Comité des droits de l'homme
Soixantième session
14 juillet - 1er août 1997
ANNEXE*
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Soixantième session -
Communication No 758/1997
Présentée par : José María Gómez Navarro (représenté par M. J.L.
Mazón Costa)
Au nom de : L'auteur
Etat partie : Espagne
Date de la communication : 19 septembre 1996 (date de la lettre
initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 29 juillet 1997,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est José María Gómez Navarro, ressortissant
espagnol résidant à Carthagène (Espagne). Il affirme être victime de violations
par l'Espagne des articles 14 (par. 1), 25 c) et 26 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques. Le Protocole facultatif est entré
en vigueur pour l'Espagne le 25 avril 1985. L'auteur est représenté par
un conseil, M. José Luis Mazón Costa.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur, fonctionnaire depuis 23 ans dans les services administratifs
(Cuerpo Administrativo), est titulaire d'un dipl_me de droit et
a occupé des postes d'un certain niveau de responsabilité. Il se plaint
de ne pas avoir été promu; le 13 septembre 1991, il a sollicité une promotion,
qui lui a été refusée par une décision du Ministère de l'administration
publique (Ministerio para las Administraciones Públicas) du 5 novembre
1991, au motif qu'il avait échoué à un concours sur trois.
2.2 L'auteur estime que, dans la politique de promotion applicable aux
fonctionnaires espagnols, ni le mérite ni la compétence professionnelle
ne sont pris en considération. Il fait valoir que les autorités devraient
respecter ces deux critères dans l'avancement des fonctionnaires et qu'il
s'agit d'une obligation imposée par la Constitution espagnole de 1978
(art. 23.2).
2.3 L'auteur affirme avoir fait l'objet d'un traitement discriminatoire
en 1976, lorsque le Gouvernement a promulgué un décret (Decreto-Ley
14/1976) portant création de la Section des services du Trésor (Cuerpo
de Gestión de la Administración del Estado). En vertu de ce décret,
tous les fonctionnaires des services administratifs qui étaient alors
en poste au Ministère du Trésor (Ministerio de Hacienda) ont été
automatiquement intégrés dans la section nouvellement créée. Or l'auteur,
ainsi que ceux de ses collègues qui ne travaillaient pas à cette époque
au Ministère du Trésor, n'ont pas été intégrés dans le nouveau département.
Selon l'auteur, le décret de 1976 a eu des conséquences néfastes pour
sa carrière.
2.4 En 1984, la loi No 30/1984 portant réforme de la fonction publique
(Ley 30/1984 de Reforma de la Función Pública) a été promulguée.
Cette loi a servi de base juridique à la promotion d'un grand nombre de
fonctionnaires. Le règlement d'application introduit par la loi précitée
a établi différents critères régissant la promotion de diverses catégories
de fonctionnaires.
2.5 L'auteur soutient qu'il a fait l'objet d'une discrimination injuste,
car d'autres fonctionnaires ont été promus sans passer de concours,
alors qu'il a dû passer trois examens différents. Il affirme également
que, si certains fonctionnaires ont été promus sans avoir à prouver qu'ils
étaient titulaires d'un dipl_me universitaire, d'autres - ce qui est son
cas - ont été tenus de fournir la preuve qu'ils avaient suivi des études
supérieures.
2.6 Après le rejet de sa demande de promotion en 1991, l'auteur a introduit
un recours administratif (recurso contencioso administrativo) auprès
de la Haute Cour (Audiencia Nacional) à Madrid. Le 5 décembre 1994,
celle-ci a confirmé la décision du Ministère de l'administration publique;
elle a estimé que cette décision était pleinement conforme à la loi. Le
13 mars 1995, un nouveau recours (recurso de amparo) formé par
l'auteur devant le Tribunal constitutionnel a été déclaré irrecevable.
Teneur de la plainte
3.1 Le conseil soutient que les faits décrits ci-dessus constituent une
violation des articles 25 c) et 26 du Pacte.
3.2 L'auteur note qu'il a réussi aux deux premières parties du concours
mais échoué à la troisième, qui était à son avis inutile. Il affirme qu'il
a fait l'objet d'une discrimination car, au cours de l'année suivante,
la troisième partie de cet examen a été supprimée. Selon lui, cette situation
constitue une violation de son droit d'accéder, dans des conditions générales
d'égalité, aux fonctions publiques de son pays, comme le prévoit l'alinéa
c) de l'article 25 du Pacte.
3.3 Le conseil considère également que le rejet du recours en amparo
de l'auteur par le Tribunal constitutionnel comme une violation du paragraphe
1 de l'article 14. A cet égard, il affirme que les juges de ce tribunal
n'établissent pas eux-mêmes les décisions concernant la question de l'irrecevabilité,
mais que celles-ci sont normalement rédigées par une équipe d'avocats
qui travaillent pour le Tribunal constitutionnel et que les juges se contentent
de les signer. Le conseil soutient que l'imprécision du libellé de la
décision du Tribunal constitutionnel implique également une violation
du paragraphe 1 de l'article 14. Enfin, il estime que l'auteur s'est vu
dénier le droit d'être entendu équitablement par le Tribunal constitutionnel
lorsque celui-ci a rejeté son recours en amparo, étant donné que
seul le parquet a la possibilité de faire appel (recurso de suplica).
Délibérations du Comité
4.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
4.2 Le Comité constate que les allégations de discrimination et de déni
du droit d'accéder, dans des conditions générales d'égalité, aux fonctions
publiques du pays de l'auteur ne sont pas étayées aux fins de la recevabilité
de la communication : les allégations dont est saisi le Comité ne font
pas apparaître le lien entre les arguments présentés et la façon dont
les droits reconnus à l'auteur en vertu des articles 25 c) et 26 du Pacte
ont pu être violés. A cet égard, le Comité conclut donc que l'auteur n'a
pas présenté une plainte au sens de l'article 2 du Protocole facultatif.
4.3 En ce qui concerne l'argument de l'auteur selon lequel le rejet de
son recours par le Tribunal constitutionnel constitue une violation du
paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte, le Comité a examiné avec attention
les éléments soumis par l'auteur. Il estime que le conseil de l'auteur
ne démontre pas, aux fins de la recevabilité, comment le fait que le parquet
peut, dans l'intérêt général, faire appel du rejet d'un recours en amparo
ou comment la façon dont le Tribunal constitutionnel organise ses travaux
et mène ses auditions pourraient constituer une violation du droit de
l'auteur d'être entendu équitablement au sens du paragraphe 1 de l'article
14 du Pacte.
5. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole
facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur et à son conseil
et, pour information, à l'Etat partie.
________________
*Participants: Mr. Nisuke Ando, Mr. Prafullachandra N. Bhagwati, Mr.
Thomas Buergenthal, Ms. Christine Chanet, Lord Colville, Ms. Elizabeth
Evatt, Ms. Pilar Gaitan de Pombo, Mr. Eckart Klein, Mr. David Kretzmer,
Ms. Cecilia Medina Quiroga, Mr. Fausto Pocar, Mr. Martin Scheinin and
Mr. Maxwell Yalden.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, chinois et russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]