Comité des droits de l'homme
Soixante-neuvième session
10 - 28 juillet 2000
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe
4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques
- Soixante-neuvième session -
Communication No 689/1996
Présentée par : Richard Maille (représenté par François Roux, avocat)
Au nom de : L'auteur
État partie : France
Date de la communication : 17 novembre 1995
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 10 juillet 2000,
Ayant achevé l'examen de la communication No 689/1996 présentée par
M. Richard Maille en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été
communiquées par l'auteur de la communication, son conseil et l'État partie,
Adopte ce qui suit :
Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif
1. L'auteur de la communication est Richard Maille, de nationalité française,
né en décembre 1966 et habitant actuellement à Millau (France). Il se déclare
victime de violations par la France des articles 18, 19 et 26, lus conjointement
avec l'article 8, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Il est représenté par Me François Roux.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 De juin 1986 à juillet 1987 l'auteur, bénéficiaire du statut d'objecteur
de conscience, a effectué un service national civil. Le 15 juillet 1987,
au bout d'environ un an de service effectué sous cette forme, il a quitté
son poste, invoquant le caractère qualifié de discriminatoire du paragraphe
6 de l'article 116 du Code du service national, qui imposait aux objecteurs
de conscience une durée de service national de 24 mois tandis que les appelés
accomplissant leur service sous les drapeaux effectuaient un service de
12 mois.
2.2 Pour cette action, M. Maille a été poursuivi pour insoumission en temps
de paix, faits réprimés par l'article 397, paragraphe 1, du Code de justice
militaire. Par un jugement en date du 27 janvier 1992, le tribunal correctionnel
de Montpellier l'a déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés
et l'a condamné à 15 jours d'emprisonnement avec sursis. N'ayant pas intégralement
accompli les obligations du service national, M. Maille a été reconvoqué
par ordre de route du 30 juillet 1992 pour achever son temps de service,
ordre auquel il a décidé de ne pas déférer. En conséquence il a de nouveau
été poursuivi par le tribunal correctionnel de Montpellier qui, par un jugement
en date du 21 avril 1994, l'a déclaré coupable des faits qui lui étaient
reprochés et, en répression, a prononcé le retrait de la décision d'admission
au bénéfice du statut d'objecteur de conscience. Le 23 janvier 1995, la
cour d'appel de Montpellier a confirmé le jugement.
2.3 L'auteur indique qu'il n'a pas formé un pourvoi en cassation parce que
dans les circonstances et étant donné la jurisprudence bien établie de la
Cour de cassation et qui est contraire à ses demandes, il serait vain de
se pourvoir devant cette instance. Il renvoie à cet égard à plusieurs arrêts
prononcés par la Cour de cassation le 14 décembre 1994, qui a conclu que
l'article 116-6 du Code du service national n'était pas discriminatoire
et n'était pas contraire aux dispositions des articles 9, 10 et 14 de la
Convention européenne des droits de l'homme (1). L'auteur conclut
qu'aucun recours utile ne lui restant ouvert, il doit être considéré comme
ayant rempli les conditions imposées au paragraphe 2 b) de l'article 5 du
Protocole facultatif.
Teneur de la plainte
3.1 D'après l'auteur, l'article 116-6 du Code du service national (dans
sa rédaction de juillet 1983 prescrivant une durée du service actif des
objecteurs de conscience de 24 mois) et l'article L.2 du Code du service
national dans sa rédaction de janvier 1992 (résultant de la loi 92-9 du
4 janvier 1992) qui fixe à 20 mois la durée du service civil pour les objecteurs
de conscience, représentent une violation des articles 18, 19 et 26 du Pacte,
lus conjointement avec l'article 8, en ce qu'ils doublent la durée
du service pour les objecteurs de conscience par rapport à ceux qui effectuent
un service militaire.
3.2 L'auteur reconnaît que dans l'affaire No 295/1988 (2), le Comité
a considéré que la durée prolongée du service de substitution n'était ni
déraisonnable ni répressive, et n'avait pas constaté de violation du Pacte.
Toutefois, il rappelle les opinions individuelles jointes à ces constatations
par trois membres du Comité; de l'avis de ces trois membres, la législation
attaquée ne reposait pas sur des critères raisonnables ou objectifs, comme
un type de service plus dur ou la nécessité de suivre une formation spéciale
en vue d'accomplir le service de durée plus longue. L'auteur adhère pleinement
aux conclusions de ces trois membres du Comité.
3.3 L'auteur fait remarquer que les articles L.116-2 à L.116-4 du Code
du service national prévoient des précautions rigoureuses pour s'assurer
de la sincérité des convictions d'un objecteur de conscience. Chaque demande
tendant à obtenir le statut d'objecteur de conscience doit être agréée par
le Ministre chargé des armées. Un refus peut faire l'objet d'un recours
devant le tribunal administratif, en vertu de l'article L.116-3. Dans ces
conditions, fait valoir l'auteur, on ne saurait supposer que la durée du
service civil a été fixée purement pour des raisons de commodité administrative,
étant donné que toute personne qui accepte d'accomplir un service d'une
durée double (ou presque) de celle du service militaire doit être réputée
avoir des convictions authentiques. On doit au contraire considérer que
la durée du service civil a un caractère punitif qui ne repose pas sur des
critères raisonnables ou objectifs.
3.4 À l'appui de son allégation, l'auteur rappelle un arrêt de juillet 1989
dans lequel la Cour constitutionnelle italienne a déclaré l'illégitimité
constitutionnelle de la disposition prévoyant que les personnes admises
à effectuer le service non armé devaient l'effectuer pendant un temps supérieur
de huit mois à la durée du service militaire. Il rappelle aussi une décision
adoptée en 1967 par le Parlement européen qui, se fondant sur l'article
9 de la Convention européenne des droits de l'homme, a estimé que le service
de remplacement devait avoir la même durée que celle du service militaire.
De plus, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a déclaré que le
service de remplacement ne devait pas revêtir le caractère d'une punition
et que sa durée devait rester, par rapport à celle du service militaire,
dans les limites raisonnables (Recommandation No R(87)8 du 9 avril 1987).
Enfin, l'auteur note que la Commission des droits de l'homme des Nations
Unies a déclaré, dans une résolution adoptée le 5 mars 1987 (3),
que l'objection de conscience au service militaire devait être considérée
comme un exercice légitime du droit à la liberté de pensée, de conscience
et de religion, reconnu par le Pacte.
3.5 Dans ces conditions, l'auteur affirme que lui imposer une durée de
service national double de celle du service militaire constitue une discrimination
illégale et interdite fondée sur l'opinion et que le risque d'emprisonnement
encouru pour avoir refusé d'accomplir le service civil au-delà de la durée
prévue pour le service militaire constitue une violation du paragraphe 2
de l'article 18, du paragraphe 1 de l'article 19 et de l'article 26 du Pacte.
Observations de l'État partie et commentaires de l'auteur concernant
la recevabilité de la communication
4.1 L'État partie soulève l'incompatibilité ratione materiae de
la communication avec les dispositions du Pacte, au motif que, d'une part,
le Comité a reconnu dans sa décision sur la communication No 185/1984 (L.T.K.
c. Finlande) que "le Pacte ne contient aucune disposition stipulant
le droit à l'objection de conscience; ni l'article 18, ni l'article
19 du Pacte, eu égard notamment au paragraphe 3 c) ii) de l'article 8, ne
peuvent être interprétés comme impliquant un tel droit" et, d'autre
part, qu'en vertu de l'article 8, paragraphe 3 c) ii) du Pacte, la réglementation
interne du service national, et donc du statut d'objecteur de conscience
pour les États qui le reconnaissent, ne relève pas du domaine de compétence
du Pacte et est laissée à la législation interne.
4.2 À titre subsidiaire, l'État partie affirme que les voies de recours
internes n'ont pas été épuisées par l'auteur. À cet égard, il déclare que
l'auteur de la communication n'a pas épuisé les voies de recours
judiciaires disponibles, puisqu'il ne s'est pas pourvu en cassation
contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 23 janvier 1995. L'État
partie invoque de plus que l'auteur n'a pas épuisé les voies de recours
administratives. L'argument avancé dans ce sens est que l'auteur, en quittant
son poste avant de recevoir une réponse des autorités militaires concernant
sa demande de réduction de la durée de son service, s'est mis en situation
d'infraction par rapport aux dispositions du Code du service national,
ouvrant ainsi la voie aux poursuites pénales, et n'a pas déféré au juge
administratif l'éventuel refus de sa demande par les autorités militaires
(4).
4.3 Enfin, l'État partie conteste la qualité de victime de l'auteur. Au
regard des articles 18 et 19 du Pacte, l'État partie allègue qu'en reconnaissant
le statut d'objecteur de conscience et en offrant aux appelés la possibilité
de choisir la forme de leur service national, il donne la possibilité aux
appelés de choisir librement le service national adapté à leurs convictions,
leur permettant ainsi d'exercer leurs droits en vertu des articles 18 et
19 du Pacte. À cet égard, l'État partie conclut, en citant la décision sur
la communication No 185/1984 mentionnée ci-dessus, que l'auteur, n'ayant
pas été "poursuivi ni condamné pour ses convictions ou ses opinions
en tant que telles, mais parce qu'il avait refusé d'accomplir le service
militaire", ne peut donc se plaindre d'une violation des articles 18
et 19 du Pacte à son égard.
4.4 Au sujet de la violation alléguée de l'article 26 du Pacte, l'État partie,
notant que l'auteur se plaint d'une violation de cet article car la durée
du service civil de remplacement est le double de celle du service militaire,
relève tout d'abord que "le Pacte, tout en interdisant la discrimination
et en garantissant à toutes les personnes le droit à une égale protection
de la loi, n'interdit pas les différences de traitement", qui doivent
"reposer sur des critères raisonnables et objectifs" (5).
L'État partie argue dans ce sens que la situation des appelés effectuant
un service civil de remplacement et ceux qui effectuent le service sous
la forme militaire est différente, notamment au regard des contraintes plus
lourdes au sein de l'armée, et qu'une durée supérieure du service civil
de remplacement constitue un test de la sincérité des objecteurs de conscience,
afin d'éviter que des appelés ne revendiquent le statut d'objecteur pour
des motifs de confort, de facilité et de sécurité. L'État partie cite les
constatations du Comité sur la communication No 295/1988 (Järvinen
c. Finlande), dans laquelle le Comité estime que la durée de 16 mois
du service de substitution imposée aux objecteurs de conscience, comparée
à celle de huit mois du service militaire, soit le double, n'était "ni
déraisonnable, ni répressive". L'État partie conclut donc que la différence
de traitement dont se plaint l'auteur repose sur le principe d'égalité,
qui exige un traitement différent de situations différentes.
4.5 Pour tous ces motifs, l'État partie demande au Comité de déclarer la
communication irrecevable.
5.1 Concernant l'argument de l'État partie quant à la compétence ratione
materiae du Comité, l'auteur cite l'Observation générale No 22(48) du
Comité, selon laquelle le droit à l'objection de conscience "peut être
déduit de l'article 18, dans la mesure où l'obligation d'employer la force
au prix de vies humaines peut être gravement en conflit avec la liberté
de conscience et le droit de manifester sa religion ou ses convictions.
Lorsque ce droit sera reconnu dans la législation ou la pratique, il n'y
aura plus de différenciation entre objecteurs de conscience sur la base
de la nature de leurs convictions particulières, de même qu'il ne s'exercera
pas de discrimination contre les objecteurs de conscience parce qu'ils n'ont
pas accompli leur service militaire". Selon l'auteur, il ressort de
ces observations que le Comité est compétent pour déduire s'il y a eu ou
non violation du droit à l'objection de conscience en vertu de l'article
18 du Pacte.
5.2 Selon l'auteur, le problème qui se pose dans son cas ne réside pas dans
une éventuelle atteinte à la liberté de conviction des objecteurs de conscience
par la législation française, mais dans les modalités d'exercice de cette
liberté, puisque le service civil de remplacement est d'une durée double
de celle du service militaire, ce qui ne se justifie par aucune disposition
d'ordre public, en violation de l'article 18, paragraphe 3, du Pacte. L'auteur
invoque dans ce contexte l'Observation générale No 22(48) du Comité, selon
laquelle "les restrictions imposées doivent être prévues par la loi
et ne doivent pas être appliquées d'une manière propre à vicier les droits
garantis par l'article 18. (...) Il ne peut être imposé de restrictions
à des fins discriminatoires ni de façon discriminatoire", et conclut
que le fait d'imposer aux objecteurs de conscience un service civil de remplacement
d'une durée double de celle du service militaire constitue une restriction
discriminatoire à la jouissance des droits prévus à l'article 18 du Pacte.
5.3 Quant à la question de l'épuisement des recours internes, l'auteur indique
qu'un pourvoi auprès de la Cour de cassation contre l'arrêt de la cour d'appel
du 23 janvier 1995 aurait été inutile, car dénué de toute chance raisonnable
de succès, au vu de la jurisprudence constante de la Cour de cassation en
la matière. À cet égard, l'auteur cite trois arrêts de la Cour de cassation
(les arrêts du 14 décembre 1994 dans les affaires Paul Nicolas, Marc
Venier et Frédéric Foin), et dans lesquels cette dernière a conclu
que l'article 116-6 du Code du service national, qui fixe la durée du service
militaire et des services de remplacement, n'était pas discriminatoire.
L'auteur conclut donc qu'il a épuisé tous les recours internes utiles concernant
la procédure dont il a été l'objet. En ce qui concerne le non-épuisement
des voies de recours administratives, l'auteur soutient que celles-ci ne
lui étaient pas ouvertes, dans la mesure où aucune décision administrative
ne lui ayant été notifiée, il ne pouvait pas saisir le tribunal administratif.
5.4 En ce qui concerne la violation de l'article 26, l'auteur déclare que
le fait d'assujettir le service civil à une durée double de celle du service
militaire constitue une différence de traitement qui n'est pas fondée sur
des "critères raisonnables et objectifs", et qui constitue donc
une discrimination interdite par le Pacte (communication No 196/1985 citée
plus haut). À l'appui de cette conclusion, l'auteur affirme que rien ne
justifie une durée double du service civil; en effet, et contrairement au
cas de M. Järvinen (communication No 295/1988 citée ci-dessus), la
durée plus longue n'est pas justifiée par un allègement des procédures administratives
permettant l'obtention du statut d'objecteur de conscience, puisqu'en vertu
des articles L.116-2 et L.116-4 du Code du service national, les demandes
tendant à obtenir le statut d'objecteur de conscience doivent être agréées
par le Ministre chargé des armées à la suite d'un contrôle qui peut entraîner
le refus de l'agrément. Elle n'est pas plus justifiée pour des raisons d'intérêt
général, ni comme test du sérieux et de la sincérité des convictions de
l'objecteur de conscience. En effet, le simple fait de prendre des mesures
spéciales pour tester la sincérité et le sérieux des convictions des objecteurs
de conscience constitue en soi une discrimination fondée sur la reconnaissance
d'une différence de traitement entre les appelés. De plus, les objecteurs
de conscience ne tirent aucun avantage ou privilège de leur statut, contrairement,
par exemple, aux coopérants qui ont l'opportunité de travailler à l'étranger
dans un domaine professionnel correspondant à leurs qualifications universitaires
pendant 16 mois (soit quatre mois de moins que le service civil pour les
objecteurs de conscience), et une différence de traitement ne se justifie
donc pas sur ce motif.
Délibérations du Comité
6.1 À sa soixantième session, le Comité des droits de l'homme a examiné
la question de la recevabilité de la communication.
6.2 En ce qui concerne la règle de l'épuisement des recours internes disponibles,
le Comité a pris note du fait que l'auteur n'avait pas épuisé toutes les
voies de recours judiciaires qui lui étaient ouvertes. Toutefois, il a constaté
que le pourvoi de l'auteur en cassation de l'arrêt de la cour d'appel du
23 janvier 1995 aurait sans nul doute été rejeté par la Cour de cassation
dans la mesure où celle-ci avait rejeté précédemment des pourvois analogues
dont les auteurs avaient invoqué la nature discriminatoire de l'article
116-6 du Code du service national. Ces précédents judiciaires peuvent permettre
de conclure qu'un pourvoi en cassation de l'auteur n'aurait eu aucune chance
d'aboutir. Le Comité a estimé en conséquence que l'auteur avait épuisé les
voies de recours judiciaires utiles.
6.3 Quant à l'argument de l'État partie selon lequel l'auteur n'aurait pas
épuisé toutes les voies de recours administratives, le Comité a noté qu'il
ne ressortait pas des observations de l'État partie qu'une décision administrative
ait été prise contre lui et que, de ce fait, aucun recours administratif
ne lui était immédiatement disponible au moment de l'interruption de son
service civil. Néanmoins, le Comité a noté également qu'en n'attendant pas
la réponse des autorités militaires à sa décision d'interrompre son service
civil après une année et en choisissant de quitter son poste après une simple
notification à ces autorités, l'auteur n'avait volontairement pas utilisé
les voies de recours administratives alors que, comme l'indique l'État partie,
il aurait pu former un recours administratif contestant l'applicabilité
d'une loi comme étant contraire aux engagements internationaux pris par
l'État partie à l'égard de la protection des droits de l'homme. Le Comité
a noté toutefois, et malgré cette argumentation, qu'à ce stade de la procédure
un recours administratif n'était plus disponible à l'auteur de la communication.
Il a conclu en conséquence qu'il n'était pas empêché, en vertu du paragraphe
2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif, d'examiner la communication.
6.4 Le Comité a pris note des arguments de l'État partie concernant l'incompatibilité
ratione materiae de la communication avec les dispositions du Pacte.
À cet égard, il a estimé que la question soulevée dans la communication
ne concernait pas une violation du droit à l'objection de conscience en
tant que telle. Il a considéré que l'auteur avait suffisamment prouvé, aux
fins de la recevabilité, que la communication pouvait soulever des questions
au titre des dispositions du Pacte.
7. En conséquence, le 11 juillet 1997, le Comité a décidé que la communication
était recevable.
Observations de l'État partie sur le fond de la communication
8.1 Dans ses observations du 29 juin 1998, l'État partie traite du fond
de la communication et demande aussi au Comité de réexaminer sa décision
déclarant la communication recevable.
8.2 L'État partie rappelle que l'auteur a quitté son poste le lendemain
du jour où il avait informé par lettre les autorités qu'il demandait une
réduction de la durée de son service. L'auteur n'a pas attendu la réponse
à sa demande. L'État partie affirme que ce dernier aurait dû attendre et
qu'en cas de réponse négative ou en l'absence de réponse dans les quatre
mois, il aurait pu saisir le tribunal administratif. Dans ce contexte, l'État
partie rappelle que depuis l'arrêt rendu par le Conseil d'État dans l'affaire
Nicolo (20 octobre 1989), les particuliers peuvent contester l'applicabilité
de lois au motif qu'elles seraient contraires aux obligations internationales
de l'État partie en matière de protection des droits de l'homme. L'État
partie note que, dans sa décision concernant la recevabilité, le Comité
a reconnu qu'un tel recours existait, mais qu'il a conclu que les recours
internes avaient été néanmoins épuisés du fait qu'à ce stade de la procédure
un recours n'était plus disponible à l'auteur.
8.3 L'État partie conteste la décision du Comité à cet égard et soutient
que l'existence et l'utilité d'un recours doivent s'apprécier au moment
où la violation présumée a été commise et non pas a posteriori, lorsque
l'auteur présente sa communication. Il suffirait sinon de s'abstenir délibérément
d'épuiser les recours internes dans les conditions de délai et de forme
prévues par la loi pour se conformer à l'obligation énoncée au paragraphe
2 b) de l'article 5, ce qui rendrait le principe en question vide de toute
substance.
8.4 Pour ce qui est de l'épuisement des recours internes dans la procédure
pénale engagée contre l'auteur, l'État partie rappelle qu'il n'aurait pas
été nécessaire d'engager une telle procédure dans l'affaire de l'auteur
si ce dernier avait attendu la réponse du Ministre à sa demande. À cet égard,
l'État partie souligne que la règle de l'épuisement des recours internes
implique que soient exercés tous les recours utiles, à savoir ceux qui peuvent
effectivement être de nature à remédier à la violation alléguée. En l'espèce,
l'auteur s'est plaint de la durée du service imposée aux objecteurs de conscience.
Le recours qui lui était ouvert consistait à présenter son grief aux autorités
militaires, puis, si nécessaire, à saisir les juridictions administratives.
Dans sa décision concernant la recevabilité, le Comité a reconnu que cette
possibilité existait. Il n'a pas été prouvé que cette procédure aurait été
inefficace ou aurait excédé des délais raisonnables. En conséquence, l'État
partie prie le Comité de réexaminer sa décision concernant la recevabilité
et de déclarer la communication irrecevable pour non-épuisement des recours
internes.
8.5 Pour ce qui est du fond, l'État partie déclare que l'auteur n'est pas
victime de violation du Pacte.
8.6 Selon l'État partie, l'article L.116 du Code du service national, dans
sa rédaction de juillet 1983, a institué un authentique droit à l'objection
de conscience, dans la mesure où la sincérité des objections est réputée
démontrée par le simple fait de demander le statut d'objecteur de conscience,
à condition que cette demande soit présentée conformément aux dispositions
prévues par la loi (c'est-à-dire accompagnée d'une déclaration du requérant
affirmant qu'il est opposé à l'usage personnel des armes). Lesdites objections
ne donnent lieu à aucune vérification. Pour être acceptées, les demandes
doivent être présentées avant le 15 du mois qui précède l'incorporation
de l'intéressé. La demande ne peut être rejetée que si elle n'est pas présentée
dans les délais fixés. Le requérant peut former un recours devant le tribunal
administratif.
8.7 Depuis janvier 1992, la durée normale du service militaire en France
est de 10 mois, sauf dans certains cas où elle est de 12 mois (service militaire
des scientifiques) ou de 16 mois (service civil au titre de l'aide technique).
Pour les objecteurs de conscience, la durée du service est de 20 mois. L'État
partie dément que cette durée ait un caractère répressif ou discriminatoire.
Selon ce dernier, c'est le seul moyen de contrôler le caractère sérieux
des objections, dans la mesure où il n'existe plus aucune procédure administrative
de vérification. Quand ils ont effectué leur service, les objecteurs de
conscience ont les mêmes droits que ceux qui ont terminé le service national
civil.
8.8 L'État partie informe le Comité qu'une loi portant réforme du service
national a été adoptée le 28 octobre 1997. Selon cette loi tous les jeunes
gens des deux sexes, âgés de 16 à 18 ans, sont tenus de participer à une
journée de préparation à la défense. Il est prévu un service volontaire
facultatif portant sur une période de 12 mois, qui peut être renouvelée
jusqu'à atteindre une durée maximale de 60 mois. La nouvelle loi s'applique
aux hommes nés après le 31 décembre 1978 et aux femmes nées après le 31
décembre 1982.
8.9 Selon l'État partie, le système régissant l'objection de conscience
est conforme aux dispositions des articles 18, 19 et 26 du Pacte ainsi qu'à
l'Observation générale No 22 du Comité. L'État partie souligne que la réglementation
applicable aux objecteurs de conscience n'établit aucune différence fondée
sur la conviction et que les motivations des requérants ne font pas l'objet
de vérification, comme c'est le cas dans de nombreux pays voisins. Les objecteurs
de conscience ne sont soumis à aucune discrimination, puisque le service
qu'ils accomplissent est une forme reconnue du service national se trouvant
sur un pied d'égalité avec le service militaire ou d'autres formes de service
civil. En 1997, près de 50 % des personnes accomplissant un service civil
le faisaient en tant qu'objecteurs de conscience au service militaire.
8.10 L'État partie affirme que l'auteur de la présente communication n'a
subi aucune discrimination pour avoir choisi d'effectuer le service national
en tant qu'objecteur de conscience. Il note que l'auteur a été condamné
pour n'avoir pas rempli ses obligations au titre du service civil qu'il
avait librement choisi. Après qu'il ait quitté son poste sans autorisation,
l'auteur a été sommé plusieurs fois de se présenter au travail, mais n'a
pas obtempéré. S'il a été condamné, ce n'est pas pour ses convictions personnelles
ni parce qu'il a choisi un service civil de substitution, mais parce qu'il
a refusé de respecter les conditions propres à cette forme de service. L'État
partie note qu'au moment où il a demandé d'accomplir un service militaire
de remplacement, l'auteur n'a pas formulé d'objection à la durée de ce service.
À ce propos, l'État partie note que l'auteur aurait pu choisir une autre
forme de service national non armé, comme l'aide technique. En conséquence,
l'État affirme que l'auteur n'a pas établi sa qualité de victime d'une violation
qu'aurait commise l'État partie.
8.11 À titre subsidiaire, l'État partie affirme que la plainte de l'auteur
est sans fondement. À cet égard, l'État partie rappelle que, selon la jurisprudence
du Comité, toutes les différences de traitement ne constituent pas une discrimination,
dès lors qu'elles sont fondées sur des critères raisonnables et objectifs.
À cet égard, l'État partie renvoie aux constatations adoptées par le Comité
dans l'affaire No 295/1988 (Järvinen c. Finlande), où la durée
du service était de 16 mois pour les objecteurs de conscience et de huit
mois pour les autres appelés; or, le Comité avait constaté qu'il n'y avait
pas eu violation du Pacte dans la mesure où la durée du service garantissait
la sincérité des postulants au statut d'objecteur de conscience, puisque
leurs objections n'étaient soumises à aucun autre contrôle. L'État partie
affirme que le même raisonnement s'applique dans la présente affaire.
8.12 En l'espèce, l'État partie indique aussi que les conditions dans lesquelles
s'effectue le service civil de remplacement sont moins contraignantes que
celles du service militaire. Les objecteurs de conscience ont la possibilité
de choisir entre un large éventail de postes; ils peuvent également proposer
eux-mêmes leur employeur et effectuer leur service dans leur domaine de
compétence professionnelle. Ils sont également mieux rétribués que ceux
qui servent dans les forces armées. À cet égard, l'État partie rejette l'affirmation
du conseil selon laquelle les personnes qui effectuent leur service au titre
de la coopération internationale bénéficient d'un traitement privilégié
par rapport aux objecteurs de conscience; il affirme que le service de la
coopération internationale s'effectue souvent à l'étranger dans des conditions
très difficiles, alors que les objecteurs de conscience accomplissent leur
service en France. Pour sa part, l'auteur a effectué son service civil dans
le Vaucluse, où il était responsable de l'entretien des routes forestières,
ce qui correspondait à sa formation professionnelle de technicien agricole.
8.13 L'État partie conclut que la durée de service à laquelle l'auteur de
la présente communication a été assujetti n'avait aucun caractère discriminatoire
si on la compare à d'autres formes de service civil ou au service militaire.
Les différences concernant la durée du service étaient raisonnables et reflétaient
des différences objectives entre les formes de service. En outre, l'État
partie fait valoir que la durée du service des objecteurs de conscience
est plus longue que celle du service militaire dans la plupart des pays
européens.
Commentaires du conseil sur les observations de l'État partie
9.1 Dans ses commentaires du 21 décembre 1998, le conseil déclare que les
dispositions du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif ne
signifient pas que les particuliers doivent épuiser toutes les voies de
recours concevables si celles-ci ne sont ni utiles ni disponibles. En l'espèce,
l'auteur a fait l'objet d'une procédure pénale pour insoumission en temps
de paix. Le conseil rappelle que la règle de l'épuisement des recours internes
ne s'applique pas lorsque le recours est inefficace et n'a aucune chance
d'aboutir ou lorsque certaines circonstances particulières rendent le recours
impossible ou inutile. L'auteur a attendu l'issue des recours internes utiles
concernant la procédure pénale avant de saisir le Comité. Pour ce qui est
des recours administratifs, aucune décision administrative n'a été notifiée
à l'auteur qui lui aurait permis de former un recours contre une telle décision.
En l'absence d'une telle décision, l'épuisement des recours administratifs
était illusoire. Dans ce contexte, le conseil rappelle que le courrier adressé
par l'auteur aux autorités militaires constituait une simple notification
et n'appelait aucune réponse de la part de celles-ci. Il conclut qu'à l'époque
aucun recours administratif n'était disponible pour l'auteur.
9.2 Pour ce qui est du fond, le conseil fait remarquer que le point controversé
concerne les modalités du service civil des objecteurs de conscience. Il
fait observer que la durée deux fois plus longue de ce service ne se justifie
par aucune raison d'ordre public et, à cet égard, il renvoie au paragraphe
3 de l'article 18 du Pacte qui dispose que la liberté de manifester sa religion
ou ses convictions ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues
par la loi qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l'ordre
et de la santé publics, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux
d'autrui. Il renvoie également à l'Observation générale No 22 du Comité
dans laquelle le Comité a déclaré qu'il ne pouvait pas être imposé de restrictions
à des fins discriminatoires ou de façon discriminatoire. Il déclare que
le fait d'imposer aux objecteurs de conscience un service civil d'une durée
double de celle du service militaire constitue une restriction discriminatoire,
dans la mesure où la manifestation d'une conviction, telle que le refus
de porter les armes ne constitue pas en soi une atteinte à la sécurité,
à l'ordre et la santé publics, à la morale ou aux droits et libertés fondamentaux
d'autrui, puisque la loi reconnaît expressément le droit à l'objection de
conscience.
9.3 Le conseil déclare que, contrairement à ce que l'État partie affirme,
les personnes qui demandent à bénéficier du statut d'objecteur de conscience
sont soumises à un contrôle administratif et n'ont pas la possibilité de
choisir leurs conditions de service. Dans ce contexte, le conseil rappelle
que la loi prescrit que la demande de statut doit être déposée avant le
15 du mois précédant l'incorporation et doit être justifiée. Le Ministre
chargé des armées peut donc rejeter cette demande, de sorte que le droit
de bénéficier du statut d'objecteur de conscience n'est pas automatique.
Il apparaît donc clairement, selon le conseil, que la motivation de l'objecteur
de conscience est soumise à un contrôle.
9.4 Le conseil rejette l'argument de l'État partie selon lequel l'auteur
lui-même a choisi en connaissance de cause la forme du service qu'il allait
effectuer. Le conseil insiste sur le fait que l'auteur a fait son choix
en fonction de ses convictions et non de la durée du service. Il n'avait
pas le choix quant aux modalités d'exécution de ce service. Le conseil fait
valoir qu'aucune raison d'ordre public ne justifie que la durée du service
civil des objecteurs de conscience soit le double de celle du service militaire.
9.5 Le conseil maintient que la durée du service constitue une discrimination
fondée sur l'opinion. Se référant aux constatations du Comité concernant
la communication No 295/1988 (Järvinen c. Finlande), le conseil
affirme que la présente affaire est différente car, dans le cas précédent,
la durée supérieure du service se justifiait, de l'avis de la majorité des
membres du Comité, par l'absence de procédure administrative d'agrément
du statut d'objecteur de conscience.
9.6 En ce qui concerne les autres formes de service civil, notamment le
service au titre de la coopération internationale, le conseil rejette l'argument
de l'État partie selon lequel celui-ci est souvent effectué dans des conditions
difficiles et il affirme, au contraire, que les intéressés sont souvent
envoyés dans un autre pays d'Europe où ils servent dans des conditions agréables.
Par ailleurs, ceux qui effectuent un tel service acquièrent une expérience
professionnelle. Selon le conseil, l'objecteur de conscience ne tire aucun
avantage de son service. Quant à l'argument de l'État partie selon lequel
la durée supérieure du service permet de vérifier si les objections de l'intéressé
sont sérieuses, le conseil fait valoir qu'un tel contrôle, dans le cas des
objecteurs de conscience, constitue en lui-même une discrimination flagrante,
dans la mesure où la sincérité de ceux qui choisissent une autre forme de
service civil ne fait l'objet d'aucune procédure de vérification. Pour ce
qui est des avantages mentionnés par l'État partie (comme le fait de n'avoir
pas à porter l'uniforme ou de n'être pas soumis à la discipline militaire),
le conseil note que ceux qui effectuent d'autres formes de service civil
jouissent des mêmes avantages, alors que la durée de leur service ne dépasse
pas 16 mois. En ce qui concerne l'argument de l'État partie selon lequel
les objecteurs de conscience reçoivent une rémunération supérieure à la
solde perçue par ceux qui effectuent un service militaire, le conseil relève
que les premiers travaillent dans des structures où ils sont considérés
comme des salariés et qu'il est donc normal qu'ils reçoivent une certaine
rémunération. Il fait observer que cette rémunération est faible par rapport
au travail accompli et très inférieure à celle que perçoivent des salariés
ordinaires. Selon le conseil, ceux qui effectuent leur service au titre
de la coopération sont mieux payés.
Délibérations du Comité
10.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication
en tenant compte de toutes les informations mises à sa disposition par les
parties, conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.
10.2 Le Comité a noté que l'État partie lui demandait de réexaminer sa décision
concernant la recevabilité dans l'affaire à l'étude. Le Comité saisit cette
occasion pour expliciter sa décision concernant la recevabilité et en particulier
pour répondre aux objections de l'État partie. Il souligne qu'en vertu du
paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif, le particulier doit
avoir, au moment considéré, épuisé les recours internes disponibles dans
les conditions de délai et de forme prévues par la législation interne.
En l'espèce, l'auteur a été inculpé d'insoumission et reconnu coupable de
ce chef. La cour d'appel de Montpellier l'a débouté et un pourvoi devant
la Cour de cassation n'aurait pas abouti puisque cette instance avait récemment
rejeté trois pourvois dans des affaires analogues. À ce sujet, le Comité
note que l'État partie n'a pas montré comment un tribunal administratif
pourrait statuer dans un sens différent de la plus haute juridiction du
pays sur le point soulevé par l'auteur, pour qui la durée du service à accomplir
par les objecteurs de conscience constitue une violation des obligations
internationales de la France. Il n'y a donc aucune raison de revenir sur
la décision de recevabilité et le Comité poursuit l'examen de la communication
quant au fond.
10.3 Le Comité a noté l'argument de l'État partie selon lequel l'auteur
n'a été victime d'aucune violation car il n'a pas été condamné pour ses
convictions personnelles mais pour avoir déserté le service qu'il avait
librement choisi. Le Comité relève toutefois que l'auteur, au cours des
procédures devant les tribunaux, a invoqué le droit à l'égalité de traitement
entre les objecteurs de conscience et les appelés du service militaire pour
justifier sa désertion, ce que les décisions des tribunaux mentionnent.
Il note aussi l'argument de l'auteur selon lequel celui-ci n'avait, en tant
qu'objecteur de conscience au service militaire, aucune liberté de choix
quant au service qu'il devait accomplir. Le Comité considère donc que l'auteur
remplit les conditions nécessaires pour être considéré comme étant victime
d'une violation aux fins du Protocole facultatif.
10.4 Le Comité doit se prononcer sur la question de savoir si les conditions
spécifiques dans lesquelles l'auteur devait effectuer un service de remplacement
constituaient ou non une violation du Pacte (6). Le Comité note qu'en
vertu de l'article 8 du Pacte, les États parties sont libres d'exiger d'un
individu l'accomplissement d'un service de caractère militaire et, en cas
d'objection de conscience, d'un service national de remplacement, à condition
que ce service ne soit pas discriminatoire. Pour l'auteur, le fait que la
législation française exige un service national de remplacement de 24 mois
au lieu des 12 mois requis pour le service militaire, constitue une pratique
discriminatoire et une violation du principe de l'égalité devant la loi
et de l'égale protection de la loi qui est énoncé à l'article 26 du Pacte.
Le Comité rappelle sa position selon laquelle l'article 26 n'interdit pas
toutes les différences de traitement. Cela dit, comme il a eu l'occasion
de l'affirmer à maintes reprises, toute différenciation doit être fondée
sur des critères raisonnables et objectifs. En l'espèce, le Comité reconnaît
que la loi et la pratique peuvent instituer des différences entre le service
militaire et le service national de remplacement et que de telles différences
peuvent, dans un cas particulier, justifier un service plus long à condition
que la différenciation soit fondée sur des critères raisonnables et objectifs
tels que la nature du service dont il est question ou la nécessité de subir
un entraînement spécial pour pouvoir accomplir ce service. Toutefois, en
l'espèce, les motifs invoqués par l'État partie ne sont pas fondés sur de
tels critères ou mentionnent lesdits critères dans des termes généraux qui
ne s'appliquent pas spécifiquement au cas de l'auteur, reposant plutôt sur
l'argument selon lequel le doublement de la durée du service était le seul
moyen de s'assurer de la sincérité des convictions de l'intéressé. Le Comité
est d'avis qu'un tel argument ne remplit pas la condition selon laquelle
la différence de traitement doit être fondée sur des critères raisonnables
et objectifs. Dans ces circonstances, le Comité estime qu'il y a eu violation
de l'article 26 dès lors que l'auteur a été victime d'une discrimination
du fait de son objection de conscience.
11. Le Comité des droits de l'homme, agissant conformément au paragraphe
4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, est d'avis que les faits dont il
a été saisi révèlent une violation de l'article 26 du Pacte.
12. Le Comité des droits de l'homme note avec satisfaction que l'État partie
a modifié sa législation de telle sorte que des violations similaires ne
se reproduiront plus. Dans les circonstances de la présente affaire, le
Comité considère que la constatation de l'existence d'une violation constitue
pour l'auteur une réparation suffisante.
____________
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la
communication : M. Nisuke Ando, Lord Colville, Mme Elizabeth Evatt, M. Louis
Henkin, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, M. Rajsoomer Lallah, Mme Cecilia
Medina Quiroga, M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Roman
Wieruszewski, M. Maxwell Yalden et M. Abdallah Zakhia. En application de
l'article 85 du règlement intérieur du Comité, Mme Christine Chanet n'a
pas participé à l'examen de la communication.
3. ** Le texte d'une opinion individuelle signée par Nisuke Ando, Eckart
Klein, David Kretzmer et Abdallah Zakhia est joint en annexe au présent
document.
[Adopté en anglais (version originale), en français et en espagnol. Paraîtra
ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]
Appendice
Opinion individuelle (dissidente) de Nisuke Ando, Eckart Klein,
David Kretzmer et Abdallah Zakhia
Nous n'approuvons pas les constatations du Comité, pour les mêmes motifs que
ceux que nous avons exposés dans notre opinion dissidente concernant l'affaire
Foin (communication No 666/1995).
[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]
1. Arrêts en date du 14 décembre 1994 concernant les affaires Foin
et Nicolas.
2. Järvinen c. Finlande, constatations adoptées le 25 juillet
1990, par. 6.4 à 6.6.
3. E/CN.4/1987/L.73, en date du 5 mars 1987.
4. Rien n'indique que l'auteur ait réellement demandé une réduction de
la durée de son service.
5. Voir les constatations du Comité sur la communication No 196/1985, Gueye
c. France.
6. Voir aussi les constatations adoptées par le Comité dans l'affaire No
666/1995, Foin c. France (CCPR/C/67/D/666/1995).