Comité des droits de l'homme
Soixante-cinquième session
22 mars - 9 avril 1999
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe
4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques*
- Soixante-cinquième session -
Communication No 775/1997**
Présentée par : Christopher Brown (représenté par le cabinet d'avocats
Allen & Overy, de Londres)
Au nom de : L'auteur
État partie : Jamaïque
Date de la communication : 17 novembre 1997 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 23 mars 1999,
Ayant achevé l'examen de la communication No 775/1997 présentée
au Comité par M. Christopher Brown en vertu du Protocole facultatif se rapportant
au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont
été communiquées par l'auteur de la communication, son conseil et l'État
partie,
Adopte ce qui suit :
Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif
1. L'auteur de la communication est Christopher Brown, citoyen jamaïcain,
actuellement en attente d'être exécuté à la prison du district de St. Catherine
(Jamaïque). Il affirme être victime de violations par la Jamaïque de l'article
7, des paragraphes 2 et 3 de l'article 9, du paragraphe 1 de l'article 10,
et des paragraphes 3 a), b), c), d) et e) et 5 de l'article 14 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté
par un conseil du cabinet d'avocats Allen & Overy (Londres).
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Le 28 octobre 1993, l'auteur a été reconnu coupable d'avoir assassiné
un certain Alvin Smith le 16 octobre 1991 et condamné à mort. Il a fait
appel de la déclaration de culpabilité, son appel a été jugé recevable par
la Cour d'appel de la Jamaïque et un nouveau procès a été ordonné le 18
juillet 1994. Le 23 février 1996, après avoir été de nouveau jugé, il a
été déclaré coupable d'avoir commis un meurtre entraînant la peine capitale.
Le 19 novembre 1996, son appel a été examiné par la cour d'appel de la Jamaïque
et rejeté par celle-ci le 16 décembre 1996. Le 23 octobre 1997, sa demande
d'autorisation spéciale de former recours devant la section judiciaire du
Conseil privé a été rejetée.
2.2 Le conseil fait valoir que, dans la pratique, l'auteur ne peut pas
former un recours constitutionnel parce qu'il est indigent et que l'État
jamaïcain n'accorde pas d'aide juridictionnelle pour le dép_t d'une requête
constitutionnelle et qu'en conséquence tous les recours internes ont été
épuisés aux fins du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.
2.3 Il ressort des documents du procès que la thèse de l'accusation était
fondée sur diverses dépositions, y compris une déclaration faite par l'auteur
au moment de son arrestation. Au procès, une voisine du défunt, Mme Sion
Walters, a déclaré qu'elle avait entendu la vieille dame qui habitait avec
le défunt "crier : au meurtre". Elle a déclaré qu'elle et son
locataire s'étaient rendus chez le défunt et qu'elle y avait vu l'auteur
qui leur avait parlé.
2.4 Au procès, la déposition de M. Peter Williams a été retenue comme preuve.
M. Williams, qui louait une chambre au défunt, a déclaré qu'il avait trouvé
celui-ci baignant dans une mare de sang dans un passage entre la maison
proprement dite et une cuisine extérieure. Il était allé voir la chambre
du défunt, l'avait trouvée sens dessus dessous, et avait remarqué qu'un
inhalateur se trouvait sur le lit. Dans l'armoire, il avait trouvé une paire
de chaussures et un pantalon qu'il avait vu l'auteur porter le soir du dimanche
précédent. Il avait aussi vu un autre pantalon et des chaussures couverts
de sang.
2.5 Un certain John Wiles a déclaré dans sa déposition qu'en octobre 1991
il avait acheté un magnétoscope à l'auteur et à un autre homme pour 2 000
dollars. Peter Williams avait identifié le magnétoscope comme appartenant
au défunt. Lorsque la police avait enquêté au sujet du magnétoscope, Wiles
avait accompagné les policiers au commissariat où il avait désigné l'auteur
comme étant la personne qui, avec un autre homme, le lui avait vendu. Il
avait dit qu'il reconnaissait l'auteur pour l'avoir vu dans le quartier
mais qu'il ne connaissait pas son nom.
2.6 L'inspecteur Davis chargé de l'enquête a déclaré que, le 16 octobre
1991, il s'était rendu sur les lieux du crime, qu'il avait parlé aux deux
femmes de la maison voisine, qu'il avait fait photographier le corps du
défunt, l'endroit où le crime avait été commis et la voiture garée à l'extérieur
et relevé les empreintes digitales. Il avait aussi rassemblé diverses pièces
à conviction pour les faire examiner par le laboratoire de médecine légale.
Le 15 novembre 1991, il avait vu l'auteur au commissariat de police de Patrick
Garden et il l'avait informé qu'il enquêtait sur le meurtre d'Alvin Smith
et qu'il était en possession d'un mandat pour procéder à son arrestation.
Après avoir été informé de ses droits, l'auteur avait dit : "oui, c'est
vrai, mais c'est Gray et Rohan qui m'ont forcé à le faire. Je regrette parce
qu'il avait été bon avec moi et je vous expliquerai comment tout s'est passé".
2.7 L'inspecteur Davis a témoigné qu'en présence du juge de paix, M. Thompson
Beckford, il avait demandé à l'auteur s'il souhaitait faire une déposition
écrite ou s'il voulait que quelqu'un la prenne sous sa dictée. L'inspecteur
Davis lui avait inscrit la formule l'informant de ses droits, la lui avait
expliquée et avait transcrit sa déclaration. Dans sa déclaration, l'auteur
avait reconnu qu'il avait participé à la mise au point d'un plan visant
à cambrioler le défunt qui était son ancien propriétaire. Par contre, il
avait nié avoir tué Smith et avait déclaré que Rohan et Gray avaient été
impliqués dans l'affaire. Il avait reconnu avoir joué un r_le dans le meurtre
en immobilisant le défunt et en tendant à Gray la machette avec laquelle
le défunt avait été tué. Il avait également reconnu avoir empêché le défunt
de s'échapper. Il avait reconnu aussi qu'il avait volé deux bagues que le
défunt avait aux doigts, que Gray et lui-même étaient retournés dans la
maison pour changer de vêtements et qu'ils avaient vendu le magnétoscope
à un jeune pour 2 000 dollars.
2.8 Au procès, il a été procédé à un examen préliminaire des témoins pour
déterminer si la déclaration pouvait être retenue comme preuve. M. Beckford
a corroboré la déposition de l'inspecteur, déclaré qu'il était présent lorsque
l'auteur avait dicté sa déclaration et qu'en sa présence l'auteur n'avait
pas été maltraité.
2.9 Les moyens de la défense reposaient sur un alibi. Dans une déclaration
sans serment faite à partir du banc des accusés, l'auteur a affirmé avoir
quitté le quartier le 13 octobre 1991 pour se rendre chez sa soeur à St.
Thomas et être revenu en novembre. Il a dit qu'il avait été arrêté et emmené
au commissariat de police d'Almond Town où ses empreintes digitales avaient
été relevées et où il aurait refusé de faire une déposition car il ne savait
rien du meurtre. Il a déclaré qu'on l'avait frappé pour l'obliger à signer
la déposition, qu'il n'avait jamais vu le juge de paix et qu'il avait été
identifié par quelqu'un qu'il ne connaissait pas au sujet de la vente du
magnétoscope.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme être victime de violations du paragraphe 2 de l'article
9 et du paragraphe 3 a) de l'article 14 du Pacte, au motif qu'il a été arrêté
le 15 novembre 1991 et qu'il a passé plus de deux semaines en garde à vue
avant d'être inculpé. Il dit que pendant cette période, il n'a pu avoir
de contacts ni avec sa famille, ni avec ses amis, ni avec un avocat.
3.2 L'auteur déclare qu'après avoir été détenu au commissariat de police
d'Almond Town pendant plus de deux semaines, il avait été emmené pour une
journée au commissariat de police de Patrick Gardens, où il avait été frappé,
à la suite de quoi il avait eu une crise d'asthme. Il dit qu'on lui a fait
signer une déclaration officielle à la police en lui promettant qu'on lui
prodiguerait des soins médicaux. Il se plaint en outre des conditions dans
lesquelles il a été détenu avant son procès dans différentes prisons. Malgré
son asthme, on l'aurait fait dormir, tant_t sur un sol de béton froid, sans
matelas, tant_t dans une cellule surchauffée, ce qui avait aggravé son état.
À la Prison centrale, il avait été transféré à l'infirmerie.
3.3 Le conseil invoque les alinéas b) et d) du paragraphe 3 de l'article
14 du Pacte et indique que l'auteur n'a bénéficié ni de conseils ni de représentation
juridiques de la date de son arrestation, le 15 novembre 1991, à l'examen
préliminaire qui avait eu lieu le 8 juin 1992. Ne sachant pas qu'il avait
le droit de demander à être assisté par un avocat, il n'avait pas fait de
requête à cet effet. D'après le conseil, le représentant de l'auteur avait
été absent pendant une bonne partie de l'audience préliminaire et, au premier
procès, l'audience était déjà commencée lorsque l'auteur avait rencontré
son avocat. Au deuxième procès, l'auteur était représenté par un nouvel
avocat qui ne lui avait rendu visite qu'une seule fois en prison. Le conseil
indique qu'une demande d'ajournement avait été refusée par le juge du fond.
L'auteur n'avait jamais rencontré l'avocat qui l'a représenté lors du deuxième
appel. Le Conseil indique que dans les rares occasions où l'auteur avait
rencontré ses avocats, il n'avait pu s'entretenir avec eux librement à cause
de la présence constante de membres du personnel pénitentiaire.
3.4 Le conseil ajoute que l'incompétence du conseil de la défense était
telle que cela constituait un déni du droit de l'auteur de bénéficier d'une
assistance judiciaire suffisante, en violation du paragraphe 3 d) de l'article
14 du Pacte. À cet égard, il fait observer que le conseil a négligé de recueillir
des preuves d'importance cruciale, qu'il n'a pas convenablement contre-interrogé
les témoins de l'accusation, qu'il n'a pas convoqué de témoins de la défense
et qu'il était absent la plupart du temps qu'a duré l'exposé final du juge.
3.5 Par ailleurs, le juge du fond aurait fait une erreur à propos de la
non-divulgation des éléments de preuve fondés sur les empreintes digitales.
Enfin, le juge aurait donné au jury des instructions inexactes quant à la
question de savoir si l'auteur avait fait la déclaration officielle à la
police de son plein gré et concernant son alibi de défense.
3.6 L'auteur se plaint de ce que son deuxième procès a eu lieu fin février
1996, environ quatre ans et trois mois après son arrestation le 15 novembre
1991. La cour d'appel de la Jamaïque a examiné son appel en novembre 1996
et l'a rejeté en décembre. Sa demande de recours devant le Conseil privé
a été rejetée le 23 octobre 1997. Il s'est donc écoulé près de six années
entre la date de son arrestation et le rejet définitif de sa demande de
recours. Le conseil fait valoir que cela constitue une violation du paragraphe
3 de l'article 9 et des paragraphes 3 c) et 5 de l'article 14 du Pacte.
3.7 Au moment où il a présenté sa plainte, l'auteur avait passé dans le
quartier des condamnés à mort neuf mois après sa première condamnation et
un an et neuf mois après la condamnation à laquelle avait abouti le nouveau
procès. D'après le conseil, cela constitue une violation de l'article 7
et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. À cet égard, le conseil fait
observer que la période susdite ne peut être dissociée de la période totale
que l'auteur a passée en prison étant donné qu'à compter du jour où il a
été inculpé de meurtre, il a vécu dans l'angoisse, sachant que s'il était
reconnu coupable, il serait exécuté.
3.8 Le conseil affirme que l'exécution de l'auteur serait illégale étant
donné les conditions de sa détention dans le quartier des condamnés à mort
et qu'elle constituerait une violation des articles 5 et 6 du Pacte. À cet
égard, il fait observer qu'une détention, légale à l'origine, peut devenir
illégale du fait du comportement des autorités. C'est ce qui peut se produire
en cas de prolongation excessive de la détention (autrement dit lorsqu'il
y a violation du paragraphe 3 de l'article 9 ou du paragraphe 3 c) de l'article
14 du Pacte) ou si les conditions de détention ne répondent plus aux normes
minimum (c'est-à-dire lorsqu'il y a violation de l'article 7 et du paragraphe
1 de l'article 10 du Pacte). À cet égard, le conseil fait référence à l'affaire
Pratt et Morgan à l'appui de l'affirmation selon laquelle l'exécution
peut devenir illégale si les conditions dans lesquelles le condamné est
détenu après sa condamnation, qu'il s'agisse de la durée de sa détention
ou des problèmes physiques qu'elle induit, constituent un traitement inhumain
et dégradant.
3.9 En mars 1997, dans le quartier des condamnés à mort de la prison du
district de St. Catherine, les effets personnels de l'auteur ont été détruits
par les gardiens lors d'une fouille effectuée à la suite d'une tentative
d'évasion organisée par d'autres détenus. Le flacon d'aérosol-doseur et
les médicaments qu'il avait pour soigner son asthme ont été détruits et
malgré les nombreuses plaintes qu'il a adressées aux autorités pénitentiaires,
il n'en a pas reçu d'autres. De plus, l'auteur indique qu'il a eu plusieurs
crises d'asthme depuis son arrivée à la prison de St. Catherine et il se
plaint de ce que les gardiens ont été lents à répondre à ses demandes d'assistance,
ont refusé de l'emmener à l'h_pital et, à plusieurs reprises, de lui donner
des médicaments. On ne lui avait notamment donné ni inhalateur ni aérosol-doseur,
en dépit des instructions du médecin de la prison. D'après le conseil, cela
constitue une violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10
du Pacte.
3.10 Le conseil appelle l'attention sur les pièces justificatives fournies
par des sources non gouvernementales concernant les conditions générales
de détention à la prison du district de St. Catherine. En ce qui concerne
l'auteur en particulier, il passe 23 heures par jour enfermé dans sa cellule;
sans matelas ni literie quelconque, il dort à même une dalle de béton; dans
sa cellule, il n'y a ni équipements sanitaires suffisants, ni ventilation,
ni éclairage électrique; il n'a droit à aucune forme d'exercice, de vie
sociale ou d'activité pas plus qu'à des soins médicaux, médicaments ou traitement
psychiatrique approprié, à une alimentation correcte ou à une eau de boisson
salubre. Par ailleurs, il n'existe pas véritablement de procédure assurant
la prise en considération des plaintes des détenus. L'auteur n'a pas reçu
de réponse à la plainte qu'il a adressée au médiateur des prisons jamaïcaines.
Les conditions dans lesquelles il est détenu à la prison du district de
St. Catherine sont considérées comme constituant un traitement cruel, inhumain
et dégradant au sens de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du
Pacte.
3.11 Le conseil fait valoir par ailleurs que le caractère impératif de
la condamnation à mort pour les meurtres entraînant la peine capitale, qui
ne laisse aucune liberté au juge quant à la possibilité d'évaluer d'éventuelles
circonstances atténuantes, est arbitraire et en fait une sanction disproportionnée
qui ne peut être justifiée en droit et qui est contraire au paragraphe 1
de l'article 6, aux articles 7 et 10 et au paragraphe 1 de l'article 14
du Pacte.
3.12 Le conseil déclare que l'affaire n'est pas déjà en cours d'examen
devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.
Observations de l'État partie et commentaires de l'auteur
4.1 Dans sa réponse du 13 janvier 1998, l'État partie fait part de ses
observations quant au fond de la communication.
4.2 L'État partie nie que l'auteur a été maintenu en détention plus de
deux semaines avant d'être inculpé. Il affirme qu'il a été informé des raisons
de son arrestation au moment de sa mise en détention.
4.3 En ce qui concerne les plaintes de l'auteur portant sur sa représentation
lors du premier procès, en appel, lors du deuxième procès, et de nouveau
en appel, l'État partie note qu'il a été représenté par des conseils différents
à chaque fois. L'État partie soutient qu'il lui incombe en vertu du Pacte
de veiller à ce qu'un conseil compétent soit désigné pour représenter la
personne accusée et qu'il ne doit, tout au long de la procédure, entraver
son action ni par des actes ni par des omissions. Il n'est par contre pas
responsable de la façon dont le conseil conduit la défense.
4.4 En ce qui concerne la plainte de l'auteur au sujet des instructions
données au jury par le juge, l'État partie rappelle la jurisprudence du
Comité selon laquelle l'examen de ces questions relève des juridictions
d'appel. Selon l'État partie, la question a été dûment examinée par la cour
d'appel, aussi n'y a-t-il pas lieu que le Comité se prononce à cet égard.
4.5 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur selon laquelle il y a eu
des retards excessifs puisque son procès s'est déroulé quatre ans et trois
mois après son arrestation, l'État partie explique que cette période comprend
le premier procès de l'auteur, l'examen de son recours et le délai nécessaire
à la prise de décision concernant le nouveau procès. Il fait observer que
le premier procès contre l'auteur a commencé un an et onze mois après son
arrestation et qu'une enquête préliminaire a été menée dans l'intervalle.
Il s'est écoulé neuf mois entre la condamnation de l'auteur et l'examen
de son recours et le deuxième procès contre l'auteur a commencé un an et
sept mois après la décision rendue par la cour d'appel. Le recours que l'auteur
a présenté après son deuxième procès a été examiné au bout de neuf mois.
L'État partie considère par conséquent qu'il n'y a pas eu de retard excessif
constituant une violation du Pacte.
4.6 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur, selon laquelle la durée
de sa détention dans le quartier des condamnés à mort constitue une violation
des articles 7 et 10 du Pacte, l'État partie fait valoir que le fait de
passer deux ans et six mois dans le quartier des condamnés à mort cependant
que la procédure judiciaire suit son cours ne peut être considéré comme
constituant un traitement cruel et inhumain contraire au Pacte.
4.7 En ce qui concerne la plainte de l'auteur quant à l'insuffisance des
soins médicaux qu'il a reçus alors qu'il souffrait de l'asthme, l'État partie
fait observer que l'auteur a été soigné mais qu'il va examiner plus avant
son allégation.
5.1 Dans ses commentaires sur la réponse de l'État partie, le conseil note
que l'État partie n'a pas enquêté sur les circonstances de la détention
de l'auteur ni fourni de preuves de nature à réfuter les déclarations de
l'auteur concernant la période pendant laquelle il est resté en détention
sans avoir été officiellement inculpé après son arrestation. Quant à l'affirmation
de l'État partie selon laquelle l'auteur a été informé des raisons de son
arrestation au moment de sa mise en détention, le conseil dit qu'il vérifiera
cela avec l'auteur, mais il fait valoir que l'obligation d'informer une
personne, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre elle,
va plus loin que le simple fait d'informer cette personne des raisons de
son arrestation. Le conseil fait référence à la jurisprudence du Comité
et souligne que c'est la durée de la détention et l'inculpation officielle
qui doivent être prises en considération. Il soutient qu'une période de
deux semaines sans inculpation en bonne et due forme est excessive et constitue
indéniablement une violation du paragraphe 2 de l'article 9 du Pacte. Il
appelle en outre l'attention du Comité sur le fait que l'auteur s'est vu
refuser l'assistance d'un avocat et tout contact avec sa famille pendant
la période qui a suivi son arrestation.
5.2 En ce qui concerne l'argument de l'État partie selon lequel il ne peut
être tenu responsable de la façon dont le conseil a assuré la défense de
l'auteur, l'auteur fait observer que, d'après la jurisprudence du Comité,
l'État partie est tenu de prendre des mesures pour veiller à ce que le conseil,
une fois désigné, assure une représentation efficace dans l'intérêt de la
justice. Le conseil affirme que l'État partie n'a pas apporté la preuve
qu'il avait pris des mesures pour garantir une représentation efficace.
Il fait en outre référence aux comptes rendus d'audience et affirme qu'il
est clair que le conseil était de toute évidence incompétent et n'a pu assurer
une défense valable devant le jury.
5.3 Le conseil soutient que les instructions données par le juge au jury
et l'examen préliminaire qui a eu lieu montrent que le procès a été entaché
d'irrégularités qui ont porté atteinte au droit de l'auteur à un procès
équitable, en violation des alinéas b) et d) du paragraphe 3 de l'article
14 du Pacte.
5.4 En ce qui concerne la lenteur de la procédure, le conseil fait valoir
que la période qui s'est écoulée entre l'arrestation de l'auteur et son
procès devrait être prise comme un tout et qu'une période de quatre ans
et trois mois est excessive et constitue une violation du paragraphe 3 de
l'article 9 et des paragraphes 3 c) et 5 de l'article 14 du Pacte. D'autre
part, le conseil soutient que l'intervalle de 23 mois qui s'est écoulé entre
l'arrestation de l'auteur et son premier procès est en soi excessif, en
l'absence d'explications satisfaisantes fournies par l'État partie.
5.5 En ce qui concerne la période de détention de l'auteur dans le quartier
des condamnés à mort, le conseil fait observer que celui-ci y a d'abord
passé neuf mois après sa première condamnation, puis qu'il a été transféré
ailleurs après que la cour d'appel eut ordonné un nouveau procès. Il y est
ensuite retourné, après son deuxième procès. Le conseil souligne que le
fait d'osciller ainsi entre l'espoir et le désespoir a été extrêmement éprouvant
pour l'auteur.
5.6 Le conseil fait observer que l'État partie n'a pas répondu à la plainte
de l'auteur concernant les conditions de sa détention.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité note que l'État partie n'a pas soulevé d'objections quant
à la recevabilité de la communication et que ses observations ont porté
sur le fond de celle-ci. Cela étant, le Comité estime que rien ne s'oppose
à la recevabilité de la communication et entreprend d'en examiner sans plus
tarder le bien-fondé à la lumière de toutes les informations écrites qui
lui ont été soumises par les parties.
6.3 L'auteur affirme qu'il a été détenu pendant plus de deux semaines avant
d'être officiellement inculpé alors que l'État partie soutient qu'il a été
informé au moment de son arrestation des raisons de celle-ci. Le Comité
note qu'il apparaît d'après les comptes rendus d'audience que l'auteur a
été informé des charges retenues contre lui peu après son arrestation. Ainsi,
d'après les éléments qui ont été portés à la connaissance du Comité, il
n'y a pas eu de violation du Pacte à cet égard. Par contre, il n'apparaît
pas clairement d'après les faits dont le Comité a été saisi à quel moment
l'auteur a pour la première fois comparu devant un juge ou une autre autorité
habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires. En l'absence d'allégation
précise sur ce point, le Comité n'est pas en mesure de se prononcer sur
la question de savoir si le paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte a été respecté
dans le cas d'espèce.
6.4 En ce qui concerne l'allégation de violation de l'article 7 et du paragraphe
1 de l'article 10 du Pacte, l'auteur ayant été maltraité par la police au
moment de son arrestation, le Comité note que la question a fait l'objet
d'un examen préliminaire, qu'elle a été soumise au jury pendant le procès,
que le jury a rejeté les allégations de l'auteur et qu'elle n'a pas été
soulevée en appel. Le Comité considère que les renseignements qui ont été
portés à sa connaissance ne lui permettent pas de conclure qu'il y a eu
violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte à cet
égard.
6.5 D'autre part, l'auteur a formulé des plaintes précises concernant les
conditions de sa détention avant jugement, au sujet desquelles l'État partie
n'a pas fait d'observations. Cela étant, il convient de prendre dûment en
considération les allégations de l'auteur dans la mesure où elles sont étayées.
Le Comité estime que les conditions de la détention de l'auteur avant son
procès, telles qu'elles ont été décrites par celui-ci et compte tenu du
fait qu'il est asthmatique, constituent une violation du paragraphe 1 de
l'article 10 du Pacte.
6.6 En ce qui concerne la représentation de l'auteur à l'audience préliminaire,
le Comité note qu'il apparaît, d'après les comptes rendus d'audience, que
le représentant de l'auteur était absent lorsque deux témoins à charge ont
fait leur déposition à l'audience préliminaire le 8 juin 1992, que le magistrat
a poursuivi leur audition et qu'il n'a ordonné une suspension d'audience
que lorsque l'auteur a déclaré qu'il ne voulait pas contre-interroger les
témoins lui-même. Le contre-interrogatoire a alors été reporté au 17 juin
1992 puis, l'avocat étant de nouveau absent, au 7 juillet 1992. Après l'ajournement
du 17 juin 1992, le juge a désigné un nouveau conseil qui s'est, toutefois,
abstenu de contre-interroger les témoins. Le Comité se réfère à sa jurisprudence,
selon laquelle il va de soi que l'assistance d'un défenseur doit être assurée
à toutes les étapes de la procédure dans les cas de crime capital
/ Voir, entre autres, les constatations du Comité au sujet de la communication
No 730/1996 (Clarence Marshall c. Jamaïque), adoptées le 3
novembre 1998./. Dans les circonstances de l'espèce, le Comité est d'avis
que le magistrat n'aurait pas dû appeler les témoins à faire leur déposition
lorsqu'il s'est rendu compte que le conseil de l'auteur était absent; il
aurait dû donner à l'auteur l'occasion de se faire assister de son conseil.
Le Comité estime que les faits portés à sa connaissance montrent qu'il y
a eu violation de l'alinéa d) du paragraphe 3 de l'article 14 du Pacte.
6.7 L'auteur a déclaré par ailleurs qu'il n'avait pas eu assez de temps
pour préparer sa défense lors du deuxième procès et que le juge du fond
avait refusé d'ordonner un ajournement. Il apparaît d'après les comptes
rendus d'audience qu'un ajournement a été accordé par le juge le 12 février
1996 pour permettre au conseil de s'entretenir avec son client. Cependant,
le 13 février 1996, le conseil a demandé un nouvel ajournement, n'ayant
pas encore rencontré l'auteur. Il apparaît aussi que le conseil a été désigné
pour assurer la défense de l'auteur en octobre 1994 et qu'il a demandé un
ajournement d'audience en plusieurs occasions, apparemment parce qu'il cherchait
à obtenir certains documents qui se trouvaient entre les mains de l'accusation.
Il a rencontré son client pour la première fois en mai 1995. Dans ces circonstances
le Comité estime que les faits portés à sa connaissance ne montrent pas
que l'État partie a violé le droit de l'auteur, selon le paragraphe 3 b)
de l'article 14 du Pacte, à disposer des moyens nécessaires pour préparer
sa défense.
6.8 Néanmoins, le Comité rappelle sa jurisprudence, à savoir que l'État
partie doit veiller à ce que le conseil, une fois désigné, représente efficacement
son client. Le Comité considère que le juge du fond aurait dû se rendre
compte que le conseil ne représentait pas efficacement l'accusé au plus
tard, lorsqu'il a remarqué l'absence de ce dernier lors de son exposé final.
Il y a eu par conséquent en l'espèce violation du paragraphe 3 d) de l'article
14 du Pacte.
6.9 En ce qui concerne la plainte de l'auteur selon laquelle son conseil,
lors de la procédure d'appel, ne l'a jamais consulté avant les débats proprement
dits, le Comité note que l'État partie a désigné un représentant juridique
pour représenter l'auteur, que le conseil a fait valoir des moyens d'appel
et que la cour d'appel a examiné l'appel. Le Comité renvoie à sa jurisprudence,
selon laquelle l'État partie ne peut être tenu responsable de la conduite
d'un avocat de la défense, sauf si le juge a constaté ou aurait dû constater
que la conduite de l'avocat était incompatible avec les intérêts de la justice
/ Voir, entre autres, la décision par laquelle le Comité a déclaré la communication
No 536/1993, Perera c. Australie, irrecevable le 28 mars 1995./.
En l'espèce, le Comité estime que les faits portés à sa connaissance ne
font pas apparaître de violation du Pacte.
6.10 Le conseil a aussi affirmé que les instructions données par le juge
au jury constituaient un déni de justice, en violation du paragraphe 1 de
l'article 14 du Pacte. Le Comité renvoie à sa jurisprudence antérieure et
réaffirme que ce n'est généralement pas au Comité, mais aux juridictions
d'appel des États parties qu'il appartient d'examiner les instructions données
au jury par le juge du fond, sauf s'il peut être établi qu'elles ont été
manifestement arbitraires et ont représenté un déni de justice. Les éléments
portés à la connaissance du Comité ne montrent pas que le procès ait été
entaché de telles irrégularités. En conséquence, le Comité conclut qu'il
n'y a pas eu de violation du Pacte à cet égard.
6.11 L'auteur s'est plaint de la lenteur de la procédure due, selon l'État
partie, au fait qu'un nouveau procès avait été ordonné. Le Comité note que
l'auteur a été arrêté le 15 novembre 1991 et que le premier procès a eu
lieu en octobre 1993, soit 23 mois après son arrestation. Le Comité estime
qu'en l'absence d'explication satisfaisante de l'État partie, un délai de
23 mois pour juger l'auteur, sachant qu'il a été maintenu en détention,
constitue, dans les circonstances de la cause, une violation du droit, énoncé
au paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte, à être jugé dans un délai raisonnable
ou libéré, ainsi qu'au paragraphe 3 c) de l'article 14. En ce qui concerne
les autres retards de procédure invoqués par l'auteur, le Comité note que
le nouveau procès de l'auteur devait commencer le 23 novembre 1994, soit
quatre mois après la décision rendue par la cour d'appel, mais qu'il a été
ajourné à plusieurs reprises à la demande de la défense. Cela étant, le
Comité estime qu'un intervalle d'un an et neuf mois entre la décision de
la cour d'appel et le début du nouveau procès ne peut être uniquement attribué
à l'État partie et ne fait pas apparaître une violation du Pacte.
6.12 En ce qui concerne l'argument du conseil, selon lequel la détention
de l'auteur dans le quartier des condamnés à mort constitue un traitement
cruel et inhumain, en raison du fait notamment qu'il en est sorti au bout
de neuf mois pour y retourner au bout d'un an et neuf mois après son nouveau
procès, le Comité renvoie à sa jurisprudence / Voir la communication
No 588/1994 (Errol Johnson c. Jamaïque), constatations adoptées
le 22 mars 1996./, selon laquelle la détention dans le quartier des condamnés
à mort pour une période donnée ne constitue pas en soi une violation du
Pacte, s'il n'y a pas d'autres circonstances impérieuses. Le Comité ne considère
pas que le fait que l'auteur ait été renvoyé dans le quartier des condamnés
à mort après son nouveau procès constitue une circonstance impérieuse qui
donnerait à sa détention dans le quartier des condamnés à mort un caractère
cruel ou inhumain. Il est donc d'avis que la durée de sa détention dans
le quartier des condamnés à mort ne constitue pas en soi une violation du
Pacte.
6.13 Cela dit, l'auteur s'est plaint en outre des conditions de sa détention
à la prison du district de St. Catherine, au sujet desquelles l'État partie
n'a pas fait de commentaires. Il a affirmé en particulier qu'il passait
23 heures par jour enfermé dans sa cellule, sans matelas ni literie quelconque,
qu'il n'y avait ni installations sanitaires ni ventilation, ni éclairage
électrique et qu'il n'avait droit à aucune forme d'exercice, de vie sociale
ou d'activité pas plus qu'à des soins médicaux, à une alimentation correcte
ou à une eau de boisson salubre. L'auteur a également fait valoir que ses
effets personnels, y compris son flacon d'aérosol-doseur et d'autres médicaments,
ont été détruits par les gardiens en mars 1997 et qu'on lui a refusé une
assistance rapide lors de crises d'asthme. Bien que l'État partie ait promis
d'enquêter sur certaines de ces allégations, le Comité note avec préoccupation
que les résultats de l'enquête n'ont jamais été communiqués. Dans ces circonstances,
il convient de prendre dûment en considération les allégations de l'auteur
dans la mesure où elles sont fondées. Le Comité estime que les faits mentionnés
ci-dessus constituent des violations de l'article 7 et du paragraphe 1 de
l'article 10 du Pacte.
6.14 En ce qui concerne l'argument du conseil, selon lequel la peine de
mort obligatoire pour les meurtres entraînant la peine capitale est une
peine arbitraire et disproportionnée qui viole les dispositions du Pacte,
le Comité note que la loi jamaïcaine fait une distinction entre les meurtres
entraînant la peine capitale et les autres et que les meurtres entraînant
la peine capitale sont des meurtres avec circonstances aggravantes. Le Comité
est donc d'avis que l'argument du conseil est sans fondement et que les
faits dont il a été saisi ne font pas apparaître de violation du Pacte à
cet égard. En outre, il considère que le conseil n'a pas présenté de moyens
tirés de circonstances atténuantes qui auraient pu être prises en compte
par le juge lorsqu'il a condamné l'auteur ou de la façon dont l'auteur aurait
été touché par la violation présumée du Pacte.
6.15 Le Comité estime que l'imposition de la peine de mort à l'issue d'un
procès au cours duquel les dispositions du Pacte n'ont pas été respectées
constitue une violation de l'article 6 du Pacte s'il n'est plus possible
de faire appel du verdict. Dans le cas de M. Brown, la peine de mort a été
prononcée à titre définitif alors que les dispositions de l'article 14 du
Pacte concernant les conditions d'un procès équitable n'avaient pas été
respectées. Il faut donc conclure que le droit protégé par l'article 6 a
également été violé.
7. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de
l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est
saisi font apparaître une violation de l'article 7 du paragraphe 3 de l'article
9, du paragraphe 1 de l'article 10, et des alinéas c) et d) du paragraphe
3 de l'article 14, et par conséquent du paragraphe 6 du Pacte.
8. En vertu du paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie est
tenu de fournir à M. Christopher Brown un recours utile, en ordonnant un
nouveau procès avec toutes les garanties prévues à l'article 14 ou en le
libérant, ainsi que de lui accorder une commutation de peine et une indemnisation
immédiates. Il est aussi tenu de veiller à ce que des violations analogues
ne se reproduisent pas à l'avenir.
9. En adhérant au Protocole facultatif, la Jamaïque a reconnu que le Comité
avait compétence pour déterminer s'il y avait eu ou non violation du Pacte.
L'affaire ayant été soumise avant que la dénonciation du Protocole facultatif
par la Jamaïque ne prenne effet, le 23 janvier 1998, elle demeure sujette
à l'application des dispositions du Protocole facultatif conformément au
paragraphe 2 de l'article 12 du Protocole. Conformément à l'article 2 du
Pacte, l'État partie s'est engagé à garantir à tous les individus se trouvant
sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans
le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation
a été établie. Le Comité souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai
de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet
à ses constatations. L'État partie est également invité à publier les constatations
du Comité.
__________________
* Les membres du Comité dont les noms suivent ont participé à l'examen
de la présente communication : M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra
N. Bhagwati, M. Thomas Buergenthal, Mme Christine Chanet, Lord Colville,
Mme Elizabeth Evatt, Mme Pilar Gaitán de Pombo, M. Eckart Klein, M. David
Kretzmer, M. Rajsoomer Lallah, Mme Cecilia Medina Quiroga, M. Fausto Pocar,
M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Roman Wieruszewski,
M. Maxwell Yalden et M. Abdallah Zakhia.
** Le texte de l'opinion individuelle d'un membre du Comité est joint en
annexe au présent document.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]
Opinion individuelle de M. Hipólito Solari Yrigoyen
(exprimant son désaccord partiel)
J'ai une opinion individuelle au sujet du paragraphe 6.12, qui à mon avis
devrait être libellé comme suit :
6.12 L'avocat de l'auteur soutient que sa détention dans le quartier des
condamnés à mort constitue un traitement cruel et inhumain, en raison à
la fois de la durée de la période qu'il y a passée et des conditions générales
de détention, qu'il a décrites au paragraphe 3.10. À cet égard, il convient
de souligner que si, selon la jurisprudence du Comité, la durée de la détention
ne constitue pas en soi une violation du Pacte, il en est tout autrement
pour les conditions de détention. En l'espèce, l'État partie n'a pas réfuté
les allégations précises concernant le traitement subi par l'auteur en violation
de l'article 7 du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte; il a simplement
passé sous silence cette question, en dépit de l'obligation qui lui incombe
en vertu du paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif. En outre,
l'État partie ne s'est pas en l'espèce acquitté de son obligation d'indiquer
si le régime carcéral et le traitement imposé au prisonnier sont conformes
aux dispositions de l'article 10 du Pacte. Compte tenu de ces faits importants,
il y a lieu de faire droit à la plainte de l'auteur. Le Comité considère
que l'auteur a été victime d'un traitement cruel qui constitue un déni du
respect de sa dignité en tant qu'être humain, en violation des dispositions
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques déjà mentionnées
dans le présent paragraphe.
[Adoptée en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]