Comité des droits de l'homme
Cinquante-septième session
8 - 26 juillet 1996
ANNEXE*
Décision du Comité des droits de l'homme en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international relatif
aux droits civils et politiques
- Cinquante-septième session -
Communication No 584/1994
Présentée par : Antonius Valentijn
Au nom de : L'auteur
Etat partie : France
Date de la communication : 11 octobre 1993 (date de la lettre
initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 22 juillet 1996,
Adopte le texte ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est Antonius Valentijn, citoyen néerlandais
né en 1940, actuellement détenu à la prison de Bapaume (France). Il prétend
être victime d'une violation par la France des articles 2 et 3, du paragraphe
1 de l'article 9, des paragraphes 1, 2 et 3 de l'article 14, et du paragraphe
1 de l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Le 15 août 1986, l'auteur et deux autres personnes ont été arrêtés
en mer après que des agents des douanes françaises eurent trouvé 639 kilogrammes
de haschisch à bord de leur voilier qui, au moment de l'inspection et
de l'arrestation, se trouvait dans la Manche.
2.2 Le 19 août 1986, l'auteur a été inculpé d'infractions à la législation
française sur les stupéfiants par le magistrat instructeur du tribunal
de Boulogne-sur-Mer et placé en détention provisoire. Les charges retenues
contre l'auteur étaient fondées sur des procès-verbaux dressés par des
fonctionnaires des douanes françaises conformément à l'article 336-1 du
Code des douanes; aux termes de cet article, les procès-verbaux de douane
rédigés par deux agents des douanes ou de toute autre administration sont
considérés comme preuves à charge, jusqu'à ce que la personne incriminée
dépose une plainte pour inscription de faux des constatations matérielles
qu'ils relatent.
2.3 A l'audience préliminaire, l'auteur et ses coaccusés, niant que l'inspection
du bateau ait eu lieu dans les eaux territoriales françaises, ont affirmé
avoir été arrêtés en haute mer, dans les eaux internationales. Un expert
maritime, qui avait été requis par l'auteur pour examiner la question,
a conclu dans son rapport "qu'il était impossible de prouver que
l'inspection du voilier avait eu lieu dans les eaux territoriales françaises
et que tout portait à conclure le contraire".
2.4 Le 24 octobre 1986, le magistrat instructeur a désigné un autre expert
qui a déclaré dans son rapport, daté du 12 février 1987, que l'inspection
avait bien eu lieu dans les eaux territoriales françaises. Le 30 avril
1987, le magistrat instructeur a renvoyé l'affaire devant le tribunal
de grande instance de Boulogne-sur-Mer.
2.5 Le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a entendu l'affaire
le 17 juin 1987 et, dans un jugement prononcé le même jour, il a décidé
de suspendre provisoirement la procédure au motif que l'auteur avait indiqué
au cours de l'audience qu'il souhaitait contester la validité des procès-verbaux
établis par les agents des douanes le 15 août 1986 ou dans les quelques
jours suivants. Le tribunal a ordonné le maintien en détention des trois
accusés au motif qu'il y avait un risque qu'ils s'échappent et qu'il était
nécessaire de protéger l'ordre public et d'empêcher que les infractions
se renouvellent. Il a en outre décidé, compte tenu du maintien en détention
des accusés, de réexaminer l'affaire le 16 décembre 1987.
La procédure pénale engagée contre l'auteur
2.6 Lors d'audiences qui ont eu lieu le 16 décembre 1987, les 16 mars,
22 juin, 17 août et 12 octobre 1988, et le 11 janvier 1989, le tribunal,
après avoir réexaminé l'affaire, a décidé de nouveau de suspendre provisoirement
la procédure, au motif que la procédure d'inscription de faux et usage
de faux en écritures publiques était toujours pendante; après chaque audience,
une date était fixée pour l'audience suivante. Dans des jugements rendus
aux mêmes dates, le tribunal a ordonné le maintien en détention de l'auteur
et de ses coaccusés. La cour d'appel de Douai a débouté l'auteur des recours
qu'il avait intentés contre lesdits jugements le 9 septembre et le 29
décembre 1987, ainsi que le 5 avril et le 25 août 1988; la Cour de cassation
a également rejeté les pourvois formés contre ces décisions les 5 juillet
et 7 décembre 1988, ainsi que le 30 janvier 1989.
2.7 Le 1er mars 1989, l'auteur a été reconnu coupable d'infraction à
la législation française sur les stupéfiants et de contrebande de drogues
prohibées, infractions réprimées par le Code de la santé publique et le
Code des douanes, respectivement; il a été condamné à 10 ans d'emprisonnement
et à une amende de douane. Dans un arrêt du 29 juin 1989, la cour d'appel
de Douai a condamné l'auteur à 12 ans d'emprisonnement; elle a confirmé
l'amende infligée en première instance. De plus, le 5 octobre 1990, la
cour d'appel a débouté l'auteur de sa demande de libération. Le 17 décembre
1990, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par l'auteur contre
l'arrêt du 29 juin 1989.
La procédure d'inscription de faux et usage de faux en écritures
publiques
2.8 Le 19 juin 1987, l'auteur a fait valoir ses moyens dans la procédure
d'inscription de faux et usage de faux en écritures publiques. L'instruction
préparatoire de cette affaire a commencé le 26 juin 1987 et l'auteur s'est
constitué partie civile le 7 octobre 1987. Le 15 janvier 1988, le magistrat
instructeur a nommé un expert qui a affirmé, dans son rapport daté du
29 février 1988, que l'inspection et la saisie du bateau avaient eu lieu
dans les eaux territoriales françaises.
2.9 Par voie d'ordonnance datée du 7 mars 1988, le magistrat instructeur
a rejeté la demande de contre-expertise formulée par l'auteur, considérant
qu'elle participait d'une tactique dilatoire. Un recours contre cette
décision a été déclaré irrecevable par la chambre d'accusation de la cour
d'appel le 16 mars 1988.
2.10 Le 31 mars 1988, le magistrat instructeur a rendu une ordonnance
de non-lieu dans la procédure d'inscription de faux et usage de faux en
écritures publiques. La cour d'appel de Douai a confirmé ce jugement le
26 avril 1988; elle a rejeté la demande de l'auteur tendant à obtenir
un supplément d'information ou une nouvelle expertise, estimant que, à
la lumière du rapport d'expertise présenté dans le cadre de la procédure
engagée contre l'auteur, la plainte pour inscription de faux et usage
de faux en écritures publiques n'était pas suffisamment étayée. Le pourvoi
formé par l'auteur contre cet arrêt a été déclaré irrecevable par la Cour
de cassation le 28 novembre 1988. Celle-ci a estimé que, après avoir examiné
les faits, la chambre d'accusation de la cour d'appel avait apprécié correctement
les éléments du dossier et avait pris sa décision à la lumière de toutes
les preuves disponibles.
2.11 Le 8 novembre 1989, la Commission européenne des droits de l'homme
a déclaré que la plainte formulée par l'auteur au sujet de la durée de
sa détention provisoire était irrecevable pour défaut manifeste de fondement.
Le 10 juin 1991, l'auteur a de nouveau saisi la Commission européenne;
cette plainte a été enregistrée par la Commission sous le No 18563/91.
L'auteur affirmait : a) qu'il avait été arrêté illégalement; b) qu'il
n'avait pas été jugé dans un délai raisonnable; c) que son droit d'être
présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie
avait été violé (cet argument se rapportant aux procès-verbaux des douanes);
et d) que son droit d'obtenir la comparution et l'interrogatoire de l'expert
maritime en tant que témoin à décharge avait été violé.
2.12 Le 5 mai 1993, la Commission européenne des droits de l'homme a
déclaré l'affaire No 18563/91 irrecevable, invoquant divers motifs. S'agissant
de la plainte pour arrestation illégale, la Commission a noté que la décision
définitive dans la procédure judiciaire relative à cette plainte, c'est-à-dire
la procédure d'inscription de faux et usage de faux en écritures publiques,
avait été rendue plus de six mois avant que l'auteur ne lui soumette
son affaire. Elle a déclaré que cette partie de la plainte était irrecevable
ratione temporis. Les plaintes concernant le retard excessif de
la procédure judiciaire et la violation de la présomption d'innocence
ont été déclarées irrecevables parce que non fondées. S'agissant enfin
de la plainte relative au déni du droit d'obtenir l'audition d'un témoin
à décharge, la Commission a conclu que, étant donné que l'auteur n'avait
pas soulevé cette question devant la Cour de cassation, les recours internes
n'avaient pas été épuisés.
2.13 Dans une lettre datée du 3 janvier 1994, l'auteur indique qu'il
a déposé deux nouvelles plaintes devant la Commission européenne des droits
de l'homme et qu'elles ont été enregistrées / L'auteur n'indique
pas quelles questions il a soulevées dans ces plaintes./. Il souligne
que la question de son arrestation, qu'il juge illégale, ne peut pas être
examinée par la Commission européenne en raison de la règle des six mois.
Il réaffirme qu'il a été arrêté dans les eaux internationales et que les
agents des douanes ont falsifié l'ensemble des documents, y compris le
journal de bord et le journal radio. Il soutient que son procès n'a pas
été équitable, étant donné qu'il n'a pas obtenu la comparution et l'interrogatoire
d'un expert en tant que témoin à décharge.
2.14 Le 14 août 1994, l'auteur souligne avoir été condamné à 12 ans d'emprisonnement
par la cour d'appel de Douai alors que la peine de prison maximale prévue
pour les infractions dont il a été reconnu coupable, et à laquelle il
a tout d'abord été condamné, est de 10 ans. Il indique qu'un nouveau code
pénal est entré en vigueur en France en 1993, en vertu duquel la peine
de prison maximale prévue pour chacune de ces mêmes infractions est également
fixée à 10 ans d'emprisonnement / L'auteur n'a pas compris
que la peine de 12 ans d'emprisonnement résulte du cumul des peines. En
vertu du nouveau code pénal, les délits dont l'auteur a été reconnu coupable
sont les suivants : a) transport non autorisé de drogues illicites (peine
: 10 ans d'emprisonnement et 50 millions de francs d'amende) et b) importation
non autorisée de drogues illicites (peine : 10 ans d'emprisonnement et
50 millions de francs d'amende)./. A cet égard, l'auteur déclare que,
le 6 juillet 1994, la cour d'appel de Douai a rejeté sa plainte pour violation
de l'article 15 du Pacte et de l'article 7 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (son
équivalent); il ajoute que l'expérience lui a appris qu'un pourvoi auprès
de la Cour de cassation est inutile et inefficace.
Teneur de la plainte
3. L'auteur prétend que les faits exposés constituent une violation des
articles 2 et 3, du paragraphe 1 de l'article 9, des paragraphes 1, 2,
3 c) et e) de l'article 14, et du paragraphe 1 de l'article 15 du Pacte.
Renseignements et observations soumis par l'Etat partie au sujet
de la recevabilité
4.1 Dans les observations qu'il a soumises en application de l'article
91 du règlement intérieur, l'Etat partie, après un exposé détaillé des
faits ainsi que des différentes étapes de la procédure, soutient que la
communication est irrecevable en vertu de l'article 3 et des paragraphes
2 a) et b) du paragraphe 5 du Protocole facultatif.
4.2 En ce qui concerne la violation alléguée du paragraphe 1 de l'article
9 du fait que M. Valentijn aurait été appréhendé illégalement hors des
eaux territoriales françaises, l'Etat partie note que le point de savoir
si l'arrestation de l'auteur a eu lieu à l'intérieur ou à l'extérieur
des eaux territoriales est un élément matériel, qui a été évalué par les
instances locales au cours d'audiences publiques et à la lumière de deux
rapports établis par des experts désignés par les tribunaux, ainsi que
des moyens et de la contre-expertise produits par M. Valentijn. En conséquence,
l'Etat partie conclut à ce propos que le Comité n'a pas compétence ratione
materiae pour contester des éléments qui ont été évalués d'une manière
souveraine par les tribunaux nationaux, dans le respect rigoureux des
procédures applicables.
4.3 S'agissant de l'allégation relative à la violation du paragraphe
1 de l'article 14, l'Etat partie fait observer tout d'abord que l'auteur
ne l'a pas justifiée. Il souligne que, de surcroît, toutes les allégations
relevant de l'article 14 avaient été étudiées par la Commission européenne
des droits de l'homme lors de l'examen de la première plainte soumise
à celle-ci par l'auteur. Cette plainte, alléguant une violation du paragraphe
1 de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales (l'équivalent de l'article 14
du Pacte), a été déclarée irrecevable le 8 novembre 1988 pour non-épuisement
des recours internes / Décision du 8 novembre 1988 relative
à l'affaire No 14033/88 (copie de cette décision est conservée dans le
dossier)./. L'Etat partie rappelle qu'il a formulé la réserve suivante
au sujet du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif : "Le
Comité ne sera pas compétent pour examiner une communication émanant d'un
particulier si la même question est en cours d'examen ou a déjà été examinée
par une autre instance internationale d'enquête ou de règlement".
Cette réserve s'appliquerait à la plainte formulée par l'auteur au titre
du paragraphe 1 de l'article 14 dont le Comité est saisi, et est donc
alléguée comme exception d'incompétence.
4.4 Des considérations analogues s'appliquent, de l'avis de l'Etat partie,
à la plainte présentée par l'auteur au titre du paragraphe 2 de l'article
14. En effet, dans l'affaire (No 18563/91) examinée par la Commission
européenne des droits de l'homme, M. Valentijn avait invoqué les dispositions
du paragraphe 2 de l'article 6 de la Convention européenne (l'équivalent
du paragraphe 2 de l'article 14 du Pacte), arguant que l'article 336 1)
du Code des douanes français était incompatible avec la présomption d'innocence.
Le 5 mai 1993, cette plainte a été déclarée irrecevable par la Commission
européenne pour défaut manifeste de fondement. En conséquence, la réserve
de la France concernant le paragraphe 2 a) de l'article 5 s'appliquerait
également à cette allégation, et le Comité ne serait pas compétent.
4.5 Pour ce qui est de la violation alléguée des dispositions des paragraphes
3 c) et e) de l'article 14, l'Etat partie signale que dans l'affaire No
18563/91, soumise à la Commission européenne, l'auteur s'était déjà plaint
de lenteurs indues de la procédure et avait déjà allégué n'avoir pu obtenir
l'audition d'un témoin à décharge. Le 5 mai 1993, la Commission européenne
a déclaré la plainte relative aux lenteurs de la procédure irrecevable
pour défaut manifeste de fondement et la plainte concernant la non-audition
d'un témoin à décharge irrecevable pour non-épuisement des recours internes.
La réserve formulée par la France au sujet du paragraphe 2 a) de l'article
5 serait donc applicable.
4.6 Pour ce qui est enfin de la plainte au titre de l'article 15, l'Etat
partie fait valoir que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes disponibles.
Il relève que, si un pourvoi a été formé devant la Cour de cassation contre
la confirmation et l'aggravation de la peine initialement prononcée à
l'endroit de l'auteur par la cour d'appel de Douai (29 juin 1989), il
n'a pas été soutenu devant la Cour de cassation que l'aggravation de la
peine était assimilable à l'imposition rétroactive d'une peine plus lourde.
L'Etat affirme qu'il appartenait à l'auteur de soulever cette question
devant la Cour de cassation, d'autant plus que les principes énoncés par
l'article 15 du Pacte sont, en France, consacrés par la Constitution.
Le fait que l'auteur ait omis de faire connaître ce grief aux tribunaux
nationaux le rend irrecevable pour non-épuisement des recours internes.
Délibérations du Comité
5.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
5.2 Au sujet des allégations de violation des paragraphes 1, 2, 3 c)
et e) de l'article 14 du Pacte faites par l'auteur, le Comité note que
les plaintes successives soumises à la Commission européenne des droits
de l'homme étaient fondées sur les mêmes événements et les mêmes faits
que la communication présentée au titre du Protocole facultatif. Il rappelle
qu'en ce qui concerne le paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif,
la France a formulé la réserve suivante au moment de la ratification :
"Le Comité ne sera pas compétent pour examiner une communication
émanant d'un particulier si la même question est en cours d'examen ou
a déjà été examinée par une autre instance internationale d'enquête ou
de règlement". En l'espèce, le Comité est saisi de la "même
question" que la Commission européenne des droits de l'homme. Pour
ce qui est de savoir si la Commission européenne "a examiné"
la même question, le Comité relève que la plupart des allégations de violation
de l'article 14 faites par l'auteur, à l'exception de celle qui concerne
le paragraphe 3 e) de l'article 14, ont été déclarées irrecevables pour
défaut manifeste de fondement. A cet égard, donc, le Comité conclut que
la Commission européenne "a examiné" les allégations de l'auteur,
et que la réserve formulée par la France concernant le paragraphe 2 a)
de l'article 5 du Protocole facultatif est applicable. Au sujet de l'allégation
de violation du paragraphe 3 e) de l'article 14, qui a été déclarée irrecevable
par la Commission européenne pour non-épuisement des recours internes,
le Comité note que l'auteur n'ayant invoqué devant la Cour de cassation
aucun grief relatif à cette disposition du Pacte, il se voit aussi dans
l'obligation de conclure que les conditions énoncées au paragraphe 2 b)
de l'article 5 du Protocole facultatif ne sont pas remplies.
5.3 En ce qui concerne l'allégation de violation du paragraphe 1 de l'article
9 du Pacte, le Comité note que la question de savoir si l'auteur a été
arrêté à l'intérieur ou à l'extérieur des eaux territoriales françaises
a été soigneusement étudiée par les tribunaux français saisis de l'affaire,
qui l'ont examinée à la lumière de deux rapports d'experts demandés par
les magistrats ainsi que l'expertise requise par l'auteur lui-même. Cette
allégation a donc trait à l'appréciation des faits et des éléments de
preuve en l'espèce, comme l'a fait observer l'Etat partie lui-même. Le
Comité rappelle qu'il appartient généralement aux tribunaux nationaux
d'apprécier et d'évaluer les faits et les éléments de preuve dans un cas
d'espèce, et aux juridictions d'appel des Etats parties d'examiner l'appréciation
de ces éléments de preuve faite par les juridictions du degré inférieur.
Il n'appartient pas au Comité de mettre en cause l'appréciation des éléments
de preuve qui a été faite par les tribunaux nationaux, sauf si elle a
été manifestement arbitraire ou assimilable à un déni de justice. Aucun
des éléments portés à la connaissance du Comité ne montre que la procédure
suivie par les tribunaux ait été entachée de telles irrégularités. En
conséquence, l'auteur n'a pas, aux fins de la recevabilité de sa communication,
suffisamment étayé son allégation et cette partie de la communication
est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
5.4 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur au titre de l'article
15, dont la Commission européenne des droits de l'homme n'a pas été saisie,
le Comité note que l'auteur a été déclaré coupable d'un certain nombre
d'infractions réprimées par le Code de la santé publique et le Code des
douanes français. Toutefois, l'auteur a omis d'invoquer devant la Cour
de cassation le droit qui est protégé par l'article 15 du Pacte; il s'ensuit
que la juridiction nationale la plus élevée n'a jamais eu connaissance
de l'argument de l'auteur selon lequel il aurait dû bénéficier de l'application
d'une peine plus légère à la suite de la modification du Code pénal intervenue
en 1993. A cet égard, l'auteur n'a donc pas épuisé les recours internes
disponibles au sens du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.
6. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable au titre de l'article 2 et des
paragraphes 2 a) et 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'Etat partie et à l'auteur
de la communication.
__________________
* Conformément à l'article 85 du règlement extérieur, Mme Christine Chanet,
membre du Comité, n'a pas pris part à l'examen de la communication.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]