Comité des droits de l'homme
Soixante-quatrième session
19 octobre - 6 novembre 1998
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe
4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques*
- Soixante-quatrième session -
Communication No 730/1996
Présentée par : Clarence Marshall (représenté par M. R. Shepherd
du cabinet juridique londonien Clifford Chance)
Au nom de : L'auteur
État partie : Jamaïque
Date de la communication : 4 décembre 1996 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 3 novembre 1998,
Ayant achevé l'examen de la communication No 730/1996 présentée
au Comité des droits de l'homme par M. Clarence Marshall en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont
été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,
Adopte les constatations suivantes :
Constatations en vertu du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif
1. L'auteur de la communication est Clarence Marshall, citoyen jamaïcain.
À la date de la lettre initiale, il était détenu dans la prison du district
de Sainte-Catherine (Jamaïque) où il attendait d'être exécuté, mais sa sentence
a été commuée en mars 1997. Il affirme être victime de violations, par l'État
jamaïcain, des articles 6, 7, 9 et 10 et des paragraphes 1, 3 et 5 de l'article
14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est
représenté par M. Robert Shepherd du cabinet juridique londonien Clifford
Chance.
Rappel des faits présentés par l'auteur :
2.1 Le 10 février 1992, l'auteur a été reconnu coupable d'un double meurtre
et condamné à mort par la Circuit Court de Westmoreland, Savanna-la-mar.
Peu après le verdict, l'auteur a entrepris de recourir contre la condamnation
et la sentence prononcées pour le motif que le procès aurait été inéquitable
et qu'il n'y aurait pas eu suffisamment d'éléments de preuve justifiant
une condamnation. Le 18 avril 1994, un pourvoi en appel pour motifs supplémentaires
a été présenté au nom de l'auteur par Mme Arlene Harrison-Henry, avocate
à Kingston, nommée en remplacement du défenseur de l'auteur durant le procès,
M. Ronald Paris. Le pourvoi en appel a été rejeté par la cour d'appel de
la Jamaïque le 16 mai 1994. La cour d'appel a qualifié le crime de meurtre
puni de la peine de mort au sens de l'article 2 1) d) i) de l'Offences
against the Persons (Amendment) Act (loi (modifiée) relative
aux crimes contre la personne) de 1992 et confirmé la sentence de mort.
2.2 Une demande d'autorisation spéciale de recours auprès de la Section
judiciaire du Conseil privé a été présentée, par la suite, par le cabinet
juridique londonien Clifford Chance, pour le motif que le juge du fond aurait
fait plusieurs erreurs de droit graves en donnant ses instructions au jury
et que la cour d'appel aurait rendu une décision viciée en concluant qu'il
s'agissait d'un "cas de meurtre ou rien". La demande a été rejetée
le 25 mai 1995.
2.3 Le conseil de l'auteur dit que le Gouvernement jamaïcain a accepté
par la suite de requalifier le crime de l'auteur conformément à l'article
7 de l'Offences against the Persons (Amendment) Act de 1992, qui
prescrit que la cause est d'abord réexaminée par un seul juge de la cour
d'appel puis, s'il y a appel, par trois juges désignés, et non par la cour
d'appel en tant que telle. Dans d'autres explications datées du 21 février
1997, le conseil de l'auteur déclare que le 18 janvier 1997 il a été adressé
à ce dernier, apparemment en application de l'article 7 de l'Amendment
Act, un formulaire lui demandant s'il souhaitait se pourvoir en appel
de la requalification en meurtre puni de la peine de mort faite par un seul
juge auprès du collège de trois juges. Il n'a pas été fourni de précisions
sur la suite donnée à cette procédure, mais l'État partie a informé le Comité
que le 10 mars 1997 la peine prononcée à l'encontre de l'auteur avait été
commuée en emprisonnement à vie compte tenu du temps passé par l'intéressé
dans le quartier des condamnés à mort.
2.4 L'auteur a été reconnu coupable de l'assassinat de Amos Harry et de
David Barrett le 25 octobre 1990 dans la paroisse de Westmoreland. M. Harry
était employé comme vendeur par un homme d'affaires d'Hartford (Westmoreland),
M. Wesley Jackson. Au moment de son assassinat, la victime se trouvait dans
un véhicule appartenant à M. Jackson en compagnie de M. Barrett, garde de
sécurité employé par l'Alpha Security Company, entreprise pour laquelle
travaillait l'auteur. Les victimes, qui faisaient une tournée pour recueillir
des fonds pour M. Jackson, ont été trouvées tuées par balles dans la voiture
de M. Jackson sur la route de Montego Bay à Savanna-la-mar à 16 h 15.
2.5 Bien que cela ne ressorte pas clairement des explications présentées
par le conseil de l'auteur, les minutes du procès jointes montrent que l'argumentation
du ministère public était fondée essentiellement sur une déclaration que
l'auteur aurait faite officiellement à la police alors qu'il était en garde
à vue, le 30 octobre 1990, et sur le témoignage des agents de police Jalleth
Gayle et Federal Bryant. Mme Gayle a déclaré circuler dans une voiture en
direction de Savanna-la-mar, qui aurait été dépassée par un autre véhicule
transportant M. Harry et M. Barrett et deux autres hommes. Après avoir dépassé
la voiture de Mme Gayle, ce véhicule a percuté une rambarde métallique le
long de la route. La voiture de Mme Gayle s'est alors arrêtée et le témoin
a vu deux hommes, qui tenaient chacun quelque chose, s'éloigner en courant
du véhicule. Dans celui-ci, elle a trouvé les deux victimes tuées par balles.
M. Bryant a témoigné qu'il se dirigeait vers le lieu du crime lorsqu'il
a vu les deux hommes s'éloigner en courant du véhicule. Il a affirmé avoir
reconnu l'auteur, qu'il connaissait depuis huit ans, ajoutant que celui-ci
tenait une arme à feu.
2.6 Dans sa déclaration officielle à la police, l'auteur a avoué qu'il
se trouvait dans le véhicule avec les deux victimes et un certain M. Williams.
Il a soutenu cependant que ce dernier, ancien garde de sécurité à l'Alpha
Security Company, aurait au préalable fait savoir à l'auteur qu'il avait
besoin d'argent et lui aurait proposé de lui indiquer l'itinéraire suivi
par M. Harry, puisque l'auteur accompagnait souvent ce dernier pour son
travail. C'est prétendument dans cette intention que le 25 octobre 1990
il se serait rendu jusqu'à la Cornwall Mountain Road pour arrêter le véhicule
conduit par M. Harry et demander à celui-ci de l'emmener. L'auteur a affirmé
qu'après le dernier arrêt fait par M. Harry, M. Williams aurait tiré sur
M. Harry et sur M. Barrett. La déclaration officielle de l'auteur à la police
a été l'objet d'une procédure de "voir dire" (examen préliminaire
par le juge) à l'issue de laquelle le juge a décidé que cette déclaration
pouvait être entendue par le jury, bien que le défenseur de l'intéressé
ait été d'avis contraire pour le motif que l'auteur aurait été battu. Durant
la procédure de "voir dire", l'auteur aurait fait une déclaration
sous serment dans laquelle il aurait dit avoir été frappé à diverses reprises
avant de dicter et de signer sa déclaration officielle à la police. Dans
le cadre de la procédure ordinaire, l'auteur n'a fait qu'une déclaration
sans serment dans laquelle il affirmait n'avoir tué personne ni envisagé
de tuer personne.
Teneur de la plainte :
3.1 Le conseil de l'auteur fait valoir qu'il y a eu violation du paragraphe
3 de l'article 9 du Pacte puisque l'auteur n'a été traduit devant un juge
ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires
que trois semaines après son arrestation en octobre 1990. Il est fait référence
à la jurisprudence du Comité, à la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales et à la jurisprudence de
la Cour européenne des droits de l'homme.
3.2 Le conseil considère que le droit de l'auteur à faire entendre sa cause
équitablement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, consacré
au paragraphe 1 de l'article 14, a été violé puisque i) les instructions
données par le juge du fond au jury étaient inadéquates et ii) la cour d'appel
a outrepassé ses pouvoirs lorsqu'elle a qualifié les crimes de passibles
de la peine de mort. Il soutient donc qu'en outre la décision d'imposer
la peine de mort contrevenait au paragraphe 2 de l'article 6, puisque la
procédure ayant abouti à cela était non conforme au Pacte.
3.3 En ce qui concerne les instructions données au jury par le juge du
fond, le conseil de l'auteur considère que le juge n'a pas donné convenablement
des instructions au jury pour examiner sur quoi s'étaient entendus M. Williams
et l'auteur et qu'il n'a pas fait ressortir la possibilité que M. Williams
ait tué les deux hommes, mais que ses actes aient dépassé ce qui avait été
entendu préalablement avec l'auteur, aspect qui, selon le conseil, aurait
pu conduire à un acquittement ou à une condamnation pour homicide involontaire.
En outre, le conseil considère que le juge du fond a mal orienté le jury
en déclarant qu'il suffisait, pour que l'auteur soit reconnu coupable de
meurtre, que ce dernier ait su qu'une arme à feu risquait d'être utilisée
soit pour effectuer un vol à main armée soit pour éviter une arrestation;
le juge n'a pas non plus, selon lui, rappelé convenablement au jury la version
des faits donnée par l'auteur dans sa déclaration sans serment, avec les
conséquences que cela impliquait éventuellement pour examiner la question
de l'entente délictueuse et déterminer en quoi consistait celle-ci.
3.4 En ce qui concerne la qualification par la cour d'appel des crimes
comme passibles de la peine de mort conformément à l'article 2 1) d) i)
de l'Offences against the Persons (Amendment) Act de 1992
à l'issue de la procédure d'appel, le conseil fait valoir que cette qualification
était nulle et sans effet juridique puisque établie sans compétence et qu'elle
contrevenait donc aussi à l'article 14 du Pacte.
3.5 En ce qui concerne la requalification à laquelle le Gouvernement jamaïcain
a consenti (voir plus haut, par. 2.3), le conseil fait valoir que les conditions
prévues à l'article 7 de l'Amendment Act n'ont pas été remplies en
l'espèce, puisque l'auteur n'a eu le droit ni de faire réexaminer la qualification
par trois juges de la cour d'appel désignés par le Président de la cour
ni de comparaître ou de se faire représenter par un conseil, pas plus qu'il
n'a eu la possibilité, dans un délai de 21 jours suivant la date de communication
de la décision du juge, d'adresser des représentations écrites à l'intention
d'un collège de trois juges.
3.6 Le conseil soutient qu'il y a eu violation du droit de l'auteur à être
représenté par un conseil conformément au paragraphe 3 d) de l'article 14
ainsi que de son droit à un procès équitable consacré au paragraphe 1 du
même article. Premièrement, il est affirmé que le défenseur de l'auteur,
M. Ronald Paris, n'a été désigné qu'un jour après le début de l'audience
préliminaire. Deuxièmement, il est dit qu'à deux moments critiques du procès
le défenseur de l'auteur était absent de la salle d'audience, la première
fois quand le ministère public a commencé à procéder à l'interrogatoire
principal du sergent Bruce Clauchar, la seconde fois durant l'exposé final
du juge du fond.
3.7 Le conseil de l'auteur considère qu'il y a eu violation du droit à
disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense
et à communiquer avec le conseil de son choix consacré au paragraphe 3 b)
de l'article 14. Il affirme qu'après l'audience préliminaire, l'auteur n'a
eu la possibilité de s'entretenir avec son défenseur que le premier jour
du procès et que durant le procès il n'a pu consulter son défenseur que
lorsque le tribunal siégeait. Le conseil fait valoir que l'auteur n'a jamais
eu la possibilité d'examiner les déclarations du ministère public. Du fait
qu'il n'aurait pas pu communiquer avec son défenseur, aucune enquête n'aurait
été effectuée pour son compte en vue de réfuter les arguments du ministère
public. Il est fait référence à la jurisprudence du Comité /
Communication No 282/1988, Leaford Smith c. Jamaïque; communication
No 283/1988, Aston Little c. Jamaïque./
3.8 À cet égard, le conseil considère également qu'il y a eu violation
du paragraphe 3 e) de l'article 14, puisque du fait que l'auteur et son
défenseur n'ont pas pu se consulter convenablement avant et pendant le procès.
- des témoins importants ont fait l'objet d'un contre-interrogatoire incomplet
- des témoins à décharge de l'auteur n'ont pas été cités
- toutes les informations nécessaires pour procéder convenablement à l'interrogatoire
de l'auteur dans le cadre de la procédure de "voir dire" n'ont
pas été obtenues
- aucun élément de preuve d'ordre médical n'a été fourni dans le cadre
de la procédure de "voir dire"
- aucun élément de preuve d'ordre balistique concernant la différence
entre le calibre de la balle trouvée dans le cadavre de la victime et le
calibre de l'arme du crime présumée n'a été fourni.
3.9 Le conseil de l'auteur considère que le droit de faire examiner par
une juridiction supérieure la condamnation conformément au paragraphe 5
de l'article 14 et le droit de communiquer avec son conseil et de se faire
représenter par lui consacré aux paragraphes 3 b) et 3 d) du même article
ont été violés dans le cadre de la procédure d'appel. Le conseil fait valoir
que l'auteur n'a passé que 15 minutes avec son défenseur, Mme Arlene Harrison-Henry,
avant la présentation de son pourvoi devant la cour d'appel et qu'il n'a
pas eu la possibilité de donner des instructions à son avocat notamment
en ce qui concerne les motifs d'appel non retenus par Mme Harrison-Henry.
Il ressort du dossier que dans ses observations écrites à l'intention de
la cour d'appel, Mme Harrison-Henry a invoqué sept motifs d'appel. La cour
a rejeté la demande d'autorisation de former un recours pour les deux premiers
motifs, liés tous deux au fait que le juge n'avait pas appelé l'attention
du jury sur la possibilité d'un homicide involontaire. La demande d'autorisation
de former un recours pour les cinq autres motifs a été acceptée. Toutefois,
deux seulement de ces motifs ont été examinés par la cour d'appel, Mme Harrison-Henry
ayant soit concédé que les autres motifs étaient sans fondement soit décidé
de ne pas y donner suite. Les deux motifs considérés par la cour touchaient
aux explications données par le juge au jury sur le principe d'une entente
délictueuse. Les trois motifs auxquels il n'a pas été donné suite avaient
trait au fait que le juge n'aurait pas donné d'instructions au jury sur
la procédure à suivre concernant la déclaration officielle de l'auteur à
la police, que le juge n'aurait pas expliqué la signification des erreurs
commises par le témoin Federal Bryant et que les faits reprochés n'étaient
pas des meurtres punis de la peine de mort. Le conseil fait référence à
la jurisprudence du Comité / Communication No 253/1987,
Paul Kelly c. Jamaïque; communication No 356/1989, Trevor
Collins c. Jamaïque; communication No 353/1988, Lloyd Grant
c. Jamaïque; communication No 250/1987, Carlton Reid c. Jamaïque./
et soutient que ces concessions ou décisions de ne pas donner suite à des
motifs d'appel n'auraient pas dû être acceptées par la cour d'appel. Il
laisse entendre qu'en acceptant ces omissions de la part de Mme Harrison-Henry,
la cour a en fait laissé l'auteur sans représentation.
3.10 Le conseil considère qu'il y a eu violations des articles 7 et 10
compte tenu à la fois du traitement infligé à l'auteur et des circonstances
dans lesquelles il a été détenu après son arrestation le 25 octobre 1990
ainsi que des conditions de détention dans la prison du district de Sainte-Catherine,
où il se trouve depuis le 10 février 1992.
3.11 En ce qui concerne le premier de ces arguments, l'auteur fait valoir
que lorsqu'il a été arrêté le 25 octobre 1990 il a été poussé de force dans
un véhicule de police et frappé à plusieurs reprises avec la crosse d'un
pistolet et qu'il a reçu des coups de pied au ventre et aux testicules.
Il dit avoir été emmené au commissariat de police de Frome où, avant d'être
mis en cellule, il aurait été frappé au visage, battu avec une ceinture,
insulté et accusé d'être un meurtrier. Il déclare que durant la soirée et
la nuit qui ont suivi, on lui a craché au visage et il aurait été menacé
de mort et sauvagement battu avec une ceinture et un gourdin, à un moment
par une dizaine de policiers à la fois, y compris certains agents qui ont
témoigné contre l'auteur au procès. L'auteur déclare qu'il n'a fait et signé
sa déclaration officielle à la police qu'après avoir été sauvagement battu,
parfois avec un câble électrique, durant ces deux jours et après avoir obtenu
la promesse qu'il serait autorisé à rentrer chez lui une fois la déclaration
en question signée. L'auteur soutient en outre qu'avant d'être emmené au
tribunal, en novembre 1990, il a été battu par des détectives identifiés
qui, lors de l'audience devant la Circuit Court, ont témoigné contre
lui. Il affirme être tombé par terre après avoir reçu des coups de poing
et de pied et avoir aussi été frappé à l'oreille droite avec une grosse
pierre. Tout son visage aurait été enflé, son oeil droit aurait été fermé,
il lui aurait été impossible d'ouvrir la bouche et il aurait craint d'avoir
la mâchoire cassée. Alors que l'auteur était emmené au tribunal, l'un des
agents aurait menacé de le tuer, mais l'autre l'aurait persuadé d'y renoncer.
Il est dit que l'auteur s'est plaint au juge des sévices subis le jour même,
mais que le juge, estimant que l'auteur mentait, bien que ce dernier ait
proposé de lui montrer ses blessures, aurait passé outre. L'auteur affirme
qu'à la suite de ces sévices, il a eu une infection à l'oreille qui lui
a causé des souffrances intolérables. Bien qu'il ait demandé à plusieurs
reprises à voir un médecin, cela lui aurait été refusé; au moment de la
présentation de la communication, l'infection persistait depuis cinq ans,
durant lesquels l'auteur n'aurait obtenu ni médicaments ni soins autres
que des comprimés antalgiques parfois. Le conseil n'a pas fourni d'éléments
de preuve d'ordre médical en relation avec ces affirmations.
3.12 En ce qui concerne les conditions de détention à la prison du district
de Sainte-Catherine, le conseil fait référence à un rapport d'Amnesty International
de décembre 1993, à un rapport établi par le Jamaican Council for Human
Rights durant l'été 1994 et au rapport d'une équipe spéciale sur les services
pénitentiaires créée par le Gouvernement en mars 1989. L'auteur soutient
que les conditions de détention étaient insalubres, qu'il y avait des problèmes
d'hygiène et qu'une odeur d'excréments imprégnait toute la prison. Il considère
comme dégradante et insalubre la pratique consistant à utiliser des seaux
hygiéniques qui, bien que remplis d'excréments et d'eau stagnante, n'étaient
vidés que le matin. À cet égard, il est fait référence à l'engagement pris
par le Royaume-Uni, en 1991, de mettre fin à l'utilisation des seaux hygiéniques
dans toutes les prisons du pays. L'auteur soutient aussi que l'eau du robinet
dans la prison est contaminée par des insectes et des excréments humains
et que les détenus doivent utiliser des ustensiles qui ne sont pas bien
nettoyés. Il affirme aussi qu'en décembre 1994 il a été frappé si violemment
au flanc par un gardien qu'il a dû être examiné par le médecin de l'établissement.
L'auteur déclare que ses conditions de détention ont gravement nui à son
état de santé et qu'il n'a jamais reçu de soins malgré ses demandes réitérées.
Toutefois, le conseil n'a présenté aucun élément de preuve d'ordre médical
qui aurait pu étayer ces affirmations.
3.13 Le conseil soutient en outre qu'il y a eu violation des articles 7
et 10 compte tenu des souffrances psychologiques et de l'angoisse infligées
à l'auteur du fait qu'il était détenu dans le quartier des condamnés à mort
depuis 1992. Référence est faite à la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l'homme et à la jurisprudence du Conseil privé.
Observations de l'État partie
4.1 Dans sa communication du 3 février 1997, l'État partie déclare qu'il
s'abstiendra de traiter la question de la recevabilité et qu'à la place,
afin "de faciliter l'examen de la communication", il présentera
ses observations quant au fond.
4.2 En ce qui concerne les violations alléguées des paragraphes 3 b), 3
d) et 3 e) de l'article 14, l'État partie nie en général qu'il y ait eu
dérogation au Pacte. Il estime que ces allégations visent la démarche suivie
par le défenseur au procès et qu'il incombe à l'État partie de désigner
un défenseur compétent et, à partir de là, de ne pas empêcher celui-ci de
s'acquitter effectivement de sa tâche. En ce qui concerne précisément la
violation alléguée du paragraphe 3 d) de l'article 14 sous prétexte que
le défenseur aurait été absent à deux moments durant le procès, l'État partie
note que cette absence était regrettable, mais qu'elle n'a pas pu porter
àl'auteur un tort tel qu'il y ait eu violation du Pacte. Quant à la violation
alléguée du paragraphe 5 de l'article 14, l'État partie se borne à déclarer
que l'affaire "a été examinée par le tribunal et qu'il n'y a donc pas
eu d'infraction".
4.3 L'État partie déclare qu'il enquêtera sur l'affirmation de l'auteur
selon laquelle ce dernier n'aurait pas reçu de soins médicaux et que les
conclusions de ladite enquête seront communiquées dès réception, au Comité.
Considérations relatives à la recevabilité et examen quant au fond
5.1 Avant d'examiner les allégations contenues dans une communication,
le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son
règlement intérieur, décider si la communication en question est ou n'est
pas recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
5.2 Le Comité note que dans sa réponse l'État partie, afin de faciliter
l'examen, a examiné la communication quant au fond. Cela permet au Comité
d'examiner à ce stade la communication à la fois du point de vue de sa recevabilité
et sur le fond, conformément au paragraphe 1 de l'article 94 du règlement
intérieur. Toutefois, en vertu du paragraphe 2 de l'article 94 du règlement
intérieur, le Comité ne se prononce pas sur le fond de la communication
sans avoir examiné l'applicabilité de tous les motifs de recevabilité visés
dans le Protocole facultatif.
5.3 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur quant à une violation de
l'article 14 parce que le juge du fond n'aurait pas donné convenablement
des instructions au jury sur les questions de l'identification et du doute
raisonnable, le Comité rappelle que si l'article 14 garantit le droit à
un procès équitable, il appartient généralement aux tribunaux nationaux
d'examiner les faits et les éléments de preuve dans chaque cas. De même,
il appartient aux instances d'appel des États parties d'examiner si les
instructions données par le juge au jury et la conduite du procès ont été
conformes à la législation interne. Lorsqu'il considère des allégations
de violations de l'article 14 à cet égard, le Comité peut seulement examiner
si les instructions données par le juge au jury étaient arbitraires ou équivalaient
à un déni de justice ou si le juge a manifestement violé son obligation
d'impartialité. Toutefois, les éléments d'information dont le Comité est
saisi et les allégations de l'auteur ne font pas apparaître que les instructions
du juge du fond ou le déroulement du procès aient été ainsi viciés. En conséquence,
cette partie de la communication est irrecevable puisque l'auteur n'a pas
présenté d'allégation au sens de l'article 2 du Protocole facultatif.
5.4 En ce qui concerne les violations alléguées des paragraphes 1, 3 b)
et 3 d) de l'article 14 pour irrégularités dans la qualification et la requalification
de l'infraction commise par l'auteur conformément à l'article 7 de l'Amendment
Act, le Comité note que l'État partie a lui-même admis que la qualification
initiale avait été établie par la cour d'appel en outrepassant ses pouvoirs
et que l'État partie a annoncé qu'il serait procédé par conséquent à une
requalification. Il aurait donc été remédié ainsi à toute violation éventuelle
en relation avec la qualification initiale établie par la cour d'appel.
Toutefois, il semble que la procédure de requalification en l'espèce n'ait
jamais été menée à son terme, puisque dans l'intervalle la peine de l'auteur
a été commuée par le Gouverneur général de la Jamaïque compte tenu du temps
passé par l'intéressé en détention dans le quartier des condamnés à mort.
Le Comité note que la procédure de requalification aurait pu aboutir tout
au plus à la constatation que le crime reproché à l'auteur n'était pas puni
de la peine de mort et au résultat que l'auteur aurait été transféré hors
du quartier des condamnés à mort. Puisqu'un résultat identique a été obtenu
par la commutation de la peine de l'auteur, le Comité considère que celui-ci
n'a pas démontré avoir été victime d'une violation à cet égard et que ses
allégations quant aux irrégularités de la procédure de qualification ou
de requalification sont irrecevables au sens de l'article premier du Protocole
facultatif.
5.5 Quant à l'allégation de l'auteur selon laquelle il aurait été frappé
par les policiers au moment de son arrestation, en octobre 1990, le Comité
note que même si les allégations en question n'ont pas été réfutées par
l'État partie, les minutes du procès révèlent que ces allégations ont été
dûment examinées par le tribunal dans le cadre d'une procédure de "voir
dire" concernant la recevabilité des aveux de l'auteur en tant qu'éléments
de preuve. Ces aveux ont été ultérieurement admis par le juge après examen
des éléments de preuve et les allégations de sévices ont également été portées
à l'attention du jury lors du contre-interrogatoire de l'un des policiers.
Comme il n'a pas été démontré clairement que le juge avait fait preuve de
partialité ou avait fait une faute, le Comité n'a pas de raison de contester
l'évaluation des éléments de preuve à laquelle la cour a procédé et il considère
l'allégation correspondante irrecevable au sens de l'article 2 du Protocole
facultatif.
5.6 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur selon laquelle il aurait
été battu par deux policiers identifiés alors qu'il était emmené à l'audience
préliminaire en novembre 1990, même si le juge a refusé de croire l'auteur
ou de l'inspecter pour voir s'il était blessé, l'auteur a été représenté
par un défenseur le deuxième jour de l'audience en question. Le défenseur
n'a en rien étayé cette allégation de sévices, à l'audience ou à un autre
moment; l'auteur n'a pas porté plainte et les blessures qu'il affirme avoir
subies n'ont pas été médicalement attestées. Le Comité considère donc l'allégation
irrecevable au sens de l'article 2 du Protocole facultatif parce qu'insuffisamment
étayée.
5.7 Quant à l'allégation de l'auteur selon laquelle son maintien en détention
dans le quartier des condamnés à mort depuis 1992 constitue un traitement
cruel, inhumain ou dégradant, le Comité rappelle que selon sa jurisprudence
constante / Voir, entre autres, les constatations du
Comité relatives à la communication No 588/1994, Errol Johnson c.
Jamaïque, adoptées le 22 mars 1996. / le maintien d'un individu dans
le quartier des condamnés à mort pendant une durée précise ne représente
pas une violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte,
en l'absence d'autres circonstances impérieuses. Le Comité a estimé, dans
sa jurisprudence / Voir, entre autres, les constatations
du Comité relatives à la communication No 705/1996, Desmond Taylor
c. Jamaïque, adoptées le 2 avril 1998./, que la détention dans des
conditions particulièrement mauvaises pouvait constituer en soi une violation
des articles 7 et 10 du Pacte, mais qu'elle ne pouvait être considérée comme
"d'autres circonstances impérieuses" en relation avec le "syndrome
du quartier des condamnés à mort". Comme ni le conseil ni l'auteur
n'ont fait valoir de circonstances pertinentes, le Comité considère que
cette partie de la communication est irrecevable au sens de l'article 2
du Protocole facultatif. En revanche, les allégations de l'auteur quant
au fait que les conditions de détention dans la prison du district de Sainte-Catherine,
y compris l'absence de soins médicaux, représentaient des violations desdites
dispositions, les allégations en question sont selon le Comité suffisamment
étayées pour mériter un examen quant au fond et elles sont donc jugées recevables.
5.8 Le Comité déclare aussi que les autres allégations sont recevables
et qu'il entreprend d'examiner quant au fond toutes les allégations recevables,
en tenant compte des informations soumises par les parties, conformément
au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.
6.1 L'auteur affirme être victime d'une violation du paragraphe 3 de l'article
9 du Pacte en ce sens qu'il n'a été traduit devant un juge ou une autre
autorité habilitée par la loi que trois semaines après son arrestation en
octobre 1990. Le Comité note que l'État partie ne prend pas en considération
cette allégation et il estime, en l'espèce, que le maintien en détention
de l'auteur pendant trois semaines sans être traduit devant un juge représentait
une violation du paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte.
6.2 L'auteur affirme être victime d'une violation du paragraphe 3 d) de
l'article 14 en ce sens qu'il n'a pas été représenté le premier jour de
l'audience préliminaire. Dans sa jurisprudence / Voir
les constatations du Comité relatives à la communication No 459/1991, Osbourne
Wright et Eric Harvey c. Jamaïque, adoptées le 27 octobre
1995./, le Comité a estimé que toute personne répondant d'un crime pour
lequel elle encourt la peine de mort a droit à une aide judiciaire non seulement
lors du procès et de l'exercice des voies de recours pertinentes, mais également
à toute audience préliminaire concernant l'affaire. En l'espèce, le Comité
note qu'il n'est pas contesté que l'auteur n'était pas représenté le premier
jour de l'audience préliminaire et considère, même s'il n'apparaît pas clairement
si l'auteur a explicitement demandé une aide judiciaire, que les faits révèlent
une violation du Pacte. Comme cela a déjà été établi par le Comité
/ Voir, entre autres, les constatations du Comité relatives à
la communication No 223/1987, Frank Robinson c. Jamaïque,
adoptées le 30 mars 1989./, il va de soi que l'assistance d'un défenseur
doit être assurée à toutes les étapes de procédure dans les cas de crime
capital. Le Comité considère donc qu'il y a eu violation du paragraphe 3
d) de l'article 14 lorsque le tribunal a entrepris et poursuivi pendant
toute une journée l'audience préliminaire sans informer l'auteur de son
droit à être représenté par un défenseur.
6.3 Quant à l'allégation selon laquelle il y aurait eu violation des paragraphes
1 et 3 d) de l'article 14 en ce sens que le défenseur de l'auteur aurait
été absent de la salle d'audience à deux moments durant le procès, le Comité
souligne encore une fois que dans les cas de crime capital l'accusé doit
bénéficier valablement de l'assistance d'un défenseur à tous les stades
de la procédure. Toutefois, le Comité estime qu'en soi l'absence du défenseur
à tel ou tel moment ponctuel de la procédure ne représente pas une violation
du Pacte, mais qu'il convient d'examiner, dans chaque cas, si l'absence
du défenseur était incompatible avec les intérêts de la justice. En ce qui
concerne le premier moment d'absence du défenseur, le Comité note que, selon
les minutes du procès, le défenseur n'était pas présent quand le ministère
public a commencé à interroger le sergent Clauchar (qui a arrêté l'auteur
le lendemain des meurtres et dont le témoignage n'a porté que sur les circonstances
de l'arrestation) à 13 h 20 le 6 février 1992, mais qu'il était présent
à 13 h 25 et qu'il a d'ailleurs, à ce moment, procédé à un contre-interrogatoire.
En ce qui concerne le second incident, les minutes du procès montrent que
le juge a commencé son exposé final le 7 février 1992 en présence du défenseur
de l'auteur, mais que le défenseur était absent à la reprise de l'audience
le 10 février 1992. Bien que l'absence du défenseur durant l'exposé final
du juge soit certes préoccupante, le Comité note que tous les principaux
points de droit avaient été considérés le 7 février et que durant l'absence
du défenseur le juge a simplement résumé les faits. De plus, le défenseur
a fait savoir au tribunal qu'il ne s'opposait pas à ce que le juge poursuive
son exposé final. Le Comité estime donc que les faits dont il est saisi
ne représentent pas une violation du Pacte à ce titre.
6.4 L'auteur affirme aussi qu'il y a eu violation des paragraphes 3 b),
3 d) et 3 e) de l'article 14 dans la mesure où il n'a pas eu la possibilité
de communiquer avec son défenseur avant et pendant le procès, de sorte qu'il
n'a pas été entrepris d'enquête pour son compte, qu'aucun témoin n'a été
cité et qu'aucune déposition n'a été prise à sa décharge et que son défenseur
n'a pas été pas en mesure de procéder à un contre-interrogatoire valable
des témoins à charge. Dans ce contexte, le Comité rappelle que, selon sa
jurisprudence, quand un crime puni de la peine capitale est jugé, il va
de soi que l'accusé et son conseil doivent disposer d'un délai suffisant
pour préparer la défense. Le Comité note que l'auteur s'est vu attribuer
son défenseur en temps voulu pour le procès. De plus, ni le défenseur ni
l'auteur n'ont activement demandé de renvoi et rien d'autre dans les minutes
du procès ne permet de penser que l'État partie ait empêché l'auteur et
son défenseur de se préparer pour le procès ou qu'il aurait dû apparaître
manifestement au tribunal que la défense était mal préparée. De même, constatant
que le défenseur de l'auteur n'a ni cité de témoin ni fourni d'éléments
de preuve d'ordre médical et balistique à la décharge de l'auteur, le Comité
rappelle que, selon sa jurisprudence antérieure, il n'a pas à mettre en
doute le jugement professionnel du défenseur, sauf s'il est clair ou s'il
aurait dû être manifeste pour le tribunal que la conduite du défenseur était
incompatible avec les intérêts de la justice. En l'espèce, le Comité considère
que les faits dont il est saisi ne révèlent pas de violation de l'article
14 en ce sens.
6.5 De même, en ce qui concerne l'allégation selon laquelle les paragraphes
3 d) et 5 de l'article 14 auraient été violés puisque l'auteur n'aurait
pas été valablement représenté en appel, le Comité note que le nouveau défenseur
de l'auteur a rencontré ce dernier avant les débats en appel et a fait valoir
des motifs d'appel en sa faveur. Rien dans le dossier ne laisse penser que
le défenseur ne se soit pas fié à son seul jugement lorsqu'il a décidé de
ne pas retenir certains motifs. Rien non plus dans le dossier ne laisse
penser que l'État partie n'ait pas donné à l'auteur et à son défenseur suffisamment
de temps pour préparer le pourvoi en appel ou qu'il aurait dû être manifeste
pour la cour que la conduite du défenseur était incompatible avec les intérêts
de la justice. Se référant à sa jurisprudence antérieure, telle que citée
par le défenseur, le Comité note qu'il a estimé qu'il y avait violations
des dispositions en question lorsque le défenseur avait renoncé à tous les
motifs d'appel et que la cour n'avait pas été convaincue qu'il procédait
ainsi conformément aux voeux du client. Cette jurisprudence, cependant,
ne s'appliquait pas en l'espèce puisque le défenseur de l'auteur avait présenté
des arguments en faveur de l'appel, mais en choisissant de ne pas retenir
certains motifs. Le Comité conclut, en conséquence, qu'il n'y a pas eu violation
des paragraphes 3 d) et 5 de l'article 14 en ce sens.
6.6 Quant à l'affirmation de l'auteur selon laquelle il aurait été victime
d'une violation du paragraphe 2 de l'article 6 du Pacte, le Comité appelle
l'attention sur son observation générale 6[16], dans laquelle il a estimé
que la peine de mort ne peut être prononcée que conformément à la législation
et ne doit pas être en contradiction avec les dispositions du Pacte. Cela
implique que "les garanties d'ordre procédural prescrites dans le Pacte
doivent être observées, y compris le droit à un jugement équitable rendu
par un tribunal indépendant, la présomption d'innocence, les garanties minima
de la défense et le droit de recourir [pour réexamen de la condamnation
et de la sentence] à une instance supérieure". En l'espèce, l'audience
préliminaire a été conduite de façon non conforme aux prescriptions de l'article
14 et, en conséquence, le Comité considère qu'il y a eu également violation
du paragraphe 2 de l'article 6 puisque la peine capitale a été imposée à
l'issue d'une procédure durant laquelle les dispositions du Pacte n'ont
pas été respectées.
6.7 Quant à l'allégation selon laquelle il y aurait eu violation de l'article
7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte compte tenu des conditions
de détention, y compris l'absence de soins médicaux, à la prison du district
de Sainte-Catherine, le Comité note que l'auteur n'a pas formulé d'allégations
précises. L'auteur déclare que les conditions de détention sont insalubres,
qu'il y a des problèmes d'hygiène et qu'une odeur d'excréments imprègne
toute la prison et il se plaint de la pratique dégradante et insalubre consistant
à utiliser des seaux hygiéniques qui, bien que remplis d'excréments et d'eau
stagnante, ne sont vidés que le matin. L'auteur affirme en outre que l'eau
du robinet dans la prison est polluée par des insectes et des excréments
humains et que les détenus doivent utiliser des ustensiles qui ne sont pas
bien nettoyés. Il affirme également qu'en décembre 1994 il aurait été frappé
si violemment au flanc par un gardien qu'il aurait dû être examiné par le
médecin de l'établissement. L'auteur affirme que ces conditions de détention
ont gravement nui à son état de santé et qu'il n'a jamais reçu de soins
malgré ses demandes réitérées. L'État partie n'a pas réfuté ces allégations
spécifiques et n'a pas communiqué les conclusions de l'enquête qui devait
être entreprise sur les allégations de l'auteur selon lesquelles il aurait
été privé des soins médicaux requis. Le Comité considère que ces circonstances
font apparaître une violation du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte.
7. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de
l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est
saisi font apparaître une violation du paragraphe 3 de l'article 9, du paragraphe
1 de l'article 10, du paragraphe 3 d) de l'article 14 et, en conséquence,
du paragraphe 2 de l'article 6 du Pacte.
8. En vertu du paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie doit
assurer à M. Marshall un recours utile, y compris sous la forme d'une indemnisation.
9. Lorsqu'elle est devenue partie au Protocole facultatif, la Jamaïque
a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s'il y avait eu
ou non violation du Pacte. Le présent cas a été communiqué pour examen au
Comité avant que la dénonciation par la Jamaïque du Protocole facultatif
prenne effet le 23 janvier 1998; conformément au paragraphe 2 de l'article
12 du Protocole facultatif, pour la communication à l'examen les dispositions
du présent Protocole restent applicables. En vertu de l'article 2 du Pacte,
l'État partie s'est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur
son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le
Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation a
été établie. Le Comité souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai
de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet
à ses constatations. Il demande en outre à l'État partie de publier les
constatations du Comité.
______________
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la
présente communication : M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra N. Bhagwati,
M. Th. Buergenthal, Lord Colville, M. Omran El Shafei, Mme Elizabeth Evatt,
M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, Mme Cecilia Medina Quiroga, M. Fausto
Pocar, M. Martin Scheinin, M. Roman Wieruszewski et M. Maxwell Yalden.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]