- Le juge du fond n'avait pas interdit l'identification de l'auteur
au banc des accusés par Carol Brown;
- L'inspecteur de police chargé de l'enquête avait été autorisé à témoigner
qu'il avait recueilli la déposition de l'une des victimes, Mercelin Morris,
en laissant entendre que celle-ci avait mis l'auteur en cause. L'admission
indirecte comme preuve d'une déclaration accusatrice faite par la victime
aurait été contraire à la procédure et très préjudiciable à l'auteur;
- Le juge du fond avait poursuivi sur cette voie irrégulière, invitant
le jury à en déduire que la victime avait mis l'accusé en cause;
- Le juge du fond n'avait pas attiré l'attention du jury sur les faiblesses
et l'incohérence particulières des déclarations d'identification faites
par les témoins de l'accusation.
2.8 Le conseil se réfère à la jurisprudence du Comité sur la question
de savoir si une requête constitutionnelle fait partie des recours disponibles
que l'auteur devrait épuiser conformément au paragraphe 2 b) de l'article
5 du Protocole facultatif; il soutient que cette voie de recours n'est
pas ouverte à M. Finn, parce qu'il n'a pas d'argent et que l'aide judiciaire
n'est pas prévue pour le dép_t de requêtes constitutionnelles. Il ajoute
qu'il est extrêmement difficile de trouver un avocat jamaïcain qui soit
prêt à représenter des requérants, gratuitement, à cette fin, et que par
conséquent l'incapacité ou le refus de l'État partie d'assurer l'aide
judiciaire pour le dép_t d'une telle requête dispense M. Finn d'exercer
cette voie de recours constitutionnelle.
Teneur de la plainte
3.1 Au sujet de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte,
le conseil fait remarquer que l'auteur est détenu dans le quartier des
condamnés à mort depuis presque cinq ans. Il fait valoir que "l'angoisse
face à l'incertitude", résultant de l'attente prolongée d'une exécution
annoncée, constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant, comme
le reflète d'ailleurs la décision de la section judiciaire du Conseil
privé dans l'affaire Earl Pratt et Ivan Morgan c. The Attorney-General
of Jamaica / Décision du Conseil privé rendue le 2 novembre
1993 (recours no 10 de 1993)./ et la décision de la Cour suprême
du Zimbabwe, dans l'affaire de la Catholic Commission for Justice and
Peace in Zimbabwe / Arrêt no SC73/93, dont
la teneur n'est pas précisée, rendu le 24 juin 1993./. Le conseil conclut
que, bien que le Conseil privé ait suggéré, à titre indicatif, un délai
maximum de cinq ans, le délai d'attente de quatre ans et neuf mois dans
le cas de l'auteur constitue en soi un traitement inhumain et dégradant,
d'autant que, pour les raisons énoncées ci-dessus, M. Finn n'a pas la
possibilité de déposer une requête constitutionnelle pour établir la légalité
de l'exécution après quatre ans et neuf mois.
3.2 De plus, le conseil se réfère à un questionnaire rempli par l'auteur
aux fins de sa communication à l'intention du Comité des droits de l'homme,
dans lequel il décrit, entre autres, les circonstances de son arrestation
et de sa détention par la police. Dans ce contexte on lit : "Il pleut.
Couvre-feu 5 heures - 5 h 30 du matin. Des soldats et la police. J'étais
couché [...] et on m'a amené sur la route où se trouvaient déjà plusieurs
autres hommes, qui étaient allongés, face contre terre. On m'a ordonné
de m'allonger avec les autres, face contre terre. De là, jusqu'au poste
de police ... j'ai été battu. On m'a insulté et menacé, notamment de mort.
J'ai été malade pendant pas mal de temps. Je n'ai reçu aucun soin médical.
Je me suis plaint auprès des responsables du poste de police, mais on
a refusé de m'écouter et on m'a insulté encore plus. Je me suis aussi
plaint à mon avocat." Le conseil affirme que le traitement auquel
l'auteur a été soumis par la police, et l'absence de soins médicaux par
la suite, constituent des violations de l'article 7 et du paragraphe 1
de l'article 10 du Pacte, ainsi que des articles 24, 25 et 26 de l'Ensemble
de règles minima pour le traitement des détenus. Il fait valoir en outre
que l'auteur a fait tous les efforts qu'on pouvait raisonnablement attendre
de lui pour demander qu'il soit fait droit à ses griefs en se plaignant
des mauvais traitements subis aux responsables de la police et à son avocat,
et qu'il a donc satisfait aux conditions énoncées au paragraphe 2 b) de
l'article 5 du Protocole facultatif, en ce qui concerne cette plainte.
3.3 Le conseil présente des témoignages écrits sur les conditions inhumaines
de détention à la prison du district de St. Catherine. Dans ce contexte,
il indique que la prison abrite deux fois plus de détenus que le nombre
initialement prévu lors de sa construction au XIXe siècle;
qu'il n'y a ni matelas, ni autre literie, ni meubles dans les cellules;
que le savon, la pâte dentifrice et le papier-toilette manquent en permanence;
qu'il n'y a pas d'installations sanitaires dans les cellules; que la qualité
de la nourriture et des boissons est très mauvaise; qu'il n'y a que de
petits trous d'aération dans les cellules pour laisser passer la lumière
du jour; qu'il n'y a pas assez d'installations récréatives ou de services
de réadaptation, et qu'il n'y a pas de médecin attaché à la prison, de
sorte que les problèmes médicaux sont généralement traités par les gardiens,
qui reçoivent une formation très limitée. La situation particulière de
l'auteur est qu'il est enfermé 22 heures par jour, tous les jours, dans
sa cellule et qu'il y reste dans l'obscurité et sans aucune occupation.
Ces conditions de détention sont, selon le conseil, contraires aux dispositions
de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte, ainsi que
des articles 10, 11, 12, 19, 20 et 22 de l'Ensemble de règles minima pour
le traitement des détenus.
3.4 L'auteur se plaint de retards injustifiés dans le déroulement de
la procédure judiciaire dont il fait l'objet, en violation du paragraphe
3 de l'article 9, et du paragraphe 3 c) de l'article 14 du Pacte. Dans
ce contexte, il rappelle qu'il s'est écoulé deux ans et cinq mois entre
la date de son arrestation (début décembre 1987) et la date de son procès
(du 2 au 4 avril 1990).
3.5 Il est affirmé en outre que les droits de l'auteur en vertu des paragraphes
1 et 2 de l'article 14 ont été violés, vu que le juge du fond, dans le
résumé des débats qu'il a fait à l'intention du jury, a aggravé le préjudice
causé précédemment à l'auteur (en acceptant à tort, selon le conseil,
des preuves indirectes) en se référant à nouveau aux preuves indirectes
présentées et en laissant entendre que c'était sur la base de ces preuves
que l'auteur avait été arrêté. Il est affirmé qu'au titre de ces dispositions,
les droits de l'auteur ont aussi été violés du fait que le juge avait
autorisé les témoins de l'accusation à identifier l'auteur au tribunal.
3.6 Au sujet de la préparation de sa défense, l'auteur soutient qu'un
avocat ne lui a été assigné qu'un mois et deux semaines après son arrestation.
Il affirme ne pas l'avoir rencontré avant l'audience préliminaire. Un
autre avocat lui a été assigné pour le procès, et il ne l'aurait rencontré
qu'une seule fois, avant le procès, et pendant 15 minutes seulement. Il
affirme également ne pas avoir eu la possibilité, pendant le procès, de
consulter son avocat sur le déroulement de la procédure. Enfin, en ce
qui concerne l'appel, il dit n'avoir rencontré son avocat (qui l'avait
représenté aussi lors du procès en première instance) qu'une seule fois
avant l'audience. Il y aurait donc eu pour toutes ces raisons violation
des paragraphes 3 b) et 3 d) de l'article 14.
3.7 Pour ce qui est de la violation du paragraphe 5 de l'article 14,
il est fait référence au paragraphe pertinent du texte de l'arrêt écrit
de la cour d'appel, d'où il ressort que l'avocat de l'auteur a déclaré
devant la cour d'appel qu'il ne trouvait pas d'argument pour plaider la
cause de son client, qu'il en avait avisé son client, lequel avait, en
conséquence, signé un acte de désistement de l'appel. L'auteur affirme,
dans une lettre datée du 28 octobre 1994, adressée à son conseil de Londres,
qu'il a signé cet acte pour les raisons suivantes : "La raison qu'il
m'a donnée [l'avocat] était que mon affaire était en cours d'examen devant
la cour d'appel, qu'il n'avait pas encore tous les éléments en main, et
qu'il essayait donc de reporter l'examen à plus tard, et que pour ce faire,
je devais signer ce papier. On ne m'a pas obligé à le signer, mais il
me semble que l'on m'a trompé pour me faire faire quelque chose que je
ne comprenais pas".Le conseil fait valoir qu'il est clair que l'auteur
n'a pas saisi les conséquences juridiques de la signature de l'acte en
question, et qu'il a pensé que cela permettrait simplement d'ajourner
l'audience. Il en conclut que l'acte de désistement de l'appel, et l'opinion
émise par son avocat devant la cour d'appel, ont été préjudiciables à
l'auteur.
Renseignements et observations communiqués par l'État partie concernant
la recevabilité et commentaires de l'auteur à ce sujet
4.1 Dans les observations qu'il fait au titre de l'article 91 du règlement
intérieur, l'État partie ne conteste pas la recevabilité de la communication
mais au contraire, en vue d'accélérer l'examen de l'affaire, il formule
des commentaires quant au fond de la communication.
4.2 L'État partie, dans des observations datées du 6 mars 1995, soutient
qu'il n'y a eu aucune violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article
10 du Pacte; il s'appuie pour cela sur l'argument selon lequel la décision
du Conseil privé dans l'affaire Pratt et Morgan ne permet pas de
conclure que la détention dans le quartier des condamnés à mort pendant
une certaine période constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant.
Chaque affaire doit être examinée en fonction des faits de la cause, conformément
aux principes juridiques applicables.
4.3 En ce qui concerne la période de deux ans et cinq mois qui s'est
écoulée entre l'arrestation et le procès, l'État partie déclare qu'une
audience préliminaire a eu lieu au cours de cette période et que, par
conséquent, le délai ne peut être considéré comme excessif ou comme constituant
une violation de l'article 7, du paragraphe 3 de l'article 9, et du paragraphe
3 c) de l'article 14 du Pacte.
4.4 Au sujet des allégations de procès injuste en raison du fait que
le juge du fond aurait, à tort, accepté des preuves indirectes, ce qui
serait contraire aux dispositions des paragraphes 1 et 2 de l'article
14 du Pacte, l'État partie demande au Comité de se reporter à sa propre
jurisprudence en ce qui concerne l'appréciation des faits et des moyens
de preuve (communication no 237/1987).
4.5 Au sujet de l'allégation selon laquelle les dispositions du paragraphe
3 b) de l'article 14 du Pacte auraient été violées du fait que l'auteur
n'a pas pu avoir de consultations avec son avocat commis d'office au titre
de l'aide juridique, l'État partie déclare qu'il est injuste de demander
des comptes à l'État partie pour le comportement professionnel d'un avocat
ainsi désigné.
4.6 Enfin, l'État partie soutient qu'il n'y a aucune violation du paragraphe
5 de l'article 14 du Pacte dans les circonstances qui ont entouré l'appel
formé par l'auteur, étant donné que, alors même que ce dernier avait signé
un désistement d'appel, la Cour d'appel n'a pas tenu compte de ce désistement
et a examiné la demande.
5.1 Dans ses commentaires, datés du 18 avril 1995, l'avocate de l'auteur
s'élève contre l'examen du fond à ce stade. Ceci dit, elle formule des
commentaires au sujet des observations de l'État partie, mais en faisant
remarquer que ce dernier n'a pas traité de toutes les plaintes de l'auteur.
A cet égard, l'avocate déclare que l'État partie n'a pas réfuté les allégations
concernant les mauvais traitements subis par l'auteur alors qu'il se trouvait
en détention provisoire ainsi qu'à la prison du district de St. Catherine.
5.2 En ce qui concerne les plaintes pour retard, les instructions des
juges, l'identification de l'auteur sur le banc des accusés, la responsabilité
de l'État partie pour le comportement professionnel d'un avocat commis
au titre de l'aide juridique, le désistement d'appel et le syndrome du
quartier des condamnés à mort, l'avocate répète les allégations formulées
dans ses observations initiales.
Décision du Comité concernant la recevabilité
6.1 À sa cinquante-huitième session, le Comité des droits de l'homme
a examiné la question de la recevabilité de la communication.
6.2 Le Comité s'est assuré, comme l'exige le paragraphe 2 a) de l'article
5 du Protocole facultatif, que la même question n'était pas déjà en cours
d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.
6.3 Quant aux stipulations du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole
facultatif selon lesquelles les recours internes doivent avoir été épuisés,
le Comité a fait observer que la section judiciaire du Conseil privé ayant,
le 12 janvier 1995, rejeté la demande d'autorisation spéciale de recours
présentée par l'auteur, celui-ci avait épuisé les recours internes au
sens où l'entend le Protocole facultatif.
6.4 Le Comité a considéré que l'auteur et son avocat avaient suffisamment
étayé l'affirmation de l'auteur, aux fins de la recevabilité, selon laquelle
la communication pourrait soulever, au titre du paragraphe 3 de l'article
9 et du paragraphe 3 c) de l'article 14 du Pacte, des questions qui devaient
être examinées quant au fond.
6.5 En ce qui concerne l'affirmation de l'auteur, qui a déclaré que la
durée de sa détention dans le quartier des condamnés à mort représentait
une violation des articles 7 et 10 du Pacte, le Comité a rappelé sa jurisprudence
selon laquelle la détention dans un quartier de condamnés à mort ne constituait
pas en elle-même un traitement cruel, inhumain ou dégradant au regard
de l'article 7 du Pacte s'il n'existait pas d'autres circonstances déterminantes
/ Voir les constatations du Comité concernant la communication
no 588/1994 (Errol Johnson c. Jamaïque), adoptées
le 22 mars 1996, par. 8.2 à 8.5. /. Le Comité a fait observer que l'auteur
n'avait pas montré en quoi il avait été traité de telle manière que cela
soulève une question au titre des articles 7 et 10 du Pacte concernant
la durée de la détention. Cette partie de la communication était donc
irrecevable au regard de l'article 2 du Protocole facultatif.
6.6 Quant aux affirmations au titre de l'article 7 et du paragraphe 1
de l'article 10 concernant l'arrestation de l'auteur et sa détention avant
jugement et les conditions dans lesquelles il a été détenu dans le quartier
des condamnés à mort de la prison du district de St. Catherine, le Comité
a noté que l'auteur avait porté à l'attention des autorités et à celle
de son conseil l'absence de traitement médical. Étant donné qu'il n'avait
été ni répondu ni donné suite aux plaintes de l'auteur, le Comité a considéré
qu'à cet égard le cas de ce dernier remplissait les conditions du paragraphe
2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif. Il a estimé que les affirmations
de l'auteur concernant de mauvais traitements subis en détention avaient
été suffisamment étayées et devaient être examinées quant au fond.
6.7 En ce qui concerne l'affirmation de l'auteur, qui a dit ne pas avoir
été dûment représenté par le conseil qui lui avait été assigné au titre
de l'aide juridique lors du procès, ce qui constituerait une violation
des paragraphes 3 b) et 3 d) de l'article 14, le Comité a rappelé sa jurisprudence
selon laquelle il ne lui appartenait pas de mettre en cause la compétence
professionnelle d'un conseil, sauf s'il était ou aurait dû être évident
pour le juge que le comportement de l'avocat était incompatible avec les
intérêts de la justice. Dans le cas présent, il n'y avait aucune raison
de penser que le conseil n'agissait pas selon ce qui lui paraissait le
plus indiqué. De plus, le Comité a rappelé que les dispositions du paragraphe
3 d) de l'article 14 ne donnaient pas à l'accusé le droit de choisir un
avocat lorsque l'aide juridique lui était fournie gratuitement. Le Comité
a estimé par conséquent qu'à cet égard l'auteur ne pouvait invoquer l'article
2 du Protocole facultatif.
6.8 Au sujet de l'affirmation de l'auteur concernant la manière dont
il avait été représenté en appel et des circonstances dans lesquelles
il avait signé l'acte de désistement de l'appel, le Comité a noté, au
vu des renseignements dont il était saisi, que le conseil avait en fait
consulté l'auteur avant l'audience et que, conformément à sa pratique
dans toutes les affaires où l'accusé est passible de la peine de mort,
la Cour d'appel avait examiné l'affaire, à l'audience, bien que l'auteur
eût signé un acte de désistement. Le Comité, se référant à sa jurisprudence,
a considéré que cette partie de la communication était, par conséquent,
irrecevable, ne permettant d'invoquer, en vertu de l'article 2 du Protocole
facultatif, aucune des dispositions du Pacte.
6.9 Les autres allégations de l'auteur concernaient des irrégularités
commises dans la procédure du tribunal, des instructions injustifiées
données par le juge au jury sur la question de l'identification. Le Comité
a répété que, bien que l'article 14 garantisse le droit à un procès équitable,
il ne lui appartenait pas d'examiner des instructions précises données
au jury par le juge, sauf s'il pouvait être prouvé que ces instructions
étaient manifestement arbitraires ou équivalaient à un déni de justice,
ou encore que le juge, manifestement, ne s'était pas acquitté de son obligation
d'impartialité. Les pièces dont le Comité était saisi ne faisaient pas
apparaître qu'en l'occurrence les instructions du juge aient été entachées
de défauts de ce genre. En conséquence, cette partie de la communication
était irrecevable car incompatible avec les dispositions du Pacte en application
de l'article 3 du Protocole facultatif.
6.10 En conséquence, le 17 octobre 1996, le Comité des droits de l'homme
a déclaré la communication recevable dans la mesure où elle pouvait soulever
des questions relevant de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article
10 en ce qui concerne le traitement dont l'auteur avait fait l'objet quand
il avait été arrêté et les conditions de sa détention, et du paragraphe
3 de l'article 9 et du paragraphe 3 c) de l'article 14 du Pacte en ce
qui concerne la lenteur de la procédure judiciaire.
Observations de l'État partie sur le fond et commentaires du Conseil
7.1 Dans une communication du 30 avril 1997, l'État partie répond aux
allégations de violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article
10 en raison des mauvais traitements que l'auteur a subis pendant sa détention
avant jugement et pour lesquels il n'a reçu aucun soin. L'État partie
note que l'auteur déclare s'être plaint de ces brutalités à la fois aux
autorités du poste de police et à son avocat. L'État partie a du mal à
admettre que l'avocat de l'auteur n'ait pris aucune mesure pour remédier
à cette situation si l'auteur était vraiment malade. Il ajoute que sa
propre enquête n'a rien révélé qui puisse étayer les allégations de l'auteur.
Par conséquent, il n'y a pour lui aucune violation du Pacte.
7.2 En ce qui concerne les allégations de violation du paragraphe 3 de
l'article 9 et du paragraphe 3 c) de l'article 14, l'État partie concède
qu'un délai de deux ans et cinq mois entre l'arrestation et le procès
est un intervalle plus long qu'il n'est souhaitable. Toutefois, il rejette
l'affirmation selon laquelle ce délai constitue une violation du Pacte,
en particulier du fait que pendant ce temps, une enquête préliminaire
a eu lieu quatre mois après l'arrestation.
8.1 Dans ses commentaires sur les observations de l'État partie, le conseil
fait part au Comité des difficultés qu'elle a eues pour prendre contact
avec l'auteur afin d'obtenir des éclaircissements au sujet des mauvais
traitements qu'il a subis. Elle note que l'État partie a déclaré que,
si l'avocat de l'auteur n'avait rien fait au sujet des plaintes de ce
dernier concernant de mauvais traitements, c'était probablement parce
que lesdites plaintes étaient mensongères. Le conseil interprète l'inaction
de l'avocat d'une manière différente et déclare que l'on ne sait pas ce
qu'il a fait au sujet des allégations de mauvais traitements, et que si
rien n'a été fait, cela pourrait bien signifier que, malgré tous les efforts
de l'avocat, l'État partie n'a absolument pas réagi. L'État partie a déclaré
que sa propre enquête n'avait apporté aucun élément venant étayer les
affirmations faites dans la communication, mais il n'a fourni aucune pièce
justificative indiquant le type d'enquête qui a été effectuée et par qui.
Le conseil réitère ses allégations de violation de l'article 7 et du paragraphe
1 de l'article 10.
8.2 En ce qui concerne les violations du paragraphe 3 de l'article 9
et du paragraphe 3 c) de l'article 14, le conseil réitère ses allégations
initiales. Elle relève que le fait qu'une enquête préliminaire ait eu
lieu quatre mois après l'arrestation ne justifie pas que l'auteur ait
dû attendre 25 mois pour être jugé. Le conseil note que l'État partie
a concédé qu'un délai de deux ans et cinq mois est plus long qu'il n'est
souhaitable mais a rejeté l'affirmation selon laquelle un tel délai constitue
une violation du Pacte.
Examen quant au fond
9.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication
en tenant compte de toutes les informations qui lui avaient été soumises
par les parties, comme il y est tenu en vertu du paragraphe 1 de l'article
5 du Protocole facultatif.
9.2 En ce qui concerne les plaintes de l'auteur au sujet des mauvais
traitements subis alors qu'il était détenu par la police, le Comité note
que celui-ci a formulé des allégations très précises, et a décrit l'incident
au cours duquel il a été battu (voir par. 3.2 ci-dessus). Il note l'argument
de l'État partie selon lequel, si rien n'a été fait alors que l'auteur
avait signalé ce problème à l'avocat, c'est que l'auteur n'était pas vraiment
malade. Le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle il ne suffit
pas que l'État partie affirme purement et simplement qu'il n'y a pas eu
violation du Pacte. En conséquence, le Comité estime que, l'État partie
n'ayant fourni aucune pièce justificative concernant l'enquête qu'il affirme
avoir menée, force est d'accorder tout le crédit voulu aux allégations
de l'auteur. En conséquence, le Comité estime qu'il y a eu violation de
l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte.
9.3 En ce qui concerne les conditions de détention de l'auteur dans le
quartier des condamnés à mort de la prison du district de St. Catherine,
le Comité note que l'auteur a formulé des allégations spécifiques concernant
les conditions déplorables de sa détention. Il se plaint d'être détenu
dans une cellule 22 heures par jour, la plupart du temps dans l'obscurité
et sans rien pour s'occuper. L'État partie n'a pas répondu à ces allégations
spécifiques. Cela étant, le Comité estime que le fait de détenir l'auteur
dans de telles conditions constitue une violation du paragraphe 1 de l'article
10 du Pacte.
9.4 L'auteur s'est dit victime d'une violation du paragraphe 3 de l'article
9 et du paragraphe 3 c) de l'article 14, en invoquant la longueur excessive
du délai - deux ans et cinq mois - qui s'est écoulé entre son arrestation
et son procès. Le Comité note que l'État partie lui-même reconnaît qu'un
délai de deux ans et cinq mois entre l'arrestation et le procès "est
plus long qu'il n'est souhaitable", mais prétend qu'il n'y a pas
eu violation du Pacte car une enquête préliminaire a eu lieu pendant cette
période, dans les quatre premiers mois ayant suivi l'arrestation. De l'avis
du Comité, se borner à affirmer qu'un certain délai ne constitue pas une
violation du Pacte n'est pas une explication suffisante. Le Comité estime
que faire attendre un accusé deux ans et cinq mois avant de le juger n'est
pas conforme aux garanties minimales requises par le Pacte. En conséquence,
et compte tenu des circonstances de l'affaire, le Comité estime qu'il
y a eu violation du paragraphe 3 de l'article 9 et du paragraphe 3 c)
de l'article 14.
10. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe
4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il
est saisi font apparaître une violation de l'article 7, du paragraphe
1 de l'article 10, du paragraphe 3 de l'article 9, et du paragraphe 3
c) de l'article 14 du Pacte.
11. En vertu du paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie
est tenu d'assurer à M. Finn un recours utile, comportant une indemnisation.
L'État partie est tenu de veiller à ce que des violations analogues ne
se reproduisent pas à l'avenir.
12. En adhérant au Protocole facultatif, la Jamaïque a reconnu que le
Comité avait compétence pour déterminer s'il y avait eu ou non violation
du Pacte. La présente affaire a été communiquée pour examen avant que
la Jamaïque n'ait dénoncé le Protocole facultatif avec effet au 23 janvier
1998; en vertu du paragraphe 2 de l'article 12 dudit Protocole, les dispositions
de celui-ci continuent d'être applicables à la communication. Conformément
à l'article 2 du Pacte, l'État partie s'est engagé à garantir à tous les
individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction
les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire
lorsqu'une violation a été établie. Le Comité souhaite recevoir de l'État
partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures
prises pour donner effet à ses constatations.
______________
* Les membres du Comité dont les noms suivent ont participé à l'examen
de la présente communication : M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra N. Bhagwati,
Mme Christine Chanet, Lord Colville, M. Omran El Shafei, Mme Elizabeth
Evatt, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, M. Rajsoomer Lallah, Mme Cecilia
Medina Quiroga, M. Martin Scheinin et M. Maxwell Yalden.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]