Comité des droits de l'homme
Soixante-quatrième session
19 octobre - 6 novembre 1998
ANNEXE*
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe
4 de
l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques
- Soixante-quatrième session -
Communication No 594/1992**
Présentée par : Irving Phillip (représenté par Mme Natalia Schiffrin,
d'Interights)
Au nom de : L'auteur
État partie : Trinité-et-Tobago
Date de la communication : 13 février 1994 (date de la lettre
initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 20 octobre 1998,
Ayant achevé l'examen de la communication No 594/1992 présentée
par M. Irving Phillip, en vertu du Protocole facultatif se rapportant
au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui
ont été communiquées par l'auteur de la communication, son conseil et
l'État partie,
Adopte ce qui suit :
Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif
1. L'auteur de la communication est Irvin Phillip, citoyen trinidadien,
qui purge une peine d'emprisonnement à vie à la prison d'État de Port
of Spain (Trinité-et-Tobago). Il affirme être victime d'une violation
par la Trinité-et-Tobago des articles 7, 10 1) et 14 1) et 3) b), d) et
e) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il
est représenté par Mme Natalia Schiffrin d'Interights.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur, ainsi que Peter Holder / Communication No 515/1992,
déclarée irrecevable le 19 juillet 1995, pour non-épuisement des recours
internes./ et Errol Janet, ont été conjointement accusés du meurtre, survenu
le 29 mars 1985, d'une certaine Faith Phillip (aucun lien de parenté avec
l'auteur). Le 5 mai 1988, au terme d'un procès d'un mois, le jury n'a
pu rendre son verdict à l'unanimité et un nouveau procès a été ordonné.
Le 18 juin 1988, les accusés ont été reconnus coupables des faits qui
leur étaient reprochés et condamnés à mort par la deuxième cour d'assises
de Port of Spain. Le 5 avril 1990, la Cour d'appel de la Trinité-et-Tobago
a débouté MM. Holder et Phillip, et acquitté Errol Janet; elle a rendu
son jugement par écrit deux semaines plus tard. La demande d'autorisation
spéciale de former recours devant la Section judiciaire du Conseil privé,
déposée par M. Phillip, a été rejetée le 24 avril 1991. Le 31 décembre
1993, la peine capitale prononcée contre M. Phillip a été commuée en peine
d'emprisonnement à vie.
2.2 C'est le second procès de M. Phillip qui fait l'objet de la communication,
la Cour ayant rejeté la demande de renvoi du procès présentée par l'avocat
commis au titre de l'aide judiciaire qui souhaitait disposer de plus de
temps pour préparer la défense de l'accusé ou, à défaut, que M. Phillip
soit autorisé à engager un autre avocat.
2.3 Mme Zelina Mohammed, caissière au Zodiac Recreational Club de Port
of Spain, était l'unique témoin du crime et le principal témoin à charge.
Dans sa déposition à l'audience, elle a affirmé que le 29 mars 1985 au
matin, elle se trouvait à son travail à l'intérieur du bar et Faith Phillip
était assise devant le bar, lorsque trois hommes étaient entrés. M. Holder
avait commandé une boisson et était descendu à l'étage inférieur au bout
d'un moment; Mme Mohammed avait alors entendu un bruit semblable à celui
que faisait le portail de l'entrée lorsqu'on le fermait. Quand M. Holder
était revenu, elle avait demandé à Faith Phillip d'aller jeter un coup
d'oeil. Un instant plus tard, M. Phillip avait empoigné Faith Phillip
et M. Holder avait ouvert la porte du bar d'un coup de pied et était entré
en compagnie de M. Janet. Ils étaient tous deux armés d'un couteau. M.
Holder avait contraint Mme Mohammed à ouvrir la caisse et à remettre aux
trois hommes 300 dollars. Celle-ci avait ensuite été obligée de leur montrer
le bureau du propriétaire du club, qui se trouvait à l'arrière du bâtiment.
Là, M. Holder l'avait ligotée tandis que M. Janet fouillait la pièce à
la recherche d'objets de valeur. Elle avait reçu l'ordre de faire face
au mur, mais avait aperçu, avant d'obéir, M. Phillip, dans le couloir,
qui entraînait Faith Phillip vers une autre pièce. Elle avait alors entendu,
pendant cinq minutes environ, des bruits de lutte. Lorsque le calme était
revenu, elle avait entendu des pas, comme si les accusés s'en allaient.
Elle avait finalement été délivrée par l'électricien du club qui passait
par là, et tous deux avaient découvert Faith Phillip étendue sur le sol,
le visage tuméfié et saignant du nez. Le décès de la victime avait été
constaté à son arrivée à l'h_pital. La cause du décès était une grave
hémorragie cérébrale résultant de coups violents portés à la tête.
2.4 Lors d'une séance d'identification, qui avait eu lieu le 4 avril
1985, Mme Mohammed, mise en présence d'un groupe de huit hommes, avait
déclaré que M. Phillip "ressemblait" à une des personnes qui
avaient participé à l'attaque à main armée. M. Phillip soutient qu'il
y a erreur sur sa personne.
2.5 À l'audience, M. Holder a déclaré sous serment avoir participé au
cambriolage. Il a toutefois nié avoir frappé la victime. Il a affirmé
avoir vu M. Phillip dans le couloir avec Faith Phillip pendant que lui
et M. Janet vidaient les tiroirs dans le bureau du propriétaire du club.
En quittant les lieux, les deux hommes avaient retrouvé M. Phillip dehors.
2.6 Selon l'accusation, les trois accusés avaient, après avoir été informés
de leurs droits, avoué, en présence d'un juge de paix, avoir participé
à l'attaque à main armée. Dans sa déclaration, l'auteur avait reconnu
avoir participé au cambriolage mais nié avoir frappé la victime. Toutefois,
à l'audience, il a déclaré sous serment n'avoir jamais eu connaissance
du crime et n'avoir à aucun moment quitté son domicile le 29 mars 1985.
Il a aussi soutenu que Mme Mohammed s'était trompée lors de l'identification.
Sa déposition à la police a été retenue comme preuve après examen préliminaire.
2.7 M. Janet a confirmé sous serment la déposition qu'il avait faite
devant la police. Il a déclaré que c'étaient MM. Holder et Phillip qui
avaient organisé le cambriolage après avoir appris que le propriétaire
du club gardait tout son argent sur les lieux. Par crainte des deux hommes,
M. Janet avait lui aussi participé au cambriolage. Il a en outre déclaré
avoir empêché M. Holder de donner d'autres coups à la victime.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme que sa cause n'a pas été entendue équitablement,
en violation du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte. À cet égard, il
se plaint de l'incohérence des dépositions des témoins durant le premier
procès. Il fait valoir que l'accusation n'étant pas parvenue à prouver
sa culpabilité à ce procès, il aurait dû être acquitté. L'auteur soutient
en outre que l'accusation n'ayant pas apporté la preuve qu'il y avait
eu intention criminelle, le juge aurait dû appeler l'attention du jury
sur la thèse de l'homicide involontaire.
3.2 En ce qui concerne le temps et les moyens qui lui ont été accordés
pour préparer sa défense pour le second procès, l'auteur fait valoir que
l'avocat commis d'office n'a été désigné que le vendredi 10 juin 1988
alors que le procès a débuté le lundi 13 juin. L'avocat a demandé qu'on
lui accorde plus de temps pour préparer la défense de l'auteur et pour
communiquer avec lui, mais sa requête a été rejetée en violation de l'article
14, paragraphe 3 b) et e) du Pacte.
3.3 L'auteur se plaint en outre de n'avoir pu choisir un avocat lors
du second procès, ce qui va à l'encontre de l'article 14, paragraphe 3
d) du Pacte. Les déclarations faites à l'audience indiquent que, durant
le second procès, il s'est plaint de la prestation de son avocat, qui
était jeune et n'avait jamais assuré la défense d'un accusé passible de
la peine capitale. L'auteur a alors demandé la suspension du procès afin
qu'il puisse choisir un avocat. Le juge a suggéré à l'avocat de demander
à être dessaisi du dossier, mais le tribunal n'a pas fait droit à cette
demande. L'auteur affirme que le juge lui aurait dit qu'il n'avait pas
les moyens d'obtenir les services d'un avocat de son choix et qu'il n'y
aurait donc pas suspension du procès. Il soutient qu'il a été condamné
en raison du comportement tyrannique du juge et de l'inexpérience de son
avocat.
3.4 S'agissant des conditions dans lesquelles M. Phillip est détenu,
le conseil de l'auteur affirme que celui-ci est emprisonné dans une cellule
souterraine, d'une saleté repoussante, mal ventilée et infestée de cafards
et de rats, qu'il dort sur des morceaux de tapis et des cartons posés
à même le sol, sans aucune literie, que la nourriture est insuffisante
et qu'aucun article de toilette ni aucun médicament n'est fourni. L'auteur
n'ose toutefois pas se plaindre aux autorités, par peur de représailles
de la part des gardiens et il affirme craindre constamment qu'il ne soit
attenté à sa vie. Il est affirmé que ces conditions constituent une violation
des articles 7 et 10 1) du Pacte.
Observations de l'État partie et réponses de l'auteur
4.1 Dans ses observations du 23 septembre 1993, l'État partie conteste
la recevabilité de la communication, se référant, en particulier, à la
jurisprudence du Comité selon laquelle l'évaluation des faits et des éléments
de preuve appartient aux tribunaux des États parties.
4.2 L'État partie informe en outre le Comité que le 23 août 1993, Irvin
Phillip a déposé devant la Haute Cour une requête constitutionnelle dans
laquelle il prie celle-ci de statuer que l'exécution de la peine capitale
prononcée à son encontre serait inconstitutionnelle, d'invalider cette
peine et d'ordonner que l'exécution n'ait pas lieu. Le 23 août 1993, la
Cour a rendu une ordonnance conservatoire enjoignant à l'État de s'engager
à surseoir àl'exécution tant qu'elle n'aurait pas statué sur la requête
constitutionnelle.
4.3 Les autres arguments de l'État partie sont les suivants :
a) L'auteur n'a pas indiqué quelle(s) disposition(s) du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques auraient été, selon lui, violées
par la République de Trinité-et-Tobago;
b) Les faits tels qu'ils sont présentés ne soulèvent aucune question
au titre de l'une quelconque des dispositions du Pacte;
c) Selon la jurisprudence constante du Comité des droits de l'homme,
c'est en principe aux tribunaux des États parties au Pacte, et non pas
au Comité, qu'il appartient d'évaluer les faits et les éléments de preuve
dans chaque cas. La décision rendue par les tribunaux de la Trinité-et-Tobago
et par le Conseil privé ne peut être considérée comme arbitraire ou comme
équivalant à un déni de justice;
d) Pour ces motifs, la communication est incompatible avec les dispositions
du Pacte.
4.4 Dans sa communication du 9 février 1995, l'État partie informe le
Comité qu'à la suite de l'arrêt rendu par la Section judiciaire du Conseil
privé dans l'affaire Earl Pratt et Ivan Morgan c. le Procureur
général de la Jamaïque, les peines capitales prononcées contre MM.
Peter Holder et Irvin Phillip ont été commuées en peines d'emprisonnement
à vie.
5.1 Dans une lettre datée du 21 juin 1994, Interights, organisation non
gouvernementale britannique, a informé le Comité que M. Phillip lui avait
demandé de le représenter devant lui.
5.2 Dans une lettre datée du 27 mars 1995, Interights a présenté à nouveau
la communication au nom de M. Phillip en y joignant le texte des déclarations
faites à l'audience et les minutes du procès de MM. Peter Holder, Irvin
Phillip et Errol Janet devant la deuxième cour d'assises de Port of Spain.
Décision de recevabilité
6.1 A sa cinquante-sixième session, le Comité a examiné la question de
la recevabilité de la communication.
6.2 Le Comité s'est assuré, comme l'exige le paragraphe 2 a) de l'article
5 du Protocole facultatif, que la même question n'était pas déjà en cours
d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.
6.3 S'agissant des dispositions du paragraphe 2 b) de l'article 5, qui
exigent l'épuisement des recours internes, le Comité a noté que le Conseil
privé avait refusé à l'auteur l'autorisation de former recours. En conséquence,
pour ce qui est des allégations de l'auteur selon lesquelles il n'aurait
pas bénéficié d'un procès équitable, le Comité a estimé que les recours
internes avaient été épuisés aux fins du Protocole facultatif. À cet égard,
il a également noté que par suite de la commutation de peine dont a bénéficié
l'auteur, la requête constitutionnelle introduite par ce dernier devant
la Haute Cour n'avait plus de raison d'être.
6.4 Pour ce qui est des affirmations de l'auteur selon lesquelles ses
conditions de détention constituaient un traitement cruel, inhumain et
dégradant, le Comité a noté que l'État partie n'avait pas jusque-là cherché
à les réfuter et n'a donné aucune information quant aux recours internes
utiles dont l'auteur pouvait se prévaloir. Dans ces conditions, étant
donné que l'auteur avait déclaré que s'il n'avait pas déposé de plainte
par peur des gardiens, le Comité a estimé que le paragraphe 2 b) de l'article
5 du Protocole facultatif ne lui interdisait pas d'examiner la plainte,
qui pourrait soulever des questions au titre des articles 7 et 10 du Pacte.
6.5 En ce qui concerne la partie de la communication relative à l'évaluation
des éléments de preuve et aux instructions données par le juge au jury,
en particulier le fait que le juge n'avait pas appelé l'attention sur
la possibilité qu'il y ait eu homicide involontaire, le Comité a rappelé
sa jurisprudence constante selon laquelle c'était en principe aux cours
d'appel des États parties au Pacte, et non pas à lui, qu'il appartenait
d'évaluer les faits et les éléments de preuve dans chaque cas. Quant aux
allégations de l'auteur selon lesquelles il n'aurait fait aucun aveu à
la police et que le principal témoin à charge se serait trompé sur sa
personne lors de l'identification, le Comité a noté que ces questions
avaient fait l'objet d'un examen préliminaire au cours duquel les faits
et les éléments de preuve avaient été évalués. De même, il n'appartenait
pas au Comité d'examiner les instructions qui avaient pu être données
au jury par le juge, à moins qu'il ne puisse être établi que celles-ci
étaient manifestement arbitraires ou équivalaient à un déni de justice,
ou encore que le juge avait manifestement manqué à son obligation d'impartialité.
Rien dans les pièces dont le Comité était saisi n'indiquait que les instructions
données par le juge ou le déroulement du procès aient été entachés de
tels vices. Cette partie de la communication était donc irrecevable en
vertu de l'article 3 du Protocole facultatif.
6.6 Pour ce qui est des autres allégations au titre du paragraphe 3 de
l'article 14, le Comité a estimé que l'auteur avait étayé aux fins de
la recevabilité ses affirmations selon lesquelles il n'avait pas disposé,
pour le second procès, de suffisamment de temps ni de moyens pour préparer
sa défense, son avocat était inexpérimenté et il avait été privé de la
possibilité de se faire assister par un défenseur de son choix. Le Comité
a donc estimé que cette partie de la communication devait être examinée
quant au fond.
6.7 En conséquence, le 15 mars 1996, le Comité des droits de l'homme
a déclaré la communication recevable dans la mesure où elle semblait soulever
des questions au titre des articles 7, 10 et 14 du Pacte.
Délibérations du Comité
7.1 Le Comité a examiné la communication à la lumière de toutes les informations
fournies par les parties. Il note avec préoccupation qu'après qu'il a
transmis sa décision de recevabilité à l'État partie, aucun éclaircissement
n'a été reçu de celui-ci quant aux questions soulevées par la communication,
bien que des rappels lui aient été adressés le 11 mars 1997 ainsi que
le 30 avril et le 12 mai 1998. Le Comité rappelle qu'il ressort implicitement
du paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif qu'un État partie
est tenu d'examiner de bonne foi toutes les allégations formulées contre
lui et de présenter au Comité toutes les informations dont il dispose.
Étant donné que l'État partie n'a pas coopéré avec le Comité sur la question
à l'examen, il convient de donner tout leur poids aux allégations de l'auteur
dans la mesure où elles ont été étayées.
7.2 Le Comité observe qu'il ressort des informations qui lui ont été
communiquées que l'avocat de l'auteur a demandé au tribunal la suspension
du procès ou l'autorisation de se dessaisir du dossier parce qu'il n'était
pas préparé pour assurer la défense de l'auteur dès lors qu'il avait été
désigné le vendredi 10 juin 1988 et que le procès avait commencé le lundi
13 juin 1988. Le juge a refusé de faire droit à cette demande parce qu'il
aurait estimé que l'auteur n'avait pas les moyens d'engager un avocat
de son choix. Le Comité rappelle que même si le paragraphe 3 d) de l'article
14 du Pacte n'autorise par l'accusé à choisir le défenseur qui lui est
attribué d'office gratuitement, le tribunal doit veiller à ce que le défenseur
désigné s'acquitte de ses fonctions d'une manière qui ne soit pas incompatible
avec les intérêts de la justice. Le Comité estime que dans un procès où
l'accusé risque la peine capitale, lorsque son défenseur demande une suspension
parce qu'il n'est pas assez préparé pour s'acquitter de sa tâche, le tribunal
doit veiller à ce que soit donnée à l'accusé la possibilité de préparer
sa défense. Le Comité est d'avis qu'en l'espèce, la suspension demandée
aurait dû être accordée à M. Phillip. Dans ces conditions, il estime que
l'auteur n'a pas été efficacement représenté au procès, en violation du
paragraphe 3 b) et d) de l'article 14 du Pacte.
7.3 Le Comité considère qu'une condamnation à mort à l'issue d'un procès
au cours duquel les dispositions du Pacte n'ont pas été respectées constitue,
en l'absence de toute autre possibilité de faire appel de la sentence,
une violation de l'article 6 du Pacte. Comme le Comité l'a fait observer
dans son Observation générale 6 [16], le principe selon lequel une sentence
de mort ne peut être prononcée que conformément à la législation en vigueur
au moment où le crime a été commis et ne doit pas être en contradiction
avec les dispositions du Pacte implique que "les garanties d'ordre
procédural prescrites dans le Pacte doivent être observées, y compris
le droit à un jugement équitable rendu par un tribunal indépendant, la
présomption d'innocence, les garanties minima de la défense et le droit
de recourir à une instance supérieure". Dans le cas présent, comme
la condamnation définitive à mort a été prononcée sans que les dispositions
de l'article 14 aient été respectées, le Comité conclut qu'il y a eu aussi
violation de l'article 6 du Pacte.
7.4 Le Comité note à propos des conditions de détention de l'auteur que
celui-ci a formulé des allégations précises, affirmant qu'il était enfermé
dans une cellule souterraine, d'une saleté repoussante, mal ventilée et
infestée de cafards et de rats, qu'il dormait sur des morceaux de tapis
et des cartons posés à même le sol en ciment, sans aucune literie, que
la nourriture était insuffisante et qu'aucun article de toilette ni aucun
médicament n'était fourni aux détenus. L'État partie n'a pas tenté de
réfuter ces allégations précises. Dans ces conditions et en l'absence
de réaction de la part de l'État partie, le Comité considère que ces allégations
ne sont pas contestées. Il conclut que la détention d'un prisonnier dans
les conditions décrites plus haut constitue une violation de son droit
à un traitement humain et respectueux de la dignité inhérente à la personne
humaine et est, par conséquent, contraire au paragraphe 1 de l'article
10.
8. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il
est saisi font apparaître une violation des articles 10, paragraphe 1,
et 14, paragraphe 3 b) et d), et, partant, de l'article 6 du Pacte.
9. En vertu du paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie
est tenu d'accorder à M. Phillip un recours utile, sous la forme d'une
mise en liberté immédiate et d'une indemnisation. L'État partie est tenu
de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à
l'avenir.
10. Sachant qu'en adhérant au Protocole facultatif, la Trinité-et-Tobago
a reconnu que le Comité était compétent pour déterminer s'il y a eu ou
non violation du Pacte et que, conformément à l'article 2 du Pacte, l'État
partie s'est engagé à garantir à toutes les personnes se trouvant sur
son territoire ou relevant de sa juridiction les droits reconnus dans
le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation
a été établie, le Comité souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai
de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet
à ses constatations. L'État partie est aussi invité à publier les constatations
du Comité.
______________
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de
la communication : M. Prafullachandra N. Bhagwati, M. Thomas Buergenthal,
Mme Christine Chanet, Lord Colville, M. Omar El Shafei, Mme Elizabeth
Evatt, Mme Pilar Gaitan de Pombo, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer,
Mme Cecilia Medina Quiroga, M. Julio Prado Vallejo, M. Martin Scheinin,
M. Roman Wieruszewski, M. Maxwell Yalden et M. Abdallah Zakhia.
** En application de l'article 85 du Règlement intérieur, un membre
du Comité, M. Rajsoomer Lallah, n'a pas participé à l'adoption des présentes
constatations.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. À
paraître aussi ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le
rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]