Présentée par : A. R. J.[représenté par un conseil]
Au nom de : L'auteur
Etat partie : Australie
Date de la communication : 6 février 1996 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 28 juillet 1997,
Ayant achevé l'examen de la communication No 692/1996 présentée
par M. A. R. J. en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui
ont été communiquées par l'auteur de la communication, son conseil et
l'Etat partie,
Adopte ce qui suit :
Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif
1. L'auteur de la communication est A. R. J., de nationalité iranienne,
né en 1968, qui était détenu à la prison régionale d'Albany (Australie
occidentale) au moment où il a présenté sa communication. Il se déclare
victime de violations par l'Australie du paragraphe 1 de l'article 2,
du paragraphe 1 de l'article 6, de l'article 7, des paragraphes 1, 3 et
7 de l'article 14, du paragraphe 1 de l'article 15 et de l'article 16
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est
représenté par un conseil.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur était membre d'équipage d'un navire de l'Iranian Shipping
Ligne et il a été arrêté le 15 décembre 1993 à Esperance (Australie occidentale)
pour importation et possession illégales de deux kilos de résine de cannabis,
faits réprimés par l'article 233 B 1) de la loi sur les douanes (Cth).
Il avait essayé de vendre le cannabis à un douanier en civil. Il a été
condamné en avril 1994 à cinq ans et six mois d'emprisonnement; le tribunal
avait exclu toute possibilité de libération conditionnelle pendant deux
ans et six mois, jusqu'au 7 octobre 1996.
2.2 Le 13 juin 1994, l'auteur a demandé au Département de l'immigration
et des affaires ethniques le statut de réfugié et un permis de séjour
permanent à titre de protection. Le 19 juillet 1994, un membre du Département
représentant le Ministre de l'immigration et des affaires ethniques a
rejeté sa requête en première instance, considérant qu'il n'y avait pas
véritablement de risque qu'il soit persécuté en Iran et que donc la Convention
de 1951 relative au statut de réfugié ne pouvait s'appliquer dans son
cas.
2.3 Le 10 août 1994, l'auteur a demandé la révision de la décision au
tribunal chargé de l'examen des demandes de statut de réfugié. La procédure
de révision était encore en cours quand des modifications à la loi australienne
sur les migrations et à son règlement d'application sont entrées en vigueur,
le 1er septembre 1994. Selon la nouvelle réglementation, la demande de
l'auteur devait être considérée comme une demande de visa de protection.
Le 10 novembre 1994, le tribunal chargé de l'examen des demandes de statut
de réfugié a confirmé la décision initiale rendue le 19 juillet 1994.
De l'avis du tribunal, l'auteur craignait d'être renvoyé en Iran à cause
de sa condamnation pour trafic de drogue en Australie et il n'avait pas
avancé d'autres arguments montrant qu'il serait en butte à de graves difficultés
s'il était renvoyé en Iran.
2.4 Le tribunal a conclu : "Certes, nous comprenons que le requérant
craint, s'il retourne en Iran, d'être soumis à un traitement extrêmement
dur, mais il ne peut pas être considéré comme un réfugié. Il faut, pour
prétendre à ce statut, avoir de bonnes raisons de craindre d'être persécuté
pour l'un des motifs exposés dans la Convention, c'est-à-dire la race,
la religion, la nationalité, l'appartenance à un groupe social particulier
ou l'opinion politique. La crainte de l'auteur ne tient pas à l'un de
ces motifs ... [mais] découle seulement de sa condamnation pour une infraction
pénale...".
2.5 Au début de 1995, le juge Lee a ordonné la prolongation jusqu'au
25 mai 1995 du délai imparti à l'auteur pour déposer une requête en vue
de la révision de la décision du tribunal chargé de l'examen des demandes
de statut de réfugié et a ordonné également que la demande du 24 mai 1995
soit considérée comme une demande de révision modifiée déposée auprès
de la Cour fédérale d'Australie.
2.6 Le 14 novembre 1995, le juge French a prononcé un jugement au nom
de la Cour fédérale d'Australie. Le jugement concluait que l'auteur n'avait
pas montré en quoi le tribunal chargé d'examiner les demandes de statut
de réfugié avait commis une erreur de raisonnement, ni de motifs pour
lesquels il aurait pu invoquer la protection de la Convention. Néanmoins,
le risque qu'il encourrait s'il retournait en Iran était très préoccupant.
Le risque qu'il soit l'objet d'un procès inéquitable, qu'il soit condamné
à un emprisonnement et soumis à la torture ne devait pas être écarté à
la légère dans un pays ayant des traditions humanitaires. Toutefois, la
Cour n'était pas saisie de la question de savoir si l'auteur pouvait être
renvoyé dans un autre pays ou devait être autorisé à demeurer en Australie
pendant un certain temps à un autre titre. La question dont elle avait
été saisie était de savoir si le tribunal chargé d'examiner les demandes
de statut de réfugié avait commis une erreur en établissant que l'auteur
n'était pas fondé à invoquer la protection de la Convention relative au
statut de réfugié. Comme tel n'était pas le cas, la demande devait être
rejetée.
2.7 Etant donné le jugement rendu par la Cour fédérale, la Commission
de l'aide judiciaire de l'Australie occidentale a estimé qu'il serait
vain de former un nouveau pourvoi devant la chambre plénière de la Cour
fédérale australienne et a décidé de ne pas accorder l'aide judiciaire
à cette fin. L'auteur n'en a pas moins déposé auprès de cet organe une
demande d'aide judiciaire en vue d'exposer son cas au Ministre de l'immigration
et des affaires ethniques et de lui demander d'exercer son pouvoir discrétionnaire
pour l'autoriser à demeurer en Australie pour des motifs humanitaires.
2.8 Le 11 janvier 1996, la Commission de l'aide judiciaire de l'Australie
occidentale a informé l'auteur que le Ministre n'exercerait pas le pouvoir
discrétionnaire à lui conféré par l'article 417 de la loi sur les migrations
pour l'autoriser à demeurer en Australie pour des motifs humanitaires,
à la suite de quoi le conseil a émis l'avis qu'il était peu probable que
l'on puisse faire quoi que ce soit de plus au nom de l'auteur.
2.9 Les directives concernant les demandes invoquant des raisons humanitaires,
qui donnent des consignes non exhaustives aux membres du tribunal chargé
de l'examen des demandes de statut de réfugié et aux responsables de cet
examen pour les aider à se prononcer, énoncent ce qui suit :
- il est dans l'intérêt de l'Australie, en tant que société humaine,
de veiller à ce que les individus qui ne remplissent pas les critères
techniques pour être définis comme réfugiés ne soient pas renvoyés dans
leur pays d'origine s'il y a des motifs raisonnables de craindre que leur
sécurité soit fortement menacée et qu'ils soient personnellement visés;
- il est dans l'intérêt public que la protection accordée pour des motifs
humanitaires, qui ne découle pas d'obligations internationales mais repose
sur l'appréciation discrétionnaire d'éléments concrets, ne soit accordée
qu'aux individus qui en ont un besoin authentique et pressant;
- en tant que mesure discrétionnaire, l'octroi d'un permis de séjour
pour des motifs humanitaires doit être limité aux cas exceptionnels dans
lesquels la sécurité personnelle est menacée et la détresse de l'individu
est intense;
- il ne conviendrait pas dans la procédure de détermination du statut
de réfugié de faire droit à des demandes faisant appel à la compassion
- invoquant par exemple des difficultés familiales, de graves difficultés
économiques ou des problèmes de santé - qui ne comportent pas de violations
graves des droits de l'homme;
- il n'y a pas lieu de s'intéresser à des situations générales faisant
apparaître une différence de traitement entre des groupes particuliers
ou des secteurs de la société dans d'autres pays;
- les directives ne doivent être appliquées qu'aux individus dont la
situation et les caractéristiques particulières sont telles qu'il y a
des motifs sérieux de craindre une menace importante pour leur sécurité
personnelle s'ils retournent dans leur pays, à la suite d'actions ciblées
menées dans le pays d'origine;
- pour garantir que les recours ouverts dans le cadre de cette procédure
sont limités aux cas authentiques, il ne faut pas faire droit à une demande
de séjour pour motif humanitaire soumise par une personne qui a) dispose
d'un pays tiers sûr, qui puisse l'accueillir; b) pourrait par la suite
être moins menacée si elle se réinstalle dans une région sûre de son pays
d'origine; ou c) cherche à s'établir en Australie principalement pour
avoir de meilleures conditions de vie sociales et économiques ou de meilleures
possibilités d'étude.
2.10 Il est précisé que le cas de l'auteur a également été soumis au
Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, avec demande d'intervention.
Au moment de la présentation de la communication, le HCR n'avait pas répondu.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme qu'en le renvoyant en Iran, l'Australie commettrait
une violation de l'article 6 du Pacte. Nul n'ignore que les auteurs de
trafic de drogue relèvent de la juridiction des tribunaux révolutionnaires
islamiques et qu'il existe un risque réel que l'auteur soit persécuté
parce qu'il a été reconnu coupable d'une infraction alors qu'il travaillait
pour un organisme public iranien - l'Iranian Shipping Line, dont il est
employé - et que ces persécutions aillent jusqu'à la peine capitale.
3.2 Il est précisé que la peine capitale est systématiquement appliquée
aux trafiquants de drogues en Iran. L'auteur note que l'imposition de
cette peine par les tribunaux révolutionnaires islamiques à l'issue de
procès qui ne se déroulent pas dans le respect des garanties judiciaires
internationales porte atteinte au droit à la vie consacré à l'article
6 du Pacte et contrevient au deuxième Protocole facultatif se rapportant
au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant
à abolir la peine de mort, auquel l'Australie a adhéré.
3.3 L'auteur fait valoir que son expulsion en Iran constituerait une
violation de l'article 7 du Pacte et de l'article 3 de la Convention contre
la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le fait de livrer, en toute connaissance de cause, un prisonnier à un
Etat dans lequel il y a des motifs sérieux de croire qu'il risque d'être
torturé, s'il n'est pas expressément couvert par l'article 7 du Pacte,
serait clairement contraire à son objet. L'auteur fait référence à l'arrêt
de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Soering
c. Royaume-Uni Série A No 161 (1989). ainsi qu'à un
arrêt du Conseil d'Etat de la France en date du 27 février 1987
Affaire Fidan [1987], Recueil Dalloz - Sirey 305-310.. Etant
donné les informations contenues dans des rapports présentés à la Commission
des droits de l'homme de l'ONU et dans des rapports d'autres organisations
gouvernementales ou non gouvernementales, et compte tenu des observations
du tribunal chargé d'examiner les demandes de statut de réfugié et de
celles du juge French, le rapatriement de l'auteur contre son gré en Iran
soulèverait des questions au regard de l'article 7 du Pacte.
3.4 L'auteur affirme qu'en l'expulsant en Iran, l'Australie commettrait
une violation de l'article 14 du Pacte. La nature de l'infraction dont
l'auteur a été reconnu coupable constitue un crime contre les lois de
l'islam et ce sont les tribunaux révolutionnaires islamiques qui sont
compétents pour ce type d'infraction. L'auteur dit que nul n'ignore que
ces tribunaux révolutionnaires ne respectent pas les garanties judiciaires
internationalement reconnues, que le droit de recours n'existe pas et
qu'en général le procès se déroule sans l'assistance d'un avocat de la
défense. Ce point de vue est partagé par le juge French de la Cour fédérale
d'Australie.
3.5 L'auteur soutient que toute procédure en Iran, s'il est expulsé,
serait contraire au paragraphe 7 de l'article 14 du Pacte car il risquerait
fort d'être jugé deux fois pour les mêmes faits. Par conséquent, en le
rapatriant de force, l'Etat partie se rendrait coupable, selon toute probabilité,
de complicité de violation du principe de non bis in idem.
3.6 L'auteur se dit en outre victime de violations des articles 15 et
16 du Pacte et s'efforce d'étayer ses allégations. Le conseil demande
au nom de son client, qui risque à tout moment d'être rapatrié en Iran,
que des mesures provisoires de protection soient prises en vertu de l'article
86 du règlement intérieur du Comité.
Renseignements et observations communiqués par l'Etat partie concernant
la recevabilité et le bien-fondé de la communication
4.1 Les observations datées du 17 octobre 1996 qui ont été communiquées
par l'Etat partie portent tant sur la recevabilité que sur le bien-fondé
de la communication. En ce qui concerne l'allégation de l'auteur au titre
de l'article 2 du Pacte, il fait valoir que les droits reconnus dans cet
article sont des droits annexes par nature, liés aux autres droits spécifiques
consacrés dans le Pacte. Il rappelle l'interprétation que le Comité a
donnée des obligations découlant pour un Etat partie du premier paragraphe
de l'article 2 du Pacte, à savoir que si un Etat partie prend, à l'égard
d'une personne sous sa juridiction, une décision devant nécessairement
avoir pour conséquence prévisible une violation, dans une autre juridiction,
des droits reconnus à cette personne en vertu du Pacte, cet Etat partie
peut, de ce fait, violer lui-même le Pacte Communication No
469/1991 (Ch. Ng c. Canada), constatations adoptées le 5
novembre 1993, par. 6.2, et communication 470/1991 (J. Kindler
c. Canada), constatations adoptées le 30 juillet 1993. . Il note
toutefois que la jurisprudence du Comité s'est appliquée jusqu'à présent
à des affaires d'extradition alors que le cas de l'auteur soulève la question
de la "conséquence nécessaire et prévisible" de l'expulsion
d'un individu condamné pour atteinte grave à la législation sur les stupéfiants
et nullement fondé en droit à demeurer sur le sol australien : il n'est
pas certain que M. J. sera de nouveau jugé pour trafic de drogue; ce n'est
pas non plus l'objectif de son rapatriement en Iran.
4.2 De l'avis de l'Etat partie, l'application étroite du critère des
"conséquences nécessaires et prévisibles" permet une interprétation
du Pacte qui équilibre le principe de la responsabilité de l'Etat partie
énoncée à l'article 2 (telle qu'elle est interprétée par le Comité) et
le droit de l'Etat partie de décider librement à qui accorder le droit
d'entrée. A son avis, cette interprétation préserve l'intégrité du Pacte
et empêche que se réclament abusivement du Protocole facultatif des individus
venus en Australie pour commettre un crime et qui ne peuvent légitimement
prétendre au statut de réfugié.
4.3 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur au titre de l'article
6 du Pacte, l'Etat partie rappelle la jurisprudence du Comité, que celui-ci
a exposée dans ses constatations sur la communication No 539/1993
Communication No 539/1993 (Keith Cox c. Canada), constatations
adoptées le 31 octobre 1994, par. 16.1., et note que si l'article 6 du
Pacte n'interdit pas l'imposition de la peine de mort, l'Australie s'est
engagée, en adhérant au deuxième Protocole facultatif se rapportant au
Pacte, à n'exécuter aucune personne relevant de sa juridiction et à abolir
la peine de mort. Selon l'Etat partie, l'auteur n'a pas étayé son allégation,
selon laquelle son expulsion aurait pour conséquence nécessaire et prévisible
la violation de ses droits énoncés à l'article 6 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques ainsi qu'au premier paragraphe
de l'article premier du deuxième Protocole facultatif; elle devrait être
déclarée irrecevable conformément à l'article 2 du Protocole facultatif
ou rejetée comme étant sans fondement.
4.4 L'Etat partie présente plusieurs arguments qui à son avis démontrent
qu'il n'y a pas de réel risque que la vie de l'auteur soit en danger s'il
retourne en Iran. Il note tout d'abord que l'expulsion se distingue de
l'extradition en ceci que l'extradition résulte de la demande faite par
un Etat à un autre de lui livrer un individu coupable d'avoir commis un
crime pour qu'il soit jugé ou condamné ou pour qu'il purge une peine.
Il est donc pratiquement certain que la personne qui fait l'objet d'une
demande d'extradition sera jugée ou aura à purger une peine dans le pays
d'où émane la demande. On ne peut par contre dire qu'une simple expulsion
aura certainement ou vise ce genre de conséquence. De l'avis de l'Etat
partie, dans les cas d'expulsion, la question déterminante à prendre en
considération devrait être de savoir si le pays vers lequel une personne
est expulsée a l'intention manifeste d'engager contre elle une action
en justice. Si tel n'est pas le cas, des allégations telles que celles
que présente l'auteur sont purement hypothétiques.
4.5 Toujours à propos de l'allégation de l'auteur au titre de l'article
6 du Pacte, l'Etat partie fait observer qu'aucun mandat d'arrêt n'a été
délivré contre lui en Iran et que les autorités iraniennes ne s'intéressent
pas particulièrement à son cas. L'ambassade d'Australie à Téhéran dit
ceci : "... le fait que les Iraniens n'aient pas sollicité l'assistance
d'Interpol dans cette affaire est la preuve quasi formelle que la victime
présumée ne sera ni arrêtée ni de nouveau emprisonnée pour trafic de drogue
à son retour. Toutes les ambassades de pays occidentaux qui ont eu affaire
à des cas de ce genre récemment sont de cet avis".
4.6 L'Etat partie indique qu'il s'est adressé, par l'intermédiaire de
son ambassade à Téhéran, à un juriste en Iran pour avoir un avis juridique
indépendant concernant le cas de l'auteur. Sa réponse a été qu'il était
très peu probable qu'un citoyen iranien ayant déjà purgé une peine à l'étranger
pour infraction à la législation sur les stupéfiants soit de nouveau jugé
et condamné. Cela ne risquait de se produire que si la peine prononcée
à l'étranger était considérée par les autorités iraniennes comme étant
beaucoup trop légère, ce qui ne saurait être le cas avec une peine de
six ans d'emprisonnement. Par ailleurs, l'Etat partie fait observer que
la loi iranienne ne prévoit pas la peine de mort pour deux
kilos de résine de cannabis; le trafic de drogue, lorsqu'il porte sur
une quantité comprise entre 500 grammes et cinq kilos de cannabis, est
puni d'une amende comprise entre 10 et 40 millions de rials, de 20 à 74
coups de fouet et de un à cinq ans d'emprisonnement. L'Etat partie note
que l'affirmation de l'auteur, selon laquelle la peine de mort est systématiquement
imposée dans les affaires de trafic de drogue en Iran ne suffit pas à
démontrer l'existence d'un risque réel qu'encourrait la victime présumée
compte tenu des circonstances particulières dans lesquelles elle se trouve
: M. J. n'apporte pas la preuve qu'il risque personnellement la peine
de mort.
4.7 D'après les enquêtes que l'Etat partie a lui-même menées, rien ne
prouve qu'une personne expulsée qui a été condamnée pour infraction à
la législation sur les stupéfiants soit davantage exposée au risque de
violation du droit à la vie. L'ambassade d'Australie à Téhéran a fait
savoir qu'elle n'avait entendu parler d'aucun cas de poursuites engagées
contre un citoyen iranien pour une infraction de ce type ou un autre du
même ordre. L'ambassade d'Australie a été informée par une autre ambassade,
qui reçoit beaucoup de demandes d'asile, qu'elle avait eu à s'occuper
de plusieurs cas de ce genre ces dernières années et qu'aucune des personnes
expulsées en Iran après avoir purgé une peine de prison dans le pays de
cette ambassade n'avait eu de problèmes avec les autorités iraniennes
à son retour. L'Etat partie ajoute que d'autres pays ayant expulsé des
trafiquants de drogue iraniens condamnés ont déclaré qu'aucune des personnes
ainsi expulsées n'avait été de nouveau arrêtée ou jugée.
4.8 Pour vérifier s'il existait un risque réel que l'auteur soit condamné
à mort en Iran, l'Etat partie a demandé l'avis d'un juriste, par l'intermédiaire
de son ambassade à Téhéran, quant à la question de savoir si les antécédents
judiciaires de M. J. augmentaient le risque qu'il soit inquiété par les
autorités locales. Sa réponse a été négative. Il ne semble pas non plus
que le fait que l'auteur ait déjà été arrêté en 1989 pour consommation
d'alcool et qu'on lui ait refusé une autorisation de travailler dans une
usine pétrochimique l'expose d'une quelconque manière à être de nouveau
arrêté à son retour en Iran ou inquiété.
4.9 Enfin, l'Etat partie fait valoir que l'auteur n'a pas étayé son allégation
selon laquelle il pourrait être victime d'une exécution extrajudiciaire
s'il retournait en Iran. A son avis, un citoyen iranien dans la position
de l'auteur ne risque ni exécution extrajudiciaire, ni disparition, ni
détention sans procès au cours de laquelle il pourrait être torturé.
4.10 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur au titre de l'article
7 du Pacte, l'Etat partie reconnaît que si M. J. était jugé en Iran, il
pourrait, conformément au Code pénal islamique, être condamné à recevoir
20 à 74 coups de fouet. Il soutient toutefois qu'il n'y a pas de réel
risque que l'auteur soit de nouveau jugé et condamné s'il retourne en
Iran. Il conclut donc que ses allégations ne sont pas étayées et que sa
plainte est sans fondement.
4.11 L'Etat partie objecte que l'allégation de l'auteur, selon laquelle
une action devant un tribunal révolutionnaire islamique violerait son
droit au titre du paragraphe 7 de l'article 14 du Pacte, est incompatible
avec les dispositions du Pacte et devrait être déclarée irrecevable au
regard de l'article 3 du Protocole facultatif. A cet égard, il fait observer
que le paragraphe 7 de l'article 14 ne garantit pas le principe de non
bis in idem en ce qui concerne les juridictions nationales de deux
ou plusieurs Etats; en se fondant sur les travaux préparatoires du Pacte
et sur la jurisprudence du Comité Voir la communication No
204/1986 (A.P. c. Italie), déclarée irrecevable à la trente
et unième session (2 novembre 1987), par. 7.3., l'Etat partie soutient
que le paragraphe 7 de l'article 14 n'interdit les doubles condamnations
pour un même fait que dans le cas de personnes jugées dans un Etat donné.
4.12 L'Etat partie considère qu'il n'a d'obligation concernant les violations
futures des droits de l'homme que pourrait commettre un autre Etat que
si la violation potentielle porte sur le plus fondamental des droits de
l'homme, ce qui n'est pas le cas en ce qui concerne les allégations
présentées par M. J. au titre des paragraphes 1 et 3 de l'article 14 du
Pacte. Il rappelle que jusqu'à présent la jurisprudence du Comité n'a
porté que sur des cas d'extradition et de plaintes au titre de la violation
des articles 6 et 7 du Pacte. A ce propos, il fait référence à la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Soering
c. Royaume-Uni, dans laquelle la Cour, constatant une violation
de l'article 3 de la Convention européenne, a déclaré, au sujet de l'article
6 L'équivalent de l'article 14 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques., que des questions au titre de cette
disposition ne pouvaient être soulevées qu'exceptionnellement par une
décision d'extradition, lorsque le fugitif avait été victime ou risquait
d'être victime d'une violation flagrante des garanties de procédure régulière
dans l'Etat requérant. Dans le cas d'espèce, M. J. affirme qu'il ne bénéficiera
pas des garanties d'une procédure régulière, sans prouver que les tribunaux
iraniens risquent, au vu des circonstances de l'espèce, de violer ses
droits au titre de l'article 14 du Pacte, et qu'il n'aura pas la possibilité
de dénoncer ces violations. L'Etat partie ajoute qu'il n'y a pas de risque
réel que le droit de l'auteur à avoir l'assistance d'un défenseur, conformément
au paragraphe 3 de l'article 14 du Pacte, soit violé. Il se fonde pour
affirmer cela sur l'avis donné par l'ambassade d'Australie à Téhéran qui
déclare ceci :
"A propos du fonctionnement des tribunaux révolutionnaires iraniens,
l'avis juridique de la mission est qu'un défendeur accusé d'infraction
à la législation sur les stupéfiants a droit à l'assistance d'un conseil
juridique. Il peut faire appel aux services d'un avocat désigné par
le tribunal ou à ceux d'une personne de son choix. Si c'est cette deuxième
possibilité qui est retenue, l'avocat choisi doit obtenir l'autorisation
de plaider devant le tribunal révolutionnaire. Le fait qu'un avocat
doive être agréé par le tribunal révolutionnaire ne compromet pas son
indépendance. Dans le système iranien, un avocat qui connaît et que
connaît le tribunal peut généralement davantage pour son client. Le
réexamen d'une déclaration de culpabilité et d'une condamnation par
une juridiction supérieure est prévu."
4.13 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur au titre de l'article
15 du Pacte, l'Etat partie estime qu'elle ne relève pas du domaine d'application
de la disposition en question et devrait donc être déclarée irrecevable
ratione materiae conformément à l'article 3 du Protocole facultatif
: l'argument de l'auteur, qui affirme que s'il était condamné en application
du droit pénal iranien il se verrait infliger une peine plus lourde que
celle qu'il a purgée en Australie, ne porte pas sur le principe de la
loi la plus favorable et donc la question de la violation de l'article
15 du Pacte ne se pose pas.
4.14 En ce qui concerne enfin la plainte de l'auteur au titre de l'article
16 du Pacte, l'Etat partie reconnaît la personnalité juridique de l'auteur
et accepte l'obligation qui lui incombe de garantir à toute personne se
trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus
dans le Pacte. Il rejette la plainte de l'auteur au titre de l'article
16 du Pacte comme étant non étayée et donc irrecevable au regard de l'article
2 du Protocole facultatif ou, à titre subsidiaire, comme étant sans fondement.
Examen de la communication quant à la recevabilité et quant au
fond
5.1 Le 3 avril 1996, la communication a été transmise à l'Etat partie
invité à présenter des renseignements et des observations au sujet de
la recevabilité de la communication. En vertu de l'article 86 du règlement
intérieur du Comité, l'Etat partie a été prié de ne pas prendre de mesure
qui pourrait conduire à l'expulsion de l'auteur dans un pays où il serait
susceptible d'être condamné à mort. Le 5 mars 1997, le Procureur général
de l'Australie a adressé une lettre au Président du Comité, dans laquelle
il priait le Comité de retirer sa demande de protection provisoire en
application de l'article 86 du règlement intérieur, soulignant que l'auteur
avait été condamné pour faute grave après avoir pénétré sur le territoire
australien avec l'intention délibérée de commettre un crime. Les autorités
d'immigration de l'Etat partie avaient accordé pleine et entière considération
aux requêtes qu'il avait présentées. Habilité à bénéficier d'une libération
conditionnelle le 7 octobre 1996, M. J. avait été placé en rétention conformément
à la loi de 1958 sur l'immigration, en attendant son expulsion. Le Procureur
général faisait observer en outre que l'auteur serait maintenu en rétention
jusqu'à ce que le Comité ait pris une décision finale concernant ses allégations
et il invitait instamment le Comité à se prononcer à ce sujet à titre
prioritaire.
5.2 A sa cinquante-neuvième session, en mars 1997, le Comité a examiné
avec soin la requête du Procureur général. Il a décidé, compte tenu des
éléments dont il disposait, de maintenir sa demande de protection provisoire
et d'examiner la recevabilité et le bien-fondé des allégations de l'auteur
à sa soixantième session. Le conseil a été invité à faire parvenir ses
remarques sur les observations de l'Etat partie pour la soixantième session
du Comité. Aucune remarque n'a été reçue du conseil.
6.1 Le Comité apprécie que, bien qu'il conteste la recevabilité des allégations
de l'auteur, l'Etat partie ait également fourni des renseignements et
des observations sur le bien-fondé de celles-ci. Cela lui permet d'examiner
à la fois la recevabilité et le bien-fondé de la communication, conformément
au paragraphe 1 de l'article 94 de son règlement intérieur.
6.2 Conformément au paragraphe 2 de l'article 94 de son règlement intérieur,
le Comité ne peut se prononcer sur le bien-fondé d'une communication avant
d'avoir vérifié si l'une ou l'autre des conditions de recevabilité énoncées
dans le Protocole facultatif est satisfaite.
6.3 L'auteur déclare être victime de violations des articles 15 et 16
du Pacte. Le Comité fait observer cependant que le cas d'espèce ne soulève
pas de questions relatives à l'application rétroactive de lois pénales
(art. 15). Rien n'indique non plus que l'Etat partie ne reconnaisse pas
la personnalité juridique de l'auteur (art. 16). Le Comité estime donc
que ces allégations sont irrecevables au regard de l'article 2 du Protocole
facultatif.
6.4 L'auteur se dit victime d'une violation du paragraphe 7 de l'article
14 du Pacte parce qu'il estime qu'un nouveau procès en Iran, au cas où
il serait expulsé dans ce pays, l'exposerait à une nouvelle condamnation.
Le Comité rappelle que le paragraphe 7 de l'article 14 du Pacte ne garantit
pas le principe de non bis in idem à l'égard des juridictions nationales
de deux Etats ou plus et que cette disposition n'interdit les doubles
condamnations pour un même fait que dans le cas de personnes jugées dans
un Etat donné Voir la décision sur l'affaire No 204/1986 (A.P.
c. Italie), déclarée irrecevable le 2 novembre 1987, par. 7.3 et
8.. Cette allégation est donc irrecevable ratione materiae aux
termes de l'article 3 du Protocole facultatif, étant incompatible avec
les dispositions du Pacte.
6.5 L'Etat partie soutient que les allégations de l'auteur concernant
les articles 6 et 7 ainsi que les paragraphes 1 et 3 de l'article 14 du
Pacte sont irrecevables soit parce qu'elles ne sont pas étayées, soit
parce que l'auteur ne peut être considéré comme étant "victime"
d'une violation desdites dispositions au sens de l'article premier du
Protocole facultatif. A titre subsidiaire, il rejette ces allégations
comme étant dénuées de fondement.
6.6 Le Comité est d'avis que l'auteur a suffisamment étayé, aux fins
de la recevabilité, ses allégations au titre des articles 6 et 7 et
des paragraphes 1 et 3 de l'article 14 du Pacte. Quant à la question de
savoir s'il serait "victime" au sens de l'article premier du
Protocole facultatif de violations des dispositions susdites si
l'Etat partie l'expulsait dans son pays d'origine, il convient de rappeler
que le tribunal chargé d'examiner les demandes de statut de réfugié ainsi
que le juge unique de la Cour fédérale d'Australie, dans sa décision,
ont estimé qu'il y avait un risque réel que l'auteur soit soumis à un
traitement particulièrement rude s'il était expulsé en Iran et que ce
risque était très préoccupant. Cela étant, le Comité estime que l'auteur
a apporté des arguments plausibles aux fins de la recevabilité
de sa communication, dans laquelle il affirme être "victime"
de violations des dispositions du Pacte au sens du Protocole facultatif
et dans laquelle il affirme qu'il existe un risque réel qu'il soit personnellement
victime de violations du Pacte s'il est expulsé en Iran.
6.7 En conséquence, le Comité conclut que la communication de l'auteur
est recevable dans la mesure où elle semble soulever des questions au
titre des articles 6 et 7 et des paragraphe 1 et 3 de l'article 14 du
Pacte.
6.8 En l'espèce, la question n'est pas de savoir si, en expulsant M.
J. en Iran, l'Australie l'expose à un risque réel (constituant une conséquence
nécessaire et prévisible) de violation de ses droits reconnus dans le
Pacte. Les Etats parties au Pacte doivent s'acquitter de tous leurs engagements
juridiques, qu'ils relèvent de la législation nationale ou d'accords conclus
avec d'autres Etats, d'une manière qui soit compatible avec le Pacte.
Il convient de prendre en considération pour l'examen de la présente affaire
l'obligation qui est faite à l'Etat partie au paragraphe 1 de l'article
2 du Pacte de garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire
et relevant de sa compétence les droits reconnus dans le Pacte. Le droit
à la vie est le plus fondamental de ces droits.
6.9 Il peut y avoir violation du Pacte lorsqu'un Etat partie expulse
une personne se trouvant sur son territoire et relevant de sa compétence
dans des circonstances qui exposent cette personne à un risque réel que
ses droits protégés par le Pacte soient violés dans un autre Etat.
6.10 En ce qui concerne l'éventuelle violation par l'Australie des articles
6, 7 et 14 du Pacte du fait de sa décision d'expulser l'auteur en Iran,
trois questions se posent :
- L'obligation, énoncée au paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte, de
protéger le droit à la vie de l'auteur et l'adhésion de l'Australie
au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte interdisent-elles
à l'Etat partie d'exposer l'auteur au risque réel (c'est-à-dire constituant
une conséquence nécessaire et prévisible) d'être condamné à mort et
exécuté dans des circonstances incompatibles avec l'article 6 du Pacte
par suite de son expulsion en Iran ?
- Les dispositions de l'article 7 interdisent-elles à l'Etat partie
d'exposer l'auteur à la conséquence nécessaire et prévisible de traitement
contraire à l'article 7 par suite de son expulsion en Iran ? et
- Les garanties de procès équitable énoncées à l'article 14 interdisent-elles
à l'Australie d'expulser l'auteur en Iran si l'expulsion l'expose à la
conséquence nécessaire et prévisible de violations des garanties de procédure
régulière énoncées dans cet article ?
6.11 Le Comité note que le paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte doit
être lu conjointement avec le paragraphe 2 de cet article qui n'interdit
pas l'imposition de la peine de mort pour les crimes les plus graves.
L'Australie n'a pas reconnu l'auteur coupable d'un délit passible de la
peine de mort mais elle a l'intention de l'expulser en Iran, un Etat où
la peine capitale est toujours appliquée. Si l'auteur est exposé à un
risque réel de violation du paragraphe 2 de l'article 6 du Pacte en Iran,
il y aura violation par l'Australie des obligations qu'elle a contractées
en vertu du paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte.
6.12 Dans le cas d'espèce, le Comité observe que l'allégation de M. J.
selon laquelle son expulsion l'exposerait à la "conséquence nécessaire
et prévisible" d'une violation de l'article 6 du Pacte a été réfutée
par les éléments de preuve qu'a fournis l'Etat partie. Premièrement, et
surtout, l'Etat partie a fait valoir que le délit pour lequel M. J. a
été condamné en Australie n'est pas passible de la peine de mort selon
la législation pénale iranienne; la peine d'emprisonnement maximum en
Iran pour la quantité de cannabis pour laquelle l'auteur a été condamné
en Australie serait de cinq ans, c'est-à-dire moins qu'en Australie. Deuxièmement,
l'Etat partie a informé le Comité que l'Iran n'a manifesté aucune intention
d'arrêter et de poursuivre l'auteur pour des chefs d'inculpation punis
de la peine de mort et qu'aucun mandat d'arrêt n'a été délivré contre
M. J. en Iran. Troisièmement, l'Etat partie a fait valoir, en invoquant
des arguments plausibles, qu'aucun individu dans une situation semblable
à celle dans laquelle se trouve l'auteur n'a jusqu'à présent été inculpé
d'un crime puni de la peine de mort ni condamné à mort.
6.13 Les Etats parties doivent certes respecter leur obligation de protéger
le droit à la vie des individus relevant de leur compétence lorsqu'ils
décident, dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire, de les expulser
ou non mais le Comité considère que les termes de l'article 6 du Pacte
n'exigent pas nécessairement que l'Australie s'abstienne d'expulser un
individu vers un Etat dans lequel la peine capitale est maintenue. Les
éléments dont dispose le Comité révèlent que tant les autorités judiciaires
que les autorités d'immigration saisies de l'affaire se sont abondamment
renseignées pour savoir si l'expulsion de l'auteur en Iran l'exposerait
à un risque réel de violation de l'article 6 du Pacte. Cela étant et compte
tenu notamment des considérations énoncées au paragraphe 6.12 ci-dessus,
le Comité estime que l'Australie ne violerait pas les droits de l'auteur
protégés par l'article 6 du Pacte en prenant la décision de l'expulser
en Iran.
6.14 S'agissant de la question de savoir si, dans le cas d'espèce, l'auteur
est exposé à un risque réel de violation de l'article 7 du Pacte, des
considérations analogues à celles qui sont énoncées de manière détaillée
au paragraphe 6.12 ci-dessus s'imposent. Le Comité ne prend pas à la légère
la possibilité que l'auteur, s'il était de nouveau jugé et condamné en
Iran, pourrait être exposé à une peine de 20 à 74 coups de fouet. Mais
le risque d'un traitement de ce genre doit être réel, c'est-à-dire être
la conséquence nécessaire et prévisible de son expulsion en Iran. Selon
les informations fournies par l'Etat partie, il n'existe aucune preuve
que l'Iran ait effectivement l'intention de poursuivre l'auteur. Au contraire,
l'Etat partie a fourni des renseignements détaillés sur un certain nombre
d'affaires d'expulsion analogues dans lesquelles aucune poursuite n'a
été engagée en Iran. Par conséquent, l'affirmation de l'Etat partie selon
laquelle la possibilité que des citoyens iraniens ayant déjà purgé des
peines pour trafic de drogue à l'étranger soient de nouveau jugés et condamnés
est extrêmement faible suffit comme base au Comité pour juger de la probabilité
d'un traitement qui serait contraire à l'article 7. En outre, il est peu
probable que l'auteur soit soumis à un traitement contraire à l'article
7 du Pacte à en juger d'après les précédents évoqués par l'Etat partie
concernant d'autres cas d'expulsion. Ces considérations amènent légitimement
à conclure que l'expulsion de l'auteur en Iran ne l'exposerait pas à la
conséquence nécessaire et prévisible d'un traitement en contradiction
avec l'article 7 du Pacte; aussi l'Australie ne violerait-elle pas l'article
7 en expulsant M. J. en Iran.
6.15 Enfin, en ce qui concerne l'allégation de violation des paragraphes
1 et 3 de l'article 14 du Pacte, le Comité a pris note du point de vue
de l'Etat partie qui considère que l'obligation qui lui incombe quant
aux violations des droits de l'homme que pourrait commettre ultérieurement
un autre Etat n'entre en jeu que dans les cas de violation des
droits les plus fondamentaux et non dans les cas d'une éventuelle
violation des garanties de procédure régulière. De l'avis du Comité, l'auteur
n'a pas apporté d'éléments concrets à l'appui de son allégation prouvant
que, s'il était expulsé, les autorités judiciaires iraniennes risquaient
de violer ses droits au titre des paragraphes 1 et 3 de l'article 14 du
Pacte et qu'il n'aurait pas la possibilité de dénoncer ces violations.
A cet égard, le Comité note les renseignements fournis par l'Etat partie
selon lesquels la représentation juridique devant les tribunaux qui auraient
compétence pour examiner le cas de l'auteur en Iran existe, de
même qu'existe la possibilité de faire appel devant une juridiction
supérieure de la condamnation et de la peine prononcées par ces tribunaux.
Le Comité rappelle que rien ne porte à croire que M. J. serait poursuivi
s'il était renvoyé en Iran. On ne peut donc dire qu'une violation des
droits qui lui sont reconnus aux paragraphes 1 et 3 de l'article 14 du
Pacte serait la conséquence nécessaire et prévisible de son expulsion
en Iran.
7. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il
est saisi ne font pas apparaître de violations par l'Australie de l'une
quelconque des dispositions du Pacte.
____________
* Les membres du Comité dont les noms suivent ont participé
à l'examen de la présente communication : M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra
N. Bhagwati, M. Thomas Buergenthal, Lord Colville, Mme Pilar Gaitan de
Pombo, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, Mme Cecilia Medina Quiroga,
M. Fausto Pocar, M. Martin Scheinin, M. Danilo Türk et M. Maxwell Yalden.
** Conformément à l'article 85 du règlement intérieur, Mme
Elizabeth Evatt n'a pas participé à l'examen de la présente communication.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]