Présentée par: Gi-Jeong Nam (représenté par M. Suk Tae Lee, conseil)
Au nom de: L'auteur
État partie: République de Corée
Date de la communication: 14 février 1996 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 28 juillet 2003,
Ayant achevé l'examen de la communication no 693/1996 présentée par M. Gi-Jeong Nam en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,
Adopte ce qui suit:
DÉCISION CONCERNANT LA RECEVABILITÉ
1. L'auteur de la communication, datée du 14 février 1996, est M. Gi-Jeong Nam, de nationalité coréenne, né le 20 octobre 1959. Il affirme être victime d'une violation par la République de Corée du paragraphe 2 de l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté par un conseil.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 En 1989, l'auteur, professeur de langue nationale (littérature coréenne) dans une école secondaire de Séoul et représentant de l'organisation «Enseignants pour une éducation dans la langue nationale» qui œuvre pour l'amélioration de l'enseignement du coréen, a commencé à travailler sur un nouveau manuel de coréen destiné à la publication. Depuis lors, il s'est rendu compte, avec d'autres membres de l'organisation, que la législation pertinente – article 157 de la loi sur l'éducation et article 5 du décret sur l'éducation (décret présidentiel relatif aux matériels pédagogiques) – interdisaient la publication indépendante de manuels pour l'enseignement de la langue nationale dans les écoles secondaires.
2.2 L'auteur a contesté la constitutionnalité des textes concernés devant la Cour constitutionnelle de Corée (1). Il a fait valoir que, en restreignant la reconnaissance de la qualité d'auteur de matériels et manuels pédagogiques et en déléguant tous les pouvoirs y relatifs au Ministère de l'éducation, ces lois violent son droit à une éducation indépendante et professionnelle. En outre, les dispositions imposant un monopole des pouvoirs publics sur la publication des matériels pédagogiques violent le droit à la liberté d'expression que lui confère la Constitution. L'auteur s'est également déclaré victime d'une violation du paragraphe 1 de l'article 22 de la Constitution («Tout citoyen peut librement s'instruire et avoir accès à l'art») du fait que les dispositions législatives visées mettaient les enseignants dans l'impossibilité de faire de la recherche sur les moyens d'améliorer les méthodes d'éducation et d'en élaborer.
2.3 Le 12 novembre 1992, la Cour constitutionnelle a rejeté la requête de l'auteur, au motif que les restrictions figurant dans les textes visés n'étaient en rien abusives.
Teneur de la plainte
3. Dans sa communication, l'auteur affirme que le monopole des pouvoirs publics sur la publication des manuels de langue nationale destinés aux écoles secondaires, qui lui interdit de faire publier son propre manuel, viole le droit à la liberté d'expression que lui confère le paragraphe 2 de l'article 19 du Pacte. Il souligne que les enseignants du secondaire et les élèves qui étudient le coréen en tant que langue nationale sont presque exclusivement tributaires des manuels, et que la rédaction de ce type d'ouvrage constitue le seul moyen efficace de communiquer ses idées sur l'enseignement du coréen dans les écoles secondaires. Il affirme que le paragraphe 2 de l'article 19 du Pacte s'applique à son droit d'exprimer ses connaissances professionnelles sous la forme de manuels scolaires.
Observations de l'État partie concernant la recevabilité de la communication
4.1 Dans sa réponse en date du 11 juin 1996, l'État partie conteste la recevabilité de la communication au motif du non-épuisement des recours internes, en faisant valoir que, quand bien même la Cour constitutionnelle a rejeté l'exception d'inconstitutionnalité soulevée par l'auteur, celui-ci a la possibilité d'exercer d'autres recours. En particulier, les articles 26 et 29 de la Constitution coréenne prévoient, respectivement, un droit de pétition et un droit de demander réparation à l'État.
4.2 L'article 26 de la Constitution confère à tous les citoyens le droit d'adresser une pétition aux pouvoirs publics, dans les conditions fixées par la loi, et stipule que l'État a le devoir d'examiner toutes ces pétitions. Conformément à l'article 4 de la loi sur les pétitions, le requérant peut demander l'application, la révision ou l'abrogation de toute loi, ordonnance ou réglementation.
4.3 L'article 29 de la Constitution, tel qu'appliqué par le biais de la loi sur l'indemnisation des préjudices causés par l'État, stipule que quiconque a subi des dommages par suite d'un acte illégal commis par un agent de l'État dans l'exercice de ses fonctions peut réclamer une juste compensation de la part de l'État ou d'un organisme public, dans les conditions prévues par la loi. L'État partie affirme que l'auteur doit demander une réparation appropriée de la violation supposée de ses droits fondamentaux avant que les recours internes puissent être réputés avoir été épuisés.
Commentaire de l'auteur sur les observations de l'État partie
5.1 Dans sa réponse du 20 juillet 1996, l'auteur affirme que ni le droit de pétition ni le droit de demander réparation ne constituerait un recours utile dans son cas.
5.2 S'agissant du droit de pétition, l'auteur souligne que, selon l'interprétation qui a été donnée de la loi mentionnée, une décision prise par un organisme public en réponse à une pétition est dénuée de tout effet juridiquement contraignant. Qui plus est, l'organisme en question ne peut pas donner à une pétition une suite qui serait contraire à la loi dès lors que la constitutionnalité de celle-ci est établie. La Cour constitutionnelle ayant confirmé la constitutionnalité des lois relatives à l'éducation et débouté l'auteur de sa plainte, ce dernier est dans l'impossibilité de former un autre recours juridique pour contester lesdites lois.
5.3 L'auteur affirme également ne pas pouvoir invoquer la loi sur l'indemnisation des préjudices causés par l'État pour demander réparation d'un dommage résultant d'une mesure prise par les pouvoirs publics en vertu d'une loi, à moins que l'inconstitutionnalité de ladite loi n'ait été démontrée, ce qui n'est pas le cas puisque la Cour constitutionnelle a rejeté l'exception soulevée par l'auteur. De surcroît, selon la législation de l'État partie, en règle générale il ne peut être demandé réparation que d'un préjudice résultant d'un acte illégal commis par un agent de l'État, et non d'une disposition législative.
5.4 Dans sa réponse du 4 mars 1997, l'auteur affirme également que la Cour constitutionnelle a elle-même considéré de façon implicite qu'il ne disposait d'aucun recours contre la violation alléguée de ses droits puisque, conformément au paragraphe 1 de l'article 68 de la loi sur la Cour constitutionnelle, cette dernière n'aurait pas examiné sa plainte sur le fond s'il avait disposé d'un quelconque recours.
Autres commentaires de l'État partie et de l'auteur
6.1 Dans sa réponse du 30 juillet 1997, l'État partie convient que la décision de la Cour constitutionnelle de juger au fond la plainte pour inconstitutionnalité suppose que tous les recours judiciaires ont été épuisés, mais cela ne signifie pas qu'il n'existe aucun recours législatif ou administratif. L'auteur aurait donc dû exercer son droit d'adresser une pétition à l'autorité concernée ou de demander réparation au titre de la loi sur l'indemnisation des préjudices causés par l'État.
6.2 Dans sa nouvelle réponse du 31 janvier 2001, l'auteur réfute l'affirmation de l'État partie selon laquelle le fait que la Cour constitutionnelle ait jugé sa plainte sur le fond signifie seulement que les recours judiciaires ont été épuisés. À son sens, la formulation claire de l'arrêt de la Cour s'applique à tous les recours, y compris administratifs et législatifs. La Cour ne juge pas une affaire si un recours utile, quel qu'il soit, s'offre encore au requérant.
6.3 L'auteur affirme également que, dans la mesure où la décision de la Cour s'impose à tous les organes de l'État partie, y compris législatifs et administratifs, tout recours devant ces organes serait sans effet et n'aurait aucune chance d'aboutir. Il ne peut donc être tenu d'épuiser tous les recours législatifs ou administratifs, y compris ceux prévus par la loi sur les pétitions ou la loi sur l'indemnisation des préjudices causés par l'État.
Décision concernant la recevabilité
7. À sa soixante-douzième session, le Comité a examiné la recevabilité de la communication. S'étant assuré que la même question n'était pas déjà en cours d'examen, ou n'avait pas déjà été examinée devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement, il a considéré la question de l'épuisement des recours internes et constaté que l'État partie était convenu que la décision de la Cour constitutionnelle concernant le fond de la requête de l'auteur signifiait que ce dernier ne disposait d'aucun autre recours judiciaire; il a conclu en conséquence que les voies de recours judiciaires avaient été épuisées dans cette affaire. En ce qui concerne l'affirmation de l'État partie selon laquelle les recours administratifs au titre de la loi sur l'indemnisation des préjudices causés par l'État et de la loi sur les pétitions restaient ouverts, le Comité a considéré que, même si ces recours étaient disponibles en théorie après que la Cour constitutionnelle eut statué, l'État partie n'avait pas démontré que de tels recours pouvaient en l'espèce être utiles. Le Comité a donc considéré que l'auteur avait épuisé tous les recours utiles et disponibles et que les exigences du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif avaient été satisfaites. En conséquence, le 3 juillet 2001, le Comité a déclaré la communication recevable.
Observations de l'État partie quant au fond
8.1 Dans sa réponse en date du 22 février 2002, l'État partie a présenté des observations quant au fond de la communication.
8.2 L'État partie fait observer que, dans bon nombre de pays l'État se réserve, à des degrés divers, le pouvoir de rédiger lui-même ou de censurer les matériels pédagogiques utilisés dans les écoles primaires et secondaires et affirme que cela est indispensable pour vérifier le caractère approprié sur le plan pédagogique des matériels pouvant être utilisés dans les programmes scolaires (système qui ne s'applique pas au niveau des écoles supérieures et des universités). En outre, ce type de mesure vise à préserver la neutralité politique et religieuse de l'éducation, à assurer la «validité universelle» de l'éducation en évitant les erreurs factuelles ou les «préjugés» et à garantir pour l'essentiel le droit des élèves à l'apprentissage.
8.3 En ce qui concerne la compatibilité de l'article 157 de la loi sur l'éducation avec l'article 19 du Pacte, l'État partie souligne que la qualité d'auteur de l'État et le système d'examen ou d'agrément par le Ministère de l'éducation ne visent pas à interdire la publication des ouvrages par d'autres entités que les pouvoirs publics, mais à faire en sorte que les manuels utilisés pour les programmes scolaires soient d'une qualité appropriée. En l'occurrence, l'auteur de la communication, qui a compilé des matériaux de son choix, avait l'interdiction d'utiliser son manuel en classe mais conservait le droit de le faire publier en tant qu'outil de référence pour les enseignants et les élèves. Il pouvait ainsi encore jouir du droit à la liberté d'expression garanti par l'article 19 du Pacte.
8.4 Par ailleurs, bien que l'article 19 du Pacte s'applique au droit de l'auteur d'exprimer ses connaissances professionnelles sous la forme de manuels scolaires, l'État partie peut restreindre ce droit dans les limites fixées au paragraphe 3 de l'article 19. À cet égard, la nécessité d'une censure de l'État, telle qu'elle est décrite plus haut, constitue une restriction nécessaire à la sauvegarde de la moralité publique au sens du paragraphe 3 b) de l'article 19 du Pacte. L'État partie déclare par conséquent que «la nécessité d'une censure de l'État, mentionnée plus haut, assurant "la sauvegarde de la moralité publique", le monopole des pouvoirs publics sur la publication des manuels scolaires est compatible avec le Pacte».
8.5 L'État partie conclut que la communication n'est pas fondée et que la demande de l'auteur visant à abroger ou réviser la législation en question, ainsi que sa demande de réparation, ne sauraient être recevables.
8.6 Pour terminer, l'État partie appelle l'attention sur les efforts qu'il déploie en vue de promouvoir le droit à la liberté d'expression. Il envisage de remplacer progressivement le matériel pédagogique destiné aux écoles élémentaires et secondaires dont l'État détient les droits d'auteur par du matériel examiné ou agréé par les pouvoirs publics. À long terme, le Gouvernement prévoit d'améliorer le système en vigueur pour autoriser, le moment venu, la libre publication des matériels pédagogiques.
Observations de l'auteur
9.1 Dans sa réponse du 2 décembre 2002, l'auteur a commenté les observations présentées par l'État partie quant au fond de sa communication.
9.2 Selon l'auteur, l'État partie admet qu'il lui est interdit de publier son propre manuel et d'utiliser des compilations de matériels concernant l'enseignement de la langue nationale, puisque le Gouvernement coréen se réserve le droit exclusif d'être l'auteur des manuels de langue nationale en vertu de la loi sur l'éducation.
9.3 L'auteur conteste le fait que la «neutralité politique et religieuse» soit mieux préservée lorsque la qualité d'auteur des manuels est réservée à l'État au lieu d'être confiée aux citoyens. Il fait valoir que dans de nombreux pays, en particulier les dictatures, l'État s'est toujours servi des manuels pédagogiques, en sa qualité d'auteur, pour orienter l'éducation en fonction de la politique gouvernementale. Dans l'État partie, qui a longtemps été placé sous un régime militaire, les manuels ont été utilisés pour justifier l'action des pouvoirs publics.
9.4 L'auteur considère que la «neutralité politique et religieuse» est dûment préservée dans les sociétés démocratiques ouvertes qui garantissent le droit de la population à la liberté d'expression, y compris le droit de publier des manuels. En outre, la Constitution de l'État partie ne contient aucune référence à une religion d'État et les manuels de coréen ne se rattachent à aucune religion particulière. L'État partie préserverait entièrement la «neutralité politique et religieuse» en autorisant un système dans lequel les pouvoirs publics sélectionneraient les manuels. Un tel système permettrait aux citoyens de publier ce type d'ouvrage, dont l'utilisation dans les écoles serait soumise à l'agrément des pouvoirs publics. En agissant de la sorte, l'État préserverait la «neutralité politique et religieuse».
9.5 L'auteur souligne de nouveau l'absence de lien entre les manuels d'enseignement de la langue nationale et la sauvegarde de la «moralité publique» au sens du paragraphe 3 b) de l'article 19 du Pacte. Les cours de coréen n'ont d'autre but que d'apprendre aux élèves à lire et à écrire la langue et la littérature nationales. Qui plus est, il existe un manuel pédagogique spécialement consacré à la «moralité publique», dont l'auteur ne peut également être que l'État et qui est utilisé par le Gouvernement pour sauvegarder ladite «moralité publique».
9.6 Selon l'auteur, à supposer même que les arguments invoqués au sujet de la sauvegarde de la «moralité publique» sont fondés, l'État partie conserverait sa capacité de protéger ladite moralité en appliquant un système d'autorisation des manuels non publiés par les pouvoirs publics.
9.7 En conséquence, l'auteur conclut que l'attribution exclusive à l'État de la qualité d'auteur des manuels de langue nationale constitue une violation du paragraphe 2 de l'article 19 du Pacte.
Réexamen de la décision concernant la recevabilité
10. À la lumière des observations des parties, le Comité note que, telle qu'elle est interprétée par les parties, la communication ne concerne pas l'interdiction pour des auteurs autres que l'État de publier des manuels scolaires, selon la teneur initiale de la plainte (par. 3) que le Comité a déclarée recevable (par. 7). La communication porte plutôt sur l'allégation selon laquelle il n'existe pas de mécanisme d'examen permettant à des auteurs autres que les pouvoirs publics de soumettre à l'agrément des autorités des ouvrages destinés à être utilisés comme manuels scolaires. Tout en affirmant que le droit de rédiger et de publier des manuels destinés à être utilisés dans les écoles relève de la protection de l'article 19 du Pacte, le Comité note que l'auteur prétend avoir le droit de soumettre le manuel qu'il a rédigé à l'examen et à l'agrément, ou au refus, des autorités, en vue d'être utilisé comme manuel scolaire dans les écoles secondaires d'État. Le Comité estime que cette allégation n'entre pas dans le champ d'application de l'article 19 et que, par conséquent, elle est irrecevable en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif.
11. En conséquence, le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 3 de l'article 93 du règlement intérieur:
a) Décide d'annuler sa décision du 3 juillet 2001 dans laquelle il déclarait la communication recevable;
b) Décide que la communication est irrecevable en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif;
c) Décide que le texte de la présente décision sera envoyé à l'auteur et à l'État partie.
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[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres du Comité dont le nom suit ont pris part à l'examen de la communication: M. Abdelfattah Amor, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, M. Alfredo Castillero Hoyos, M. Franco Depasquale, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin Scheinin, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Roman Wieruszewski et M. Maxwell Yalden.
** Le texte d'une opinion individuelle signée de M. Hipólito Solari Yrigoyen est joint en annexe au présent document.
APPENDICE
Opinion individuelle de M. Hipólito Solari-Yrigoyen
Mon opinion individuelle concerne les derniers paragraphes des constatations qui, à mon sens, devraient être libellés comme suit:
1. L'article 157, paragraphe 1, de la loi sur l'éducation dispose que «Les matériels pédagogiques … se limitent aux matériels dont le Ministère de l'éducation détient le droit d'auteur ou à ceux qui ont été examinés ou autorisés par le Ministère.». En outre, selon le décret présidentiel relatif aux matériels pédagogiques, la compilation des matériels pédagogiques est assurée par le Ministère de l'éducation ou, lorsque celui-ci le juge nécessaire, peut être déléguée à des instituts de recherche ou des universités. L'on peut déduire de l'article 157 mentionné que des particuliers pourraient établir des matériels pédagogiques et les soumettre à l'agrément du Ministère, mais l'État partie n'a pas accordé cette possibilité, faisant valoir que la censure de l'État constitue une restriction nécessaire à la sauvegarde de la moralité publique au sens du paragraphe 3 b) de l'article 19 du Pacte.
2. Le Comité estime que s'il est vrai que pour sauvegarder la moralité publique la loi peut prévoir des restrictions à la liberté d'expression et à la diffusion d'informations et d'idées de toute espèce sous une forme imprimée, ces restrictions ne doivent pas aboutir à une violation du droit consacré au paragraphe 2 de l'article 19 du Pacte. L'absence de toute possibilité pour un auteur de soumettre un manuel de langue nationale destiné aux écoles secondaires à l'examen des autorités compétentes, qui peuvent autoriser son utilisation ou, le cas échéant, la refuser pour des motifs valables, constitue une restriction qui outrepasse les limites admissibles fixées au paragraphe 3 de l'article 19 du Pacte et qui porte atteinte au droit à la liberté d'expression.
3. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif, constate par conséquent que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 2 de l'article 19 du Pacte.
4. En vertu du paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie a l'obligation d'assurer à l'auteur un recours utile, y compris le droit de soumettre son manuel pour l'enseignement de la langue nationale dans les écoles secondaires à l'examen effectif et à l'agrément éventuel des autorités scolaires compétentes, en vue de son utilisation ultérieure en classe. L'État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l'avenir.