Comité des droits de l'homme
Soixante-quatrième session
19 octobre - 6 novembre 1998
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe
4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques*
- Soixante-quatrième session -
Communication No 618/1995
Présentée par : Barrington Campbell
[représenté par M. George Brown, du cabinet d'avocats de Londres Nabarro
Nathanson)
Au nom de : L'auteur
État partie : Jamaïque
Date de la communication : 10 janvier 1995 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 20 octobre 1998,
Ayant achevé l'examen de la communication No 618/1995 présentée
par M. Barrington Campbell en vertu du Protocole facultatif se rapportant
au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont
été communiquées par l'auteur de la communication, son conseil et l'État
partie,
Adopte ce qui suit :
Constatations au titre du paragraphe 4 de
l'article 5 du Protocole facultatif
1. L'auteur de la communication est Barrington Campbell, de nationalité
jamaïcaine qui, au moment où il a adressé sa communication au Comité, se
trouvait en attente d'exécution à la prison du district de St. Catherine
(Jamaïque). Il se déclare victime de violations par la Jamaïque de l'article
7, du paragraphe 1 de l'article 10 et des paragraphes 3 b), 3 d) et 3 e)
de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Il est représenté par George Brown, du cabinet d'avocats londonien Nabarro
Nathanson.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur a été mis en détention provisoire le 30 mars 1989. Le 12 avril
1989, il a participé à une séance d'identification. À la suite de cette
séance, il a été arrêté et inculpé du meurtre, commis le 23 mars 1989, d'un
certain Paul Vassell. L'enquête préliminaire a eu lieu au début de juillet
1989. Le 8 mars 1990, l'auteur a été reconnu coupable des faits qui lui
étaient reprochés et condamné à mort par la Home Circuit Court de
Kingston. Le 13 mars 1990, il a demandé l'autorisation de former un recours
contre la déclaration de culpabilité et la condamnation. Traitant la demande
d'autorisation de former recours comme s'il s'agissait du recours lui-même,
la cour d'appel l'a débouté, le 27 avril 1992; l'arrêt écrit a été communiqué
le 17 février 1993. Une nouvelle demande d'autorisation spéciale de recours
auprès de la section judiciaire du Conseil privé a été rejetée le 12 décembre
1994. On considère donc que tous les recours internes ont été épuisés. La
peine capitale a été commuée en réclusion à vie en 1995.
2.2 La thèse de l'accusation était que, le 23 mars 1989, aux environs de
19 heures, après avoir assisté à une réunion à l'Église baptiste du Septième
Jour à Kingston, Paul Vassell avait sorti une machette de sa voiture, et
était retourné dans l'église avec Karl Bowen, le témoin oculaire, accompagné
de deux autres hommes. Les quatre hommes avançaient dans un passage menant
à l'arrière de l'église quand deux hommes s'étaient approchés d'eux, leur
avaient donné l'ordre de mettre les mains en l'air et de leur donner leur
argent. M. Bowen a déclaré pendant le procès qu'il avait remarqué que l'un
des hommes, qu'il a par la suite identifié comme étant l'auteur, portait
une arme à feu. M. Bowen avait obtempéré, alors que ses deux compagnons
s'étaient enfuis. Mais M. Vassell, qui tenait la machette à la main, avait
attaqué l'homme armé, désigné comme étant l'auteur, qui avait commencé à
battre en retraite dans le passage. Pendant que M. Bowen était tenu en joue
par le compagnon de l'auteur, celui-ci et M. Vassell, qui continuait à porter
des coups de machette à son agresseur, s'étaient peu à peu éloignés jusqu'à
ce qu'il les perde de vue. M. Bowen avait alors entendu quelqu'un crier,
le bruit de pas de quelqu'un qui courait, et un coup de feu, et l'auteur
était alors réapparu, l'arme toujours à la main, et la main gauche en sang.
On avait dit alors à M. Bowen de s'enfuir et pendant sa fuite, il avait
vu le corps de M. Vassell, étendu à l'entrée de l'église, dans une mare
de sang.
2.3 Un policier a témoigné que l'auteur avait un pansement au pouce gauche
lorsqu'il l'avait arrêté, le 30 mars 1989. En outre, l'inspecteur de police
chargé de l'enquête a déclaré que le 10 avril 1989, après avoir été informé
de son droit de garder le silence, l'auteur avait avoué avoir tiré sur la
victime. Une preuve supplémentaire contre l'auteur était qu'il avait été
identifié, lors d'une séance d'identification organisée le 12 avril 1989,
par M. Bowen, qui l'avait reconnu comme étant l'un de ceux qui avaient pris
part au vol.
2.4 La défense se fondait sur un alibi et sur l'argument de l'erreur sur
la personne. L'auteur a déclaré sous serment qu'au moment des faits, il
se rendait chez son amie à Seaforth, dans la paroisse de St. Thomas et qu'il
s'était blessé à la main, en voulant ouvrir une noix de coco.
2.5 S'agissant de l'amie de l'auteur, Norma Lewis, l'un des policiers a
déclaré au procès qu'il avait recueilli sa déposition le 7 avril 1989. Il
ressort des minutes du procès qu'au stade de l'audience préliminaire, la
déposition de Mlle Lewis devait être présentée à l'appui de l'accusation,
mais que l'accusation avait décidé, par la suite, de ne pas la citer à comparaître.
Il en ressort également, que le 26 février 1990, l'avocat de l'auteur avait
demandé au juge d'ajourner l'examen de l'affaire et de faire citer Norma
Lewis comme témoin. L'audience a été reportée et le témoin a été cité. Elle
s'était présentée tard le premier jour du procès et était partie avant que
l'avocat ait pu l'interroger. Le deuxième et dernier jour après avoir entendu
les réquisitions, l'avocat avait demandé de nouveau une suspension d'audience
de 15 minutes, parce qu'il n'avait pas eu la possibilité d'interroger le
témoin, et que l'auteur lui avait demandé de le faire. L'audience avait
été suspendue de 12 h 15 à 13 h 25; à la reprise, l'auteur avait déposé
sous serment et il n'avait plus été question de Mlle Lewis.
2.6 Le compte rendu de l'audience révèle en outre que l'avocat qui a représenté
l'auteur au procès, l'avait également assisté, à sa demande, pendant la
séance d'identification. A l'audience d'appel, l'auteur était représenté
par deux autres avocats. Bien que les avocats n'aient fait valoir au nom
de l'auteur qu'un seul motif d'appel (la provocation), la cour d'appel,
compte tenu de la nature de l'affaire, avait également examiné les témoignages
ayant conduit à l'identification et les instructions données par le juge
du fond à ce sujet.
Teneur de la plainte
3.1 Pour ce qui est de la violation de l'article 7 du Pacte, le conseil
fait remarquer que M. Campbell se trouve dans le quartier des condamnés
à mort depuis bient_t cinq ans. Compte tenu de la décision de la section
judiciaire du Conseil privé dans l'affaire Earl Pratt and Ivan Morgan
c. The Attorney-General of Jamaica / Décision du Conseil
privé rendue le 2 novembre 1993 (recours No 10 de 1993)., il considère que
"les affres de l'incertitude" résultant de l'attente prolongée
d'une exécution annoncée constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant.
3.2 En ce qui concerne l'autre violation de l'article 7, ainsi que la violation
du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte, le conseil se réfère aux rapports
d'organisations non gouvernementales sur les conditions de détention à la
prison du district de St. Catherine, où il est dit que la prison contient
deux fois plus de détenus que le nombre initialement prévu au moment de
sa construction au XIXe siècle; les installations fournies par l'État sont
insuffisantes : pas de matelas ni autre literie, pas de meuble dans les
cellules, aucune installation sanitaire; plomberie cassée, tas d'immondices,
et absence de tout-à-l'égout, pas de lumière électrique dans les cellules,
uniquement des petits trous d'aération pour laisser passer la lumière du
jour; quasiment pas de travail pour les prisonniers; aucun médecin attaché
à la prison, de sorte que les problèmes médicaux sont généralement traités
par les gardiens, qui n'ont qu'une formation très limitée en la matière.
Pour M. Campbell, les conséquences seraient les suivantes : il est confiné
dans sa cellule 22 heures par jour, tous les jours; sa cellule est exiguë,
sale et infestée de rats et de cafards; il passe la plupart de son temps
isolé des autres détenus, dans l'obscurité, sans rien à faire pour s'occuper.
3.3 Le conseil se réfère aussi à l'article 36 de l'Ensemble de règles minima
pour le traitement des détenus, et souligne qu'à cause de la peur constante
de représailles de la part des gardiens, il est très difficile et risqué
pour les prisonniers de se plaindre de mauvais traitements. A cet égard,
l'auteur écrit, dans une lettre datée du 7 mars 1994 adressée à son conseil
de Londres : "[...] Je ne suis en sécurité à aucun moment [...]; au
cours des années, ils (les gardiens) ont tué beaucoup de détenus condamnés
à mort. En 1988, ils en ont tué un; en 1990 ils en ont tué trois, et l'année
dernière ils en ont tué quatre au poste de police de Constant Spring, et
comme j'ai vu ce qui s'est passé le 31 octobre et que j'ai fait une déclaration
écrite à ce propos à la police, je suis, de ce fait, dans une position vulnérable
par rapport aux gardiens. Ma vie est en danger, surtout parce que je peux
témoigner contre les gardiens".
3.4 Le 18 avril 1994, le conseil a écrit au médiateur parlementaire et
au Directeur de l'administration pénitentiaire pour demander l'ouverture
d'une enquête au sujet des allégations de l'auteur et obtenir l'assurance
que des mesures seraient prises pour le protéger contre de telles menaces
et agressions à l'avenir. En dépit d'un rappel, le médiateur n'a jamais
répondu et le Directeur de l'administration pénitentiaire s'est contenté
de dire au conseil, par une lettre du 27 avril 1994, que "Tous les
fonctionnaires pénitentiaires savent que l'usage excessif de la force, les
menaces et les brutalités ne sont pas tolérés et que des mesures disciplinaires
très sévères sont prises contre les auteurs de tels actes". Le 19 mai
1994, le conseil a une nouvelle fois demandé au Directeur de l'administration
pénitentiaire quelles mesures avaient été prises dans le cas de M. Campbell;
la réponse qu'il a reçue a été tout aussi générale que la première.
3.5 Le conseil considère que l'auteur et lui-même ont fait tout ce qu'il
était raisonnable d'attendre d'eux pour qu'il soit fait droit à leurs griefs
en ce qui concerne les mauvais traitements subis par l'auteur et que les
recours internes - la procédure interne de présentation de plainte, et en
particulier la procédure administrative interne de la prison - ne sont ni
disponibles ni utiles dans le cas de l'auteur.
3.6 En ce qui concerne la préparation de la défense de l'auteur au procès,
il est indiqué que l'avocat avait été commis d'office pour assurer la défense
de l'auteur par les services d'aide judiciaire. Pour le conseil, il est
clair que l'avocat n'a pas eu d'entrevue avec l'auteur avant le début du
procès, qu'il n'a pas reçu d'instructions au sujet des dépositions des témoins
de l'accusation et n'a pas interrogé un témoin pouvant étayer l'alibi de
l'auteur.
3.7 A cet égard, le conseil fait valoir que le témoignage de Mlle Norma
Lewis aurait pu confirmer l'alibi de l'auteur, à savoir qu'il se trouvait
à Seaforth, ville située à une douzaine de kilomètres de Kingston, à partir
de 20 heures, alors que le meurtre avait eu lieu aux alentours de 19 heures.
Le fait que l'avocat a omis ou refusé de citer Mlle Lewis comme témoin,
en dépit de la pertinence et de l'importance de son témoignage, constitue
d'après le conseil une violation des paragraphes 3 b) et 3 e) de l'article
14.
3.8 En ce qui concerne la violation du paragraphe 3 d) de l'article 14,
l'auteur affirme qu'avant la séance d'identification il avait été amené
au bureau des enquêteurs du service des affaires criminelles à deux reprises,
de sorte que M. Bowen l'avait vu. Le conseil fait observer que l'avocat
de l'auteur n'a pas, lors du contre-interrogatoire du policer chargé de
la séance d'identification, posé des questions à ce dernier sur les déplacements
de l'auteur avant la séance, et n'a pas non plus interrogé M. Bowen à ce
sujet, ou ne l'a pas fait comme il convient. Le conseil conclut que la manière
dont s'est déroulée la séance d'identification n'était pas conforme à la
loi jamaïcaine de 1939 sur les forces de police, modifiée en 1977.
3.9 Le conseil fait valoir en outre que l'avocat de l'auteur n'a pas, lors
du contre-interrogatoire des enquêteurs, demandé à ces derniers de façon
adéquate ou systématique si l'auteur avait réellement et spontanément avoué,
comme ils l'affirmaient, ou si ces aveux avaient été obtenus sous la contrainte.
3.10 Enfin, le conseil fait valoir que l'avocat n'a pas non plus interrogé
l'auteur sur ses prétendus aveux, et sur les circonstances dans lesquelles
ils avaient été obtenus. De plus, selon lui, les droits de l'auteur en vertu
du paragraphe 3 d) de l'article 14 ont été violés par les deux avocats commis
au titre de l'aide judiciaire, qui le représentaient en appel, puisqu'ils
n'auraient pas discuté de l'affaire avant l'audience avec l'auteur, et que
celui-ci n'aurait donc pas pu leur donner d'instructions. Dans ce contexte,
il est fait référence aux conclusions du Comité concernant la communication
No 356/1989 (Trevor Collins c. Jamaïque) / Constatations
adoptées par le Comité, le 25 mars 1993, à sa quarante-septième session;
par. 8.2. et à l'affaire R. c. Clinton, où la décision du
conseil de ne pas citer l'accusé ou des témoins pour réfuter les déclarations
d'identification, a entraîné l'annulation de la condamnation /
(1993) 2 ALL ER..
Observations de l'État partie et commentaires du conseil
4.1 Dans ses observations, l'État partie ne soulève aucune objection à
la recevabilité de la communication et présente des observations sur le
fond, afin d'accélérer l'examen de l'affaire.
4.2 En ce qui concerne l'allégation de violation de l'article 7 du Pacte
du fait de la durée passée par l'auteur dans le quartier des condamnés à
mort, l'État partie fait valoir qu'il faut une certaine durée raisonnable
pour qu'un condamné épuise les recours internes, qu'il s'agisse de recours
devant des juridictions d'appel comme de plaintes portées devant des organes
internationaux de défense des droits de l'homme. L'État partie est d'avis
que la durée passée par l'auteur dans le quartier des condamnés à mort pendant
qu'il se prévalait des moyens de recours n'est pas excessive et fait valoir
qu'elle ne constitue pas une violation de l'article 7 parce que pendant
tout ce temps le condamné utilise toutes les voies de recours disponibles
avant que la peine de mort ne soit exécutée.
4.3 En ce qui concerne les conditions de détention à la prison du district
de St. Catherine, l'État partie affirme que des efforts sont déployés pour
les améliorer. Il renvoie à un rapport de la Commission interaméricaine
des droits de l'homme, établi à la suite d'une visite dans les prisons jamaïcaines,
en décembre 1994.
4.4 En ce qui concerne la façon dont l'avocat de l'auteur a mené la défense,
l'État partie fait remarquer que les questions relatives à la préparation
et à la conduite d'une affaire relèvent des relations entre l'avocat et
son client. L'État n'intervient pas dans la conduite de la défense par le
conseil de l'accusé. La décision de citer ou de ne pas citer à comparaître
un témoin relève de l'exercice de sa profession par le conseil et les décisions
prises par celui-ci en son âme et conscience ne peuvent pas engager la responsabilité
de l'État. De même, pour ce qui est de l'allégation selon laquelle l'auteur
n'a pas eu le temps de préparer sa défense, l'État partie affirme qu'il
n'y a eu de sa part aucun acte ni aucune omission empêchant l'auteur et
son conseil de préparer comme il convient la défense de la cause. L'État
partie nie donc qu'il y ait eu violation des paragraphes 3 b) et 3 e) de
l'article 14 du Pacte.
4.5 En ce qui concerne l'allégation de violation du paragraphe 3 d) de
l'article 14 parce que l'auteur n'a pas vu son conseil avant l'audience
d'appel, l'État partie fait valoir que rien ne montre que le conseil n'a
pas soumis de moyens de défense ni avancé qu'il n'y avait pas matière à
défense. D'après l'État partie, la conduite de la défense en appel est une
question qui ne concerne que le conseil et son client. L'État partie nie
qu'il y ait eu violation du paragraphe 3 d) de l'article 14 du Pacte.
5.1 Dans ses commentaires sur les observations de l'État partie, le conseil
objecte que la décision prise par le Conseil privé dans l'affaire Pratt
and Morgan s'applique au cas de l'auteur car celui-ci se trouve dans
le quartier des condamnés à mort depuis plus de cinq ans.
5.2 En ce qui concerne les conditions de détention, le conseil note que
l'État partie n'a pas contesté la description que l'auteur en avait faite.
5.3 Pour ce qui est de la conduite de la défense au procès et en appel
par le conseil de l'auteur, il fait valoir que l'État partie doit être tenu
pour responsable de la façon dont cet avocat a agi puisque c'est lui qui
assure l'aide judiciaire et que les avocats reçoivent des honoraires si
faibles que la défense ne peut pas être valablement assurée; les avocats
qui reçoivent des instructions dans des affaires où le défendeur risque
la peine capitale ont tellement de travail qu'ils ne peuvent pas représenter
convenablement ou valablement leurs clients.
5.4 Le conseil ne voit pas d'inconvénient à ce que le Comité examine la
question de la recevabilité et le fond de la communication à ce stade.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, décider si la communication est recevable en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité s'est assuré, comme il y est tenu en vertu du paragraphe
2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même question n'était
pas en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête
ou de règlement.
6.3 Le Comité note que l'État partie a fait parvenir des observations sur
le fond de la communication et qu'il n'en a pas contesté la recevabilité.
Le Comité considère que la communication est recevable et procède sans plus
tarder à examiner les allégations de l'auteur quant au fond, en tenant compte
de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties,
comme il est stipulé au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.
7.1 L'auteur a fait valoir que son maintien en détention dans le quartier
des condamnés à mort en soi, ainsi que les conditions dans lesquelles il
est incarcéré, constituent une violation de l'article 7 et du paragraphe
1 de l'article 10 du Pacte. Conformément à sa jurisprudence constante, le
Comité réaffirme que la détention dans le quartier des condamnés à mort
pour une période déterminée - en l'espèce environ cinq ans avant la commutation
de la peine - ne constitue pas une violation du Pacte en l'absence d'autres
circonstances impérieuses.
7.2 M. Campbell indique en outre qu'il est détenu dans des conditions particulièrement
mauvaises et insalubres. Il n'y a pas d'installation sanitaire, d'éclairage,
d'aération ni de literie. Il est enfermé 22 heures par jour dans sa cellule
infestée de rats et de cafards et il est isolé des autres détenus. De plus,
l'auteur a signalé qu'il avait reçu des menaces de la part des gardiens
et que l'État partie n'avait pris aucune mesure pour assurer sa protection.
L'État partie n'a pas réfuté ces allégations. Le Comité considère que les
conditions de détention telles qu'elles sont décrites par l'auteur et son
conseil sont de nature à constituer une violation du droit d'être traité
avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente à l'être humain
et sont donc contraires au paragraphe 1 de l'article 10.
7.3 L'auteur a fait valoir qu'il n'avait pas bénéficié d'un procès équitable
parce que l'avocat qui lui avait été commis pour le représenter au procès
ne l'avait pas valablement défendu. Il fait référence en particulier au
fait que cet avocat n'a pas interrogé l'amie de l'auteur et n'a pas procédé
au contre-interrogatoire des témoins à charge en ce qui concerne la conduite
de la séance d'identification et la déclaration orale de l'auteur. Le Comité
rappelle sa jurisprudence et affirme que l'État partie ne peut pas être
tenu pour responsable d'erreurs imputées à un avocat de la défense, à moins
qu'il n'ait été manifeste ou qu'il n'aurait dû être manifeste pour le juge
que l'attitude de l'avocat était contraire aux intérêts de la justice. Les
éléments dont le Comité est saisi ne montrent pas qu'en l'espèce il en ait
été ainsi et le Comité estime par conséquent que l'auteur n'est pas fondé
à invoquer une violation des paragraphes 3 b), 3 d) et 3 e) de l'article
14 du Pacte à cet égard.
7.4 En ce qui concerne l'allégation du conseil qui affirme que l'auteur
n'a pas été valablement représenté à l'audience d'appel, le Comité note
que l'avocat qui assurait la défense de l'auteur en appel a développé des
moyens de défense. Il rappelle sa jurisprudence et réaffirme qu'en vertu
du paragraphe 3 d) de l'article 14, le tribunal doit s'assurer que la conduite
d'une affaire par un avocat n'est pas contraire aux intérêts de la justice.
En l'espèce, rien dans la façon dont l'avocat de l'auteur a mené la défense
en appel ne montre qu'il agissait selon d'autres critères que son jugement
professionnel, dans l'intérêt de son client. En conséquence, le Comité conclut
que les éléments portés à sa connaissance ne font pas apparaître de violation
du paragraphe 3 d) de l'article 14 du Pacte en ce qui concerne l'audience
d'appel.
8. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de
l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, est d'avis que les faits dont il
est saisi font apparaître une violation du paragraphe 1 de l'article 10
du Pacte.
9. En vertu du paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie est
tenu d'assurer à Barrington Campbell un recours utile, sous la forme d'une
indemnisation. L'État partie est tenu de prendre des mesures pour que des
violations analogues ne se reproduisent pas.
10. En adhérant au Protocole facultatif, la Jamaïque a reconnu que le Comité
avait compétence pour déterminer s'il y avait eu ou non violation du Pacte.
L'affaire à l'étude a été soumise à l'examen du Comité avant que la dénonciation
du Protocole facultatif par la Jamaïque ne prenne effet, le 23 janvier 1998;
conformément au paragraphe 2 de l'article 12 du Protocole facultatif, ses
dispositions continuent de lui être applicables. Conformément à l'article
2 du Pacte, l'État partie s'est engagé à garantir à tous les individus se
trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus
dans le Pacte et à assurer un retour utile et exécutoire lorsqu'une violation
a été établie. Le Comité souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai
de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet
à ses constatations.
_____________
* Les membres du Comité dont les noms suivent ont participé à l'examen
de la communication : M. Prafullachandra N. Bhagwati, M. Thomas Buergenthal,
Mme Christine Chanet, Lord Colville, M. Omar El Shafei, Mme Elizabeth Evatt,
M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, Mme Cecilia Medina Quiroga, M. Julio
Prado Vallejo, M. Martin Scheinin, M. Roman Wieruszewski et M. Maxwell Yalden.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]