Comité des droits de l'homme
Cinquante-neuvième session
24 mars - 11 avril 1997
ANNEXE*
Décisions du Comité des droits de l'homme au titre
du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques
- Cinquante-neuvième session -
Communication No 579/1994
Présentée par : Klaus Werenbeck
Au nom de : L'auteur
Etat partie : Australie
Date de la communication : 31 mai 1993 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 27 mars 1997,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est Klaus Werenbeck, citoyen allemand
qui, au moment du dépôt de la plainte, était détenu en Australie. Il se
déclare victime de violations par l'Australie du paragraphe 3 de l'article
9, du paragraphe 1 de l'article 10 et des articles 14, 16 et 26 du Pacte.
Le Pacte est entré en vigueur pour l'Australie le 13 novembre 1980 et
le Protocole facultatif le 25 décembre 1991.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Le 5 juin 1989, l'auteur a été interpellé à l'aéroport de Brisbane,
soupçonné d'avoir illégalement importé des stupéfiants en Australie. Il
a été officiellement arrêté et inculpé le 7 juin 1989 puis traduit devant
le tribunal de première instance (Magistrate Court) de Brisbane.
Le 8 mars 1990, après un procès de quatre jours, il a été déclaré coupable
et, le 23 mars 1990, il a été condamné à 13 ans et 4 mois d'emprisonnement
avec la recommandation de ne pas le faire bénéficier d'une libération
avant qu'il n'ait accompli 6 ans et demi. Bien que les avocats de l'auteur
l'aient averti qu'un recours serait inutile, l'auteur a interjeté appel
devant la cour d'appel en matière pénale le 23 avril 1990. Le 12 juin
1990, l'auteur a obtenu une prolongation de délai, et sur la recommandation
du président de la cour il a bénéficié de l'aide judiciaire. Le 29 octobre
1990, l'appel de la condamnation a été rejeté et l'autorisation de former
un recours contre la sentence a été refusée.
2.2 D'après l'accusation, l'auteur était arrivé en Australie le 5 juin
1989 par un vol international en provenance de Thaïlande; les douaniers
qui avaient fouillé ses bagages avaient découvert qu'une valise avait
un double fond où de l'héroïne avait été cachée. Il y en avait 5,3469
kg, équivalant à 3,635 kg d'héroïne pure. Interrogé, l'auteur avait déclaré
avoir été informé que la valise avait de la valeur et qu'il toucherait
32 000 dollars lorsqu'il l'aurait remise. Il a toutefois affirmé qu'il
ne savait pas que c'était de l'héroïne. Quand la drogue avait été découverte,
l'auteur avait aidé la police en allant au rendez-vous qui avait été fixé
pour la remise de la valise, ce qui avait permis d'arrêter d'autres suspects.
2.3 L'auteur affirme qu'il ignorait totalement que quelque chose de valeur
avait été caché dans la valise; il avait l'impression qu'il serait payé
32 000 dollars pour transporter des plans de bâtiments et d'entreprises.
Il affirme en outre qu'après son arrestation, il a agi sur instructions
de la police dans ses contacts avec ses partenaires en Thaïlande, que
la police l'a entraîné dans des situations compromettantes pour lui et
qu'il n'est pas possible de conclure à sa culpabilité à partir de ces
faits.
2.4 Pour faire appel de sa condamnation l'auteur a avancé notamment les
motifs suivants : il n'avait pas eu assez de temps pour consulter son
avocat, il était malade pendant le procès, à maintes reprises il n'avait
pas pu suivre l'interprétation de l'anglais en allemand pendant l'audience,
comme la traduction était mauvaise, il avait commis des erreurs préjudiciables
à sa défense, et aucun témoin à décharge n'avait été cité. Dans son arrêt,
la cour d'appel a indiqué que malgré les vérifications qui avaient été
faites concernant la question de la traduction, l'avocat de l'auteur n'avait
pas été en mesure de faire valoir cet argument.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur a passé neuf mois en détention provisoire, durée qu'il estime
excessive, en violation du paragraphe 3 de l'article 9 et du paragraphe
3 c) de l'article 14.
3.2 L'auteur se déclare aussi victime d'une violation de l'article 10,
parce qu'il n'a pas reçu les soins médicaux voulus pendant sa détention,
raison pour laquelle il ne se sentait pas bien pendant le procès.
3.3 L'auteur indique qu'il a d'abord été représenté par l'avocat dont
il s'était assuré lui-même les services, mais comme il avait des problèmes
d'argent, cet avocat s'est désisté 10 jours seulement avant sa mise en
accusation le 22 septembre 1989. Le 19 septembre, l'aide judiciaire lui
a été accordée. Aux audiences préliminaires, il avait été représenté par
un certain avocat et il l'avait demandé comme défenseur au procès. Or,
11 jours avant le début du procès, le 5 mars 1990, un autre avocat est
venu le voir en prison pour préparer le dossier et c'est celui-là qui
a assuré sa défense. D'après l'auteur, ces éléments constituent une violation
des droits garantis au paragraphe 3 b) et d) de l'article 14, en vertu
desquels toute personne accusée doit disposer du temps et des facilités
nécessaires à la préparation de sa défense et pouvoir communiquer avec
le conseil de son choix. De même, la préparation de sa défense devant
la cour d'appel aurait été insuffisante, l'avocat commis d'office étant
venu le voir pour la première fois sept jours seulement avant l'audience.
3.4 L'auteur affirme en outre qu'il est victime d'une violation des paragraphes
3 a) et 3 f) de l'article 14, car il n'a pas été informé dans une langue
qu'il comprend et de façon détaillée des accusations portées contre
lui. Connaissant mal l'anglais, il était tributaire des traductions et
de l'interprétation. Il affirme que l'interprétation pendant le procès
était si mauvaise qu'il n'arrivait pas à comprendre la moitié de ce qui
se disait et qu'en conséquence des fautes ont été commises à son détriment.
En particulier, quand on lui a demandé s'il avait des éléments à apporter
en sa faveur, il n'a pas compris la question et a répondu par la négative.
L'avocat savait que l'auteur était mécontent mais n'a rien fait pour obtenir
un meilleur interprète. L'auteur affirme en outre que la traduction en
anglais de ses déclarations contient des erreurs.
3.5 L'auteur déclare aussi qu'aucun témoin à décharge n'a été cité à
comparaître malgré les demandes répétées qu'il a adressées à son avocat.
Il voulait faire comparaître des compatriotes qui auraient pu témoigner
sur sa personnalité et sa moralité et attester qu'il s'était rendu en
Australie pour affaires et non pas pour passer de l'héroïne. Le fait de
ne pas avoir cité de témoins à décharge constitue d'après l'auteur une
violation du paragraphe 3 e) de l'article 14.
3.6 L'auteur se plaint en outre de ce qu'une peine de 13 ans et 4 mois
d'emprisonnement est trop lourde et représente une violation de l'article
26. Il explique à ce sujet qu'en 1991, un citoyen libanais, arrêté à l'aéroport
avec 2 kg d'héroïne cachés dans ses bagages, avait été acquitté. Selon
l'auteur, les deux affaires présentaient des similitudes, notamment le
fait que, comme lui, le Libanais ignorait que de l'héroïne avait été cachée
dans ses bagages; il fait valoir que sa condamnation est une atteinte
à son droit à une égale protection de la loi. Il invoque donc aussi l'article
16 du Pacte.
3.7 L'auteur précise qu'en vertu de la loi australienne, un recours formé
devant la cour d'appel ne peut reposer que sur des points de droit, ce
qui serait contraire au paragraphe 5 de l'article 14 qui garantit le droit
de faire examiner la condamnation par une juridiction supérieure, étant
donné que la cour d'appel n'ordonnera la révision que si elle conclut
qu'une erreur de droit a été commise. Il affirme en outre qu'il y a eu
violation du paragraphe 3 d) de l'article 14, au stade de l'appel, parce
que l'audience s'est tenue en son absence, alors qu'il avait fait savoir
qu'il voulait être présent.
3.8 L'auteur déclare que son avocat lui a annoncé, après le rejet de
l'appel, que l'affaire ne pouvait pas aller plus loin, sans l'informer
de la possibilité de se pourvoir devant la Haute Cour. Etant donné que
le délai d'appel devant cette juridiction est de 21 jours à compter de
la date de la décision de la juridiction inférieure et qu'il ne pouvait
pas former le recours lui-même mais devait passer par un avocat, l'auteur
affirme qu'il s'est vu dénier le droit de faire examiner son cas par une
juridiction supérieure, en violation du paragraphe 5 de l'article 14.
3.9 Enfin, l'auteur se plaint de ce qu'au cours d'un transfèrement d'une
prison à une autre, un certain jour de 1991, des cassettes enregistrées
contenant des traductions en allemand des enregistrements originaux anglais
du procès faits sur cassettes ont été perdues. Les cassettes n'ayant pas
pu être retrouvées, il a perçu 995 dollars à titre d'indemnité. Selon
lui, ce montant est trop faible et il demande une indemnité de 5 911 dollars.
Observations de l'Etat partie concernant la recevabilité
4.1 A la fin du mois de janvier 1996, l'Etat partie a transmis ses observations
concernant la recevabilité de la communication.
4.2 Pour ce qui est de l'allégation de l'auteur concernant l'article
9 du Pacte, l'Etat partie note que l'auteur a été maintenu en détention
provisoire du 5 juin 1989 au 4 mars 1990, soit avant l'entrée en vigueur
du Protocole facultatif le 25 décembre 1991. Il déclare en conséquence
que cette allégation est irrecevable ratione temporis. A cet égard,
il renvoie à la jurisprudence du Comité selon laquelle le critère de recevabilité
ratione temporis consiste à savoir si les violations présumées
des droits de l'homme persistent après la date d'entrée en vigueur du
Protocole facultatif pour l'Etat partie concerné ou ont des incidences
qui, en elles-mêmes, constituent une violation du Pacte après cette date.
L'Etat partie renvoie en outre à la décision du Comité dans l'affaire
No 520/1992 (E. et A. K. c. Hongrie, communication déclarée
irrecevable le 7 avril 1994), dans laquelle le Comité a noté qu'une violation
persistante s'entend "de la prolongation, par des actes ou de manière
implicite, après l'entrée en vigueur du Protocole facultatif, de violations
commises antérieurement". L'Etat partie déclare que l'allégation
de l'auteur au titre de l'article 9 du Pacte est à dissocier des autres
allégations de violations et qu'en prononçant la peine qui a été imposée
à l'auteur, le juge du fond a tenu compte du temps que ce dernier avait
passé en détention provisoire. Selon l'Etat partie, il n'y a ainsi ni
violation persistante ni effet persistant de la violation présumée, ce
qui rend l'allégation irrecevable ratione temporis.
4.3 S'agissant de l'allégation de l'auteur au titre de l'article 10 du
Pacte, selon laquelle il n'aurait pas reçu les soins médicaux voulus au
cours de sa détention, l'Etat partie note qu'il s'agirait de la période
ayant précédé le 8 mars 1990, et que l'allégation est en conséquence irrecevable
ratione temporis.
4.4 En outre, l'Etat partie déclare que l'auteur n'a pas suffisamment
étayé son allégation, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe
b) de l'article 90 du règlement intérieur du Comité. Il note que l'auteur
n'a pas donné de détails concernant la maladie dont il aurait souffert,
ni sur la prétendue absence de soins médicaux. Il note en outre que l'auteur
a soumis sa plainte à la cour d'appel chargée des affaires pénales, qui
l'a rejetée. Il renvoie également au dossier concernant l'auteur établi
par les autorités pénitentiaires pour la période considérée, lequel indique
que celui-ci a subi un examen médical lors de son entrée dans l'établissement
pénitentiaire le 3 juillet 1989, puis, par la suite, trois autres examens,
et qu'aucune maladie n'a été constatée. Au cours de ces examens, l'auteur
a bénéficié des services d'un interprète et les registres ne font état
d'aucune plainte concernant les soins médicaux. Les dossiers indiquent
néanmoins que l'auteur se plaignait constamment d'avoir froid et qu'il
a eu droit à des couvertures supplémentaires. L'Etat partie affirme en
conséquence que l'allégation est irrecevable en vertu de l'article 2 du
Protocole facultatif.
4.5 En ce qui concerne les allégations de l'auteur au titre de l'article
14 du Pacte, l'Etat partie, notant que le procès de l'auteur a eu lieu
du 5 au 8 mars 1990 et que le recours en appel a été rejeté par la cour
d'appel chargée des affaires pénales le 23 avril 1990, affirme que les
allégations de l'auteur sont irrecevables ratione temporis. Il
déclare que l'allégation est également irrecevable ratione materiae.
4.6 En ce qui concerne la représentation de l'auteur devant les tribunaux,
l'Etat partie note que le Pacte ne prévoit pas le droit de l'accusé de
choisir son propre conseil lorsqu'une aide judiciaire est accordée gratuitement,
ni le droit de l'accusé d'être représenté pendant toute la procédure par
le même conseil. L'Etat partie souligne que l'auteur a toujours bénéficié
des services d'un conseil fournis par la Commission d'aide judiciaire
du Queensland. Il ajoute que l'auteur n'a pas étayé son allégation selon
laquelle il n'aurait pas bénéficié du temps nécessaire à la préparation
de sa défense. Il souligne que le conseil désigné pour représenter l'auteur
lors du procès était expérimenté et compétent dans la défense des affaires
pénales et que celui-ci avait lui-même estimé, au début du procès, que
la défense avait été convenablement préparée. A ce sujet, l'Etat partie
souligne que la question de la préparation de la défense d'un accusé lors
d'un procès au pénal relève de l'appréciation du défenseur.
4.7 Pour ce qui est de la représentation de l'auteur lors de son procès
en appel, l'Etat partie souligne qu'une aide judiciaire a été accordée
à cette fin à l'auteur le 7 juin 1990. Le conseil, ayant l'expérience
des procès en appel, a été assisté par un adjoint en matière d'appel.
A ce sujet, l'Etat partie ajoute qu'en raison de la nature du recours
en appel, il est inutile que le client donne des instructions, de surcroît
détaillées, et qu'un entretien sept jours avant le début du procès est
en conséquence considéré comme suffisant. Si le conseil avait estimé qu'il
n'était pas suffisamment préparé, il aurait demandé un report d'audience.
L'Etat partie considère en conséquence que l'allégation de l'auteur est
infondée.
4.8 Pour ce qui est de la plainte de l'auteur au titre du paragraphe
3 a) de l'article 14, l'Etat partie considère que l'auteur n'a pas étayé
son allégation. Il renvoie à la déclaration sous serment faite lors du
procès par un officier de police parlant l'allemand et l'anglais, selon
lequel, le soir du 7 juin 1989, l'auteur a été informé en détail, en allemand,
des accusations portées contre lui.
4.9 L'Etat partie affirme que l'auteur n'a pas étayé son allégation au
titre du paragraphe 3 f) de l'article 14. Il indique que l'auteur a bénéficié
gratuitement des services d'interprétation et de traduction fournis par
les services gouvernementaux. Lors du procès, une interprète de langue
maternelle allemande et diplômée de l'Université du Queensland, pleinement
qualifiée, a été désignée. Les services professionnels qu'elle a rendus
pendant la période allant de 1989 à 1994 ont été excellents et rien n'indique
que des clients n'aient pas été satisfaits ou se soient plaints de ses
services. L'Etat partie renvoie en outre aux minutes du procès qui indiquent
que le juge a donné des instructions claires pour que toutes les délibérations
du tribunal soient dûment interprétées. Il note également que l'auteur
n'a pas donné d'information sur la portée ou la nature des erreurs de
traduction qui auraient été commises.
4.10 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur selon laquelle, en raison
de la mauvaise qualité de l'interprétation, il aurait répondu par la négative
lorsqu'on lui a demandé s'il avait des preuves à apporter en sa faveur,
l'Etat partie renvoie aux minutes du procès et fait observer que l'auteur
n'a pas été cité à comparaître en tant que témoin au cours du procès.
Lorsque l'auteur a été invité à s'exprimer, immédiatement après le prononcé
du verdict de culpabilité, ce dernier a semblé désorienté et l'audience
a été suspendue afin d'éliminer tout doute possible. L'Etat partie déclare
en conséquence que cette partie de la communication est également irrecevable
car elle n'a pas été suffisamment étayée. Il renvoie en outre à la décision
de la cour d'appel dans l'affaire concernant l'auteur, dans laquelle il
est indiqué que le conseil de l'auteur, après s'être renseigné sur la
question de la traduction et s'être entretenu avec l'interprète, n'a pas
été en mesure de soutenir l'allégation. L'Etat partie déclare que l'exactitude
de la traduction est une question de fait qui a été tranchée par la cour
d'appel et que le Comité n'est pas compétent pour contester une décision
de la cour d'appel.
4.11 Pour ce qui est de l'allégation de l'auteur selon laquelle aucun
témoin à décharge n'a été cité à comparaître, l'Etat partie indique que
l'auteur a eu le même droit que l'accusation de demander la comparution
de témoins et l'interrogatoire ou le contre-interrogatoire de témoins.
Il déclare qu'il appartenait au représentant de l'auteur, faisant appel
à sa conscience professionnelle, de citer ou non à comparaître des témoins
à décharge. Il renvoie à la jurisprudence du Comité selon laquelle l'Etat
partie ne peut être tenu pour responsable des erreurs faites par un défenseur,
sauf si le juge avait constaté ou aurait dû constater que la conduite
de l'avocat était incompatible avec l'intérêt de la justice (Perera
c. Australie, communication No 536/1993, déclarée irrecevable le
28 mars 1995). L'Etat partie conclut que l'auteur n'a pas formulé d'allégation
en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
4.12 Quant à l'allégation de l'auteur selon laquelle son droit au titre
du paragraphe 5 de l'article 14 a été violé en raison du fait que la loi
australienne n'autorise les recours en appel que sur des points de droit
et qu'en conséquence, il ne s'agit pas d'un véritable recours, l'Etat
partie affirme que la procédure d'appel au Queensland est compatible avec
le paragraphe 5 de l'article 14 et que la cour d'appel du Queensland en
matière pénale a effectivement examiné la condamnation de l'auteur et
le verdict prononcé à son encontre. A cet égard, il indique que selon
le Code pénal du Queensland, une personne peut, sans autorisation, faire
appel de sa condamnation pour une question de droit et qu'elle peut, avec
l'autorisation du tribunal, faire appel de sa condamnation pour une question
de fait ainsi que de la sentence prononcée contre elle. Le Code pénal
stipule expressément que la cour d'appel doit autoriser le recours en
appel si le verdict du jury a été déraisonnable ou ne peut pas être justifié
compte tenu des éléments de preuve, si le jugement rendu a été illégal
et s'il y a eu déni de justice.
4.13 S'agissant de l'allégation de l'auteur selon laquelle il n'a pas
assisté au procès en appel, bien qu'il ait indiqué qu'il souhaitait être
présent, l'Etat partie renvoie à l'Observation générale 13 du Comité (adoptée
à sa vingt et unième session), dans laquelle le Comité note que le paragraphe
3 d) de l'article 14 signifie que "l'accusé ou son avocat doit avoir
le droit d'agir avec diligence et sans crainte, en employant tous les
moyens de défense existants, de même que le droit de contester le déroulement
du procès s'il le juge inéquitable". L'Etat partie fait valoir que
le paragraphe 3 d) de l'article 14 n'énonce pas l'obligation absolue d'assurer
la présence de l'accusé lors du procès en appel lorsque celui-ci est représenté
par un conseil. Il fait également observer que l'auteur n'a pas prouvé
que les intérêts de la justice auraient été mieux servis s'il avait été
personnellement présent au procès en appel. Il conclut que l'allégation
est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
4.14 Pour ce qui est de l'allégation de l'auteur qui dit n'avoir pas
été informé de la possibilité de faire appel auprès de la Haute Cour et
avoir été ainsi concrètement empêché d'obtenir un réexamen par une juridiction
supérieure, en violation du paragraphe 5 de l'article 14, l'Etat partie
fait observer que les dispositions de ce paragraphe ne garantissent pas
de droit au-delà du droit de saisir une seule juridiction supérieure.
L'Etat partie indique que le représentant de l'auteur lors du procès en
appel a estimé qu'une demande d'autorisation spéciale de faire appel auprès
de la Haute Cour n'aurait eu aucune chance d'aboutir. Il ajoute que les
entretiens entre les conseils et leurs clients ne concernent pas l'Etat
partie. En outre, il souligne que le Gouvernement du Queensland lui a
fait savoir qu'il est habituel d'informer chaque client de ses droits
en matière d'appel auprès de la Haute Cour et que le préposé désigné à
l'époque pour la défense de l'auteur en appel affirme que l'auteur a été
en fait informé de son droit à ce moment-là.
4.15 Pour ce qui est de l'allégation de l'auteur au titre de l'article
26, l'Etat partie affirme qu'elle est irrecevable ratione temporis.
Il ajoute qu'elle est également irrecevable du fait qu'elle n'a pas été
étayée. A cet égard, il déclare que l'acquittement d'une autre personne
accusée d'une infraction pénale en vertu de la loi fédérale sur les douanes
ne peut pas être mis en rapport avec la condamnation de l'auteur car chaque
affaire portée devant les tribunaux est jugée selon ses propres circonstances.
4.16 En ce qui concerne la plainte de l'auteur au titre de l'article
16 du Pacte, l'Etat partie affirme que les faits en l'espèce ne soulèvent
pas de question au titre de cet article car l'auteur a exercé les mêmes
droits prévus par la loi que toute autre personne traduite devant un tribunal
en Australie.
4.17 S'agissant du fait que l'auteur se plaint d'avoir perdu six cassettes
(contenant des traductions en allemand d'enregistrements originaux anglais)
lors de son transfèrement d'une prison à une autre, et de n'avoir pas
été suffisamment indemnisé, l'Etat partie indique que l'indemnité versée
a été calculée d'après le coût que représenterait pour l'auteur la traduction
de ces enregistrements. Il ajoute que l'allégation est irrecevable ratione
temporis, car les cassettes ont été perdues un certain jour avant
le 26 juin 1991, soit avant l'entrée en vigueur du Protocole facultatif
pour l'Australie, et qu'il n'existe pas d'effets persistants constituant
en eux-mêmes une violation du Pacte. L'Etat partie affirme en outre que
cette plainte de l'auteur ne soulève pas de question au titre du Pacte
et que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes concernant son allégation.
5.1 Dans une lettre datée du 1er mars 1996, l'auteur répond aux observations
de l'Etat partie. Il affirme que sa communication est recevable ratione
temporis car les conséquences des faits dont il se plaint persistent,
puisqu'il est toujours en prison.
5.2 Pour ce qui est de la durée de sa détention provisoire, l'auteur
maintient qu'elle constitue une violation de ses droits en vertu du paragraphe
3 de l'article 9 et du paragraphe 3 c) de l'article 14 et déclare que
la peine plus courte imposée par le juge ne répare pas la violation.
5.3 Quant à son allégation au titre de l'article 10 du Pacte, l'auteur
renvoie à des articles de journaux décrivant la situation dans les prisons
australiennes et ajoute qu'il n'a jamais été pris au sérieux par les autorités
carcérales. Il répète qu'il a été contraint de se présenter au procès
alors qu'il était malade.
5.4 A propos de son affirmation selon laquelle il n'a pas disposé du
temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, l'auteur
déclare qu'après l'audience de mise en accusation le 22 septembre 1989,
ce n'est que 11 jours avant le début du procès en mars 1990 qu'un avocat
est venu le voir. Il indique qu'il n'a en conséquence disposé que de 11
jours pour préparer sa défense, ce qui n'a pas été suffisant. Il affirme
en outre qu'il a le droit, en vertu du paragraphe 3 b) et d) de l'article
14, de choisir lui-même le conseil qui le défendra gratuitement.
5.5 Quant aux services d'interprétation au cours du procès, l'auteur
maintient qu'il ne comprenait pas tout ce qui se passait lors des audiences,
malgré les instructions données par le juge à l'interprète et malgré les
compétences de celle-ci. Il affirme en outre que si le conseil chargé
de sa défense en appel l'avait dûment consulté, il aurait certainement
pu avancer des arguments à l'appui de sa cause.
5.6 Pour ce qui est de ses allégations au titre des articles 16 et 26
du Pacte, l'auteur renvoie à sa première communication et répète ses arguments.
Il mentionne en outre des publications illustrant le degré de corruption
qui existe au Queensland et affirme que des tractations ont lieu régulièrement
entre la police, les magistrats et les gangs libanais de la drogue.
5.7 A propos des cassettes perdues, l'auteur déclare qu'il n'existe plus
aucun recours interne dans la pratique car personne n'a les moyens de
saisir la Cour suprême. Il maintient que la somme qu'il a reçue à titre
d'indemnisation ne couvre pas le coût des cassettes.
Nouvelles observations de l'Etat partie et commentaires de l'auteur
6.1 En septembre 1996, l'Etat partie a réaffirmé qu'à son avis la communication
est irrecevable. Il a répété que l'allégation de l'auteur selon laquelle
il n'aurait pas reçu de soins médicaux lors de sa détention dans le centre
pénitentiaire de Brisbane (BCC) est irrecevable ratione temporis,
étant donné qu'il n'y a été détenu que de juin 1989 à septembre 1989.
Il ajoute que le centre pénitentiaire de Brisbane a été partiellement
fermé en novembre 1989, puis complètement en juillet 1992 à la suite d'une
recommandation en ce sens, formulée par la Commission d'enquête sur les
services pénitentiaires au Queensland.
6.2 En ce qui concerne les cassettes perdues, l'Etat partie maintient
que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes disponibles puisqu'il
n'a pas demandé un réexamen de son cas. Il explique en quoi consiste la
procédure de réexamen et rejette l'affirmation de l'auteur selon laquelle
il reviendrait trop cher de former un pourvoi devant la Cour suprême du
Queensland étant donné que seul un droit d'enregistrement de 154 dollars
est perçu. En outre, un requérant peut demander à la Cour de rendre une
ordonnance concernant les coûts, s'il ne dispose pas des ressources nécessaires.
Si l'auteur avait exercé ce recours, la Cour aurait pu renvoyer l'affaire
devant une autre juridiction pour réexamen et une indemnité plus élevée
aurait pu lui être accordée si cela avait été jugé conforme à la loi et
justifié.
7. Dans ses observations, l'auteur explique qu'il ne lui est plus possible
de présenter à la Cour suprême du Queensland une demande de réexamen de
son cas en ce qui concerne l'indemnité accordée pour les cassettes perdues,
étant donné que la date limite de dépôt d'une telle demande a expiré.
Il dit qu'il n'a pas été informé par les autorités à l'époque qu'il pouvait
déposer une telle demande. Il cite une décision rendue par la Cour suprême
dans une affaire analogue concernant un autre détenu qui, selon l'auteur,
montre qu'une telle requête n'a aucune chance d'aboutir.
8. L'Etat partie et l'auteur informent le Comité qu'à la suite de la
libération conditionnelle de l'auteur, ce dernier a quitté l'Australie
et réside à présent en Allemagne. L'auteur ajoute qu'il maintient sa communication.
Délibérations du Comité
9.1 Avant d'examiner une plainte présentée dans une communication, le
Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son
règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en
vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
9.2 S'agissant du maintien en détention provisoire de l'auteur - pendant
neuf mois -, le Comité note qu'il a duré du 5 juin 1989 au 4 mars 1990
et qu'il est donc intervenu avant l'entrée en vigueur du Protocole facultatif
pour l'Australie. Cette allégation est donc irrecevable ratione temporis,
dans la mesure où elle a trait au paragraphe 3 de l'article 9 et au paragraphe
3 c) de l'article 14.
9.3 Pour ce qui est de l'allégation de l'auteur selon laquelle il n'a
pas reçu les soins médicaux nécessaires au cours de sa détention provisoire,
et ce en violation du paragraphe 1 de l'article 10, le Comité note également
qu'elle concerne une période antérieure au mois de mars 1990, c'est-à-dire,
une fois encore, une période antérieure à l'entrée en vigueur du Protocole
facultatif pour l'Australie. Cette allégation est en conséquence elle
aussi irrecevable ratione temporis.
9.4 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur selon laquelle il aurait
été privé du droit de communiquer avec le conseil de son choix, le Comité
note que l'auteur a été représenté par un conseil dès le début, tout d'abord
par un avocat engagé par lui-même, puis par différents avocats commis
d'office. Le Comité rappelle que le paragraphe 3 d) de l'article 14 ne
donne pas le droit à l'accusé de choisir lui-même le conseil qui le défendra
gratuitement. En ce qui concerne le paragraphe 3 b) de l'article 14, l'auteur
n'a pas indiqué qu'il avait été privé, à un moment quelconque, du droit
d'avoir accès à un conseil avec lequel il souhaitait s'entretenir. Le
Comité considère en conséquence que l'auteur n'a formulé aucune allégation
au titre de l'article 2 du Protocole facultatif et que, de ce fait, cette
partie de la communication est irrecevable.
9.5 S'agissant de l'allégation de l'auteur selon laquelle il n'aurait
pas disposé du temps et des facilités nécessaires à la préparation de
sa défense, le Comité note que rien n'indique dans les renseignements
fournis par l'auteur qu'à un moment quelconque, avant ou pendant le procès,
il se soit plaint à ce sujet à son conseil ou au tribunal et son conseil
n'a pas non plus informé le tribunal qu'il n'était pas prêt à présenter
sa défense. Le Comité considère que l'auteur n'a pas étayé son allégation
aux fins de la recevabilité et que cette partie de la communication est
elle aussi irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
9.6 Pour ce qui est de l'allégation de l'auteur au titre du paragraphe
3 a) de l'article 14, le Comité note que bien que l'auteur ait invoqué
cette disposition, il n'a exposé aucun fait à l'appui de son assertion
selon laquelle il n'a pas été informé, dans le plus court délai, dans
une langue qu'il comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs
de l'accusation portée contre lui. Cette partie de la communication est
irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
9.7 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur selon laquelle la qualité
de l'interprétation laissait à désirer, ce qui aurait été préjudiciable
à sa défense, le Comité note que les minutes du procès indiquent que le
juge est souvent intervenu dans l'audition des témoins afin de faciliter
le travail de l'interprète. En outre, l'Etat partie a indiqué que l'interprète
engagée pour le procès de l'auteur possédait toutes les qualifications
professionnelles voulues. Selon le paragraphe 3 f) de l'article 14, les
Etats parties ont l'obligation de fournir gratuitement les services d'un
interprète compétent si l'accusé ne comprend pas ou ne parle pas la langue
employée à l'audience. En l'espèce, l'Etat partie a fourni les services
d'un interprète et le Comité note que rien dans le dossier n'indique que
l'interprétation ait posé des problèmes. Dans ces conditions, cette partie
de la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole
facultatif.
9.8 S'agissant de l'allégation de l'auteur selon laquelle le fait qu'aucun
témoin à décharge n'a été cité à comparaître constitue une violation du
paragraphe 3 e) de l'article 14, le Comité note que la défense avait toute
latitude de citer des témoins à comparaître, mais que le conseil de l'auteur,
exerçant son jugement professionnel, a décidé de ne pas le faire. Le Comité
considère que l'Etat partie ne peut pas être tenu pour responsable des
erreurs qui auraient été commises par un avocat de la défense, sauf si
le juge avait constaté ou aurait dû constater que la conduite de l'avocat
était incompatible avec l'intérêt de la justice. En l'espèce, il n'y a
aucune raison de croire que l'avocat n'a pas agi au mieux de son jugement
et cette partie de la communication est en conséquence irrecevable en
vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
9.9 Pour ce qui est des allégations de l'auteur selon lesquelles il serait
victime de violations des articles 26 et 16 du Pacte, le Comité note que
chaque affaire pénale doit être examinée selon les faits propres de la
cause et que l'acquittement d'un accusé et la condamnation d'un autre
ne soulèvent pas de questions de reconnaissance de la personnalité juridique
ou d'égalité devant la loi. Cette partie de la communication est en conséquence
irrecevable en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif car elle est
incompatible avec les dispositions du Pacte.
9.10 Quant à l'allégation de l'auteur au titre du paragraphe 5 de l'article
14, le Comité note que l'appel de l'auteur, tant de la condamnation que
de la sentence, a été effectivement entendu et que les faits ont été réexaminés
par la cour d'appel. Cette partie de la communication est en conséquence
irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
9.11 En ce qui concerne le recours devant la Haute Cour, le Comité constate
que lorsque la loi prévoit la possibilité de former un nouveau recours,
les garanties de l'article 14 s'appliquent et la personne condamnée a
le droit d'exercer ce recours. En l'espèce, le Comité note que l'auteur
n'a pas étayé, aux fins de la recevabilité, son allégation selon laquelle
il a été privé de son droit de saisir la Haute Cour. Cette partie de la
communication est, par conséquent, irrecevable en vertu de l'article 2
du Protocole facultatif.
9.12 Enfin, le Comité considère que l'affaire des cassettes contenant
des traductions en allemand d'enregistrements originaux anglais du procès,
qui ont été perdues au cours d'un transfèrement d'une prison à une autre,
ne soulève aucune question relevant du Pacte. Cette partie de la communication
est par conséquent irrecevable en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif,
car elle est incompatible avec les dispositions du Pacte.
10. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) que la communication est irrecevable;
b) que la présente décision sera communiquée à l'Etat partie et à l'auteur.
______________
* Les membres du Comité dont le nom suit ont pris part à l'examen
de la communication : MM. Nisuke Ando, Prafullachandra N. Bhagwati et
Thomas Buergenthal, Mme Christine Chanet, Lord Colville, M. Omran El Shafei,
Mmes Elizabeth Evatt et Pilar Gaitan de Pombo, MM. Eckart Klein, David
Kretzmer et Rajsoomer Lallah, Mmes Cecilia Medina Quiroga et Laure Moghaizel,
MM. Fausto Pocar, Julio Prado Vallejo, Martin Scheinin et Maxwell Yalden.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]