Comité des droits de l'homme
Soixante-dixième session
16 octobre - 3 novembre 2000
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au
titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques
- Soixante-dixième session -
Communication No 806/1998
Présentée par : M. Eversley Thompson (représenté par M. Saul Lehrfreund,
du cabinet londonien Simons, Muirhead & Burton)
Au nom de : L'auteur
État partie : Saint-Vincent-et-les Grenadines
Date de la communication : 17 février 1998
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 18 octobre 2000,
Ayant achevé l'examen de la communication No 806/1998 présentée par
M. Eversley Thompson en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été
communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,
Adopte ce qui suit :
Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif
1. L'auteur de la communication est Eversley Thompson, de nationalité saint-vincentaise,
né le 7 juillet 1962. Il est représenté par M. Saul Lehrfreund, du cabinet
londonien Simons Muirhead & Burton. Le conseil affirme que l'auteur est
victime de violations des paragraphes 1 et 4 de l'article 6, de l'article
7, du paragraphe 1 de l'article 10, du paragraphe 1 de l'article 14 et de
l'article 26 du Pacte.
Rappel des faits présentés par le conseil
2.1 L'auteur a été arrêté le 19 décembre 1993 et inculpé du meurtre de
D'Andre Olliviere, une fillette de 4 ans qui avait disparu la veille. La
Chambre pénale de la Haute Cour l'a reconnu coupable des faits qui lui étaient
reprochés et condamné à mort le 21 juin 1995. Son appel a été rejeté le
15 janvier 1996. Dans sa demande d'autorisation spéciale de former recours
devant la section judiciaire du Conseil privé, le conseil a avancé cinq
moyens d'appel, relatifs à la recevabilité des aveux de l'auteur et aux
instructions données par le juge au jury. Le 6 février 1997, la section
judiciaire du Conseil privé a accordé l'autorisation de former recours et
après avoir renvoyé l'affaire à la cour d'appel locale sur un point, a rejeté
ce pourvoi le 16 février 1998. De ce fait, tous les recours internes seraient
épuisés.
2.2 Au procès, l'accusation reposait sur le fait que la petite fille avait
disparu le 18 décembre 1993 et que l'auteur avait été vu qui se cachait
derrière un arbre près du domicile de celle-ci. Du sang, des matières fécales
et la culotte de la fillette avaient été trouvés sur la plage près du domicile
de la famille. Le corps de la fillette n'a jamais été retrouvé.
2.3 Selon le ministère public, l'auteur a été appréhendé par des agents
de police à son domicile, tôt dans la matinée du 19 décembre 1993. Ceux-ci
lui ayant montré une pantoufle rouge trouvée la veille, il avait dit que
c'était la sienne. Après avoir été conduit au commissariat de police, l'auteur
avait avoué avoir exercé des violences sexuelles sur la fillette puis avoir
jeté son corps dans la mer depuis la plage. Il s'était rendu avec les policiers
à l'endroit des faits. À son retour, il avait fait une déposition confirmant
ses aveux.
2.4 Les éléments de preuve susmentionnés, présentés par la police, ont fait
l'objet d'un examen préliminaire au cours du procès. L'auteur a contesté
avoir jamais fait une déposition. Il a affirmé que les agents de police
l'avaient roué de coups, chez lui et au commissariat, qu'on lui avait administré
des décharges électriques et qu'il avait été frappé à coups de crosse et
de pelle. Ses parents ont témoigné qu'ils l'avaient vu le 20 décembre 1993
le visage et les mains fortement tuméfiés. À l'issue de l'examen préliminaire,
le juge a décidé que les aveux avaient été spontanés et les a admis en tant
qu'éléments de preuve. Devant le jury, l'auteur a fait une déposition sous
serment dans laquelle il a de nouveau nié être passé aux aveux.
Teneur de la plainte
3.1 D'après le conseil, condamner l'auteur à la peine de mort constitue
un châtiment cruel et inusité car, en droit saint-vincentais, la peine capitale
est obligatoire en cas de meurtre. Il ajoute qu'il n'existe aucun critère
quant à l'exercice du droit de grâce, et la personne reconnue coupable n'a
pas la possibilité de faire des observations sur toutes informations que
le Gouverneur général peut avoir reçues à cet égard (1). La peine
de mort devrait être réservée aux crimes les plus graves et "le fait
de prononcer indifféremment la même sentence pour toutes les catégories
de meurtre ne satisfait pas au critère de proportionnalité entre les circonstances
du crime effectivement perpétré, la situation de l'auteur et la peine. Cette
sentence devient donc un châtiment cruel et inusité". Elle constituerait
de ce fait une violation de l'article 7 du Pacte.
3.2 Les faits susvisés constitueraient également une violation de l'article
26 du Pacte, puisque le caractère obligatoire de la peine de mort interdit
aux juges d'infliger une peine moins lourde pour tenir compte d'éventuelles
circonstances atténuantes. En outre, la peine étant obligatoire, le caractère
discrétionnaire de l'exercice du droit de grâce va à l'encontre du principe
de l'égalité devant la loi.
3.3 En outre, le caractère obligatoire de la peine de mort violerait les
droits conférés à l'auteur par les paragraphes 1 et 4 de l'article 6.
3.4 De même, le paragraphe 1 de l'article 14 aurait été violé "du fait
que la Constitution de Saint-Vincent n'autorise pas le requérant à faire
valoir que son exécution est anticonstitutionnelle parce qu'inhumaine, dégradante,
cruelle ou inusitée. En outre, elle n'accorde aucun droit à audition ou
jugement quant à la question de savoir si la peine devrait être prononcée
ou exécutée".
3.5 Le conseil indique que les conditions dans lesquelles l'auteur est incarcéré
dans la prison de Kingstown sont assimilables à des violations de l'article
7 et du paragraphe 1 de l'article 10. L'auteur est détenu dans une cellule
de 2,4 m sur 1,8 m; une ampoule reste en permanence allumée, 24 heures sur
24; il n'y a ni meuble, ni literie; les seuls objets personnels dont il
dispose sont une couverture, une tinette et une tasse; la ventilation est
insuffisante puisqu'il n'y a pas de fenêtre; les conditions d'hygiène sont
extrêmement mauvaises; la nourriture est de mauvaise qualité et insipide
– on lui sert du riz tous les jours; il est autorisé à faire de l'exercice
trois fois par semaine pendant une demi-heure dans le dortoir. Les conditions
de détention seraient également contraires au règlement intérieur des prisons
de Saint-Vincent-et-les Grenadines. En outre, la peine infligée à l'auteur
serait aggravée par ces conditions.
3.6 Le conseil fait valoir que la détention dans ces conditions rendrait
illégale l'exécution de l'auteur.
3.7 Le conseil ajoute qu'il y a violation du paragraphe 1 de l'article 14
parce qu'aucune aide juridictionnelle n'est disponible pour déposer les
requêtes constitutionnelles et que l'auteur, qui est indigent, se voit ainsi
dénier le droit de saisir la justice garanti par le paragraphe 1 de l'article
16 de la Constitution.
Demande de mesures provisoires adressée par le Comité
4.1 Le 19 février 1998, la communication a été soumise à l'État partie,
qui a été prié de fournir des informations et de faire connaître ses observations
à la fois sur la recevabilité et sur le fond de la communication, conformément
au paragraphe 2 de l'article 91 du règlement intérieur du Comité. L'État
partie a également été prié, conformément à l'article 86 du règlement intérieur,
de surseoir à l'exécution de l'auteur pendant que l'affaire était examinée
par le Comité.
4.2 Le 16 septembre 1999, le Comité a été informé que l'ordre d'exécution
de l'auteur avait été décerné. Le Comité ayant immédiatement envoyé un message
à l'État partie lui rappelant la demande qu'il lui avait adressée conformément
à l'article 86, ce dernier a informé le Comité qu'il n'avait pas connaissance
de cette demande ni de la communication concernée. À l'issue d'un échange
épistolaire entre le Rapporteur spécial pour les nouvelles communications
et les représentants de l'État partie, et après qu'une requête constitutionnelle
eut été présentée à la Haute Cour de Saint-Vincent-et-les Grenadines, l'État
partie a accepté de surseoir à l'exécution de l'auteur pour permettre au
Comité d'examiner sa communication.
Observations de l'État partie
5.1 Dans une réponse datée du 16 novembre 1999, l'État partie note que
l'auteur a exercé son droit de recours en déposant une requête constitutionnelle,
laquelle a été rejetée par la Haute Cour le 24 septembre 1999. La Cour n'a
pas fait droit aux arguments du conseil selon lesquels l'auteur n'avait
pas bénéficié des garanties judiciaires ni de la protection de la loi, l'exécution
de la peine de mort était anticonstitutionnelle parce que inhumaine ou dégradante,
les conditions de détention de l'auteur étaient assimilables à un traitement
inhumain et dégradant et celui-ci avait le droit bien établi de faire examiner
sa requête par le Comité des droits de l'homme de l'Organisation des Nations
Unies. L'État partie ajoute qu'afin d'accélérer l'examen de la plainte par
le Comité, il ne soulèvera aucune objection quant à la recevabilité de la
communication au motif du non-épuisement des recours internes.
5.2 L'État partie précise que le droit international admet que la peine
de mort puisse avoir un caractère obligatoire. Il explique qu'il est fait
une distinction dans le droit pénal de Saint-Vincent-et-les Grenadines entre
différents types de mise à mort illégale. L'homicide sans préméditation
n'est pas obligatoirement passible de la peine de mort. Ce n'est que pour
le crime de meurtre que la peine de mort est obligatoire. Le meurtre est
le crime le plus grave en droit interne. C'est pourquoi l'État partie affirme
que la peine de mort a été prononcée en l'espèce conformément au paragraphe
2 de l'article 6 du Pacte. Il nie aussi qu'il y ait eu violation de l'article
7 à cet égard, puisque le fait de réserver la peine de mort au crime le
plus grave réprimé par la loi satisfait au principe de proportionnalité
entre les circonstances du crime et la peine. L'État partie rejette de même
l'argument du conseil qui affirme qu'il y a eu discrimination au sens de
l'article 26 du Pacte.
5.3 L'État partie note également que l'auteur a bénéficié d'un procès équitable
et que sa condamnation a été réexaminée et confirmée par la cour d'appel
et le Conseil privé. En conséquence, la peine de mort prononcée ne constitue
pas une privation arbitraire de la vie de l'auteur au sens du paragraphe
1 de l'article 6 du Pacte.
5.4 En ce qui concerne l'allégation de violation du paragraphe 4 de l'article
6 du Pacte, l'État partie note que l'auteur a le droit de solliciter la
grâce ou une commutation de peine et que le Gouverneur général peut exercer
le droit de grâce conformément aux articles 65 et 66 de la Constitution
à la lumière des avis que lui donne le Comité consultatif.
5.5 Pour ce qui est des conditions de détention et du traitement des détenus,
l'État partie note que l'auteur n'a fourni aucun élément pour montrer que
ses conditions de détention pouvaient être assimilées à une torture ou à
un traitement ou un châtiment cruel, inhumain ou dégradant. Il n'est pas
davantage prouvé qu'il ait été traité de façon contraire au paragraphe 1
de l'article 10 du Pacte. Selon l'État partie, les déclarations de caractère
général faites dans la communication ne font apparaître aucune violation
particulière des articles pertinents. En outre, l'État partie note que la
Haute Cour a étudié cette question lorsqu'elle a examiné la requête constitutionnelle,
qu'elle a rejetée. L'État partie se réfère à la jurisprudence constante
du Comité selon laquelle le Comité n'est pas compétent pour apprécier les
faits et les éléments de preuve examinés par un tribunal et conclut que
la plainte de l'auteur devrait être rejetée. L'État partie se réfère en
outre à la jurisprudence du Comité selon laquelle des périodes de détention
prolongée ne peuvent être considérées comme constituant un traitement cruel,
inhumain ou dégradant si la personne reconnue coupable ne fait qu'exercer
ses moyens de recours.
5.6 L'État partie affirme en outre que même s'il y avait eu violation des
droits de l'auteur en ce qui concerne les conditions de détention, cela
ne rendrait pas l'exécution de la peine capitale illégale ni n'entraînerait
une violation des articles 6 et 7 du Pacte. À ce propos, l'État partie fait
référence à la décision du Conseil privé dans l'affaire Thomas and Hilaire
c. Attorney General of Trinidad and Tobago, dans laquelle le Conseil
privé a estimé que même si les conditions de détention constituaient une
violation des droits constitutionnels des auteurs du recours, la commutation
de leur peine ne serait pas la réparation appropriée et que si les conditions
dans lesquelles le condamné avait été détenu avant son exécution enfreignaient
ses droits constitutionnels, cela ne rendait pas anticonstitutionnelle une
sentence légale.
5.7 S'agissant de l'affirmation du conseil selon laquelle le droit de l'auteur
de saisir la Cour constitutionnelle a été violé, l'État partie note que
l'auteur a bien présenté et fait valoir une requête constitutionnelle devant
la Haute Cour, et a été représenté pour ce faire par un défenseur local
expérimenté. Une fois sa requête rejetée, l'auteur a fait une déclaration
d'appel. Le 13 octobre 1999, il s'est désisté. Au cours de ces procédures,
il a de nouveau été représenté par le même défenseur. L'État partie affirme
que cela démontre que l'État ne s'est nullement comporté d'une manière qui
ait eu pour effet concret d'empêcher l'auteur de saisir la justice.
Observations du conseil
6.1 Dans ses observations, le conseil affirme que la condamnation à mort
de l'auteur viole diverses dispositions du Pacte parce que le juge l'a condamné
sans avoir examiné et pris en considération sa personnalité, sa situation
personnelle ou les circonstances du crime. À cet égard, le conseil se réfère
au rapport de la Commission interaméricaine des droits de l'homme dans l'affaire
Hilaire c. Trinité-et-Tobago (2).
6.2 En ce qui concerne le droit de grâce, le conseil affirme que l'État
partie n'a pas tenu compte de ce que le droit de recours en grâce doit être
un droit effectif. En l'espèce, l'auteur ne peut utilement faire entendre
sa cause, ce qui rend son droit de recours en grâce théorique et illusoire.
L'auteur ne peut participer à la procédure, et est simplement informé de
son issue. Selon le conseil, cela signifie que les décisions concernant
la grâce sont prises de façon arbitraire. À ce sujet, le conseil note que
le Comité consultatif n'interroge ni le détenu ni sa famille. En outre,
le condamné n'a aucune possibilité de réagir à des informations susceptibles
d'aggraver son cas dont le Comité consultatif pourrait avoir connaissance.
6.3 En ce qui concerne les conditions de détention, le conseil joint une
déclaration sous serment de l'auteur, datée du 30 décembre 1999. Selon ses
dires, la cellule de la prison de Kingstown dans laquelle il a été détenu
du 21 juin 1995 au 10 septembre 1999 mesurait 2,4 m sur 1,8 m, et les seuls
articles qui lui avaient été fournis dans sa cellule étaient une couverture,
un tinette, un petit récipient à eau et une bible. Il dormait à même le
sol. Il n'y avait dans la cellule pas de lumière électrique mais dans le
couloir, une ampoule était allumée jour et nuit. Il ne pouvait pas lire
parce que l'éclairage était insuffisant. Il était autorisé à faire de l'exercice
au moins trois fois par semaine dans le couloir adjacent à sa cellule. Il
ne pouvait pas prendre l'air et ne voyait jamais la lumière du jour. Des
surveillants étaient présents en permanence. La nourriture avait mauvais
goût et était peu variée (principalement du riz). Au cours d'un incendie
provoqué le 29 juillet 1999 par une mutinerie, il était enfermé dans sa
cellule et n'avait eu la vie sauve que parce que d'autres prisonniers avaient
enfoncé le toit. Il n'est autorisé à porter que les tenues pénitentiaires
qui lui arrachent la peau. Le 10 septembre 1999, il a été placé dans une
cellule de Fort Charlotte, une prison datant du XVIIIe siècle. Dans la cellule
où il se trouve désormais, l'atmosphère est moite et le sol est humide.
Il a un petit matelas. La cellule est sombre de nuit comme de jour, car
la lumière de l'ampoule électrique du couloir n'y pénètre pas. Il fait de
l'exercice tous les jours, mais à l'intérieur du bâtiment, et ne va jamais
à l'air libre. En raison de l'humidité, ses jambes ont commencé à enfler,
ce qu'il a signalé aux autorités qui l'ont emmené à l'hôpital pour des examens
le 29 décembre 1999. Il ajoute qu'il devait être pendu le 13 septembre 1999,
qu'il a été conduit à la potence et que son avocat n'a réussi à obtenir
un sursis à exécution que 15 minutes avant l'heure prévue. Il déclare qu'il
en a été traumatisé et a perdu tous ses repères.
6.4 En ce qui concerne le droit de saisir la justice, le conseil estime
que le fait que l'auteur ait eu la chance de le convaincre de le représenter
gratuitement dans sa récente affaire constitutionnelle ne dispense pas l'État
partie de son obligation de fournir une aide juridictionnelle s'agissant
des requêtes constitutionnelles.
Considérations relatives à la recevabilité
7.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable au titre du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte.
7.2 Le Comité note qu'il ressort des faits dont il est saisi que l'auteur
a déposé une requête constitutionnelle devant la Haute Cour de Saint-Vincent-et-les
Grenadines. Le Comité considère donc que le conseil n'a pas étayé, aux fins
de la recevabilité, son affirmation selon laquelle, en contravention du
paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte, l'État partie a dénié à l'auteur
le droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal.
7.3 Le Comité considère que l'auteur a suffisamment montré, aux fins de
la recevabilité, que ses autres plaintes pouvaient soulever des questions
au titre des articles 6, 7, 10 et 26 du Pacte et procède donc sans plus
tarder à leur examen quant au fond.
Examen au fond
8.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication
en tenant compte de tous les renseignements communiqués par écrit par les
parties conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.
8.2 Le conseil a affirmé que le caractère obligatoire de la sentence de
mort et son application dans le cas de l'auteur constituaient une violation
du paragraphe 1 de l'article 6, de l'article 7 et de l'article 26 du Pacte.
L'État partie a répondu que la sentence de mort n'était obligatoire que
pour le meurtre, qui est le crime le plus grave réprimé par la loi, et que
cela impliquait qu'il s'agissait d'une sentence proportionnée à l'infraction.
Le Comité note que l'imposition obligatoire de la peine de mort en vertu
de la législation de l'État partie repose exclusivement sur la catégorie
de crime dont le défendeur est reconnu coupable, sans considération de la
situation personnelle de celui-ci ou des circonstances du délit commis.
La peine de mort est obligatoire dans tous les cas de "meurtre"
(actes de violence intentionnels ayant entraîné la mort de la victime).
Le Comité considère qu'un tel système d'imposition obligatoire de la peine
de mort prive l'individu de son droit le plus fondamental, le droit à la
vie, sans considérer si cette forme exceptionnelle de châtiment est appropriée
dans les circonstances particulières à l'affaire. L'existence du droit de
demander la grâce ou la commutation de la peine tel qu'il est prévu au paragraphe
4 de l'article 6 du Pacte ne garantit pas une protection appropriée du droit
à la vie car l'application de ces mesures discrétionnaires par le pouvoir
exécutif est sujette à une grande diversité d'autres considérations, sans
rapport avec l'examen judiciaire approprié de tous les aspects d'une affaire
pénale. Le Comité estime que l'exécution de la sentence de mort dans le
cas de l'auteur constituerait pour ce dernier une privation arbitraire de
la vie, en violation du paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte.
8.3 Le Comité estime que les arguments du conseil concernant le caractère
obligatoire de la peine de mort, fondés sur les articles 6, paragraphe 2,
7, 14, paragraphe 5, et 26 du Pacte, ne soulèvent pas de questions qui seraient
distinctes de la constatation ci-dessus concluant à une violation du paragraphe
1 de l'article 6.
8.4 L'auteur a affirmé que ses conditions de détention étaient contraires
à l'article 7 et au paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte, et l'État partie
a rejeté cette affirmation en termes généraux, renvoyant au jugement de
la Haute Cour qui avait rejeté la requête de l'auteur. Le Comité estime
que bien qu'il appartienne en principe aux juridictions internes de l'État
partie d'apprécier les faits et les éléments de preuve dans toute affaire
spécifique, il se doit d'examiner la question de savoir si les faits, tels
qu'ils ont été établis par le tribunal, constituent ou non une violation
du Pacte. À ce sujet, le Comité note que l'auteur a affirmé devant la Haute
Cour qu'il était confiné dans une petite cellule, qu'on ne lui avait donné
qu'une couverture et une tinette, qu'il dormait à même le sol, qu'une ampoule
électrique restait allumée jour et nuit et qu'il n'était autorisé à sortir
de sa cellule pour aller dans la cour qu'une heure par jour. De plus il
ne recevait pas la lumière du jour et était actuellement détenu dans une
cellule humide et obscure. L'État partie n'a pas contesté ces affirmations.
Le Comité estime que les conditions dans lesquelles l'auteur est incarcéré
constituent une violation du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. Dans
la mesure où l'auteur fait valoir que le fait qu'il ait été conduit à la
potence après que l'ordre d'exécution eut été décerné et n'ait été ramené
dans sa cellule que 15 minutes avant l'heure prévue pour l'exécution constitue
un traitement cruel, inhumain ou dégradant, le Comité note que rien dans
les pièces dont il est saisi n'indique que l'auteur n'a pas été éloigné
du lieu de l'exécution dès que le sursis à exécution a été accordé. Le Comité
estime donc que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître une violation
de l'article 7 du Pacte à cet égard.
9. Le Comité des droits de l'homme, agissant conformément au paragraphe
4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, considère que les faits qui lui
sont soumis font apparaître une violation du paragraphe 1 de l'article 6
et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte.
10. Conformément au paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie
a l'obligation d'assurer à M. Thompson un recours utile et approprié, y
compris sous la forme d'une commutation de peine. L'État partie est tenu
de prendre des mesures pour éviter que des violations analogues ne se reproduisent
à l'avenir.
11. Étant donné qu'en adhérant au Protocole facultatif, l'État partie a
reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s'il y avait eu ou
non violation du Pacte et que, conformément à l'article 2 du Pacte, il s'est
engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et
relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer
un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation a été établie, le Comité
souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements
sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L'État partie
est également prié de publier les constatations du Comité.
_____________
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la
communication : M. Abdelfattah Amor, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati,
Mme Christine Chanet, Lord Colville, Mme Elizabeth Evatt, Mme Pilar Gaitan
de Pombo, M. Louis Henkin, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, M. Rajsoomer
Lallah, Mme Cecilia Medina Quiroga, M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari
Yrigoyen, M. Roman Wieruszewski, M. Maxwell Yalden et M. Abdallah Zakhia.
Le texte de deux opinions individuelles signées par cinq membres du Comité
est joint au présent document. [à venir....]. La version PDF ci-dessous
contient le texte français de ces opinions:
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
présenté par le Comité de l'Assemblée générale.]
Notes
1. En vertu de l'article 65 de la Constitution, le Gouverneur général peut
exercer le droit de grâce en s'en rapportant à l'avis du ministre exerçant
les fonctions de président du Comité consultatif sur l'exercice du droit de
grâce. Le Comité consultatif est composé du Président (l'un des ministres
siégeant au Cabinet), du Procureur général et de trois à quatre autres membres
nommés par le Gouverneur général sur proposition du Premier Ministre. L'un
au moins de ces trois ou quatre derniers membres doit être un ministre et
un autre doit être un médecin agréé. Avant de prendre une décision sur l'exercice
du droit de grâce dans toute affaire de condamnation à mort, le Comité doit
se procurer auprès du juge de jugement (ou, si cela n'est pas possible, auprès
du Président de la Cour) un compte rendu d'audience, assorti de toutes autres
informations tirées du dossier ou d'autre provenance qu'il lui est loisible
de demander.
2. Rapport No 66/99 de la Commission (affaire No 11 816), approuvé par
la Commission le 21 avril 1999, non rendu public.