8 - 26 juillet 1996
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques
- Cinquante-septième session -
Communication No 600/1994*
Présentée par : Dwayne Hylton [représenté par un conseil]
Au nom de : L'auteur
État partie : Jamaïque
Date de la communication : 21 octobre 1994 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 16 juillet 1996,
Ayant achevé l'examen de la communication No 600/1994 présentée au Comité des droits de l'homme au nom de M. Dwayne Hylton en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par le conseil de l'auteur et par l'État partie,
Adopte les constatations suivantes au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif.
1. L'auteur de la communication est Dwayne Hylton, citoyen jamaïcain qui
purge actuellement une peine d'emprisonnement à vie à la Jamaïque. La peine capitale prononcée en mai 1988 a été commuée par le Gouverneur général de la Jamaïque en 1995. Le Comité des droits de l'homme avait déjà examiné une communication soumise par M. Hylton (No 407/1990) Documents officiels de l'Assemblée générale, quarante-neuvième session, Supplément No 40 (A/49/40), vol. II, annexe IX.M. au sujet de laquelle il avait adopté ses constatations le 8 juillet 1994, établissant qu'il y avait eu violation des articles 7 et 10 du Pacte. Dans la communication à l'étude, M. Hylton dénonce une fois encore des violations par la Jamaïque des articles 7 et 10 du Pacte. Il est représenté par un conseil. Le 22 novembre 1995, l'État partie a fait connaître au Comité que la peine capitale prononcée à l'encontre de l'auteur avait été commuée en peine d'emprisonnement à vie.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Dwayne Hylton a été reconnu coupable de meurtre et condamné à mort le 26 mai 1988 par la Circuit Court de Manchester, à Mandeville (Jamaïque). Le 16 mai 1990, la cour d'appel de la Jamaïque l'a débouté. La section judiciaire du Conseil privé a rejeté le 29 octobre 1992 la demande d'autorisation spéciale de former recours.
2.2 Le conseil note que, dans la pratique, aucun recours constitutionnel n'est disponible dans le cas de M. Hylton car il n'a pas les moyens financiers de déposer une requête constitutionnelle et l'État partie ne prévoit pas l'aide judiciaire à cette fin. Se référant à la jurisprudence bien établie du Comité, le conseil affirme que tous les recours internes disponibles au sens du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif ont été épuisés.
Teneur de la plainte
3.1 M. Hylton se déclare victime d'une violation des articles 7 et 10 du Pacte du fait de la longueur de sa détention dans le quartier des condamnés à mort. Depuis sa condamnation, en mai 1988 jusqu'au début de l'été 1995, c'est-à-dire pendant sept ans, l'auteur est resté dans le quartier des condamnés à mort de la prison du district de St. Catherine. Le conseil fait valoir que du fait de cette durée (environ six ans au moment de la présentation de la communication), l'exécution de M. Hylton relèverait de l'article 7 et constituerait un traitement cruel, inhumain et dégradant. Il fait référence à la décision de la section judiciaire du Conseil privé dans l'affaire Pratt et Morgan c. Procureur général de la Jamaïque et consort Décision du Conseil privé rendue le 2 novembre 1993 (recours No 10 de 1993)., qui a statué notamment qu'une durée dépassant cinq ans à partir de la condamnation à mort d'un individu équivalait à un traitement cruel et inhumain en vertu de la Constitution jamaïcaine. D'après le conseil, cette durée est en elle-même suffisante pour constituer une violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte.
3.2 Le conseil indique en outre que les conditions de détention dans la prison du district de St. Catherine, où l'auteur est resté de mai 1988 à l'été de 1995, sont telles qu'elles représentent une violation des droits consacrés à l'article 7 et au paragraphe 1 de l'article 10. Il renvoie à ce sujet à un rapport publié par une organisation non gouvernementale américaine en 1990, qui faisait une description éminemment critique des conditions de détention dans la prison du district de St. Catherine Human Rights Watch, Prison Conditions in Jamaica, 1990..
3.3 Le conseil demande au Comité de recommander la commutation de la peine capitale en emprisonnement à vie.
Renseignements et observations de l'État partie sur la question de la recevabilité de la communication et commentaires du conseil à ce sujet
4.1 Dans ses observations soumises en application de l'article 91 du règlement intérieur, datées du 19 janvier 1995, l'État partie fait valoir que la communication est irrecevable et constitue un abus du droit de présenter des communications, conformément à l'article 3 du Protocole facultatif. Il rappelle que la première plainte de l'auteur a été transmise aux autorités jamaïcaines le 28 août 1990, soit deux ans et deux mois avant le rejet de son recours par la section judiciaire. La première plainte de l'auteur a été déclarée irrecevable en ce qu'elle concernait l'article 14 du Pacte, pour non-épuisement des recours internes. M. Hylton disposait de plus de 12 mois à compter du rejet de sa requête par le Conseil privé pour faire valoir d'autres allégations alors que le Comité était toujours saisi de sa première plainte. Or, il a soumis une nouvelle plainte plus de trois mois seulement après l'adoption des constatations relatives à sa précédente communication. L'État partie considère qu'il y a là "une manoeuvre visant à prolonger indûment la procédure d'une façon qui représente un abus du droit de présenter des communications".
4.2 L'État partie ajoute qu'il est établi en droit jamaïcain que la procédure judiciaire doit être utilisée de bonne foi et ne doit pas faire l'objet d'abus. Les tribunaux veillent à ce "qu'il ne soit pas fait un usage abusif de la justice". Or, l'État partie estime qu'il y a abus de procédure quand un plaignant soulève dans des procédures ultérieures des questions qui auraient pu et auraient dû être soumises lors d'une procédure précédente; à son avis, le Comité devrait également être guidé par cette conception : "Autoriser l'auteur à soumettre une nouvelle communication sur ces questions, à ce stade, reviendrait à lui permettre de prolonger la procédure devant le Comité et d'alourdir la charge qui pèse sur l'État partie, tenu en effet de s'occuper de ces questions et de faire mener les enquêtes, à ce stade tardif".
4.3 Néanmoins, "soucieux d'accélérer" l'examen de l'affaire, l'État partie fait part des observations ci-après sur le fond de la communication. En ce qui concerne l'allégation de violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte fondée sur la durée de la détention dans le quartier des condamnés à mort, l'État partie récuse l'idée que la décision prise le 2 novembre 1993 par la section judiciaire du Conseil privé dans l'affaire Pratt et Morgan c. Procureur général de la Jamaïque permette d'affirmer qu'un individu a été soumis à un traitement cruel et inhumain s'il est resté dans le quartier des condamnés à mort pendant plus de cinq ans. L'État partie estime qu'il faut examiner chaque cas compte tenu des circonstances de l'affaire afin de déterminer s'il y a eu ou non violation des droits constitutionnels.
4.4 D'après l'État partie, cet argument est étayé par la propre jurisprudence du Comité, en particulier par les constatations qu'il a adoptées dans l'affaire Pratt et Morgan Voir Documents officiels de l'Assemblée générale, quarante-quatrième session, Supplément No 40 (A/44/40), annexe X.F, communications Nos 210/1986 et 225/1987, constatations adoptées le 6 avril 1989, par. 13.6., le Comité ayant conclu que "... en principe, une procédure judiciaire prolongée ne constitue pas en soi un traitement cruel, inhumain ou dégradant, même si elle peut être pour les condamnés source d'angoisse profonde. Toutefois, ... une évaluation des circonstances dans chaque affaire serait nécessaire" (souligné par l'État partie).
5.1 Dans ses commentaires datés du 3 mars 1995, le conseil réfute l'allégation d'abus du droit de présenter des communications avancée par l'État partie, contestant que le principe de la chose jugée dans son application stricte ou dans son application large puisse être appliqué à la présente communication.
5.2 Le conseil reconnaît que le principe de la chose jugée peut être appliqué à la procédure établie par le Protocole facultatif et que le fondement juridique d'une telle interprétation peut être l'article 3 du Protocole. Le conseil conteste toutefois que la communication de M. Hylton soulève des questions qui ont déjà été tranchées ou que l'article 3 du Protocole puisse être appliqué pour quelque autre motif. Contrairement à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le Protocole facultatif ne contient pas de clause relative à la force de chose jugée; certes, si l'auteur d'une communication présentait à nouveau, sans la moindre modification, une communication déjà déclarée irrecevable ou déjà examinée par le Comité, il y aurait abus du droit de présenter des communications. Ce motif d'irrecevabilité pourrait également être avancé dans le cas où de fausses déclarations seraient faites pour induire le Comité en erreur ou dans le cas où l'auteur d'une plainte ne donnerait pas les renseignements nécessaires ou n'apporterait aucun élément permettant d'étayer ses affirmations, après en avoir été prié à plusieurs reprises.
5.3 De l'avis du conseil, aucun des critères ci-dessus ne s'applique dans l'affaire à l'examen. En effet, dans sa première communication, M. Hylton faisait état de violations des articles 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du fait des mauvais traitements que les gardiens de la prison lui infligeaient constamment et des menaces de mauvais traitements qu'il recevait également constamment. C'est à cet égard que la première communication a été déclarée recevable en octobre 1992 et que le Comité a adopté en juillet 1994 des constatations établissant une violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10. À aucun moment dans le cadre de la première communication, M. Hylton n'a soulevé des questions au titre de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 en raison de la durée passée dans le quartier des condamnés à mort. En bref, la question du "syndrome du quartier des condamnés à mort" n'a jamais été examinée par les parties ni par le Comité dans la première affaire : aussi, une application stricte du principe de la chose jugée ne saurait-elle être faite dans le cas de la présente plainte.
5.4 Le conseil rappelle que dans la présente communication son client ne se plaint que de la durée passée dans le quartier des condamnés à mort (près de sept ans au 3 mars 1995), qui représenterait une violation des droits consacrés à l'article 7 et au paragraphe 1 de l'article 10 : la question de la durée de la détention dans le quartier des condamnés à mort ne pouvait pas être soulevée avec la moindre chance d'aboutir dans la première communication, soumise en effet alors que M. Hylton se trouvait dans le quartier des condamnés à mort depuis à peine plus de deux ans. Par conséquent, ce sont des faits postérieurs à la première communication — c'est-à-dire la durée prolongée de sa détention dans le quartier des condamnés à mort — qui sont à la base de la présente communication. Comme ces faits ne pouvaient pas constituer le fondement d'une procédure précédente, le conseil fait valoir que la présente communication ne peut pas être considérée comme un abus de procédure, même si l'on donne une interprétation large au principe de la chose jugée.
5.5 Le conseil qualifie de dénuée de tout fondement l'allégation de l'État partie selon laquelle la présente communication vise à prolonger la procédure, puisque aucune autre procédure — que la communication à l'étude pourrait prolonger — n'est en cours.
5.6 Dans une lettre datée du 30 mai 1995, l'auteur considère que la peine capitale prononcée à son encontre aurait dû être commuée, en application des recommandations données par la section judiciaire du Conseil privé dans la décision concernant Pratt et Morgan. Il affirme que comme certains de ses codétenus ont reçu récemment l'ordre d'exécution les concernant, il continue de "vivre dans la hantise du bourreau".
Décision concernant la recevabilité et examen quant au fond
6.1 Avant d'examiner toute plainte contenue dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité note que l'auteur lui a déjà soumis une communication au sujet de laquelle il a adopté des constatations le 8 juillet 1994. L'État partie objecte que les allégations qui constituent le fondement de la présente communication auraient pu et auraient dû être avancées dans la première communication de M. Hylton et que le fait qu'elles aient été utilisées pour adresser au Comité une nouvelle communication rend celle-ci irrecevable pour abus du droit de présenter des communications, conformément à l'article 3 du Protocole facultatif.
6.3 Le Comité ne partage pas l'avis de l'État partie. Il est vrai que l'auteur d'une communication est tenu de faire preuve de toute la diligence voulue dans la présentation de ses allégations et que l'on peut effectivement concevoir que la présentation ultérieure, pendant l'examen d'une affaire, d'allégations qui auraient pu être avancées dans la première communication représente un abus de procédure; mais cette situation n'est pas celle où l'auteur d'une communication dont l'examen est achevé soulève de nouvelles questions qu'il ne pouvait pas soulever dans le contexte de la première plainte. De l'avis du Comité, le principe de la chose jugée n'est pas en jeu dans la deuxième hypothèse.
6.4 Dans la communication à l'étude, M. Hylton fait état du "syndrome du quartier des condamnés à mort", plainte qui ne figurait pas dans la première communication dont l'examen s'est achevé par l'adoption des constatations en juillet 1994. Étant donné que, quand il a présenté sa première communication, l'auteur se trouvait dans le quartier des condamnés à mort depuis à peine plus de deux ans, il ne pouvait pas faire valoir, avec des chances raisonnables d'aboutir, que la durée de sa détention dans le quartier des condamnés à mort était, à ce moment-là, incompatible avec l'article 7 et avec le paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. Quand il a présenté sa deuxième communication, le 21 octobre 1994, sa situation avait changé puisque les années passées dans le quartier des condamnés à mort s'étaient accumulées. Dans ces conditions, la présente communication ne constitue pas un abus de procédure et le Comité ne considère pas qu'elle "prolonge indûment" la procédure judiciaire puisque la question en jeu dans cette communication n'a jamais fait l'objet d'une décision.
6.5 Le Comité doit ensuite vérifier si des recours internes demeurent ou non disponibles. Par une note verbale datée du 22 novembre 1995, l'État partie l'a informé que la peine de mort avait été commuée en emprisonnement à vie par le Gouverneur général de la Jamaïque, après avis du Conseil privé jamaïcain. L'État partie n'a pas indiqué si un recours demeurait ouvert à l'auteur pour son allégation de violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte; le Comité note que dans la pratique l'auteur ne peut pas se prévaloir du recours constitutionnel car l'aide judiciaire n'est pas prévue pour déposer une requête à cette fin.
6.6 Par conséquent, le Comité estime que la présente communication est recevable pour ce qui est de l'allégation relative à la durée de sa détention dans le quartier des condamnés à mort.
6.7 En ce qui concerne les allégations de violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 fondées sur les conditions de détention à la prison du district de St. Catherine, le Comité note qu'elles n'ont été étayées que par une référence générale au rapport publié en 1990 par une organisation non gouvernementale. Aucun détail n'est donné sur les conditions particulières de détention de l'auteur. À cet égard, le Comité conclut que le conseil n'a pas formulé une plainte au sens de l'article 2 du Protocole facultatif.
7.1 Ayant déterminé que la communication était recevable pour ce qui est de l'allégation relative à la détention prolongée dans le quartier des condamnés à mort, le Comité estime approprié dans cette affaire de procéder à un examen quant au fond. Il note à cet égard que l'État partie, soucieux d'accélérer la procédure, a fait part de ses observations sur le fond de la communication. Il rappelle qu'en vertu du paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif, l'État doit soumettre par écrit des explications sur le fond d'une affaire dans les six mois qui suivent la date à laquelle la décision lui est transmise. Le Comité estime que le délai peut être plus court, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, si l'État partie y consent. Il note en outre que, dans sa réponse du 3 mars 1995, le conseil de l'auteur consent à l'examen de la communication quant au fond, sans faire part d'observations supplémentaires.
7.2 Par conséquent, le Comité entreprend immédiatement l'examen quant au fond de l'allégation de l'auteur concernant la durée de la détention dans le quartier des condamnés à mort, à la lumière de toutes les informations que les parties lui ont fait parvenir, comme il est requis au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.
8. Le Comité doit déterminer si la durée de la détention dans le quartier des condamnés à mort — sept années — équivaut à une violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. Le seul argument à l'appui d'une violation de ces dispositions que le conseil ait avancé est la durée de la détention dans le quartier des condamnés à mort. D'après la jurisprudence constante du Comité, l'incarcération dans le quartier des condamnés à mort pendant une durée déterminée ne constitue pas une violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte, en l'absence d'autres circonstances impérieuses. Le Comité renvoie, dans ce contexte, à ses constatations concernant la communication No 588/1994 (voir section W ci-dessus), dans lesquelles il a expliqué et précisé sa jurisprudence relative à la question du "syndrome de l'antichambre de la mort". De l'avis du Comité, ni l'auteur ni son conseil n'a démontré l'existence de circonstances impérieuses, s'ajoutant à la durée de la détention dans le quartier des condamnés à mort. Certes, une détention dans le quartier des condamnés à mort d'une durée de sept ans ne laisse pas d'être préoccupante, mais le Comité estime que cette durée ne constitue pas en soi une violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10.
9. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, est d'avis que les faits qui lui sont soumis ne révèlent pas de violation par la Jamaïque de l'une quelconque des dispositions du Pacte.
__________
* Conformément à l'article 85 du règlement intérieur du Comité, M. Laurel Francis n'a pas pris part à l'adoption des constatations. Le texte d'une opinion individuelle d'un membre du Comité, M. Francisco José Aguilar Urbina, est reproduit en appendice au présent document.
[Texte adopté en anglais, espagnol et français. Version originale : anglais.]
APPENDICE
membre du Comité
La manière dont l'opinion de la majorité a été exprimée, concernant la communication présentée par M. Dwayne Hylton contre la Jamaïque, nous contraint à formuler une opinion individuelle. L'opinion exprimée par la majorité reprend simplement la jurisprudence antérieure, laquelle a établi que la durée de la détention dans le quartier des condamnés à mort ne constitue pas en soi une violation de l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En maintes occasions, le Comité a soutenu que le seul fait d'être condamné à mort ne constitue pas une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Nous estimons que le Comité commet une erreur en cherchant à maintenir à tout prix sa jurisprudence sans préciser, analyser et apprécier au cas par cas les faits qui lui sont présentés. Dans le cas d'espèce, le désir manifesté par le Comité des droits de l'homme d'être en accord avec sa jurisprudence l'a conduit à établir que le temps passé dans l'antichambre de la mort n'est en aucun cas contraire à l'article 7 du Pacte.
La majorité semble, en effet, fonder son opinion sur le postulat que seul un revirement total de la jurisprudence du Comité pourrait permettre de décider qu'une détention d'une durée excessive dans le quartier des condamnés à mort pourrait constituer une violation de la disposition mentionnée. À cet égard, nous souhaitons nous référer à l'opinion et à l'analyse que nous avons exposées à propos de la communication No 588/1994 (Errol Johnson c. Jamaïque). Nous souhaitons, en particulier, appeler aussi l'attention sur nos observations relatives à l'absence de coopération de l'État partie. [Voir l'appendice C de la section W ci-dessus.]
Il incombe au Comité des droits de l'homme de veiller à ce que l'exécution de la sentence ne viole pas les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Aussi insistons-nous sur le fait que le Comité doit nécessairement apprécier les circonstances au cas par cas. Il doit établir comment le condamné est traité — du point de vue tant psychologique que physique — afin de déterminer si le comportement des autorités de l'État satisfait aux dispositions des articles 7 et 10 du Pacte.
Le Comité doit donc, compte tenu de la législation et des actes de l'État, ainsi que de ce qu'a fait et enduré le condamné à mort, établir si le délai qui s'écoule entre le moment où une condamnation à mort devient définitive et celui où la sentence est exécutée revêt un caractère raisonnable ne comportant pas de violation du Pacte. Telle est la marge d'appréciation dont dispose le Comité des droits de l'homme pour déterminer si les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques sont respectées ou au contraire violées.
Toutefois, dans le cas d'espèce, on ne peut imputer à l'État la longueur du délai (six ans au moment de la présentation de la communication), puisqu'une grande partie de ce temps a été employée à faire usage des recours accordés par l'ordre juridique jamaïcain pour contester la sentence. C'est pourquoi nous n'estimons pas non plus qu'il y ait eu violation des articles 7 et 10 du Pacte.
[Original : espagnol]