Comité des droits de l'homme
Soixante-huitième session
13 - 31 mars 2000
Annexe
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Soixante-huitième session -
Communication No 807/1998
Présentée par : M. Ota Koutny
Au nom de : L'auteur et son frère Antonin
État partie : République tchèque
Date de la communication : 24 janvier 1997 (date de la présentation
initiale)
Le Comité des droits de l'homme, établi en vertu de l'article 28
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 20 mars 2000
Adopte la décision suivante :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est Ota Koutny, de nationalité tchèque, résidant
actuellement à Vienne (Autriche). ll présente la communication en son nom
personnel et au nom de son frère, Antonin Koutny. Ils se déclarent victimes
l'un et l'autre d'une violation par la République tchèque de l'article 26
du Pacte.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'oncle et la tante de l'auteur, tous les deux de nationalité tchèque,
étaient copropriétaires à Prague d'une maison qu'ils avaient achetée en
1935. Après la Seconde Guerre mondiale, les biens de la tante avaient été
confisqués en application du décret Benes No 108/1945 et elle avait été
déchue de sa nationalité tchèque pour ses activités hostiles présumées contre
la Tchécoslovaquie. Or, le 5 mars 1947, elle avait été acquittée des charges
par le tribunal populaire extraordinaire et sa nationalité lui avait été
restituée. Toutefois par une décision du 11 janvier 1951, le Conseil national
de district avait confirmé la confiscation de ses biens en application du
décret Benes No 108/1945. La tante est morte en 1975 et la mère de l'auteur
était la seule héritière. Le 2 septembre 1991, la mère de l'auteur a engagé
une action en restitution auprès du Tribunal de district de Prague. À sa
mort, le 15 avril 1992, l'auteur et son frère ont repris l'action en leur
qualité d'héritiers. Toutefois, le 12 septembre 1995, le Tribunal a rejeté
leur demande en faisant valoir que la confiscation avait eu lieu avant le
25 février 1948, date à laquelle commence la période d'application de la
loi No 87/1991 relative à la restitution des biens. Il semble que le Tribunal
ait considéré que le décret du 11 janvier 1951 n'était pas une nouvelle
décision mais constituait une confirmation de la décision prise en 1945
en vertu du décret Benes. L'auteur a fait appel de cette décision et a été
débouté le 16 février 1996; la Cour constitutionnelle a rejeté un nouveau
pourvoi le 24 septembre 1996.
2.2 Il ressort de la communication que la demande de restitution présentée
par l'auteur porte également sur la part des biens que son oncle détenait.
L'auteur affirme que ces biens ont été confisqués après la Seconde Guerre
mondiale mais sans préciser de date. Son oncle est mort en 1961 et sa tante
était la seule héritière.
Teneur de la plainte
3. L'auteur fait valoir que le Tribunal n'a pas pris en considération le
décret du 11 janvier 1951, qui fait que la confiscation entre dans le champ
d'application de la loi relative à la restitution des biens. D'après lui,
la décision de 1951 du Conseil national de district était de toute évidence
un acte de persécution politique puisque sa tante avait été acquittée du
chef d'activités hostiles. L'auteur se considère victime de discrimination
parce qu'il n'a pas obtenu la restitution des biens alors que toutes les
conditions prescrites dans la loi relative à la restitution étaient réunies.
Il émet l'idée à ce sujet que la discrimination avait peut-être un rapport
avec ses opinions politiques étant donné qu'il a quitté la Tchécoslovaquie
en 1970 pour raisons politiques.
Observations de l'État partie concernant la recevabilité
4.1 L'État partie fait valoir que la communication doit être déclarée irrecevable
pour non-épuisement des recours internes. Il indique que la Cour constitutionnelle
a rejeté la demande de l'auteur parce qu'il n'avait pas fourni le complément
d'information qu'elle lui demandait. D'après l'État partie, en vertu de
l'article 72 de la loi portant organisation de la Cour constitutionnelle,
elle lui avait demandé de préciser quels étaient les droits énoncés dans
les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme couverts par
l'article 10 de la Constitution qu'il voulait invoquer. Ni l'auteur ni son
avocat n'ayant donné les renseignements demandés, la Cour a décidé de ne
pas entendre l'affaire et a rejeté la plainte. L'État partie note que la
Cour n'a jamais débouté l'auteur sur le fond et ajoute qu'il peut former
un nouveau pourvoi.
4.2 L'État partie fait valoir en outre que le Pacte ne garantit pas le droit
à la propriété et que la communication est par conséquent irrecevable ratione
materiae. Dans ce contexte, il note que l'auteur n'a fait état d'aucune
violation du droit à un procès équitable et n'a pas donné d'exemples de
mesure discriminatoire qui aurait été prise à son égard.
4.3 L'État partie objecte enfin que la communication est irrecevable ratione
temporis étant donné que la confiscation que l'auteur estime discriminatoire
s'est produite avant l'entrée en vigueur du Pacte.
Commentaires de l'auteur sur les observations de l'État partie
5.1 Dans sa réponse, l'auteur maintient qu'il a épuisé tous les recours
internes disponibles. Il affirme n'avoir jamais été informé d'une faille
possible dans la demande qu'il avait déposée à la Cour constitutionnelle.
5.2 L'auteur soutient que sa communication est recevable ratione materiae
étant donné qu'il est victime de discrimination, en violation de l'article
26 du Pacte.
5.3 Pour ce qui est de l'argument de l'État partie qui conteste la recevabilité
ratione temporis de la communication, l'auteur objecte qu'il a été
victime d'une atteinte à ses droits du fait des décisions prises par la
Cour les 12 septembre 1995, 16 février 1996 et 24 septembre 1996, soit après
l'entrée en vigueur du Pacte pour la République tchèque.
Délibérations du Comité
6.1 Afin d'examiner une plainte soumise dans une recommandation, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité a pris note des objections de l'État partie concernant la
recevabilité et de commentaires de l'auteur à ce sujet. Pour ce qui est
de l'allégation de l'auteur qui affirme que le décret du 11 janvier 1951
était discriminatoire, le Comité considère qu'elle ne relève pas de sa compétence
ratione temporis et qu'elle est donc irrecevable en vertu de l'article
premier du Protocole facultatif.
6.3 L'État partie fait valoir que la communication est irrecevable pour
non-épuisement des recours internes puisqu'il y a un vice dans l'appel déposé
par l'auteur auprès de la Cour constitutionnelle. L'auteur conteste cet
argument mais le Comité note que d'après le texte de la décision de la Cour
en date du 24 septembre 1996 l'auteur a été informé du vice que comporte
son appel et qu'il a eu la possibilité de le corriger, ce qu'il n'a pas
fait. Dans ces conditions, le Comité conclut que la communication est irrecevable
en vertu de l'alinéa b) du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif
pour non-épuisement des recours internes.
7. En conséquence, le Comité décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article premier et
de l'alinéa b) du paragraphe 2 de l'article 5 du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et à l'auteur
de la communication.
_______________
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la
communication : M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra
Natwarlal Bhagwati, Mme Christine Chanet, Lord Colville, Mme Elizabeth Evatt,
Mme Pilar Gaitán de Pombo, M. Louis Henkin, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer,
M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Roman Wieruszewski,
M. Maxwell Yalden et M. Abdallah Zakhia.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. À paraître
par la suite en arabe, chinois et russe dans le rapport annuel du Comité
à l'Assemblée générale.]