Comité des droits de l'homme
Soixante-dixième session
16 octobre - 3 novembre 2000
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques
- Soixante-dixième session -
Communication No. 675/1995
Présentée par : M. Simalae Toala et consorts (représentés par Mme Olinda Woodroffe)
Au nom de : Les auteurs
État partie : Nouvelle-Zélande
Date de la communication : 19 octobre 1995 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 2 novembre 2000,
Ayant achevé l'examen de la communication No 675/1995 présentée par M. Simalae Toala et consorts en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,
Adopte ce qui suit :
Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif
1. Les auteurs de la communication sont M. Simalae Toala, Mme Fa'ai'u Toala et leur fils adoptif, Eka Toala, né en 1984, ainsi que M. Pita Fata Misa Pitoau Tofaeono et Mme Anovale Tofaeono, tous résidant actuellement en Nouvelle-Zélande. Ils se déclarent victimes de violations par la Nouvelle-Zélande de l'article 2, paragraphes 1 et 3, de l'article 12, paragraphe 4, de l'article 14, paragraphe 3, et des articles 17 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils sont représentés par Mme Olinda Woodroffe, du cabinet d'avocats néo-zélandais Woodroffe et Keil.
Rappel des faits présentés par les auteurs
2.1 Les auteurs sont tous nés au Samoa-Occidental : M. Toala est né en 1932, Mme Toala en 1934 et leur fils adoptif, Eka Toala, en 1984 (1), M. Tofaeono en 1934 et Mme Tofaeono en 1933. À la date de la présentation de la communication, les familles résidaient en Nouvelle-Zélande, où des ordonnances d'expulsion avaient été délivrées récemment contre elles. Elles s'étaient cachées en Nouvelle-Zélande, afin d'éviter l'expulsion. Les auteurs déclarent qu'ils sont citoyens néo-zélandais et que les mesures prises par le Gouvernement néo-zélandais dans le but de les expulser du pays constituent une violation du Pacte.
2.2 M. Toala est arrivé en Nouvelle-Zélande en janvier 1979 et a obtenu un permis de visiteur. Il est retourné au Samoa-Occidental en juillet 1979. En mars 1980, au Samoa-Occidental, il a été reconnu coupable de délit de "relations sexuelles illicites" et a été condamné à deux ans d'emprisonnement. Il a exécuté neuf mois de sa peine, puis a été libéré. Il est retourné en Nouvelle-Zélande en décembre 1986 et a fait plusieurs demandes de permis de résidence permanente; ses demandes ont été rejetées. En mars 1992, une ordonnance d'expulsion a été délivrée contre lui en Nouvelle-Zélande, en application des dispositions de la loi néo-zélandaise de 1987 sur l'immigration (telle que modifiée). Il a fait appel de cette ordonnance en avril 1992, invoquant des raisons humanitaires. En août 1993, son recours a été rejeté par l'Autorité chargée de l'examen des mesures d'expulsion et il s'est caché pour ne pas être expulsé.
2.3 Mme Toala et Eka sont arrivés en Nouvelle-Zélande en juin 1986 et ont obtenu un permis de visiteur, qui a expiré en septembre 1989. Elle a déposé plusieurs demandes de statut de résident permanent. Sur ses huit enfants, sept ont le statut de résident permanent en Nouvelle-Zélande et certains ont la nationalité. Des ordonnances d'expulsion ont été délivrées contre elle et son fils adoptif en avril 1992. Mme Toala a fait recours en mai 1992, en son nom et au nom de son fils, en invoquant des raisons humanitaires. En août 1993, le recours a été rejeté par l'Autorité chargée de l'examen des mesures d'expulsion. Les auteurs indiquent que Mme Toala a été informée qu'elle ne pouvait pas rester en Nouvelle-Zélande, en raison de la condamnation de son mari au Samoa-Occidental. Mme Toala et son fils se sont également cachés pour ne pas être expulsés.
2.4 M. et Mme Tofaeono sont arrivés en Nouvelle-Zélande en mai 1993 et ont obtenu un permis de résidence valable jusqu'en juin 1995. Ils ont 10 enfants, dont 5 résident légalement en Nouvelle-Zélande. D'après la communication, M. et Mme Tofaeono ont droit au statut de résident en Nouvelle-Zélande au titre de la "réunification familiale", mais ce statut leur a été refusé en raison de prétendus problèmes de santé. Le couple a fait appel de l'ordonnance d'expulsion délivrée contre lui auprès de l'Autorité chargée de l'examen des mesures d'expulsion. Leur demande a été rejetée le 28 juin 1996. Ils sont retournés au Samoa-Occidental et M. Tofaeono est décédé dans son pays. Mme Tofaeono y est restée.
2.5 Les auteurs affirment qu'ils ont la nationalité néo-zélandaise conformément à la décision prise par la section judiciaire du Conseil privé dans l'affaire Lesa v. Attorney-General of New Zealand [1983] 2 A.C.20 (2). Dans cette affaire, le Conseil privé a statué qu'en vertu de la loi de 1928 sur la nationalité britannique et le statut des étrangers (en Nouvelle-Zélande) les personnes nées au Samoa-Occidental entre le 13 mai 1924 et le 1er janvier 1949 (et leurs descendants) étaient citoyens néo-zélandais.
2.6 Les auteurs indiquent que la décision rendue par le Conseil privé en juillet 1982 dans l'affaire "Lesa" a suscité des réactions négatives considérables en Nouvelle-Zélande. Quelque 100 000 Samoans, sur une population totale de 160 000 habitants, seraient touchés par cette décision.
2.7 La réponse du Gouvernement néo-zélandais a été de négocier un protocole au Traité d'amitié entre la Nouvelle-Zélande et le Samoa-Occidental. Le Protocole a été ratifié par les deux parties le 13 septembre 1982. Un mois plus tard, le Gouvernement néo-zélandais a adopté la loi de 1982 sur la citoyenneté (Samoa-Occidental), donnant effet au protocole en Nouvelle-Zélande et annulant les effets de la décision dans l'affaire "Lesa", à l'exception de Mme Lesa elle-même et d'un nombre très restreint d'autres personnes.
Teneur de la plainte
3.1 Les auteurs se plaignent de ce que la loi de 1982 sur la citoyenneté (Samoa-Occidental) a créé une situation dans laquelle environ 100 000 Samoans ont perdu leur nationalité, en violation de l'article 12, paragraphe 4, et de l'article 26 du Pacte, et ont été privés de leur droit légal à la nationalité néo-zélandaise.
3.2 Les auteurs affirment que le Protocole de 1982 est de nul effet en vertu de l'article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, dans la mesure où il autorise la promulgation de la loi de 1982, car il est contraire à une norme du jus cogens, en ce qu'il autorise la Nouvelle-Zélande à exercer une discrimination raciale à l'encontre des Samoans.
3.3 À ce sujet, les auteurs se réfèrent aux déclarations faites en 1982 par la Commission néo-zélandaise des droits de l'homme qui avait estimé que "le projet de loi sur la citoyenneté (Samoa-Occidental) implique un déni des droits de l'homme fondamentaux dans le sens où il vise à priver un groupe particulier de Néo-Zélandais de leur nationalité du fait qu'ils sont Polynésiens d'origine samoane. ... Le projet de loi, tel qu'il est rédigé, a de regrettables incidences racistes. ... Il semble qu'il y ait confusion entre le principe des droits en matière de nationalité et les conséquences concrètes de l'arrivée en masse de personnes originaires du Samoa-Occidental...".
3.4 Les auteurs mentionnent en outre les débats qui ont eu lieu au Parlement avant l'adoption de la loi de 1982, à l'appui de l'allégation selon laquelle la loi a des incidences racistes. Ils citent certains participants au débat : "... Nous avons un grand nombre d'autres citoyens ayant la double nationalité, la plupart originaires du Royaume-Uni. ... La quasi-totalité des personnes visées par le projet de loi sont des non-Blancs." et : "La Commission des droits de l'homme a appelé l'attention sur l'article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cet article prévoit que nul ne peut être arbitrairement privé du droit d'entrer dans son propre pays. Je ne serais pas étonné que la Nouvelle-Zélande agisse en violation de ce droit en refusant la libre entrée sur le territoire aux habitants du Samoa-Occidental, qui sont et ont toujours été considérés comme citoyens néo-zélandais.".
3.5 Les auteurs citent également une déclaration du Président de la Cour suprême néo-zélandaise, le juge Ryan (3), pour lequel "[La législation] est manifestement discriminatoire à l'égard des personnes qui ont été déclarées citoyens néo-zélandais par l'instance la plus élevée de la Nouvelle-Zélande". Les auteurs se réfèrent en outre à l'examen par le Comité des droits de l'homme du rapport initial de la Nouvelle-Zélande, daté du 11 janvier 1982, au cours duquel les représentants de l'État partie ont mentionné notamment, à propos de l'affaire "Lesa", le mandat institué par la Société des Nations. Ils notent que les représentants ont déclaré que les habitants de territoires sous mandat ne pouvaient pas prendre la nationalité de l'État auquel le mandat était confié.
3.6 Les auteurs ont des liens étroits avec la Nouvelle-Zélande, les deux familles ayant plusieurs de leurs enfants qui vivent en Nouvelle-Zélande. M. et Mme Toala ont huit enfants, dont sept ont le statut de résident permanent en Nouvelle-Zélande et certains ont la nationalité néo-zélandaise. M. et Mme Tofaeono ont 10 enfants, dont 5 vivent en Nouvelle-Zélande. Les deux familles sont très unies. Le conseil affirme que le refus d'accorder la nationalité aux auteurs constitue une violation de leur droit au regroupement familial en vertu de l'article 17 du Pacte.
3.7 Pour ce qui est de l'épuisement des recours internes, les auteurs affirment qu'il n'existe pas en Nouvelle-Zélande de recours disponibles pour les personnes dont les droits ont été violés du fait de textes contraires ou réputés contraires au Pacte. Aucun tribunal ou autre organe néo-zélandais ne peut déclarer inapplicable un texte dûment promulgué par le Parlement. Les auteurs renvoient à la loi néo-zélandaise de 1990 relative à la Charte des droits, qui dispose : "Pour ce qui est des dispositions législatives (qu'elles aient été adoptées ou prises avant ou après l'entrée en vigueur de la présente Charte des droits), aucun tribunal ne peut a) considérer que toute partie des dispositions est implicitement abrogée ou annulée ou d'une autre façon invalidée ou inapplicable; ou b) refuser d'appliquer l'une quelconque des dispositions législatives – en raison uniquement du fait que celle-ci est incompatible avec l'une ou l'autre des dispositions de la présente Charte des droits". D'après les auteurs, cet article a été interprété comme signifiant que toute disposition législative, qu'elle ait été promulguée avant ou après l'adoption de la loi de 1990 relative à la Charte des droits, l'emporte sur cette loi. Étant donné qu'il est fait référence dans le titre de la loi relative à la Charte des droits à "l'engagement de la Nouvelle-Zélande de respecter le Pacte international relatif aux droits civils et politiques", toute disposition législative (qu'elle ait été adoptée avant ou après la promulgation de la loi de 1990 relative à la Charte des droits) l'emporte sur toute disposition du Pacte garantissant tout droit énoncé dans la loi de 1990 relative à la Charte des droits.
3.8 Les auteurs affirment qu'étant donné qu'il n'existe pas de recours interne disponible lorsqu'une personne est lésée par une disposition législative qui est en violation du Pacte, l'État partie a violé l'article 2, paragraphe 3, du Pacte.
3.9 En outre, les auteurs affirment que le fait que la loi néo-zélandaise de 1991 sur les services judiciaires ne prévoie pas l'octroi de l'aide judiciaire pour la soumission de communications au Comité des droits de l'homme constitue une violation du paragraphe 3 d) de l'article 14 du Pacte.
3.10 Enfin, les auteurs demandent au Comité de prendre des mesures provisoires de protection afin d'empêcher un préjudice irréparable et en particulier de prier le Gouvernement néo-zélandais de ne pas expulser les auteurs tant que le Comité ne se sera pas prononcé sur la communication quant au fond (4).
Observations de l'État partie et commentaires du conseil
4.1 Dans une réponse datée du 6 juin 1996, l'État partie objecte que la communication devrait être déclarée irrecevable pour non-épuisement des recours internes. Il indique que M. Toala, son épouse et son fils ont fait savoir qu'ils avaient l'intention de saisir les tribunaux pour demander la révision des arrêtés d'expulsion, alors que les deux autres auteurs, M. et Mme Tofaeono, ont déjà engagé une procédure. Pour ce qui est de l'allégation des auteurs selon laquelle aucune voie de recours ne leur est ouverte, en violation du Pacte, l'État partie affirme que la raison pour laquelle les auteurs ne trouvent pas de recours disponible pour faire valoir leurs allégations est que celles-ci ne relèvent pas des dispositions du Pacte, et non pas que la Nouvelle-Zélande n'offre pas de recours en cas d'éventuelles violations du Pacte.
4.2 L'État partie affirme que la communication devrait être déclarée irrecevable ratione temporis car le Protocole facultatif est entré en vigueur pour la Nouvelle-Zélande le 26 août 1989 et les faits dont les auteurs se plaignent ont eu lieu en 1982. Il ajoute que la seule raison pour laquelle le Comité pourrait être compétent pour examiner l'affaire serait qu'il existe des effets persistants qui, en eux-mêmes, constitueraient une violation du Pacte. L'État partie nie catégoriquement qu'il existe des effets persistants.
4.3 L'État partie indique en outre que la communication devrait être également déclarée irrecevable ratione materiae car elle est incompatible avec les dispositions du Pacte. En ce qui concerne les allégations au titre du paragraphe 4 de l'article 12 du Pacte, l'État partie déclare que la plainte des auteurs est en fait une protestation contre le refus d'octroi du permis de résidence en Nouvelle-Zélande et contre l'arrêté d'expulsion, mais qu'au lieu de cela ils ont contesté la loi de 1982. L'État partie affirme que les auteurs n'ont aucunement été privés de la possibilité d'entrer dans leur propre pays car ils ont toujours été Samoans et aucune restriction ne leur est imposée pour entrer au Samoa-Occidental.
4.4 Pour ce qui est de l'allégation de violation de l'article 17 et du droit à la vie de famille dans le cas de M. et Mme Toala et de leur fils, l'État partie fait observer qu'il a effectivement pris en considération les questions familiales lorsqu'il a examiné la demande de permis de résidence des auteurs. Toutefois, le principal demandeur étant interdit de séjour, le droit de résidence a été refusé à toute la famille.
4.5 À propos de l'allégation de violation du paragraphe 3 de l'article 14 du Pacte au motif que l'État partie ne fournit pas d'aide judiciaire pour permettre aux auteurs de présenter leur plainte devant le Comité des droits de l'homme, l'État partie note que le paragraphe 3 de l'article 14 ne vise que les personnes accusées d'infraction pénale. En outre, ni le Protocole facultatif ni le Règlement intérieur du Comité ne prévoit que l'aide judiciaire doit être assurée aux auteurs de communications.
4.6 En ce qui concerne la discrimination fondée sur la race, en violation de l'article 26 lu conjointement avec le paragraphe 1 de l'article 2 du Pacte, qui serait due au fait que la loi de 1982 ne s'appliquait qu'aux seuls Samoans, l'État partie souligne que la loi a été promulguée pour remédier à l'anomalie de la législation néo-zélandaise révélée par le Conseil privé dans sa décision concernant l'affaire "Lesa" et qui ne touchait que les personnes nées au Samoa-Occidental entre 1924 et 1949. L'État partie fait valoir que si le Conseil privé avait constaté qu'un autre groupe de personnes n'ayant pas de liens authentiques et réels avec la Nouvelle-Zélande avait aussi par inadvertance reçu le statut de citoyen néo-zélandais, ces personnes auraient également été traitées de la même manière.
5. Le conseil réaffirme les allégations formulées dans la communication initiale selon lesquelles les auteurs se sont vu refuser l'entrée dans leur propre pays, ont été privés de leur nationalité, ont été victimes de discrimination pour l'obtention d'un éventuel permis de résidence et ont été privés du droit au regroupement familial.
Décision concernant la recevabilité
6.1 À sa soixante-troisième session, le Comité a examiné la question de la recevabilité de la communication.
6.2 Au sujet de l'allégation selon laquelle les auteurs n'auraient pas eu droit à un procès équitable, en violation du paragraphe 3 de l'article 14, du fait que la Nouvelle-Zélande n'offre pas d'aide judiciaire permettant de présenter des communications au Comité des droits de l'homme, le Comité a noté que l'article 14 ne visait que les procédures internes et qu'il n'existait ni dans le Pacte ni dans le Protocole facultatif de disposition distincte relative à l'obligation de fournir une aide judiciaire aux personnes qui présentent des plaintes en vertu du Protocole facultatif. En l'espèce, le Comité a estimé que les auteurs ne pouvaient pas se déclarer victimes d'une violation au sens de l'article 3 du Protocole facultatif, et que cette partie de la communication était en conséquence irrecevable.
6.3 Les auteurs affirment que, conformément à la décision prise dans l'affaire "Lesa", ils sont citoyens néo-zélandais et ont donc le droit d'entrer librement sur le territoire néo-zélandais et d'y résider, malgré la loi de 1982 qui les a privés de leur nationalité néo-zélandaise. La loi en question a été promulguée en 1982, après la ratification par la Nouvelle-Zélande du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, mais avant la ratification du Protocole facultatif en 1989. Le Comité a considéré toutefois que la loi en question pouvait avoir des effets persistants qui pourraient constituer en eux-mêmes une violation des dispositions du paragraphe 4 de l'article 12 du Pacte. La question de savoir si ces effets persistants constituaient une violation du Pacte devrait être examinée quant au fond. Le Comité a estimé en conséquence qu'il n'était pas empêché ratione temporis de déclarer la communication recevable.
6.4 Pour ce qui est des allégations de violation des articles 17 et 26 du Pacte, parce que les auteurs auraient le droit de rester en Nouvelle-Zélande malgré les arrêtés d'expulsion et le droit au regroupement familial sans discrimination, le Comité a noté que l'État partie affirmait que la communication devait être déclarée irrecevable en raison du non-épuisement des recours internes. Il n'était pas évident pour le Comité que les recours que les auteurs pouvaient encore exercer auraient pour effet d'empêcher leur expulsion. Par conséquent, ces allégations pouvaient soulever des questions au regard des articles 17 et 26 du Pacte, ainsi que de l'article 23, questions qui devaient être examinées quant au fond. Elles pouvaient également soulever des questions au regard de l'article 16 du Pacte en ce qui concerne Mme Toala et son fils, Eka Toala, car ces derniers n'avaient pas été traités comme des personnes à part entière, mais plutôt comme une extension de la personne de M. Toala qui était considéré comme un migrant interdit de séjour en raison d'une infraction pénale commise au Samoa-Occidental; ces questions devaient être examinées quant au fond. Le Comité a considéré qu'il n'était pas empêché, en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif, d'examiner la communication.
6.5 L'État partie et le conseil des auteurs ont été priés de faire savoir au Comité si les éventuels recours qui pourraient être ou avaient été offerts aux auteurs auraient pour effet de suspendre la procédure d'expulsion.
7. Le 10 juillet 1998, le Comité des droits de l'homme a décidé que la communication était recevable dans la mesure où elle semblait soulever des questions au regard du paragraphe 4 de l'article 12 et des articles 17, 23 et 26 pour tous les plaignants et de l'article 16 pour Mme Toala et son fils, Eka Toala.
Observations de l'État partie sur le fond et commentaires du conseil
8.1 Dans sa réponse datée du 12 février 1999, l'État partie fait valoir que les plaintes des auteurs s'articulent essentiellement autour de l'argument selon lequel le Gouvernement néo-zélandais a agi de façon arbitraire, abusive et contraire aux dispositions du Pacte, en promulguant la loi de 1982 sur la citoyenneté (Samoa-Occidental).
8.2 L'État partie fournit des informations détaillées pour prouver que le Samoa-Occidental n'était pas généralement considéré comme un dominion de Sa Majesté et que dans les périodes mentionnées ses habitants étaient considérés non pas comme des sujets britanniques ou des citoyens néo-zélandais respectivement, mais comme des personnes dotées d'un autre statut spécial qui tenait aux particularités du mandat et, plus tard, de la tutelle. L'État partie explique en outre que, à partir de l'indépendance du Samoa-Occidental, en 1962, les habitants étaient censés ne posséder et ne devoir posséder que la nationalité du nouvel État, et que l'initiative législative prise en 1982 par le Gouvernement néo-zélandais (après consultation du Gouvernement samoan et avec son accord) afin de remédier aux effets de la décision rendue dans l'affaire "Lesa" visait à résoudre le problème considérable et totalement imprévu de la double nationalité qui en résultait. Il réitère par ailleurs qu'il a agi dans ce domaine selon des critères raisonnables et objectifs, dans le respect du droit international général et dans un but général légitime au regard du Pacte (notamment de l'article premier concernant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes); ainsi ses actes ne constituaient pas, pour ce qui est des personnes visées, une discrimination interdite par le Pacte. L'État partie soutient par conséquent qu'il n'est responsable d'aucune violation de l'article 26 ni du paragraphe 1 de l'article 2 du Pacte.
8.3 En ce qui concerne le paragraphe 4 de l'article 12 du Pacte, l'État partie estime que, n'étant pas citoyens néo-zélandais, les auteurs de la communication ont été soumis à bon droit aux dispositions de la loi de 1987 sur l'immigration qui fondent la mesure d'expulsion prise à leur encontre, qu'ils ont le droit de se rendre au Samoa-Occidental et que par conséquent ils n'ont pas été arbitrairement privés de leur droit d'entrer dans leur "propre pays" en violation du paragraphe 4 de l'article 12.
8.4 Au sujet des arguments des auteurs et du Comité des droits de l'homme concernant la possibilité que la loi de 1982 sur la citoyenneté ait "des effets persistants", qui pourraient constituer en eux-mêmes une violation des dispositions du paragraphe 4 de l'article 12 du Pacte, l'État partie réaffirme que ces effets persistants n'existent pas et que par conséquent cette partie de la communication devrait être déclarée irrecevable ratione temporis.
8.5 Pour ce qui est du paragraphe 1 de l'article 17 du Pacte, l'État partie fait valoir que la loi de 1987 sur l'immigration a été appliquée à bon droit à M. et Mme Toala et au jeune Eka Toala puisqu'ils n'étaient pas citoyens néo-zélandais, et que leur situation de famille a été attentivement et rationnellement examinée par les autorités néo-zélandaises, notamment par l'organe de recours compétent (l'Autorité chargée de l'examen des mesures d'expulsion), qui n'a pas trouvé de motifs suffisants pour annuler les arrêtés d'expulsion. L'État partie considère que ces arrêtés d'expulsion ne constituent pas non plus une immixtion arbitraire ou illégale dans la vie privée de la famille Toala, au sens du paragraphe 1 de l'article 17 du Pacte.
8.6 En ce qui concerne le paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte, l'État partie objecte que les auteurs de la communication n'ont pas étayé leur allégation générale selon laquelle il n'existe pas de recours en Nouvelle-Zélande pour les personnes qui s'estiment lésées par une loi ou un règlement contraire ou présumé contraire aux dispositions du Pacte. L'État partie renvoie à une série de décisions rendues par des tribunaux néo-zélandais dans lesquels les juges ont fait référence aux dispositions du Pacte dans ce domaine. Il affirme que les auteurs de la communication sont dans l'erreur quand ils allèguent en termes généraux qu'il "n'existe pas en Nouvelle-Zélande de recours disponibles pour les personnes dont les droits ont été violés du fait de textes contraires ou réputés contraires au Pacte".
8.7 L'État partie fait remarquer en outre qu'en tout état de cause les auteurs de la communication ne peuvent avancer une telle allégation générale en invoquant le Protocole facultatif, puisque ce dernier fait aux plaignants obligation de montrer qu'ils ont été particulièrement et concrètement lésés - en l'espèce par l'absence de recours utile - en violation d'un article du Pacte. Dans la mesure où les auteurs font valoir qu'ils n'ont pas pu exercer de recours contre l'article 6 de la loi de 1982 sur la citoyenneté (Samoa-Occidental), qui retire la nationalité néo-zélandaise à la catégorie de Samoans visés, l'État partie réaffirme que cet article n'est contraire à aucune disposition du Pacte, et que par conséquent la question de l'absence de recours utile contre l'application de l'article 6 n'est pas pertinente en l'espèce.
8.8 En réponse au Comité des droits de l'homme qui a demandé au Gouvernement de la Nouvelle-Zélande et au conseil des auteurs de lui faire savoir si les recours qui pourraient être ou avaient été offerts aux auteurs auraient pour effet de suspendre la décision d'expulsion, l'État partie explique les procédures qui s'appliquent en vertu de la loi de 1987 sur l'immigration aux personnes frappées d'un arrêté d'expulsion :
- Un recours peut être formé devant l'Autorité chargée de l'examen des mesures d'expulsion, dans les 42 jours suivant la date à laquelle la décision d'expulsion a été signifiée, soit au motif que l'intéressé ne se trouve pas illégalement en Nouvelle-Zélande soit pour des raisons humanitaires exceptionnelles. L'arrêté d'expulsion ne peut être exécuté tant que l'Autorité n'a pas statué sur la demande d'annulation.
- Un recours contre la décision de l'Autorité chargée de l'examen des mesures d'expulsion peut être formé auprès de la Haute Cour, uniquement sur un point de droit, dans les 28 jours qui suivent la notification de la décision de l'Autorité. L'arrêté d'expulsion ne peut être exécuté tant qu'il n'a pas été statué sur le recours.
- Sur autorisation, l'intéressé peut attaquer la décision de la Haute Cour devant la cour d'appel, en invoquant un point de droit. L'exécution de l'arrêté d'expulsion est suspendue tant qu'il n'a pas été statué sur le recours.
- L'intéressé peut également saisir la Haute Cour d'une demande de révision judiciaire de la décision de l'Autorité chargée de l'examen des mesures d'expulsion. Il est possible de demander une mesure conservatoire tendant à suspendre l'exécution de l'arrêté d'expulsion. Il n'y a pas de prescription extinctive formelle de ce droit. La décision de la Haute Cour peut à son tour être contestée devant la cour d'appel si l'intéressé estime qu'elle a méconnu un point de droit.
- L'intéressé peut également demander au Ministre de l'immigration de délivrer une instruction spéciale. Ce recours peut être exercé même après que toutes les autres voies légales ont été épuisées.
8.9 En ce qui concerne l'utilisation que les auteurs de la communication ont faite des procédures décrites plus haut, l'État partie note que M. et Mme Toala, ainsi que leur fils Eka Toala, se sont pourvus auprès de l'Autorité chargée de l'examen des mesures d'expulsion. Celle-ci a rendu une décision de rejet le 13 août 1993. M. et Mme Tofaeono ont l'un et l'autre fait la même démarche. L'Autorité a rendu une décision de rejet le 28 juin 1996. Aucun des auteurs ne s'est pourvu auprès de la Haute Cour contre la décision de l'Autorité et aucun n'a non plus engagé la procédure de révision judiciaire. En avril 1995, le représentant de la famille Tofaeono a informé le Service néo-zélandais de l'immigration qu'il préparait un dossier pour demander la révision judiciaire. Le dossier n'a jamais été déposé. De même, en 1993, le représentant de M. Toala a informé le Service néo-zélandais de l'immigration que les Toala allaient demander la révision judiciaire de la décision de l'Autorité chargée de l'examen des mesures d'expulsion. Cela n'a pas été fait et la procédure d'expulsion contre la famille Toala a été relancée en 1994. Depuis les décisions rendues par l'Autorité en 1993 et 1996, seuls les Toala ont déposé une requête auprès du Ministre de l'immigration pour demander une instruction spéciale en application de l'article 130 de la loi de 1987 sur l'immigration. Cette demande, en date du 13 janvier 1999, vise à obtenir l'annulation de l'arrêté d'expulsion concernant les Toala et l'octroi de permis de résidence de façon qu'ils puissent demeurer légalement en Nouvelle-Zélande en attendant l'issue de l'examen de la communication par le Comité des droits de l'homme.
8.10 En ce qui concerne l'observation du Comité des droits de l'homme (5) qui estime que les allégations des auteurs peuvent soulever des questions au regard de l'article 16 du Pacte en ce qui concerne Mme Toala et son fils Eka Toala, l'État partie fait valoir que ni les auteurs ni leurs représentants n'ont formulé de plainte au titre de l'article 16 du Pacte. Il relève aussi que les membres de la famille Toala avaient et ont assurément le droit d'être traités comme des sujets de droit à part entière quand ils invoquent la loi sur l'immigration, mais qu'ils ont choisi en 1987, puis de nouveau en 1989, de demander un permis de résidence permanente en Nouvelle-Zélande en se prévalant des mesures gouvernementales en faveur du regroupement familial; ils se sont donc présentés en tant que famille, et non comme trois personnes distinctes, ce qui a annulé de ce fait toute prétention à voir leur cas traité individuellement.
8.11 L'État partie soutient qu'aucune disposition de la loi et des règlements sur l'immigration n'oblige les membres d'une famille à présenter une demande groupée, la règle étant que l'un des deux conjoints et les enfants peuvent être inclus dans la requête du demandeur, qui devient dès lors le demandeur principal. Mme Toala et le jeune Eka Toala auraient donc pu être demandeurs principaux à part entière s'ils avaient choisi de déposer des demandes séparées. L'État partie explique qu'en cas de demande collective, c'est au demandeur principal que seront appliqués les critères normaux relatifs aux autorisations de séjour, bien que toutes les personnes incluses dans la demande soient elles aussi tenues de remplir les conditions requises sur le plan de la moralité et de la santé. M. Toala était le demandeur principal de la demande de permis de résidence qui concernait aussi Mme Toala et Eka Toala, mais il ne remplissait pas les conditions requises en matière de moralité. L'État partie fait valoir que les choix faits volontairement par les Toala afin de se prévaloir des dispositions relatives à la situation familiale contenues dans la loi sur l'immigration expliquent pourquoi ils ont été traités comme un groupe par les services néo-zélandais de l'immigration, et réaffirme que ses actions n'ont en rien porté atteinte à l'article 16 du Pacte. L'État partie note aussi que les arrêtés d'expulsion ont été signifiés séparément à M. Toala d'une part, et à Mme Toala et son fils Eka d'autre part. M. Toala, et Mme Toala et Eka, ont chacun de leur côté fait appel de la décision devant l'Autorité chargée de l'examen des mesures d'expulsion. Dans sa décision de rejet du 13 août 1993, l'Autorité indique spécifiquement que le cas de M. Toala, ainsi que celui "de son épouse et de son fils", ont été "pleinement examinés".
9.1 Dans ses commentaires, le conseil des auteurs affirme que le litige qui oppose la Nouvelle-Zélande et les auteurs reste entier. Elle objecte que la réponse de l'État partie se résume pour l'essentiel à une attaque contre la décision du Conseil privé dans l'affaire Lesa v. Attorney-General of New Zealand.
9.2 Le conseil réitère l'allégation initiale des auteurs, à savoir qu'ils sont Samoans et qu'il ressort clairement de la décision de la section judiciaire du Conseil privé que la Nouvelle-Zélande est leur "propre pays". Elle considère qu'en adoptant une loi qui privait les auteurs de leur nationalité néo-zélandaise, la Nouvelle-Zélande les a placés dans une catégorie d'étrangers que le Gouvernement néo-zélandais pouvait à bon droit expulser. En ce sens, les auteurs sont privés des droits qui leur sont garantis au paragraphe 4 de l'article 12 du Pacte. D'après le conseil cette disposition du Pacte signifie qu'une fois que la nationalité a été accordée, elle ne peut être retirée, si ce retrait revient à restreindre le droit qu'a chaque individu d'entrer dans le pays dont il est citoyen. C'est ce que le Parlement néo-zélandais a fait à de nombreux Samoans, dont les auteurs.
9.3 En ce qui concerne les allégations formulées au titre des articles 17, 23 et 26, le conseil réitère les arguments développés dans la communication initiale, c'est-à-dire que les auteurs sont victimes de discrimination en raison de leur origine polynésienne et que l'Autorité chargée de l'examen des mesures d'expulsion n'a pas dûment pris en considération leur situation familiale et humanitaire.
9.4 En ce qui concerne l'épuisement des recours internes, le conseil réaffirme que comme le motif pour lequel les auteurs contestent leur expulsion repose sur l'invalidité de la loi de 1982 sur la citoyenneté (Samoa-Occidental) et que la nouvelle législation néo-zélandaise ne permet pas une révision judiciaire d'un texte de loi, ce recours n'est pas offert aux auteurs.
Révision de la décision de recevabilité
10. Le Comité note que l'État partie a donné des informations sur les procédures offertes aux auteurs pour obtenir la révision judiciaire de la décision de l'Autorité chargée de l'examen des mesures d'expulsion. Il apparaît que, bien que les auteurs aient fait savoir qu'ils avaient l'intention de se prévaloir de cette procédure, ils ne l'ont pas fait. Ils n'ont pas avancé de motif pour expliquer qu'ils n'aient pas fait usage de ces recours afin de faire valoir l'argument selon lequel leur expulsion de Nouvelle-Zélande constituerait une violation des droits consacrés aux articles 17 et 23 du Pacte et, dans le cas de Mme Toala et de son fils Eka, de l'article 16. Dans ces circonstances, le Comité estime que les auteurs n'ont pas épuisé les recours internes disponibles. En conséquence, conformément au paragraphe 4 de l'article 93 de son règlement intérieur, le Comité revient sur sa décision de recevabilité et déclare cette partie de la communication irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.
Examen quant au fond
11.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la communication à la lumière de toutes les informations qui lui avaient été soumises par les parties, conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.
11.2 En ce qui concerne la revendication des auteurs qui veulent entrer en Nouvelle-Zélande et y demeurer, le Comité note que tout dépend de la question de savoir si, en vertu du paragraphe 4 de l'article 12 du Pacte, la Nouvelle-Zélande est ou a été à un moment ou à un autre leur "propre pays" et, dans l'affirmative, s'ils ont été privés arbitrairement du droit d'entrer en Nouvelle-Zélande. À ce sujet, le Comité note qu'aucun des auteurs ne possède actuellement la nationalité néo-zélandaise et qu'aucun n'y a droit en vertu de la législation néo-zélandaise. Il note aussi que tous les auteurs sont des nationaux samoans, conformément à la loi sur la nationalité du Samoa-Occidental qui s'applique depuis 1959.
11.3 Le Comité relève que la décision prise dans l'affaire "Lesa" en 1982 a eu pour effet de donner à quatre des auteurs la nationalité néo-zélandaise à la date de leur naissance. Le cinquième, Eka Toala, est né en 1984, et la décision "Lesa" ne semble donc pas avoir eu d'incidence pour lui. Les quatre auteurs qui avaient eu la nationalité néo-zélandaise à la suite de la décision dans l'affaire "Lesa" avaient de ce fait le droit d'entrer en Nouvelle-Zélande. Quand la loi de 1982 leur a retiré la nationalité néo-zélandaise, elle leur a ôté le droit d'entrer en Nouvelle-Zélande en tant que citoyens. À partir de ce moment-là, leur droit d'entrer en Nouvelle-Zélande était régi par la législation néo-zélandaise relative à l'immigration.
11.4 Dans son Observation générale relative à l'article 12, le Comité relève que "les États parties ne doivent pas, en privant une personne de sa nationalité ou en l'expulsant vers un autre pays, empêcher arbitrairement celle-ci de retourner dans son propre pays". En l'espèce, le Comité considère que les circonstances dans lesquelles les auteurs ont acquis puis perdu la nationalité néo-zélandaise doivent être examinées dans le contexte des questions soulevées au regard du paragraphe 4 de l'article 12.
11.5 Le Comité note qu'en 1982 les auteurs n'avaient pas avec la Nouvelle-Zélande de liens découlant de la naissance, de la parenté (ascendants néo-zélandais), de liens affectifs ou de la résidence dans ce pays. Ils ne savaient qu'ils avaient droit à la nationalité néo-zélandaise au moment où la décision a été rendue dans l'affaire "Lesa" et ils avaient acquis cette nationalité involontairement. Il apparaît également que, à l'exception de M. Toala, aucun des auteurs n'avait jamais été en Nouvelle-Zélande. Tous ces facteurs font qu'il peut être affirmé que la Nouvelle-Zélande n'est pas devenue leur "propre pays" à la suite de la décision "Lesa". Quoi qu'il en soit toutefois, le Comité ne considère pas que le retrait de leur nationalité néo-zélandaise ait été arbitraire. En plus des circonstances déjà énoncées, aucun des auteurs n'avait été en Nouvelle-Zélande entre la date à laquelle la décision a été rendue dans l'affaire "Lesa" et la date de l'adoption de la loi de 1982. Ils n'avaient jamais demandé le passeport néo-zélandais, ni demandé à exercer un quelconque droit en tant que nationaux néo-zélandais. Le Comité est donc d'avis qu'il n'y a pas eu violation du paragraphe 4 de l'article 12.
11.6 Pour ce qui est de l'argument selon lequel la loi de 1982 était discriminatoire, le Comité relève que ce texte s'appliquait uniquement aux Samoans qui n'étaient pas résidents en Nouvelle-Zélande et qu'à cette époque les auteurs ne résidaient pas en Nouvelle-Zélande et n'avaient aucun lien avec ce pays. Rien ne permet de conclure que l'application de la loi aux auteurs ait été discriminatoire, en violation de l'article 26 du Pacte.
12. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est saisi ne font apparaître aucune violation des articles du Pacte.
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** Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la communication : M. Abdelfattah Amor, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, Mme Christine Chanet, Lord Colville, Mme Elizabeth Evatt, Mme Pilar Gaitan de Pombo, M. Louis Henkin, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, Mme Cecilia Medina Quiroga, M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Roman Wieruszewski, M. Maxwell Yalden, M. Abdallah Zakhia. Le texte d'une opinion individuelle signée par M. Amor, M. Bhagwati, Mme Gaitan de Pombo et M. Solari Yrigoyen est joint au présent document.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]
Appendice
Opinion individuelle de Abdelfattah Amor,
Prafullachandra Natwarlal Bhagwati,
Pilar Gaitan de Pombo et Hipólito Solari Yrigoyen
La majorité des membres du Comité ont décidé de revenir sur la recevabilité de la communication et ont estimé que celle-ci devait être déclarée irrecevable au motif du non-épuisement des recours internes. Il nous est difficile de les suivre dans cette voie apparemment facile, qui évite de se prononcer sur le fond et de prendre une décision qui pourrait aboutir à un résultat assez gênant. Le Comité avait examiné la question de la recevabilité quand il en était à ce stade de l'examen de la communication et l'avait déclarée recevable notamment au regard des articles 17 et 23. Nous ne voyons aucune raison de changer de position. Nous avons examiné l'affaire Tavita v. The Minister of Immigration [1994] ainsi que l'affaire Puli'uvea v. Removal Authority [1996]. Nous avons relevé que la décision du Ministre de l'immigration dans une affaire et la décision de l'Autorité chargée de l'examen des mesures d'expulsion dans l'autre avaient été attaquées devant la cour d'appel au motif qu'elles étaient incompatibles avec les obligations internationales contractées par la Nouvelle-Zélande. Mais en l'espèce c'est un texte législatif parlementaire de la Nouvelle-Zélande qui a placé les auteurs dans la situation à l'origine de leurs griefs au regard du paragraphe 4 de l'article 12 du Pacte et il est extrêmement improbable que la cour d'appel soit compétente pour passer outre à un texte adopté par le Parlement et pour faire droit aux auteurs. De plus, la décision de l'Autorité chargée de l'examen des mesures d'expulsion a été rendue en août 1992 et il était hautement improbable qu'à cette date les obligations internationales puissent être exécutoires par les tribunaux en Nouvelle-Zélande en l'absence de législation interne. Ce n'est qu'en 1994 quand la décision a été rendue dans l'affaire "Tavita" que la situation est devenue claire mais à ce moment-là le délai pour se pourvoir devant la cour d'appel en application de l'article 115A avait expiré. Nous considérons que la communication ne peut pas être déclarée irrecevable au motif du non-épuisement des recours internes.
Nous relevons que M. et Mme Toala n'ont pas d'enfants au Samoa-Occidental pour s'occuper d'eux et que leurs enfants en Nouvelle-Zélande sont les seuls soutiens sur lesquels ils puissent compter. Les auteurs vivent en Nouvelle-Zélande depuis 1986 et ont établi de véritables liens familiaux dans ce pays. Le refus de l'État partie de régulariser la situation des trois auteurs a pour motif principal la condamnation pénale prononcée contre M. Toala en 1980. Les documents dont le Comité est saisi ne montrent pas que l'attention voulue ait été portée à la vie de famille des auteurs. Nous estimons que dans les circonstances particulières de l'affaire, refuser d'autoriser les auteurs à résider en Nouvelle-Zélande avec leurs enfants adultes, qui sont les seules personnes à pouvoir s'occuper de M. et Mme Toala, est une mesure disproportionnée et constituerait par conséquent une immixtion arbitraire dans leur vie de famille. Nous estimons donc qu'il y a bien violation des articles 17 et 23 en ce qui concerne M. et Mme Toala et leur fils Eka.