Comité des droits de l'homme
Soixante-sixième session
12 - 30 juillet 1999
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe
4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques*
- Soixante-sixième session -
Communication No 644/1995
Présentée par : Mohammed Ajaz et Amir Jamil
Au nom des : auteurs
État partie : République de Corée
Date de la communication : 1er juin 1995
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 13 juillet 1999,
Ayant achevé l'examen de la communication No 644/1995 présentée
par MM. Mohammed Ajaz et Amir Jamil en vertu du Protocole facultatif se
rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont
été communiquées par les auteurs de la communication et l'État partie,
Adopte les constatations suivantes :
Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif
1. Les auteurs de la communication sont Mohammed Ajaz et Amir Jamil, deux
citoyens pakistanais qui étaient incarcérés en République de Corée au moment
de la présentation de la communication. Ils se disent victimes de violation
de leurs droits de l'homme par la République de Corée.
Rappel des faits présentés par les auteurs
2.1 Les auteurs disent avoir été reconnus coupables du meurtre d'un dénommé
Mokhter Ahmed (Vicky) et d'un dénommé Ahsan Zuber (Nana), deux compatriotes
pakistanais, à Songnam City, le 24 mars 1992. Ils ont été jugés, ont plaidé
non coupables et ont été condamnés à mort le 29 septembre 1992.
2.2 Les auteurs indiquent que le 23 mars 1992, ils se trouvaient dans les
montagnes de Songnam, au sud-est de Séoul, en compagnie des deux victimes
et de trois autres hommes. D'après les auteurs, l'un d'eux, un certain Zubi,
a accusé les deux victimes d'avoir assassiné son frère, qui avait été poignardé
à mort cette même nuit dans la ville de Itaewon. Zubi aurait alors poignardé
les deux victimes. Les auteurs l'auraient supplié d'arrêter, mais Zubi les
aurait menacés de "les impliquer tous dans les meurtres" s'ils
racontaient ce qu'ils avaient vu.
2.3 Les auteurs déclarent que, le 26 mars 1992, ils ont été interrogés
par la police coréenne au sujet de ce qu'il était advenu de Zubi. Ils affirment
avoir déclaré à la police qu'ils ne savaient rien de l'endroit où il pouvait
se trouver. La police et le magistrat instructeur auraient alors fait entrer
un certain Zahid, qui partageait le logement des auteurs, lequel aurait
été contraint de signer une déclaration rédigée par la police affirmant
que les auteurs lui avaient dérobé environ 200 dollars le 5 mars 1992. Ils
avancent que la police a obtenu la signature de Zahid après l'avoir sauvagement
frappé. Les auteurs ont été par la suite inculpés de vol.
2.4 Les auteurs affirment que la police a découvert les corps des deux
victimes le 28 mars 1992. Ils indiquent en outre qu'en avril 1992, elle
a retrouvé Zubi et l'a interrogé. Après avoir été passé à tabac, celui-ci
aurait signé une déclaration dans laquelle il avouait les assassinats tout
en incriminant les auteurs. Ces derniers indiquent que "les six Pakistanais"
qui se trouvaient sur les lieux du crime avaient tous dénoncé Zubi. Ils
affirment que pour obtenir leurs aveux, la police les avait roués de coups
et leur avait envoyé des décharges électriques dans les organes génitaux.
Toutefois, ajoutent-ils, ils n'ont pas avoué et n'ont signé aucune déclaration.
Teneur de la plainte
3.1 Les auteurs indiquent que pendant le procès, Zubi et Zahid ont déclaré
que la police les avait forcés à signer des déclarations incriminant les
auteurs. Ces derniers affirment également qu'aucune preuve n'a été produite
au procès; les armes du crime n'ont jamais été retrouvées, l'accusation
selon laquelle ils faisaient partie d'un "gang de racket et association
de malfaiteurs" n'a jamais été étayée et quand un témoin a déclaré
avoir assisté au passage à tabac commis par la police, tous les défendeurs
ont été évacués de la salle d'audience et, quand ils sont revenus, le témoin
s'est rétracté. Les auteurs se plaignent aussi qu'il y aurait eu des erreurs
dans la traduction de leurs déclarations.
3.2 Les auteurs indiquent qu'ils ont été condamnés à mort alors que Zubi
a été condamné à 15 ans d'emprisonnement et les autres protagonistes à cinq
ans, et que la Cour suprême et la High Court ont confirmé les condamnations.
Ils reconnaissent qu'ils n'ont pas totalement coopéré avec les autorités,
car ils étaient terrorisés par leur coaccusé Zubi, qui avait menacé de s'en
prendre à leurs familles s'ils disaient la vérité.
3.3 Bien que les auteurs n'invoquent pas d'articles précis du Pacte, la
communication pourrait soulever des questions au titre des articles 6, 7,
9, 10 et 14.
Observations de l'État partie concernant la recevabilité et commentaires
des auteurs
4.1 Dans une communication datée du 2 octobre 1995, l'État partie précise
que le 29 septembre 1992, le tribunal pénal de première instance de Séoul
(Seoul Criminal District Court) a déclaré les auteurs coupables d'assassinat,
d'abandon de cadavre, de vol et tentative de vol et les a condamnés à mort.
La Hight Court de Séoul a rejeté l'appel des condamnés le 28 janvier
1993 et la Cour suprême a rejeté un deuxième appel le 4 mai 1993. L'État
partie reconnaît que tous les recours internes disponibles ont ainsi été
épuisés.
4.2 L'État partie explique que les auteurs ont été reconnus coupables de
meurtre sur la foi des témoignages et des aveux de trois complices. Les
auteurs eux-mêmes ne sont pas passés aux aveux, ce qui, pour l'État partie,
_te toute crédibilité à leurs allégations de torture. L'État partie conteste
l'affirmation des auteurs selon laquelle Imran Shazad (Zubi) aurait avoué
être l'auteur des meurtres, soulignant que cette personne avait seulement
avoué avoir été complice.
4.3 Selon l'État partie, les auteurs ont été condamnés à mort en raison
de la gravité de leur crime et leurs coaccusés condamnés à des peines moins
sévères parce que leur crime était moins grave. L'État partie ajoute qu'en
l'absence d'éléments nouveaux, il ne peut ouvrir une nouvelle enquête sur
cette affaire. Toutefois, si les auteurs peuvent produire des preuves suffisantes
d'un déni de justice, ils ont droit à un nouveau procès.
5.1 Dans leur réponse aux observations de l'État partie, les auteurs réaffirment
que tous les témoins et tous les accusés ont été torturés par la police
et ont parlé sous la contrainte.
5.2 Ils affirment en outre que les policiers les ont frappés au visage
et les ont battus avec une batte de base-ball sur tout le corps pour les
obliger à passer aux aveux. L'interprète Yooa Suk Suh était présent pendant
l'interrogatoire et a assisté aux passages à tabac. Plus tard, les auteurs
ont été soumis à des décharges électriques. Ils réaffirment que, pendant
le procès, leurs coaccusés ont démenti que les auteurs aient commis les
meurtres. Notant en outre que l'État partie mentionne le nom des personnes
dont le témoignage les aurait désignés comme coupables, les auteurs affirment
que ces noms étaient en réalité ceux des interprètes qui ont tous déclaré
que les auteurs avaient été battus. Ils demandent que l'État partie fournisse
des extraits des minutes du procès.
5.3 Les auteurs ajoutent que les autorités sud-coréennes n'autorisent pas
les échanges de correspondance avec des organisations extérieures comme
le Comité des droits de l'homme.
6.1 Dans sa réponse du 29 avril 1996, l'État partie réaffirme que, bien
que les auteurs aient nié leur participation au crime tout au long du procès,
les témoignages de Yooa Suk Suh, Mohammed Tirke et Sang Jin Park, des complices,
prouvent que les auteurs ont assassiné leurs victimes pour se venger d'une
organisation criminelle rivale. L'État partie réaffirme que les auteurs
ont été reconnus coupables sur la base de preuves concrètes. Il explique
en outre que les auteurs étaient représentés par un conseil pendant leur
procès et les procédures d'appel.
6.2 En ce qui concerne le droit de communiquer par correspondance, l'État
partie fait observer que les règles applicables en la matière (Prisoners
Communications Rules) sont conformes à l'Ensemble de règles minima pour
le traitement des détenus adopté par les Nations Unies et autorisent les
échanges de correspondance avec la famille et les amis. De plus, l'article
18 de la loi sur l'administration pénitentiaire permet des échanges occasionnels
avec des correspondants autres que les membres de la famille et les amis.
Ce droit peut être restreint seulement dans les cas exceptionnels, à des
fins de rééducation.
7. Dans leur réponse aux observations de l'État partie, les auteurs réaffirment
que les personnes mentionnées par l'État partie comme ayant été des témoins
à charge étaient des interprètes à l'époque où les auteurs étaient en détention.
À leurs yeux, cela montre que les accusations formulées contre eux étaient
fabriquées de toutes pièces et ils demandent au Comité de se faire communiquer
par l'État partie le texte des dépositions utilisées pendant le procès.
Ils affirment que le Directeur des services du Procureur a été reconnu coupable
de corruption six mois après leur procès.
Décision du Comité concernant la recevabilité
8.1 À sa cinquante-neuvième session, le Comité des droits de l'homme a
examiné la recevabilité de la communication.
8.2 Il s'est assuré, conformément au paragraphe 2 a) de l'article 5 du
Protocole facultatif, que la même question n'était pas déjà en cours d'examen
devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.
8.3 Le Comité a noté que l'État partie avait reconnu que les auteurs avaient
épuisé tous les recours internes disponibles, et qu'il n'avait pas soulevé
d'autres objections à la recevabilité de la communication.
8.4 Le Comité a estimé que les allégations émises dans la communication,
notamment en ce qui concernait les actes de tortures, les aveux et les témoignages
obtenus sous la contrainte, l'utilisation de ces témoignages contre les
auteurs et le fait que les autorités judiciaires sud-coréennes avaient agi
sur la foi des témoignages en question alors que les témoins s'étaient ensuite
rétractés, devaient être examinées quant au fond.
9. En conséquence, le 19 mars 1997, le Comité des droits de l'homme a décidé
que la communication était recevable et a prié l'État partie de fournir
le texte original et la traduction en anglais des minutes du procès et des
jugements rendus dans la procédure engagée contre les auteurs, ainsi que
les dépositions sur la foi desquelles les auteurs avaient été déclarés coupables.
Observations de l'État partie et commentaires des auteurs
10.1 Dans sa réponse du 7 novembre 1997, l'État partie rappelle les faits
à l'origine de la procédure engagée contre les auteurs, tels que les ont
établis les tribunaux. En ce qui concerne l'affirmation des auteurs selon
laquelle ils auraient été forcés à faire de fausses déclarations sous la
contrainte, l'État partie fait observer qu'il ressort des procès-verbaux
de l'enquête que les dépositions des auteurs ont été consignées mot à mot
et qu'ils ont eu toute latitude de fournir un alibi. Il souligne qu'ils
ont disposé d'un défenseur aux trois stades de la procédure. En ce qui concerne
la traduction, qui n'aurait pas été exacte d'après les auteurs, il fait
observer que c'est un point qui a largement servi d'argument au conseil
des auteurs. Une nouvelle enquête menée en avril 1997 a montré que les allégations
des auteurs étaient inexactes.
10.2 L'État partie indique que, par souci de coopération avec le Comité,
il a rouvert l'enquête sur l'affaire des auteurs, bien que les tribunaux
l'aient déjà examinée équitablement et à fond. Au cours de la nouvelle enquête,
dont était chargé un magistrat du Ministère de la justice, les auteurs et
leurs complices ont vérifié que leurs dépositions avaient été correctement
consignées dans les procès-verbaux de la première enquête, ce qui, de l'avis
de l'État partie, invalide l'allégation des auteurs selon laquelle il aurait
été fait usage de la torture pour les forcer à avouer. Lorsque les auteurs
ont vérifié la teneur des traductions, ils ont déclaré que les traductions
étaient exactes.
10.3 En ce qui concerne l'allégation des auteurs selon laquelle ils auraient
été torturés, l'État partie fait observer qu'elle a été invoquée à l'audience
au cours du procès, mais que les auteurs et leur défenseur n'en ayant produit
aucune preuve tangible, leur prétention a été rejetée. À cet égard, l'État
partie rappelle que la torture est interdite par la loi; si des actes de
torture sont néanmoins commis, leur auteur est sévèrement puni et tout aveu
obtenu par la torture est dénué de validité.
10.4 L'État partie indique en outre que les auteurs ont cherché à intimider
leurs complices pour les inciter à faire des dépositions qui leur soient
favorables et à fabriquer des preuves. D'après l'État partie, des lettres
et des messages anonymes de chantage en apportent la preuve. Il joint la
traduction en anglais de quelques lettres.
10.5 En ce qui concerne la communication des minutes du procès et des jugements
rendus en l'espèce demandée par le Comité, l'État partie fait valoir qu'en
principe il n'est pas autorisé à consulter les actes des affaires classées,
à les photocopier et à les transmettre afin de protéger la sécurité des
victimes et des témoins et la réputation des défendeurs. Il fait valoir
en outre qu'il est matériellement impossible pour le moment de traduire
le millier de pages que représentent les procès-verbaux de l'enquête.
11.1 Dans une lettre du 30 juin 1997, le Président du Comité catholique
coréen de défense des droits de l'homme, M. Hyoung Tae Kim, se présente
comme le représentant en justice des auteurs et joint une procuration l'attestant.
11.2 Dans une communication du 23 mars 1998, les auteurs commentent les
observations de l'État partie. Ils réaffirment que c'est sur la base de
suppositions et non de faits qu'ils ont été reconnus coupables. Ils réaffirment
aussi qu'ils ont été arrêtés sur une fausse accusation de vol, qu'ils ont
été maltraités et que les interprètes ont déformé les faits.
11.3 En ce qui concerne la réouverture de l'enquête par l'État partie,
les auteurs déclarent qu'un magistrat est venu les voir en prison vers la
fin du mois d'avril 1997 et qu'il leur a posé des questions qui ont été
traduites par un gardien de prison. Ils disent qu'il n'y a pas vraiment
eu de nouvelle enquête. Ils nient avoir vérifié que leurs déclarations avaient
été exactement consignées dans les procès-verbaux de l'enquête et disent
qu'ils n'ont jamais été autorisés à vérifier la teneur des traductions de
leurs déclarations.
11.4 Les auteurs démentent avoir cherché à influencer les témoins et leurs
coaccusés pour qu'ils témoignent en leur faveur, comme le prétend l'État
partie.
11.5 Les auteurs disent qu'ils ne peuvent montrer comment la police les
a torturés, mais ils rappellent que, lors du procès, les accusés ont déclaré
qu'ils avaient été torturés. M. Ajaz indique qu'il a subi une lésion permanente
de l'oreille gauche et M. Amir qu'il a eu le nez cassé et un doigt de la
main droite fracturé. Ils affirment ne pas avoir accès à leurs dossiers
médicaux.
12.1 Dans une nouvelle communication datée du 3 juillet 1998, l'État partie
formule des observations supplémentaires. En ce qui concerne l'allégation
des auteurs selon laquelle ils ont été reconnus coupables en raison d'erreurs
de traduction et d'interprétation, il répond qu'il ressort des dépositions
des traducteurs que les déclarations des auteurs ont été correctement traduites.
Il souligne que l'un des interprètes était un ressortissant pakistanais.
12.2 Concernant les allégations de torture émises par les auteurs, l'État
partie renvoie à l'expertise médicale selon laquelle, au moment de son arrestation,
M. Ajaz souffrait de tympanite chronique dans l'oreille gauche. À l'audience,
un interprète coréen a déclaré sous serment qu'il n'avait pas été fait usage
de la torture pendant le déroulement de l'enquête. L'État partie indique
que lors de la nouvelle enquête menée en avril/mai 1997, les auteurs ne
s'étaient jamais plaints au magistrat instructeur d'avoir été victimes de
torture.
12.3 En ce qui concerne la discrimination dont les auteurs auraient été
victimes au motif qu'ils étaient étrangers, l'État partie note que toutes
les procédures pénales s'appliquent aussi bien aux étrangers qu'aux nationaux
et que la Constitution garantit à quiconque se trouve sous la juridiction
de l'État une protection efficace et des voies de recours contre tout acte
de discrimination raciale.
12.4 L'État partie note que certaines des contradictions existant entre
les faits tels que les présente l'État partie et les auteurs sont imputables
à des problèmes de traduction. Il maintient que les auteurs ont été reconnus
coupables par les tribunaux sur la base des aveux cohérents et concordants
de leurs complices. Selon l'État partie, à l'audience, les auteurs ont nié
avoir été présents sur le lieu du crime, et c'est lors de leur entrevue
avec le magistrat instructeur, le 1er mai 1997, qu'ils sont revenus pour
la première fois sur cette affirmation. Le magistrat a également eu une
entrevue avec l'un des coaccusés incarcérés, qui a témoigné qu'il avait
menti à l'audience en affirmant tout ignorer du crime, et qu'en réalité,
il y avait pris part avec les auteurs.
12.5 L'État partie estime que les auteurs ont fait l'objet d'un jugement
équitable et impartial et qu'ils ont été reconnus coupables par trois juridictions
successives, par le tribunal de première instance, la Hight Court
et la Cour suprême. Il ajoute que les auteurs ont droit à un nouveau procès
s'ils peuvent produire des preuves suffisantes.
12.6 L'État partie fournit des exemplaires des traductions en anglais des
jugements des tribunaux. Il en ressort que le tribunal de première instance
a examiné si les aveux des accusés étaient bien spontanés, et que, sur la
foi des témoignages, il n'a vu aucune raison valable de mettre en doute
la spontanéité de leurs dépositions. En appel, la Hight Court a examiné
les motifs d'appel des auteurs selon lesquels les déclarations des accusés
n'étaient pas dignes de foi en raison d'erreurs de traduction et d'interprétations,
et parce que les accusés avaient fait l'objet de menaces et d'actes de violence.
Toutefois la Hight Court a jugé que les interprètes étaient tout
à fait capables d'interpréter vers le pakistanais et le coréen et qu'ils
avaient correctement rempli leurs fonctions. Elle a également constaté que
l'officier de police chargé de l'enquête avait établi des rapports minutieux
et détaillés des interrogatoires et que rien ne prouvait qu'il avait maltraité
les accusés de quelque manière que ce soit ou qu'il avait fabriqué les témoignages
de toutes pièces. La Cour a conclu que les accusés n'avaient pas témoigné
sous la contrainte et n'avaient pas subi de tortures. La Cour suprême a
rejeté le pourvoi des auteurs au motif qu'elle n'avait constaté aucune interprétation
erronée des faits dans l'utilisation des éléments de preuve qui puisse donner
lieu à une violation du droit.
13.1 Dans une lettre datée du 23 juillet 1998, le représentant des auteurs
informe le Comité que les auteurs ont été graciés par le Président. Cette
information est confirmée par l'État partie dans une note datée du 2 septembre
1998, dans laquelle il indique que la peine de mort à laquelle avaient été
condamnés les auteurs a été commuée en peine de prison à vie, en application
d'un programme national d'amnistie.
13.2 Dans une lettre du 26 février 1999, le représentant des auteurs informe
le Comité que les auteurs ont été remis en liberté et sont rentrés au Pakistan
le 25 février 1999. L'État partie confirme cette information dans une note
datée du 9 mars 1999.
Délibérations du Comité
14.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication
en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par
les parties, conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.
14.2 Le Comité note que les allégations des auteurs selon lesquelles les
éléments de preuve auraient été insuffisants pour les condamner, que des
aveux leur auraient été arrachés sous la torture et que des erreurs auraient
été commises dans les traductions de leurs dépositions ont été examinées
par le tribunal de première instance et la cour d'appel, qui les ont rejetées.
Le Comité renvoie à sa jurisprudence selon laquelle il n'appartient pas
au Comité, mais aux tribunaux des États parties, d'apprécier les faits et
les éléments de preuve dans un cas d'espèce, sauf s'il peut être établi
que l'appréciation a été manifestement arbitraire ou a représenté un déni
de justice. Le Comité regrette que l'État partie ne lui ait pas donné une
copie des minutes du procès, ce qui l'a empêché de procéder à un examen
approfondi du déroulement du procès. Néanmoins, le Comité a examiné les
jugements rendus par le tribunal de première instance et la Hight Court.
Eu égard à la teneur de ces jugements et, en particulier, à l'appréciation
des déclarations que les auteurs ont par la suite faites au Comité, ce dernier
n'est pas d'avis que ces appréciations étaient arbitraires ou qu'elles représentaient
un déni de justice, ni que les auteurs ont soulevé devant le Comité des
questions autres que celles qui ont été ainsi appréciées.
15. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est
saisi ne font apparaître aucune violation des articles du Pacte.
*/ Les membres du Comité dont les noms suivent ont participé à
l'examen de la présente communication : M. Abdelfattah Amor, M. Prafullachandra
N. Bhagwati, Mme Christine Chanet, Mme Élizabeth Evatt, M. Eckart Klein,
M. David Kretzmer, M. Rajsoomer Lallah, Mme Cecilia Medina Quiroga, M. Fausto
Pocar, M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Roman Wieruszewski,
M. Maxwell Yalden et M. Abdallah Zakhia.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]