1. L'auteur de la communication, dont la date initiale est le 2 avril
1996, est Michael Jensen, citoyen australien, né le 26 novembre 1947.
Il est actuellement incarcéré à la Karnet Prison Farm (Australie occidentale).
Il affirme être victime d'une violation par l'Australie des alinéas a)
et c) du paragraphe 3 de l'article 2, de l'article 7, des paragraphes
1, 2 et 3 de l'article 9, des paragraphes 1 et 3 de l'article 10, des
alinéas a) et c) du paragraphe 3 de l'article 14 et du paragraphe 1 de
l'article 15 du Pacte. Il n'est pas représenté par un conseil.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Le 29 août 1990, l'auteur a été reconnu coupable par la Cour suprême
de l'Australie occidentale de viol et de violences sexuelles commis en 1989
sur la personne d'un malade mental qu'il soignait dans un hôpital psychiatrique
en Australie occidentale (infractions de l'Australie occidentale). Il a
été condamné à neuf ans d'emprisonnement. La date la plus proche à laquelle
l'auteur pouvait prétendre à la libération sous condition a été fixée au
30 novembre 1994.
2.2 En enquêtant sur les infractions commises par l'auteur, la police
a découvert au domicile de ce dernier une cassette vidéo et des photographies
montrant qu'en 1985, dans le Queensland, il avait, en outre, violé une
fillette de 7 ans et attenté 10 fois à sa pudeur et trois fois à celle
de sa sœur âgée de 10 ans (infractions du Queensland). L'auteur fait
valoir que la mère des deux mineures était au courant de son comportement
à l'époque mais qu'elle n'avait pas déposé plainte contre lui parce qu'il
avait déménagé en Australie occidentale.
2.3 Le 31 juillet 1990, alors que l'auteur était encore détenu pour les
infractions de l'Australie occidentale, la police a essayé de l'interroger
au sujet de la cassette vidéo et des photographies relatives aux infractions
du Queensland. Elle l'a informé du contenu de la cassette et de l'identité
des victimes et lui a fait savoir que les services de police avaient reçu
une plainte. Sur le conseil de son avocat, l'auteur a refusé de répondre.
Durant l'interrogatoire, la police l'a également informé qu'à sa libération
de prison, une demande serait présentée pour qu'il soit extradé dans le
Queensland.
2.4 Lors d'une conférence sur la planification des peines tenue en octobre
1990, l'auteur a été informé, à sa requête, qu'il n'y avait dans aucun
des États de l'Australie de mandat d'arrêt émis contre lui. Le 6 mars
1991, le tribunal du district de Perth a condamné l'auteur à un mois d'emprisonnement
– qu'il devait exécuter à la suite des neuf ans d'emprisonnement
qu'il purgeait déjà – pour s'être introduit quatre fois par effraction
dans différents postes de police en Australie occidentale en vue de retrouver
ou de détruire la cassette vidéo et les photographies relatives aux infractions
du Queensland.
2.5 En septembre 1991, lors d'une autre conférence sur la planification
des peines tenue en Australie occidentale, l'auteur a de nouveau été informé,
à sa requête, qu'il n'y avait dans aucun des États de l'Australie, de
mandat d'arrêt émis contre lui. Le 14 octobre 1992, on a montré à l'auteur
une copie d'une lettre datée du 13 août 1992, adressée par la police du
Queensland au département des services pénitentiaires à Perth, indiquant
qu'un mandat d'arrêt avait été émis contre lui pour un viol commis dans
le Queensland en 1985. La lettre indiquait également qu'une procédure
d'extradition serait entamée à la libération de l'auteur. Par erreur,
le mandat, qui avait été établi en août 1992, n'avait pas été signé et
était donc non valide au regard de la loi.
2.6 Le conseil de l'auteur a demandé une copie du mandat et des informations
détaillées sur toutes les charges retenues contre son client. En janvier,
une copie d'un mandat en bonne et due forme, daté du 7 janvier 1993, a
été remise au conseil. L'auteur y était accusé d'avoir violé une mineure
dans le Queensland en 1985. Le mandat ne contenait aucune précision sur
les faits reprochés à l'auteur et ne mentionnait aucune autre infraction.
2.7 Le 5 avril 1993, l'auteur a demandé par écrit aux autorités compétentes
son transfert dans le Queensland pour qu'il puisse se défendre contre
l'accusation dont il faisait l'objet dans cet État. Le 23 août 1993, l'auteur
a commencé à suivre en Australie occidentale un programme de traitement
pour délinquants sexuels. Le 14 mars et le 15 juin 1994, les autorités
respectives de l'Australie occidentale et du Queensland ont approuvé le
transfert de l'auteur dans le Queensland. Le 30 juin 1994, l'auteur a
achevé le programme de traitement.
2.8 Le 15 septembre 1994, le tribunal de première instance de Freemantle
a ordonné le transfert de l'auteur dans le Queensland. Le délai légal
pour la présentation d'une demande de révision de la décision de cette
juridiction a expiré le 29 septembre 1994. Le jour suivant (30 septembre
1994), l'auteur a officiellement tenté de retirer sa requête de transfert
au motif que l'opération aurait dû avoir lieu plus tôt. Le 17 octobre
1994, l'auteur a été transféré dans le Queensland; à son arrivée, il a
été arrêté et accusé du viol d'une mineure et de 13 attentats à la pudeur.
Le 18 octobre, comme suite aux accusations portées contre lui le jour
précédent, l'auteur a été présenté à la Magistrates Court (Tribunal d'instance)
de Brisbane; la procédure a été ajournée dans l'attente de l'audience
de renvoi en jugement qui devait avoir lieu le 1er décembre 1994.
2.9 Le 1er décembre 1994, l'auteur a de nouveau comparu devant la Magistrates
Court de Brisbane qui a décidé de le renvoyer en jugement pour les chefs
d'accusation du 17 octobre 1994. Le 8 mai 1995, devant la Cour de district
de Brisbane, l'auteur a plaidé coupable pour toutes les charges qui pesaient
contre lui. Le 7 juillet 1995, il a été condamné à cinq ans d'emprisonnement
pour viol, à 18 mois d'emprisonnement pour chacune de six charges d'attentat
à la pudeur et à neuf mois d'emprisonnement pour chacune de sept charges
d'attentat à la pudeur, toutes les peines devant être confondues. Le tribunal
a recommandé que l'auteur soit habilité à demander une libération conditionnelle
après deux ans d'emprisonnement. L'auteur a été immédiatement incarcéré.
2.10 Le 20 juillet 1995, l'auteur a demandé par écrit à être transféré
à nouveau en Australie occidentale afin de se rapprocher de sa famille.
Comme l'accusation avait fait appel de la condamnation, entre autres,
au motif que la peine était manifestement insuffisante, la demande n'a
pas pu être examinée. Le 2 avril 1996, l'auteur a présenté sa communication
au Comité des droits de l'homme. Le 11 juin 1996, la Cour d'appel du Queensland
a alourdi la peine infligée à l'auteur pour viol, la portant à 11 ans
d'emprisonnement, tout en maintenant toutes les autres peines. Cette décision
a été appliquée à partir du 7 juillet 1995, en sorte que cinq ans d'emprisonnement
imposés initialement à l'auteur pour les infractions commises en Australie
occidentale ont été confondus avec la nouvelle peine. Le tribunal a recommandé
que l'auteur soit habilité à demander la libération conditionnelle à compter
du 29 août 1998.
2.11 Le 12 juin 1996, l'auteur a redemandé par écrit à être à nouveau
transféré en Australie occidentale pour bénéficier de meilleures conditions
et a entamé, le 13 août 1996, un programme de traitement pour délinquants
sexuels dans le Queensland. Le 7 octobre 1997, l'auteur a achevé le programme
de traitement et reçu les autorisations nécessaires concernant son transfert.
Le 23 avril 1998, il a été transféré dans une prison en Australie occidentale.
2.12 Le 31 juillet et le 18 août 1998, le Comité de probation de l'Australie
occidentale a différé l'examen du cas de l'auteur dans l'attente de plus
amples informations. Le 11 septembre 1998, le Comité a refusé d'accorder
la libération conditionnelle à l'auteur car il y avait un risque de récidive
du fait de son passé de délinquant sexuel invétéré et parce qu'il avait
accompli peu de progrès dans le cadre des programmes de traitement. Le
13 novembre 1998 (à la suite d'un nouveau rapport psychologique) puis
encore le 8 avril 1999 et le 28 avril 2000, le Comité de probation a rejeté
à nouveau la demande de libération conditionnelle de l'auteur. Actuellement,
l'auteur demeure en détention mais le Comité de probation doit réexaminer
son cas en avril 2001.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme qu'en violation des alinéas a) et c) du paragraphe
3 de l'article 2, il a été privé de la possibilité d'un recours utile en
ce qui concerne les violations qu'il aurait subies et, en particulier, que
son comportement dans le cadre des programmes de traitement n'avait pas
été évalué de manière appropriée et qu'au vu des résultats, le Comité de
probation avait rejeté sa demande de libération conditionnelle.
3.2 L'auteur affirme qu'en tardant à le juger pour les infractions du
Queensland les autorités australiennes ont violé les droits qui lui sont
reconnus aux paragraphes 1, 2 et 3 de l'article 9 et aux alinéas a) et
c) du paragraphe 3 de l'article 14. Il affirme que la police était au
courant de ces infractions depuis 1990, qu'il a tenté à plusieurs reprises
de déterminer si des accusations avaient été portées contre lui et qu'un
mandat d'arrêt en bonne et due forme n'a été émis contre lui qu'en janvier
1993 pour une seule des infractions, et que 13 autres chefs d'accusation
ont été ajoutés en octobre 1994.
3.3 L'auteur fait valoir que son transfert dans le Queensland a été délibérément
retardé jusqu'à la veille de la date fixée pour l'examen de sa demande
de libération conditionnelle. Cette mesure, s'ajoutant à son transfert
dans le Queensland après qu'il eut retiré sa demande de transfert, fait
que sa détention dans cet État pendant la période qui a précédé sa condamnation
constituait, juridiquement, la continuation de la peine à laquelle il
avait été condamné en Australie occidentale. Cette détention n'aurait
pas eu lieu s'il avait bénéficié d'une libération conditionnelle avant
son jugement pour les infractions du Queensland. En conséquence, il considère
que sa détention a en fait été prolongée de neuf mois correspondant à
la période allant de son transfert à sa condamnation pour les infractions
du Queensland. Pour lui, cela constitue une détention arbitraire au sens
du paragraphe 1 de l'article 9.
3.4 L'auteur fait valoir en outre que le fait que l'on a tardé à l'inculper
d'abord puis à le transférer dans le Queensland et que l'on ait refusé
de le ramener, immédiatement après son procès dans le Queensland, en Australie
occidentale pour qu'il soit près de sa famille, constitue une injustice
et lui a causé des traumatismes émotionnels et psychologiques indus qui
l'ont plongé dans la dépression, l'ont amené plusieurs fois à tenter de
se suicider, l'ont fait souffrir d'insomnies, lui ont fait perdre ses
cheveux et ont nécessité une chimiothérapie. Il affirme que cela constitue
une violation de l'article 7 du Pacte.
3.5 L'auteur déclare que pendant qu'il était en prison il a subi une thérapie
intensive et que des rapports établis par des psychologues montrent qu'il
est peu probable qu'il récidive. Il affirme que sa réincarcération pour
des infractions intervenues 10 ans auparavant, alors qu'il était prêt
à être réhabilité et réintégré dans la société, a été préjudiciable à
sa réadaptation et lui a causé un profond traumatisme émotionnel et psychologique.
Il considère en conséquence qu'il y a eu violation du paragraphe 3 de
l'article 10 du Pacte.
3.6 Enfin, l'auteur signale que du fait de l'application d'une nouvelle
loi dans le Queensland, sa condamnation à 11 ans d'emprisonnement, dont
trois ans durant lesquels il ne serait pas habilité à demander la libération
conditionnelle, a été modifiée en sorte qu'il ne peut plus faire une telle
demande avant huit ans et huit mois. Il note qu'en conséquence, il ne
pourrait maintenant être libéré qu'en avril 2004 au plus tôt. L'auteur
affirme que cela constitue une violation de l'article 15.
Observations de l'État partie au sujet de la recevabilité de la
communication
4.1 Pour ce qui est de l'affirmation selon laquelle l'article 2 a été violé,
l'État partie note que selon son interprétation le droit à un recours est
par définition un droit accessoire qui s'applique à la suite d'une violation
d'un des droits consacrés par le Pacte. Comme il considère qu'aucune autre
violation n'a été établie, il conclut que l'auteur n'a pas prouvé son allégation
selon laquelle l'article 2 avait été violé.
4.2 S'agissant des violations présumées de l'article 7 et du paragraphe
1 de l'article 10, l'État partie renvoie à la jurisprudence du Comité
selon laquelle pour qu'une peine soit contraire au Pacte il faut qu'elle
soit humiliante, dégradante et, en tout cas, qu'elle comporte des éléments
allant au-delà de la simple privation de liberté. L'État partie fait valoir
qu'à tous égards l'auteur a été légalement privé de sa liberté et que
toute souffrance mentale n'est qu'accessoire. Il fait valoir que, contrairement
à ce qu'affirme l'auteur, les rapports cliniques concernant l'emprisonnement
de l'auteur en Australie occidentale ne font état que d'une angoisse et
d'une légère dépression ressenties par période; il n'y est guère question
de chimiothérapie, de perte de cheveux, d'insomnie, ou d'une manière générale
de traumatisme psychologique ou émotionnel profond. De même, il ressort
d'un examen effectué durant l'incarcération de l'auteur dans le Queensland
qu'une dépression possible est la seule difficulté médicale rencontrée
et qu'aucun traitement pharmacologique n'a été nécessaire. En conséquence,
l'État partie considère que cet élément de la communication de l'auteur
ne soulève aucune question au regard des droits invoqués et, de surcroît,
n'a pas été suffisamment étayé. Il devrait donc être considéré irrecevable.
4.3 Pour ce qui est de la violation présumée de l'article 9, l'État partie
tient à faire observer que, selon lui, dans le concept d'« arbitraire
», qui figure au paragraphe 1, il y a l'idée d'inconvenance, d'injustice
et d'imprévisibilité. Il affirme en outre que le droit d'être informé
dans le plus court délai de toute accusation ne s'applique qu'au moment
de l'arrestation. D'autre part, l'obligation de présenter dans le plus
court délai à un juge une personne arrêtée ou détenue du chef d'une infraction
pénale (par. 3) vise également le moment auquel ladite personne est arrêtée
ou placée en détention pour ledit chef d'accusation.
4.4 L'État partie note qu'en vertu de sa législation, un prisonnier peut
être transféré d'un État à un autre pour y faire l'objet de poursuites
pénales après avoir été définitivement libéré, après avoir bénéficié d'une
remise en liberté conditionnelle (« extradition ») ou encore lorsqu'il
demande lui-même son transfert. L'État partie fait observer qu'en juillet
1990, l'auteur a été informé qu'une demande pour son extradition serait
déposée à sa libération de prison afin qu'il soit jugé dans le Queensland,
mais aurait alors refusé de répondre aux questions concernant les infractions
qui lui étaient reprochées. Comme une demande de libération conditionnelle
de l'auteur ne pouvait être examinée avant novembre 1994 au plus tôt,
il n'avait pas jugé urgent de délivrer un mandat pour l'arrestation de
l'auteur. Un mandat non valide puis un autre en bonne et due forme ont
été émis respectivement en août 1992 et en janvier 1993. C'est à ce stade
que l'auteur a demandé (en avril 1993) à être transféré dans le Queensland
pour y être jugé. Après que les autorités compétentes des deux États eurent
donné leur accord, un tribunal a examiné la question de savoir s'il pouvait
autoriser le transfert.
4.5 L'État partie note que selon sa législation, un tribunal ne peut prendre
une telle décision si, sur plainte du prisonnier, il arrive à la conclusion
qu'il serait cruel, injuste ou contraire aux intérêts de la justice de
procéder au transfert. L'auteur était représenté par un conseil dans le
cadre de cette procédure et avait 14 jours pour demander un réexamen de
la décision. À l'expiration de ce délai, la décision du tribunal a pris
effet et le retrait par l'auteur de sa demande de transfert ne pouvait
plus rien changer.
4.6 L'État partie reconnaît que le mandat initial ne mentionnait qu'un
chef d'accusation et que l'auteur a été arrêté à son arrivée au Queensland
pour avoir commis 12 autres infractions moins graves. Il signale, toutefois,
qu'il arrive qu'un mandat soit émis pour un seul chef d'accusation (c'est
le plus grave qui a été retenu en l'espèce), pendant que les autres chefs
d'accusation continuent d'être examinés sur la base des éléments de preuve
disponibles. Le jour de son arrivée dans le Queensland, en octobre 1994,
l'auteur s'est vu remettre les 13 autres mandats. Le lendemain, il a été
traduit devant un tribunal. Une audience préliminaire a eu lieu en décembre
1994 et une audience de fond en mars 1995. Enfin, l'État partie note que,
comme cela est souvent le cas, la peine imposée dans le Queensland a été
et continue d'être exécutée en même temps que la peine initiale.
4.7 Pour ce qui est de la libération conditionnelle de l'auteur, l'État
partie indique que le Comité de probation de l'Australie occidentale n'a
jamais examiné cette question parce que ce dernier avait demandé son transfert
dans le Queensland. Quoi qu'il en soit, un détenu n'a pas automatiquement
droit à la libération conditionnelle à la date à laquelle il est habilité
à en faire la demande. Il est en effet alors procédé à une évaluation
minutieuse des progrès accomplis par l'intéressé et du risque qu'il représente
pour la communauté.
4.8 S'appuyant sur les faits susmentionnés, l'État partie affirme que
l'auteur n'est fondé à se prévaloir d'aucun des trois paragraphes de l'article
9. En application de la décision initiale du tribunal il aurait pu, en
toute légalité, être détenu jusqu'au 28 août 2000. Au moment de son transfert,
il n'a pas bénéficié d'une mesure de libération conditionnelle, son cas
n'ayant même pas été examiné; en conséquence, il ne peut prétendre qu'il
a été détenu arbitrairement. Il n'a pas non plus apporté la moindre preuve
d'un retard délibéré à quelque moment que ce soit. Dès qu'il a été arrêté,
l'auteur a été informé des chefs d'accusation retenus contre lui et présenté
rapidement à un juge puis jugé, comme l'exige le Pacte. N'ayant pas été
étayées, les allégations de l'auteur au titre de l'article 9 doivent également
être déclarées irrecevables.
4.9 S'agissant de l'affirmation de l'auteur selon laquelle le traitement
qui lui a été réservé n'avait pas pour principal objectif sa réadaptation
et sa réinsertion sociale, l'État partie soutient que tels sont les buts
de son système pénitentiaire, qui vise à doter les détenus de la volonté
de mener une vie conforme à la loi et de subvenir à leurs propres besoins
après leur libération et à leur fournir l'assistance nécessaire à cet
effet. Les programmes thérapeutiques pour délinquants sexuels en place,
aussi bien en Australie occidentale que dans le Queensland, font partie
de tout un éventail de services visant à assurer la réadaptation de personnes
telles que l'auteur et à réduire la fréquence et l'ampleur des récidives.
L'auteur n'a pas achevé avec succès le programme mis en oeuvre en Australie
occidentale, ce qui l'a amené à en entreprendre un autre à son propre
rythme dans le Queensland avant d'être à nouveau transféré en Australie
occidentale. Le fait que l'auteur a pu, à sa demande, être transféré dans
un autre État, où il comptait trouver de meilleures conditions, est une
autre illustration des caractéristiques d'un système visant à assurer
autant que possible la réadaptation et la réinsertion des détenus.
4.10 L'État partie note qu'aussi bien le tribunal de district que la Cour
suprême du Queensland ont jugé que l'auteur n'avait pas achevé avec succès
le programme mis en oeuvre en Australie occidentale. Chaque fois que la
question a été examinée par des tribunaux, l'auteur était représenté par
un conseil et avait la possibilité de procéder à des contre-interrogatoires.
En conséquence, l'argument sur lequel se fonde l'auteur pour réclamer
sa libération à l'avance n'est pas fondé. Avec tout le respect qu'il a
pour le Comité, l'État partie fait valoir que la question de savoir si
l'auteur a accompli ou non avec succès le programme thérapeutique est
une question de fait qui n'est pas du ressort du Comité. Il note en outre
que compte tenu de l'échec antérieur de l'auteur, il n'était pas déraisonnable
d'exiger de lui qu'il achève le programme du Queensland avant que la possibilité
de le transférer à nouveau en Australie occidentale ne soit examinée.
Les observations de l'État partie sont antérieures à l'évaluation du comportement
de l'auteur dans le cadre du programme du Queensland par le Comité de
probation et d'autres organes. L'État partie considère donc que l'auteur
n'a pas étayé son allégation à ce propos qui devrait être déclarée irrecevable.
4.11 S'agissant des affirmations de l'auteur selon lesquelles les droits
qui lui sont reconnus à l'article 14 du Pacte ont été violés, l'État partie
rappelle que selon l'Observation générale du Comité concernant cet article,
le droit d'être informé de l'accusation dans le plus court délai exige
que l'information soit donnée de la manière décrite dès que l'accusation
est formulée pour la première fois par une autorité compétente, c'est-à-dire
lorsque cette autorité décide de prendre des mesures à l'égard d'une personne
soupçonnée d'une infraction pénale ou la désigne publiquement comme telle.
La Cour européenne des droits de l'homme a, elle aussi, interprété des
droits analogues à une procédure équitable comme prenant effet dès que
l'accusation est portée ou que la personne concernée se voit officiellement
notifier l'allégation selon laquelle elle a commis une infraction pénale.
4.12 L'État partie affirme que, s'agissant de l'alinéa a) du paragraphe
3 de l'article 14 du Pacte, les faits montrent que des efforts raisonnables
et appropriés ont été déployés pour informer l'auteur à tous les stades
de l'enquête de la nature et de la cause de toute accusation portée contre
lui. L'auteur était au courant depuis 1990 que les infractions du Queensland
de 1985 faisaient l'objet d'une enquête. Il a été informé de la nature
de ces accusations lorsque son nom a été mentionné pour la première fois
en tant qu'auteur présumé desdites infractions, c'est-à-dire le 7 janvier
1993, date à laquelle un mandat d'arrêt pour viol a été émis contre lui.
C'était là l'infraction la plus grave pour laquelle l'auteur allait être
ultérieurement jugé. L'État partie fait valoir par conséquent que l'allégation
de l'auteur au titre de l'alinéa a) du paragraphe 3 de l'article 4 n'a
pas été étayée et doit donc être déclarée irrecevable.
4.13 S'agissant de l'affirmation de l'auteur selon laquelle il y a eu
violation de l'alinéa c) du paragraphe 3 de l'article 14, l'État partie
tient à récapituler les faits de la cause. Il souligne que l'auteur a
refusé de coopérer dans le cadre d'une enquête de police en 1990. Alors
que l'auteur ne pouvait être extradé que le 11 novembre 1994 au plus tôt,
après avoir purgé sa peine, un mandat a été émis en janvier 1993. Après
avoir déposé sa demande de transfert en mai 1993, l'auteur a achevé un
programme de traitement; il a ensuite obtenu l'autorisation nécessaire
pour être transféré et l'a été effectivement en octobre 1994. Dès son
arrivée dans le Queensland, il a été arrêté et inculpé puis traduit devant
un tribunal le jour suivant. Au cours des six semaines suivantes, l'auteur
a bénéficié des services d'un conseil pour la préparation de sa défense.
En décembre 1994, le procès de l'auteur a été fixé à juin 1995, mais ce
dernier a choisi en mai 1995 de plaider coupable pour tous les chefs d'accusation.
Il a été condamné en juillet 1995 et son appel a été rejeté en juillet
1996.
4.14 L'État partie fait valoir que le comportement des autorités était
conforme à la loi et exempt d'irrégularités et n'a en rien contribué à
retarder inutilement le procès de l'auteur. Le temps qui s'est écoulé
entre la mise en accusation (17 octobre 1994), la condamnation (7 juillet
1995) et l'alourdissement de la peine en appel (11 juin 1996) n'est pas
excessif si l'on tient compte des circonstances de la cause.
4.15 Enfin, en ce qui concerne l'article 15, l'État partie fait observer
que les modifications apportées récemment au régime des peines du Queensland
ne sont pas rétroactives et ne concernent donc pas l'auteur. En conséquence,
l'auteur n'ayant pas étayé son affirmation au titre de l'article 15, cette
partie de sa communication doit être déclarée irrecevable.
Réponse de l'auteur aux observations communiqués par l'État partie
au sujet de la recevabilité de la communication
5.1 En ce qui concerne l'article 2, l'auteur réitère ses allégations selon
lesquelles les autorités auraient occulté ou forgé de toutes pièces des
faits concernant son comportement dans le cadre du programme de traitement.
5.2 Pour ce qui est de son allégation au titre de l'article 7, l'auteur
affirme que de faux rapports ont eu pour effet d'alourdir indûment les
peines auxquelles il a été condamné. S'ajoutant au fait qu'il n'a pas
été promptement jugé, cela constitue manifestement une violation de l'article
7.
5.3 En ce qui concerne l'article 9, l'auteur affirme qu'on ne lui a pas
dit lors de l'interrogatoire de 1990 que des accusations seraient portées
contre lui à sa libération mais seulement que la police s'occuperait de
lui à nouveau dans 10 ans. Ce n'est qu'en 1992 qu'il a appris que les
accusations du Queensland étaient maintenues. L'auteur estime que la police
du Queensland n'aurait pas dû attendre deux ans avant d'informer les autorités
de l'Australie occidentale de ces accusations. Il fait valoir que par
son comportement, la police l'a privé de la possibilité de bénéficier
d'une libération conditionnelle.
5.4 L'auteur affirme que rien ne justifie le fait d'avoir laissé près
de cinq ans s'écouler entre l'enquête de la police et son inculpation
pour les infractions du Queensland. S'il avait été inculpé plus tôt, il
aurait été en mesure de faire face aux accusations portées contre lui
au début de son emprisonnement. L'auteur exprime ensuite son désaccord
avec chacune des condamnations prononcées contre lui et estime qu'ayant
accompli avec succès le programme de traitement il aurait dû bénéficier
d'une libération conditionnelle.
5.5 À propos de l'article 14, l'auteur rappelle que, lors de l'interrogatoire
de 1990, il n'a été fait état d'aucune accusation et que la police n'a
mentionné aucun incident précis. Il note qu'avant 1992, il avait été assuré
qu'il ne faisait l'objet d'aucune accusation ou demande d'extradition.
Le fait qu'il n'a pas été promptement transféré dans le Queensland a également
retardé inutilement l'examen des accusations portées contre lui dans cet
État.
5.6 L'auteur accepte les arguments de l'État partie concernant l'article
15 et retire la partie correspondante de sa communication.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Pour ce qui est de l'affirmation de l'auteur selon laquelle les autorités
l'ont soumis à une torture ou à un traitement cruel, inhumain et dégradant,
en violation de l'article 7, et à d'autres mauvais traitements contraires
au paragraphe 1 de l'article 10, le Comité renvoie à sa jurisprudence
selon laquelle un détenu qui invoque ces articles doit prouver l'existence
d'un facteur aggravant supplémentaire s'ajoutant aux circonstances habituelles
de la détention. En l'espèce, l'auteur n'a pas prouvé, aux fins de la
recevabilité, qu'il avait reçu un traitement différant de quelque façon
que ce soit de celui normalement réservé aux détenus. Cette partie de
la communication est par conséquent irrecevable en vertu de l'article
2 du Protocole facultatif.
6.3 S'agissant des allégations de l'auteur au titre des paragraphes 1,
2 et 3 de l'article 9, le Comité estime que les faits dont il est saisi
montrent clairement que dès que l'auteur a été arrêté dans le contexte
des infractions du Queensland, il a été informé des accusations portées
contre lui, traduit devant un tribunal puis jugé dans un délai raisonnable.
L'auteur n'a pas, par conséquent, étayé, aux fins de la recevabilité,
cette partie de la communication, qui est déclarée irrecevable en vertu
de l'article 2 du Protocole facultatif.
6.4 Pour ce qui est des allégations de l'auteur au titre du paragraphe
3 de l'article 10 selon lesquelles l'application du régime pénitentiaire
dans son cas n'avait pas comme but principal sa réadaptation et sa réinsertion
sociale, le Comité note l'éventail de programmes et de mécanismes axés
sur cet objectif en place dans le cadre du système pénitentiaire de l'État
partie. Le Comité estime que l'auteur n'a pas réussi à prouver que les
évaluations de l'État partie concernant les progrès réalisés par l'auteur
dans le cadre de sa réadaptation, et les conséquences qu'elles auraient
dû avoir, pourraient ne pas être conformes aux dispositions du paragraphe
3 de l'article 10. En conséquence, le Comité estime que l'auteur n'a pas
étayé, aux fins de la recevabilité, son allégation selon laquelle il y
a eu violation du paragraphe 3 de l'article 10, et cette partie de la
communication est donc irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole
facultatif.
6.5 S'agissant des allégations formulées au titre des alinéas a) et c)
du paragraphe 3 de l'article 14, le Comité note que la législation de
l'État partie exclut tout transfert d'un détenu avant sa libération et
que ce transfert n'aurait pu avoir lieu qu'en novembre 1994, à moins qu'une
demande de transfert d'un État à un autre ait été présentée et que le
tribunal compétent prenne une décision dans ce sens. La demande de transfert
de l'auteur qui n'avait été présentée que lorsque le chef d'accusation
le plus grave (celui de viol qui datait de 1993) lui avait été notifié
avait été satisfaite sur décision du tribunal compétent. À son arrivée,
l'auteur a été accusé de la principale infraction ainsi que des infractions
secondaires, jugé et condamné dans un délai raisonnable. Le Comité considère
que ces faits montrent que l'auteur n'est pas fondé à invoquer, aux fins
de la recevabilité, une violation de l'article 14, et cette partie de
la communication est, par conséquent, irrecevable en vertu de l'article
2 du Protocole facultatif.
6.6 En ce qui concerne les allégations formulées par l'auteur en vertu
de l'article 2, le Comité estime qu'elles ne soulèvent pas de questions
additionnelles par rapport aux autres articles qui ont été invoqués, et
qu'elles ne sont pas suffisamment étayées pour qu'il puisse les juger
recevables.
6.7 S'agissant de la violation présumée de l'article 15, le Comité note
que l'auteur, dans sa réponse aux observations de l'État partie, retire
cette partie de sa communication (voir par. 5.6 ci-dessus); le Comité
n'est donc pas tenu de l'examiner plus avant.
7. Le Comité décide en conséquence :
a) Que la communication est irrecevable au titre de l'article 2 du Protocole
facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et à l'auteur.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
présenté par le Comité à l'Assemblée générale.
____________
* Les membres du Comité dont les noms suivent ont participé à l'examen
de la présente communication : M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M.
Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, Mme Christine Chanet, M. Louis Henkin,
M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, M. Rajsoomer Lallah M. Rafael Rivas
Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari Yrigoyen,
M. Ahmed Tawfick Khalil, M. Patrick Vella, M. Maxwell Yalden. Conformément
à l'article 85 du règlement intérieur, M. Ivan Shearer n'a pas pris part
à cet examen.