des mesures discriminatoires dont ils prétendent être
les victimes.
6.6 Les anciens combattants peuvent contester la nature et le montant
des prestations qu'ils perçoivent devant la Commission canadienne des
pensions, institution fédérale indépendante quasi judiciaire chargée de
statuer en première instance sur les réclamations concernant le droit
à des prestations et leur montant. Les décisions de cette Commission sont
susceptibles de recours devant le Conseil d'appel des anciens combattants
dont les décisions sont subordonnées à réexamen par la division fédérale
des tribunaux de première instance et, sous réserve d'autorisation, par
la division fédérale de la cour d'appel dont les jugements peuvent faire
l'objet d'un recours, avec autorisation, auprès de la Cour suprême du
Canada. Dans ce contexte, l'Etat partie affirme que tous les demandeurs
peuvent bénéficier d'une assistance judiciaire gratuite pour tout pourvoi
ou recours auprès de la Commission canadienne des pensions ou le Conseil
d'appel des anciens combattants.
7.1 Dans leurs commentaires sur les observations de l'Etat partie, les
auteurs réaffirment que les pensions qu'ils perçoivent depuis 30 ans sont
totalement inadéquates et que les anciens combattants de Hong Kong sont
encore à ce jour victimes de mesures discriminatoires dans l'application
de la loi relative au régime des pensions des anciens combattants par
rapport au traitement réservé à d'autres anciens combattants gravement
handicapés. Dans ce contexte, les auteurs font observer que seulement
un petit pourcentage (20 à 30 %) des anciens combattants de Hong Kong
bénéficient d'indemnités spéciales dont l'allocation pour incapacité et
l'allocation pour garde-malade. Ils affirment que la plupart des anciens
combattants de Hong Kong bénéficieraient de ces indemnités depuis de nombreuses
années s'ils n'avaient pas été les victimes des dispositions discriminatoires
de la loi relative au régime des pensions actuellement en vigueur qui
établit une distinction entre l'indemnité de prisonnier de guerre perçue
par tous les anciens combattants de Hong Kong et la pension d'invalidité.
Les auteurs affirment par ailleurs que le gouvernement ne considère pas
l'indemnité d'ancien prisonnier de guerre comme faisant partie des critères
donnant droit à une pension de guerre lorsqu'ils déterminent les conditions
d'admission au programme d'autonomie pour les anciens combattants.
7.2 Les auteurs réaffirment que l'Etat partie n'avait pas le droit de
renoncer aux droits des anciens combattants de Hong Kong par la signature
du Traité de paix de 1952. Selon eux, ce manquement a pour effet de continuer
àles priver à ce jour du droit spécifique à réclamer réparation pour les
violations flagrantes dont ils ont été victimes de la part des Japonais.
7.3 Quant à leur pouvoir de représentation, les auteurs affirment que
l'Association des anciens combattants de Hong Kong a adopté des résolutions
les autorisant à agir au nom de ses adhérents dans le contexte des communications
considérées.
7.4 Les auteurs affirment par ailleurs que leur communication invoque
une violation de l'article 26 dans le contexte de l'alinéa a) du paragraphe
3 de l'article 2 du Pacte et non pas seulement du paragraphe 3 de l'article
2.
7.5 Quant à l'argument de l'Etat partie selon lequel la communication
ne serait pas recevable ratione temporis, les auteurs prétendent
que les agissements de l'Etat partie (à savoir la signature de l'Accord
de paix de 1952 avec le Japon, son incurie à assurer une assistance financière
appropriée, son refus de soutenir les revendications des anciens combattants
de Hong Kong contre les Japonais) ont perpétué la violation de leurs droits
à réparation conformément à l'alinéa a) du paragraphe 3 de l'article 2,
ce qui équivaudrait à une forme de discrimination en violation de l'article
26 du Pacte. Dans ce contexte, les auteurs font état des graves incapacités
et infirmités dont souffrent encore à ce jour les anciens combattants
de Hong Kong. Par ailleurs, le refus du Canada de soutenir leurs réclamations
devant les instances internationales et son maintien d'une législation
discriminatoire à l'égard du droit à pension des anciens combattants de
Hong Kong constitueraient la perpétuation d'une violation du Pacte.
7.6 Quant à l'argument de l'Etat partie selon lequel tous les prisonniers
de guerre sont traités sur un pied d'égalité et qu'il n'existe, de ce
fait, aucune discrimination, les auteurs affirment qu'il faut le mesurer
à l'aune des différences de traitement existant entre les anciens prisonniers
de guerre canadiens et d'autres anciens combattants gravement handicapés.
Selon eux ce traitement discriminatoire, décrit en détail dans leur communication
initiale, serait particulièrement préjudiciable aux anciens combattants
de Hong Kong du fait des graves incapacités et invalidités dont ils souffrent
encore à ce jour et qui leur auraient donné droit aux indemnités spéciales
s'ils n'en avaient pas été exclus du fait des dispositions discriminatoires
les concernant. Dans ce contexte, les auteurs renvoient au dossier médical,
décrivant en détail les incapacités et invalidités dont souffrent les
anciens combattants de Hong Kong, qui était joint à leur communication
initiale.
7.7 Quant à l'épuisement des recours internes, les auteurs affirment
que depuis 50 ans ils tentent en vain d'obtenir réparation et qu'ils ont
à maintes reprises sollicité des réformes législatives auprès du gouvernement,
sans succès. Les auteurs considèrent que dans leur cas les recours internes
ont été indûment prolongés. Par ailleurs, ils font valoir que leurs demandes
impliquent l'application de principes juridiques internationaux sur laquelle
les tribunaux canadiens n'ont pas juridiction. De plus, les auteurs font
observer que la Commission canadienne du régime des pensions et le Conseil
d'appel des anciens combattants n'ont pas les moyens de faire disparaître
les aspects discriminatoires de la législation. Ils en concluent, en tout
état de cause, qu'ils ont épuisé les recours internes.
Délibérations du Comité
8.1 Avant d'examiner les affirmations contenues dans une communication,
le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son
règlement intérieur, décider si la communication est recevable conformément
au Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
8.2 Une partie de la communication des auteurs porte sur le prétendu
abandon de leur droit à réparation par le Canada du fait de la signature
avec le Japon du Traité de paix de 1952. A cet égard, le Comité note que
l'allégation des auteurs selon laquelle le Canada n'aurait pas protégé
leur droit à obtenir réparation du Japon ne peut être considérée, ratione
materiae, comme une violation des droits protégés par le Pacte. Le
Comité rappelle qu'il a pour principe de ne pas examiner les communications
contenant des allégations de faits qui se sont produits avant l'entrée
en vigueur du Pacte / Voir aussi les décisions du Comité en
date du 26 mars 1990 déclarant irrecevables la communication No 275/1988
(S.E. c. Argentine) et les communications Nos 343, 344 et
345/1988 (R.A.V.N. et al. c. Argentine)./. Dans le cas d'espèce
les auteurs n'ont pas démontré comment l'une quelconque des dispositions
prises par le Canada en application du Traité de paix après l'entrée en
vigueur du Pacte avait des effets dans le présent qui, en soi, constitueraient
des violations du Pacte par le Canada. Cette partie de la communication
des auteurs est donc irrecevable.
8.3 Les auteurs se disent aussi victimes d'une discrimination du fait
que leur pension de prisonniers de guerre n'est pas considérée comme une
pension d'invalidité et ne leur donne pas droit à percevoir les allocations
complémentaires réservées aux bénéficiaires de pensions d'invalidité à
100 %. L'Etat partie soutient que les auteurs n'ont pas épuisé les recours
internes disponibles en ce qui concerne leur allégation de discrimination,
et en particulier qu'ils n'ont tenté aucun recours au titre de la Charte
canadienne des droits et libertés. Les auteurs affirment que depuis 50
ans ils s'emploient à obtenir réparation par des voies politiques, sans
pour autant indiquer les moyens utilisés pour contester la discrimination
dont ils se disent victimes devant les tribunaux canadiens, comme les
y autorise la Charte canadienne. En conséquence, le Comité conclut que
la communication est irrecevable en vertu de l'alinéa b) du paragraphe
2 de l'article 5 du Protocole facultatif. Dans ces circonstances, le Comité
n'a pas à considérer d'autres critères de recevabilité, notamment celui
du bien-fondé de leur allégation, au regard de l'article 2 du Protocole
facultatif.
9. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable;
b) Que cette décision sera communiquée à l'Etat partie, aux auteurs
et à leur conseil.
[Texte adopté en anglais (version originale), et traduit en espagnol
et en français. Il paraîtra en arabe, en chinois et en russe dans le prochain
rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]