Comité des droits de l'homme
Soixante-treizième session
15 octobre - 2 novembre 2001
Annexe
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe
4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques
- Soixante-treizième session
-
Communication no 728/1996**
Présentée par: Mme Margaret Paul (sur de M. Sahadeo)
Au nom de: M. Terrence Sahadeo
État partie: République du Guyana
Date de la communication: 10 novembre 1996 (communication initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué conformément à l'article 28
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 1er novembre 2001,
Ayant achevé l'examen de la communication n 728/1996 présentée au Comité
par Mme Margaret Paul (sur de M. Sahadeo) conformément au Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été
communiquées par l'auteur de la communication et par l'État partie,
Adopte les constatations ci-après:
Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif
1. L'auteur de la communication est Mme Margaret Paul. Elle présente la communication
au nom de son frère, Terrence Sahadeo, citoyen guyanais, en attente d'exécution
dans une prison de Georgetown au Guyana. Elle affirme qu'il est victime de
violations des droits de l'homme par le Guyana. Bien qu'aucun article spécifique
du Pacte ne soit invoqué, la communication semble soulever des questions au
titre des articles 7, 9, 10 et 14 du Pacte.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Le 18 septembre 1985, M. Terrence Sahadeo, un de ses amis, Mutez Ali,
et l'amie de celui-ci, Shireen Kahn, ont été arrêtés dans le comté de Berbice
(Guyana) pour le meurtre d'une certaine Roshanene Kassim, commis le même
jour.
2.2 L'auteur déclare que M. Sahadeo et ses coaccusés ont été condamnés à
mort le 8 novembre 1989, quatre ans et deux mois après leur arrestation.
Apparemment, deux procès antérieurs, tenus en juin 1988 et en février 1989,
avaient tourné court. Lors du jugement en appel, en 1992, un nouveau procès
avait été ordonné. Le 26 mai 1994, M. Sahadeo et ses coaccusés ont été à
nouveau condamnés à mort. En 1996, leur recours a été rejeté et la sentence
confirmée.
2.3 Il ressort de l'examen du dossier des preuves (incomplet) fourni par
la victime présumée lorsqu'elle a été rejugée en 1994 que l'accusation s'est
fondée sur l'argumentation suivante: Terrence Sahadeo et Mutez Ali, agissant
en concertation avec Mme Kahn, se sont rendus au domicile de Mme Kassim
pour la voler, l'ont ligotée et égorgée. Un témoin à charge (une femme)
a déclaré lors du procès que le matin du crime elle avait entendu par hasard
Mme Kahn demander à une fillette, en la présence de l'accusé, s'il y avait
quelqu'un dans la maison de la défunte, ce à quoi il leur avait été répondu
que Roshanene Kassim était seule chez elle. Mme Kahn aurait alors dit aux
deux autres accusés d'aller voir ce qu'ils pourraient en ramener. Le témoin
a indiqué que, de la fenêtre d'un logement situé à deux maisons de distance,
elle avait vu Mme Kassim chez elle et les deux hommes entrer dans la maison
et en ressortir un quart d'heure plus tard. Cette femme a en outre déclaré
que M. Sahadeo avait les mains tachées de sang, qu'il les avait lavées et
qu'il avait remis des bijoux à Mme Kahn. Lors de son contre-interrogatoire,
ce témoin a déclaré avoir été détenu par la police pendant deux jours et
avoir tenté de contacter un avocat, estimant être détenu contre son gré,
avant de faire sa déposition.
2.4 Les seuls autres éléments de preuve contre M. Sahadeo étaient ses aveux
et des déclarations des policiers chargés de l'enquête. Lorsque M. Sahadeo
a été rejugé en 1994, le caractère spontané de ses aveux a été contesté
par la défense et a fait l'objet d'un examen préliminaire. M. Sahadeo a
affirmé que, lorsqu'il avait été interrogé par la police en 1985, il avait
été battu par trois policiers et qu'un policier l'avait frappé sur l'orteil
avec un petit marteau. Il avait alors signé la déposition. Le médecin de
la prison a témoigné que, lors de son admission, M. Sahadeo s'était plaint
d'avoir été frappé au dos. Lorsqu'il l'avait examiné, le médecin n'avait
trouvé aucune blessure à son dos, mais avait découvert une blessure à l'orteil
pour laquelle il lui avait prescrit un antibiotique. Après l'examen préliminaire,
le juge a déclaré la déposition recevable.
2.5 Les policiers chargés de l'enquête ont déclaré, lorsque l'accusé a été
rejugé en 1994, qu'il avait été arrêté parce qu'il se trouvait devant la
maison voisine de celle de Mme Kassim et qu'il avait des griffures sur le
haut du corps. Les policiers ont nié avoir eu recours à la force ou à des
menaces lorsqu'ils ont interrogé M. Sahadeo, et ont affirmé que celui-ci
avait été normalement nourri au cours de sa détention.
2.6 À la barre, M. Sahadeo a nié toute implication dans l'assassinat et
affirmé qu'on l'avait frappé pour le forcer à signer des aveux trois jours
après son arrestation. Après son arrestation, M. Sahadeo a été conduit chez
un médecin qui, après l'avoir examiné, a établi à l'intention de la police
un certificat où il disait n'avoir constaté aucune trace de blessure sur
son corps. L'auteur déclare en outre que la victime présumée a été privée
de nourriture jusqu'au lendemain de ses aveux.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme que son frère est innocent, et que lui et ses amis
ont été arrêtés uniquement parce qu'ils étaient inconnus dans le village,
où ils passaient des vacances. Au commissariat de police, comme M. Sahadeo
aurait été battu et frappé aux ongles des pieds avec un petit marteau, de
peur d'être encore maltraité il aurait signé des aveux préparés à l'avance.
3.2 Selon l'auteur, il n'existe aucune preuve à charge de son frère. Le
certificat médical et le dossier de police manquaient lorsque le procès
contre son frère s'est ouvert, et les seuls éléments de preuve étaient les
aveux de ce dernier et la déposition d'un témoin. L'auteur affirme que,
dans une première déposition à la police, la femme qui avait porté témoignage
n'avait pas accusé son frère, mais qu'elle avait fait une seconde déposition
après avoir été enfermée durant deux jours sans pouvoir consulter un avocat.
L'auteur affirme en outre que la juge était partiale, parce qu'elle avait
posé aux témoins des questions pour aider l'accusation et fait des remarques
désobligeantes. Selon l'auteur, il y avait déni de justice.
3.3 Enfin, l'auteur affirme que la lenteur de la procédure en l'espèce a
causé un préjudice moral.
Décision du Comité concernant la recevabilité
4. Le 21 novembre 1996, le Comité a invité l'État partie à fournir des informations
sur la recevabilité de la communication. Conformément à l'article 86 de
son règlement intérieur, le Comité a également prié l'État partie de ne
pas exécuter la peine de mort contre M. Sahadeo.
5. Par une note du 30 juin 1998, l'État partie a informé le Comité qu'il
n'avait aucune objection à opposer à la recevabilité de la communication,
M. Sahadeo ayant épuisé tous les recours internes disponibles.
6.1 À sa soixante-quatrième session, le Comité a examiné la question de
la recevabilité de la communication.
6.2 Le Comité s'est assuré, comme l'exige le paragraphe 2 a) de l'article
5 du Protocole facultatif, que la même question n'était pas déjà en cours
d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.
6.3 En ce qui concerne l'allégation selon laquelle les preuves à charge
contre M. Sahadeo n'étaient pas suffisantes pour qu'il soit condamné, le
Comité renvoie à sa jurisprudence et réaffirme qu'il n'appartient généralement
pas au Comité, mais aux tribunaux des États parties, d'examiner les éléments
de preuve contre un accusé, sauf s'il peut être établi que l'appréciation
des éléments de preuve a été manifestement arbitraire ou a représenté un
déni de justice. Les éléments portés à la connaissance du Comité et les
allégations de l'auteur ne permettent pas de conclure que tel était le cas
dans le procès de M. Sahadeo. En conséquence, cette partie de la communication,
ne répondant pas aux prescriptions de l'article 2 du Protocole facultatif,
est irrecevable.
6.4 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur selon laquelle la juge était
partiale, le Comité note que l'auteur n'a fourni aucune information spécifique
pour étayer cette allégation. Cette partie de la communication est donc
irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif, l'auteur n'ayant
pas étayé ses allégations aux fins de la recevabilité de la communication.
6.5 Le Comité estime que les autres allégations de l'auteur sont recevables
et doivent être examinées au fond car elles peuvent soulever des questions
au titre du paragraphe 3 de l'article 9 et du paragraphe 3 c) de l'article
14, en ce qui concerne la lenteur de la procédure, et au titre des articles
7 et 14 en ce qui concerne les circonstances dans lesquelles les aveux ont
été signés.
7. En conséquence, le 23 octobre 1998, le Comité des droits de l'homme a
décidé que la communication était recevable dans la mesure où elle peut
soulever des questions au titre des articles 7, 9 (par. 3) et 14 du Pacte.
Délibérations du Comité
8.1 Les 27 novembre 1998, 22 septembre 2000 et 24 juillet 2001, l'État partie
a été invité à soumettre au Comité des informations concernant le fond de
la communication. Le Comité note qu'il n'a toujours pas reçu d'informations.
8.2 Le Comité regrette que l'État partie n'ait fourni aucune information
concernant le fond des allégations de l'auteur. Il rappelle que le Protocole
facultatif prévoit implicitement que les États parties communiquent au Comité
toutes les informations dont ils disposent. En l'absence d'une réponse de
l'État partie, le Comité doit accorder le crédit voulu aux affirmations
de l'auteur, dans la mesure où elles sont étayées (1)
9.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication
en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par
les parties, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l'article
5 du Protocole facultatif.
9.2 En ce qui concerne la lenteur de la procédure, le Comité note que la
victime présumée a été arrêtée le 18 septembre 1985 et est restée en détention
jusqu'à sa condamnation à mort une première fois le 8 novembre 1989, quatre
ans et deux mois après son arrestation. Il rappelle qu'aux termes du paragraphe
3 de l'article 9 du Pacte, tout individu arrêté doit être jugé dans un délai
raisonnable ou libéré, et qu'en vertu du paragraphe 3 c) de l'article 14,
toute personne accusée a droit à être jugée sans retard excessif. Le Comité
rappelle que si un individu est placé en garde à vue et en détention provisoire
du chef d'une infraction pénale, les dispositions du paragraphe 3 de l'article
9 et celles de l'article 14 doivent être pleinement respectées. En ce qui
concerne les autres retards de la procédure judiciaire invoqués, le Comité
constate que le recours de M. Sahadeo a été examiné de la fin d'avril au
début de mai 1992 et que la victime présumée a de nouveau été jugée et condamnée
à mort le 26 mai 1994, deux ans et un mois après le jugement de la cour
d'appel. En 1996, le recours a été rejeté et la sentence confirmée. Le Comité
estime que, en l'absence d'une explication satisfaisante de l'État partie
et d'autres éléments ressortant du dossier qui pourraient la justifier,
la détention de l'auteur avant son jugement constituait une violation des
dispositions du paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte et aussi une violation
des dispositions de l'alinéa c du paragraphe 3 de l'article 14 du
Pacte.
9.3 En ce qui concerne les circonstances dans lesquelles les aveux ont été
signés, le Comité constate que M. Sahadeo a identifié les personnes qu'il
tient pour responsables; des renseignements plus détaillés eu égard à ses
allégations se trouvent dans le dossier de preuves. Le Comité rappelle qu'il
incombe à l'État partie de protéger toute personne contre la torture et
autre traitement cruel, inhumain ou dégradant conformément à l'article 7
du Pacte. Le Comité a établi qu'il importait, pour prévenir les violations
de l'article 7, que la loi interdise d'utiliser ou déclare irrecevables
dans une procédure judiciaire les déclarations ou aveux obtenus par la torture
ou tout autre traitement interdit. Le Comité observe que les allégations
de torture faites par M. Sahadeo ont été examinées durant son premier procès
en 1989 et à nouveau lorsqu'il a été rejugé en 1994. Il ressort du dossier
des preuves qui a été présenté lorsqu'il a été rejugé que M. Sahadeo avait
eu la possibilité de fournir des preuves et que des témoins du traitement
dont il avait fait l'objet lorsqu'il avait été détenu par la police avaient
été interrogés contradictoirement. Le Comité rappelle qu'il appartient en
général aux tribunaux des États parties, et non au Comité, d'évaluer les
faits dans une affaire déterminée. Les informations soumises au Comité et
les arguments avancés par l'auteur ne démontrent pas que l'évaluation des
faits par les tribunaux ait été manifestement arbitraire ou puisse être
assimilée à un déni de justice. Dans ces circonstances, le Comité estime
que les faits dont il est saisi ne permettent pas de conclure à une violation
des dispositions de l'article 7 et de l'article 14 [par.3 g)] du Pacte s'agissant
des circonstances dans lesquelles les aveux ont été signés.
10. Le Comité des droits de l'homme, agissant conformément au paragraphe
4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, considère que les faits dont il
est saisi font apparaître une violation des articles 9 (par. 3) et 14 [par.
3 c)] du Pacte.
11. Le Comité estime que, conformément à l'alinéa a du paragraphe
3 de l'article 2 du Pacte, M. Sahadeo a droit à un recours utile, étant
donné qu'il a passé une très longue période en détention provisoire en violation
du paragraphe 3 de l'article 9, et que le délai qui s'est écoulé avant qu'il
ne soit rejugé devrait entraîner une commutation de la peine de mort et
une réparation au sens du paragraphe 5 de l'article 9 du Pacte. L'État partie
est tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent
pas à l'avenir.
12. Étant donné qu'en devenant partie au Protocole facultatif le Guyana
a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s'il y avait eu
ou non violation du Pacte et que, conformément à l'article 2 du Pacte, il
s'est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire
et relevant de sa compétence les droits reconnus dans le Pacte et à assurer
un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation a été établie, le Comité
souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements
sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L'État partie
est également invité à rendre publiques les constatations du Comité.
____________________
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la
communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal
Bhagwati, Mme Christine Chanet, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Louis Henkin,
M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, M. Rajsoomer
Lallah, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin Scheinin, M.
Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen et M. Maxwell Yalden.
** Le texte de deux opinions individuelles signées de membres du Comité,
M. Martin Scheinin et M. Hipólito Solari Yrigoyen, est joint au présent
document.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]
Appendice
Opinion individuelle (en partie dissidente) de M. Martin Scheinin,
membre du Comité
Je partage l'opinion de la majorité sur deux points importants, à savoir:
a) que des dispositions du Pacte ont été violées au cours de la procédure
judiciaire contre M. Sahadeo, avec pour conséquence qu'il a été condamné à
la peine de mort, et b) que dès lors, compte tenu de l'obligation faite à
l'État partie, en vertu du paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte, de garantir
un recours utile à la victime, celle-ci doit nécessairement pouvoir préserver
sa vie. Conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 6 du Pacte,
une condamnation à la peine de mort ne peut jamais être prononcée à l'issue
d'une procédure devant laquelle il y a eu violation du Pacte.
Je ne souscris pas, en revanche, à l'opinion de la majorité quant aux conclusions
à tirer de l'utilisation faite devant la justice des aveux de M. Sahadeo.
Celui-ci, qui est en attente d'exécution dans une prison de Georgetown,
était représenté devant le Comité par sa sur, qui n'est pas une spécialiste.
Étant donné que l'État partie n'a communiqué au Comité aucune information,
si ce n'est pour dire qu'il n'avait aucune objection à opposer à la recevabilité
de la communication sous tous ses aspects, j'estime qu'il ne peut pas être
reproché à M. Sahadeo d'avoir présenté un dossier incomplet.
Il appartient en général aux tribunaux des États parties, et non au Comité,
d'évaluer les éléments de preuve contre un accusé. Or, il ressort en l'espèce
des informations incomplètes présentées au Comité que, lorsque la juge qui
présidait le tribunal a présenté les éléments de preuve visant à établir
la crédibilité du témoignage de M. Sahadeo dont il ressortait qu'il avait
signé les aveux après avoir été maltraité, elle a fait des remarques désobligeantes
pour l'accusé. La juge s'est référée par exemple à la couleur de peau de
M. Sahadeo, en donnant à entendre que si celui-ci avait été maltraité, des
traces auraient été vues lorsqu'il avait été examiné après par un médecin,
en plus de la blessure à l'orteil qui avait été mentionnée. Comme le tribunal,
en conséquence, n'a pas dûment considéré les contraintes et mauvais traitements
possibles dans un cas où une condamnation à la peine de mort a été prononcée,
je considère qu'il y a eu violation des articles 7 et 14 du Pacte.
(Signé) Martin Scheinin
[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]
Opinion individuelle (dissidente) de M. Hipólito Solari Yrigoyen,
membre du Comité
Mon opinion individuelle dissidente est fondée sur les points exposés ci-après:
L'auteur a déclaré que ses aveux lui avaient été extorqués par la police,
qui l'avait frappé et lui avait infligé des mauvais traitements, et que,
notamment, il avait reçu un coup de marteau à l'orteil. Le médecin de la
prison a confirmé que M. Sahadeo s'était plaint d'avoir été frappé au dos
et a constaté une blessure au pied. Il a indiqué également qu'il lui avait
en conséquence prescrit un antibiotique. Par la suite, lorsqu'il a comparu
sur le banc des accusés, l'auteur a de nouveau déclaré qu'il avait été soumis
à des mauvais traitements visant à le contraindre à signer des aveux. Ces
aveux ont été la preuve essentielle invoquée par le procureur et ayant motivé
la condamnation à mort.
Dans son Observation générale no 20, le Comité a déclaré qu'il importait,
pour dissuader de commettre des violations de l'article 7 du Pacte, que
la loi déclare irrecevables, dans une procédure judiciaire, des déclarations
et aveux obtenus par la torture ou tout autre traitement interdit. L'État
partie n'a pas réfuté l'affirmation selon laquelle la victime présumée a
subi des coups, et les allégations de torture de l'auteur n'ont été examinées
par la justice que quatre ans après qu'elles eurent été formulées. Comme
le Comité l'a déclaré à d'autres occasions, le silence de l'État partie
signifie un manque de collaboration de sa part puisqu'il ne s'acquitte pas
de son obligation découlant du paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole
facultatif, en vertu duquel il est tenu de soumettre par écrit au Comité
des explications ou déclarations éclaircissant la question et indiquant,
le cas échéant, les mesures qu'il pourrait avoir prises.
Compte tenu de ce qui précède, le Comité considère que l'État partie a violé
l'article 7 du Pacte et que l'utilisation faite devant la justice des aveux,
dont la validité est contestée, afin de justifier une condamnation pour
assassinat a également constitué une violation du paragraphe 3 g) de l'article
14 et du paragraphe 2 de l'article 6 du Pacte. Conformément au paragraphe
3 a) de l'article 2 du Pacte, l'auteur a droit à un recours utile qui entraîne
la commutation de la peine de mort. En outre, l'État partie doit veiller
à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l'avenir.
(Signé) Hipólito Solari Yrigoyen
Notes
1. Communication no 760/1997, J. G. A. Diergaardt et consorts c. Namibie,
par. 10.2.