Au nom de : Les auteurs
État partie : Jamaïque
Date de la communication : 18 juillet 1995
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 8 avril 1999,
Ayant achevé l'examen de la communication No 668/1995 présentée
par MM. Errol Smith et Oval Stewart en vertu du Protocole facultatif se
rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui
ont été communiquées par les auteurs de la communication et l'État partie,
Adopte ce qui suit :
Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif
1. Les auteurs de la communication sont Errol Smith et Oval Stewart,
deux citoyens jamaïcains actuellement détenus au Centre de réhabilitation
sud de Kingston (Jamaïque). Ils affirment être victimes de violations
par la Jamaïque des dispositions des paragraphes 1, 3 c), 3 d), 3 e) et
5 de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques. En outre, Oval Stewart affirme être victime d'une violation
des dispositions de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10. Ils
sont représentés par Natalia Schiffrin d'Interights.
Rappel des faits présentés par les auteurs
2.1 Les auteurs ont été reconnus coupables de meurtre et condamnés à
mort le 8 novembre 1982 par la Home Circuit Court de la Jamaïque.
Les appels des auteurs ont été rejetés par la Cour d'appel de la Jamaïque
le 14 décembre 1984, puis par la section judiciaire du Conseil privé le
17 juillet 1986. Les auteurs n'ont pas déposé de recours constitutionnel
auprès de la Cour suprême de la Jamaïque car ils se sont vu refuser une
assistance judiciaire à cet effet. Le 15 février 1991, la condamnation
à mort d'Oval Stewart a été commuée en réclusion à perpétuité. À la suite
de la promulgation de la loi de 1992 portant modification de la loi relative
aux atteintes aux personnes, la peine capitale d'Errol Smith a également
été commuée.
2.2 Selon la thèse de l'accusation, deux hommes, Owen Bailey et Rohan
Francis, étaient en train de déménager un lit dans la soirée du 30 juin
1980, quand un groupe d'individus - qui se trouvait à proximité et dont
faisaient partie les deux auteurs - avait commencé à tirer sur MM. Bailey
et Francis qui avaient immédiatement pris la fuite. Owen Bailey a été
abattu peu de temps après s'être réfugié chez lui, en présence de son
père, tandis que M. Francis se cachait derrière la maison. Rohan Francis
aurait fait une première déclaration à la police la nuit du meurtre, mais
celle-ci aurait été perdue et il n'en aurait fait une seconde que trois
mois plus tard, dans laquelle il aurait cité une demi-douzaine de noms,
dont ceux de MM. Smith et Stewart.
2.3 Lors du procès, Rohan Francis a identifié les auteurs comme ayant
fait partie du groupe qui s'était approché de lui le jour du meurtre d'Owen
Bailey. Il a déclaré qu'Errol Smith tenait une arme à feu et qu'il avait
entendu ce dernier dire qu'Owen Bailey devait être abattu. M. Herman Bailey,
le père du défunt, a déclaré qu'il n'avait pas pu voir l'homme qui avait
abattu son fils car il s'était caché derrière une porte et qu'il ne pouvait
donc pas reconnaître les auteurs.
Teneur de la plainte
3.1 Les auteurs font valoir qu'ils ont été victimes à deux titres d'une
violation des paragraphes 1 et 3 e) de l'article 14 du Pacte. Premièrement,
les auteurs affirment que les propos du principal témoin à charge, Rohan
Francis, étaient inaudibles et incompréhensibles et que le verdict est
donc entaché d'irrégularité.
3.2 Deuxièmement, les auteurs soutiennent que le ministère public n'a
pas pu produire la première déclaration du principal témoin à charge,
ce qui les a mis dans l'impossibilité de contester son témoignage. M.
Francis aurait affirmé n'avoir pas donné de nom à la police dans la première
déclaration qu'il avait faite la nuit de la mort d'Owen Bailey et n'avoir
identifié les meurtriers que trois mois plus tard. Les auteurs allèguent
que cette première déclaration était essentielle car elle aurait sérieusement
remis en cause le témoignage de M. Francis qui avait notamment identifié
M. Smith à l'audience comme étant l'homme qui tenait l'arme à feu. En
outre, le conseil soutient que sans connaître la teneur de la déclaration
que M. Francis avait faite à la police lorsque les événements étaient
encore frais dans sa mémoire, il est impossible de savoir quels autres
éléments un contre-interrogatoire aurait pu apporter aux auteurs.
3.3 Les auteurs déclarent qu'ils sont victimes d'une violation du paragraphe
3 d) de l'article 14 car ils n'ont pas bénéficié d'une assistance judiciaire
adéquate. Les avocats commis d'office à leur défense n'auraient pas procédé
à un contre-examen valable de l'argumentation du ministère public puisqu'ils
n'ont cité aucun témoin à comparaître et n'ont pas tenté de faire annuler
le jugement ou élevé d'objection alors que la déposition du principal
témoin à charge, Rohan Francis, était inaudible. À cet égard, M. Stewart
affirme qu'il est également victime d'une violation des dispositions du
paragraphe 3 b) de l'article 14, car il n'a pas pu préparer sa défense
correctement avec l'avocat qu'on lui avait commis d'office. Il n'aurait
rencontré son avocat pour la première fois que le jour de l'audience préliminaire,
puis ce dernier ne serait venu le voir qu'une fois avant le procès.
3.4 M. Smith affirme être victime d'une violation des dispositions des
paragraphes 3 d) et 5 de l'article 14 car son avocat ne l'a pas défendu
devant la Cour d'appel. Ce dernier ne se serait pas présenté à l'audience
et se serait contenté de demander à l'avocat du codéfendeur de communiquer
à la Cour qu'il avait "examiné les éléments des notes d'audience
et du résumé préalable aux délibérations du jury se rapportant à M. Smith
et qu'il n'y avait trouvé aucun motif valable pour demander l'autorisation
de déposer un pourvoi". Il est fait référence à la jurisprudence
du Comité.
3.5 Les auteurs soutiennent également qu'ils sont victimes d'une violation
des dispositions des paragraphes 3 c) et 5 de l'article 14 car, bien qu'ils
aient interjeté appel en novembre 1982, immédiatement après avoir été
déclarés coupables et condamnés pour meurtre, la Cour d'appel a mis plus
de deux ans à rendre un arrêt, puisqu'elle ne s'est prononcée qu'en décembre
1984. Ce retard serait entièrement imputable à l'État partie.
3.6 M. Stewart affirme que les conditions d'incarcération des condamnés
à mort de la prison du district de St. Catherine sont inhumaines et dégradantes
et qu'il a donc été victime d'une violation des dispositions de l'article
7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. Les conditions sanitaires
du quartier des condamnés à mort seraient abjectes, les rations alimentaires
n'y seraient ni équilibrées ni suffisantes et l'auteur se serait vu refuser
toute correspondance à caractère non officiel. Il y aurait perdu l'usage
d'un oeil faute de soins adéquats. L'auteur n'a pas saisi le médiateur
car il ne pensait pas qu'il aurait pu obtenir satisfaction en s'adressant
à ce dernier.
Observations de l'État partie et commentaires du conseil
4.1 Dans les observations qu'il a faites en date du 15 janvier 1996,
l'État partie a également transmis ses commentaires quant au fond, "afin
d'accélérer l'examen de la communication".
4.2 En ce qui concerne la violation des dispositions de l'article 14
invoquée au motif que la déclaration du principal témoin à charge était
inaudible et que le ministère public a égaré la première déclaration que
ce témoin a faite à la police, l'État partie allègue que ces questions
concernent les faits et les éléments de preuve et qu'elles ne sont donc
pas du ressort du Comité.
4.3 À propos de la violation des dispositions du paragraphe 3 d) de l'article
14 que les deux auteurs invoquent au motif qu'ils n'ont pas bénéficié
d'une assistance judiciaire adéquate devant la Home Circuit Court,
ainsi que devant la Cour d'appel dans le cas de M. Smith, l'État partie
note que ces plaintes concernent la façon dont les avocats commis d'office
ont choisi d'assurer la défense de leur client. Il affirme qu'en vertu
du Pacte, il a uniquement le devoir de désigner un avocat compétent et
ne peut être tenu responsable de la façon dont celui-ci défend son client.
4.4 À propos de la violation des dispositions des paragraphes 3 c) et
5 de l'article 14, invoquée en raison des délais écoulés entre l'inculpation
des auteurs et le rejet de leur pourvoi en appel, l'État partie ne considère
pas que les deux années qui se sont écoulées constituent un délai excessif
et soutient qu'il n'y a pas eu violation du Pacte.
4.5 Quant à l'allégation de M. Stewart selon laquelle il y aurait eu
violation des dispositions du paragraphe 1 de l'article 10 parce qu'il
a perdu l'usage d'un oeil faute d'avoir reçu des soins médicaux appropriés,
l'État partie indique qu'il mènera une enquête à ce sujet et qu'il en
communiquera les conclusions au Comité dès qu'elles auront été établies.
5.1 Dans sa communication datée du 1er mars 1996, le conseil indique
que les auteurs acceptent que leur communication soit examinée conjointement
quant à la recevabilité et au fond.
5.2 À propos de la violation des paragraphes 1 et 3 e) de l'article 14
que les auteurs invoquent au motif que la déposition du principal témoin
à charge était inaudible, le conseil note que l'État partie estime que
l'allégation des auteurs porte sur les faits de la cause et ne devrait
donc pas être examinée par le Comité. Le conseil objecte qu'en l'espèce,
cette allégation porte sur le principe même du droit à un jugement équitable
et qu'elle devrait être dûment examinée par le Comité. Le conseil note
que l'État partie ne conteste pas que les jurés n'ont pu comprendre la
majeure partie de la déposition du témoin et estime que les faits équivalent
à une violation du droit à un jugement équitable garanti par l'article
14.
5.3 Le conseil réaffirme que, dans la déclaration qu'il a faite le soir
même des faits et qui n'a pas été communiquée, le principal témoin à charge
n'a pas cité les auteurs comme étant responsables du meurtre. Compte tenu
de l'impact que la teneur de cette déclaration aurait pu avoir sur la
conduite de l'affaire, le conseil estime que sa non-communication constitue
une violation des dispositions du paragraphe 3 e) de l'article 14. Il
renvoie à la jurisprudence du Comité / Communications No 464/1991
et 482/1991, Garfield Peart et Andrew Peart c. Jamaïque,
constatations adoptées le 19 juillet 1995./.
5.4 Le conseil prend note de ce que, concernant la violation invoquée
des paragraphes 3 b) et d) de l'article 14, l'État partie a répondu qu'il
ne pouvait être tenu responsable de la façon dont les avocats commis d'office
défendent leurs clients. Le conseil estime que cette allégation est contraire
au droit. Il soutient que s'il est établi qu'il n'appartient pas au Comité
de mettre en doute l'avis professionnel rendu par un avocat commis d'office,
le Comité a clairement indiqué que l'État partie peut être tenu responsable
du fait que l'avocat n'a pas assuré la défense de son client d'une façon
efficace. Dans la présente affaire, le conseil estime que, compte tenu
de l'absence totale de préparation et de stratégie, ainsi que de l'apathie
complète de l'avocat qui n'a cité aucun témoin ni élevé aucune objection,
il y a présomption d'inégalité des armes. Il est fait référence à la jurisprudence
/ Communication No 338/1988, Leroy Simmonds c. Jamaïque,
constatations adoptées le 23 octobre 1992; communication No 353/1988,
Lloyd Grant c. Jamaïque, constatations adoptées le 31 mars
1994; communication No 596/1994, Dennie Chaplin c. Jamaïque,
constatations adoptées le 2 novembre 1995./ du Comité.
5.5 À propos de la violation des dispositions invoquée à ce titre par
M. Smith, le conseil rappelle que l'avocat de M. Smith n'a pas assuré
sa défense devant la Cour d'appel et estime que la décision qu'il a prise
autorise à établir un parallèle avec d'autres affaires / Communication
No 250/1987, Carlon Reid c. Jamaïque, constatations adoptées
le 20 juillet 1990; communication No 253/1987, Paul Kelly c. Jamaïque,
constatations adoptées le 8 avril 1991; communication No 353/1988, Lloyd
Grant c. Jamaïque, constatations adoptées le 31 mars 1994;
communication No 356/1989, Trevor Collins c. Jamaïque, constatations
adoptées le 25 mars 1993./ dans lesquelles le Comité a considéré que le
fait pour un avocat de renoncer à interjeter appel constituait une violation
des dispositions du paragraphe 3 d) de l'article 14.
5.6 Le conseil soutient que le fait que M. Stewart n'ait rencontré son
avocat qu'une fois quelques minutes avant le procès constitue bien une
violation des dispositions du paragraphe 3 b) de l'article 14. Il renvoie
à la jurisprudence du Comité /Communication No 282/1988, Leaford
Smith c. Jamaïque, constatations adoptées le 31 mars 1992;
communication No 283/1988, Aston Little c. Jamaïque, constatations
adoptées le 1er novembre 1991; communication No 355/1989, George W.
Reid c. Jamaïque, constatations adoptées le 8 juillet 1994./.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner les affirmations contenues dans une communication,
le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son
règlement intérieur, décider si la communication est recevable conformément
au Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité note que, dans ses observations, l'État partie s'est prononcé
quant au fond de la communication pour en accélérer l'examen. À ce stade,
il peut donc se prononcer simultanément quant à la recevabilité et quant
au fond de la communication, conformément aux dispositions du paragraphe
1 de l'article 94 de son règlement intérieur. Toutefois, en vertu des
dispositions du paragraphe 2 de l'article 94 du règlement intérieur, le
Comité ne se prononce pas sur le fond d'une communication sans avoir examiné
l'applicabilité de tous les motifs de recevabilité visés dans le Protocole
facultatif.
6.3 À propos de la violation de l'article 14 invoquée au motif que la
déposition du principal témoin à charge était entachée d'irrégularités,
le Comité réaffirme que l'article 14 garantit le droit à un jugement équitable,
mais qu'il appartient généralement aux juridictions des États parties
d'apprécier les faits et les éléments de preuve dans une affaire donnée,
et qu'en l'espèce, c'est ce qu'ont fait le tribunal et la Cour d'appel.
Lorsque le Comité examine des violations présumées de l'article 14, il
ne peut se prononcer que sur le caractère arbitraire de la condamnation
ou sur le fait qu'elle équivaut à un déni de justice. Toutefois, les éléments
portés à la connaissance du Comité et les allégations de l'auteur ne permettent
pas de conclure que l'examen auquel a procédé le tribunal était entaché
de telles irrégularités. En conséquence, cette partie de la communication
est irrecevable puisque l'auteur n'est pas fondé à se prévaloir de l'article
2 du Protocole facultatif.
6.4 Estimant que les autres réclamations sont recevables, le Comité aborde
l'examen de toutes les réclamations recevables quant au fond à la lumière
des informations que les parties lui ont communiquées, conformément aux
dispositions du paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.
7.1 À propos de la violation présumée des dispositions du paragraphe
3 b) de l'article 14, il appert que Rohan Francis a admis à l'audience
qu'il n'avait pas nommé les meurtriers présumés de M. Bailey dans la première
déclaration qu'il avait faite à la police et que le juge l'a questionné
à ce propos. Le juge a également fait état de ce point dans son résumé
préalable aux délibérations du jury. Dans ces conditions, le Comité ne
peut pas conclure que la non-communication à la défense de l'original
de la déclaration de M. Francis à la police, qui a apparemment été égaré
et ne faisait pas partie des pièces utilisées par l'accusation, constitue
une violation des dispositions du paragraphe 3 b) de l'article 14.
7.2 Les auteurs affirment être victimes d'une violation des dispositions
du paragraphe 3 d) de l'article 14 au motif qu'ils n'ont pas bénéficié
d'une assistance judiciaire adéquate devant la Home Circuit Court.
L'auteur Stewart affirme qu'il a également été victime d'une violation
des dispositions du paragraphe 3 b) de l'article 14 car il n'a pas pu
passer assez de temps avec l'avocat qui lui a été commis d'office pour
préparer son procès. En ce qui concerne la qualité de la défense, il est
allégué que les avocats commis d'office n'ont pas procédé à un contre-examen
adéquat de l'argumentation du ministère public, puisqu'ils n'ont cité
aucun témoin à comparaître et n'ont pas tenté de faire annuler le jugement
ou élevé d'objection alors que la déposition du principal témoin à charge
était inaudible. Dans ces conditions, le Comité renvoie à sa jurisprudence
et réaffirme que, dans les cas où la peine capitale peut être prononcée
à l'encontre de l'accusé, il est indispensable d'accorder à ce dernier
et à son conseil suffisamment de temps pour préparer sa défense, mais
que l'État partie ne peut être tenu pour responsable du manque de préparation
ou des erreurs présumées d'un avocat, sauf s'il n'a pas laissé à l'auteur
et à son avocat le temps de préparer la défense ou si le tribunal constate
que la conduite de l'avocat est incompatible avec les intérêts de la justice.
Le Comité note que ni les auteurs ni leur avocat n'ont demandé le renvoi
de l'audience et que rien dans le dossier ne permet d'établir que le tribunal
aurait dû constater que le comportement des avocats étaient incompatible
avec le bon fonctionnement de la justice. Dans ces conditions, le Comité
estime que les faits dont il est saisi ne permettent pas de conclure à
une violation de l'article 14.
7.3 M. Smith a également affirmé être victime d'une violation des dispositions
des paragraphes 3 d) et 5 de l'article 14 au motif que son avocat ne l'a
pas défendu devant la Cour d'appel et a demandé à l'avocat du codéfendeur
d'informer la Cour qu'aucun élément ne justifiait qu'il sollicite un pourvoi.
Se fondant sur la communication de l'avocat, la Cour d'appel a refusé
la demande de M. Smith sans l'examiner. L'État partie ne réfute pas ces
faits, mais affirme qu'il n'est pas responsable de la façon dont l'avocat
a assuré la défense de son client. Le Comité renvoie à sa jurisprudence
/ Voir notamment les communications Nos 537/1993, Paul
Anthony Nelly c. Jamaïque, par. 9.5, constatations adoptées
le 17 juillet 1996; 734/1997, Anthony McLeod c. Jamaïque,
par. 6.3, constatations adoptées le 31 mars 1998; 750/1997, Silbert
Daley c. Jamaïque, par. 7.5, constatations adoptées le 31 juillet
1998./ et réaffirme que le droit à une assistance juridique, au titre
du paragraphe 3 d) de l'article 14, suppose que le tribunal veille à ce
que la façon dont l'avocat défend son client soit compatible avec les
intérêts de la justice. Il n'appartient pas au Comité de mettre en doute
l'avis professionnel rendu par un avocat commis d'office, mais le Comité
considère que, dans les cas où la peine capitale peut être prononcée et
où l'avocat de l'accusé déclare qu'il n'y a pas lieu d'interjeter appel,
le tribunal doit s'assurer que l'avocat a bien informé l'accusé de sa
démarche. Dans la négative, le tribunal doit veiller à ce que l'accusé
en soit informé et ait la possibilité de se faire assister d'un autre
conseil. En l'espèce, il ne semble pas que la Cour d'appel se soit assurée
que l'auteur a été dûment informé, et le Comité conclut à une violation
des dispositions des paragraphes 3 d) et 5 de l'article 14.
7.4 Les auteurs ont affirmé que le délai de 25 mois qui s'est écoulé
entre leur condamnation et le rejet de leur recours par la Cour d'appel
constitue une violation des paragraphes 3 c) et 5 de l'article 14. Le
Comité rappelle que dans toute affaire pénale, surtout lorsque l'accusé
encourt la peine capitale, toutes les garanties prévues à l'article 14
du Pacte doivent être strictement appliquées, et il note que l'État partie
s'est contenté d'affirmer que ce délai ne constitue pas une violation
du Pacte sans aucunement expliquer le retard. En l'absence de tout élément
justifiant ce retard, le Comité conclut qu'il y a eu violation du paragraphe
3 c) de l'article 14 lu conjointement avec le paragraphe 5 dudit article.
7.5 Le Comité note que M. Stewart a fait des allégations précises à propos
de la violation des dispositions de l'article 7 et du paragraphe 1 de
l'article 10 qu'il invoque du fait des conditions de détention, notamment
du manque de soins médicaux, qui prévaudraient à la prison du district
de St. Catherine. Les conditions sanitaires de la prison seraient abjectes,
les rations alimentaires n'y seraient ni équilibrées ni suffisantes et
l'auteur se serait vu refuser toute correspondance à caractère non officiel.
En outre, il y aurait perdu l'usage d'un oeil faute de soins adéquats.
L'État partie n'a pas réfuté ces allégations. Bien qu'il l'ait expressément
promis et en dépit du principe énoncé au paragraphe 2 de l'article 4 du
Protocole facultatif, l'État partie n'a pas communiqué les conclusions
de l'enquête qu'il s'était engagé, en 1996, à mener sur les allégations
de l'auteur selon lesquelles celui-ci n'aurait pas bénéficié de soins
médicaux. Dans ces conditions, le Comité estime qu'il y a violation des
dispositions de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte.
8. Le Comité des droits de l'homme, en vertu des dispositions du paragraphe
4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il
est saisi révèlent une violation des dispositions des paragraphes 3 c),
3 d) et 5 de l'article 14 du Pacte dans le cas de M. Smith, et des dispositions
de l'article 7, du paragraphe 1 de l'article 10 et du paragraphe 3 c),
lu conjointement avec le paragraphe 5 de l'article 14 dans le cas de M.
Stewart.
9. Conformément aux dispositions du paragraphe 3 a) de l'article 2 du
Pacte, l'État partie est tenu de fournir un recours utile aux deux auteurs,
notamment sous forme d'une indemnisation, et d'une remise en liberté dans
le cas de M. Smith.
10. En adhérant au Protocole facultatif, l'État partie a reconnu que
le Comité avait compétence pour déterminer s'il y avait eu ou non violation
du Pacte. La présente communication a été présentée au Comité avant que
la dénonciation par la Jamaïque du Protocole facultatif prenne effet le
23 janvier 1998; conformément au paragraphe 2 de l'article 12 du Protocole
facultatif, les dispositions de ce dernier continuent de s'appliquer à
la communication. Conformément à l'article 2 du Pacte, l'État partie s'est
engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire
et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer
un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation a été établie. Le
Comité souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai de 90 jours,
des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations.
Il l'invite aussi à publier ses constatations.
_____________
* Les membres du Comité dont les noms suivent ont participé à l'examen
de la présente communication : M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M.
Prafullachandra N. Bhagwati, M. Thomas Buergenthal, Mme Christine Chanet,
Lord Colville, Mme Elizabeth Evatt, Mme Pilar Gaitan de Pombo, M. Eckart
Klein, M. David Kretzmer, M. Rajsoomer Lallah, Mme Cecilia Medina Quiroga,
M. Fausto Pocar, M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari Yrigoyen et M.
Roman Wieruszewski./
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]