Comité des droits de l'homme
Soixante-dixième session
16 octobre - 3 novembre 2000
Annexe
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Soixante-dixième session -
Communication No. 808/1998
Présentée par : M. Georg Rogl (représenté par M. Georg Rixe)
Au nom de : L'auteur
État partie : Allemagne
Date de la communication : 29 octobre 1997 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 25 octobre 2000,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1.1 L'auteur de la communication est M. Georg Rogl, citoyen allemand né le
30 mai 1950. Il présente la communication en son nom propre et au nom de sa
fille Nicole, également de nationalité allemande, née le 7 avril 1985. Il
est représenté par son conseil, M. Georg Rixe. Il affirme que sa fille et
lui sont victimes de violations par l'État partie des articles 14 (par. 1),
17 ( par. 1 et 2), 23 (par. 1 et 4) et 24 (par. 1 et 2) du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques.
1.2 Le Pacte est entré en vigueur pour l'État partie le 17 mars 1974 et
le Protocole facultatif le 25 novembre 1993. En adhérant au Protocole facultatif
l'État partie a formulé une réserve à cet instrument libellée comme suit
: "La République fédérale d'Allemagne formule, à l'égard du paragraphe
2 a) de l'article 5, une réserve aux termes de laquelle le Comité n'aura
pas compétence pour les communications a) qui ont déjà été examinées par
une autre instance internationale d'enquête ou de règlement; b) dénonçant
une violation des droits qui a son origine dans des événements antérieurs
à l'entrée en vigueur du Protocole facultatif pour la République fédérale
d'Allemagne; c) dénonçant une violation de l'article 26 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques dans la mesure où la violation dénoncée
se réfère à des droits autres que ceux garantis dans le Pacte susmentionné".
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Après avoir divorcé d'avec l'auteur, son ex-femme s'est remariée le
15 décembre 1989. Elle avait auparavant reçu la garde de sa fille née du
mariage avec l'auteur et qui est au centre de la présente communication.
Dans une requête datée du 16 septembre 1991, adressée à l'administration
du district municipal de Cham, l'ex-femme de l'auteur a demandé que le patronyme
de sa fille soit modifié pour qu'elle porte le nouveau nom de sa mère. Il
a été fait droit à cette demande le 9 mars 1992.
2.2 Le recours administratif de l'auteur auprès du Gouvernement du district
du Haut-Palatinat a été rejeté le 23 juillet 1992. Le tribunal administratif
de Regensburg, la cour d'appel administrative de la Bavière et le tribunal
administratif fédéral ont rejeté d'autres appels formés par l'auteur, le
7 décembre 1992, le 30 novembre 1992 et le 27 juin 1994, respectivement.
L'auteur a ensuite introduit un recours auprès de la Cour constitutionnelle
fédérale, qui l'a déclaré irrecevable le 9 décembre 1994.
2.3 Après avoir épuisé les voies de recours internes, l'auteur a introduit
une requête concernant les mêmes faits et éléments auprès de la Commission
européenne des droits de l'homme, le 26 mai 1995. Cette requête a été enregistrée
le 25 août 1995, sous le numéro 28319/95. La Commission plénière a estimé
par une décision prise à la majorité, le 20 mai 1996, qu'elle était "manifestement
infondée", et par conséquent irrecevable.
2.4 La présente communication a été transmise à l'État partie le 26 février
1998. Les observations de l'État partie concernant sa recevabilité ont été
reçues le 24 avril 1998, et les commentaires du conseil à ce sujet le 3
août 1998. Le 7 juin 2000, le conseil a présenté d'autres commentaires,
auxquels l'État partie a répondu le 26 septembre 2000.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur fait valoir que le fait d'avoir donné officiellement à sa
fille, qui portait auparavant son nom, le nouveau nom de son ex-femme, que
chaque degré de juridiction de l'État partie a confirmé cette décision et
qu'il y a eu divers vices de procédure (y compris le fait qu'une des juridictions
n'a pas rendu son jugement en public) constitue une violation des droits
de l'auteur et de sa fille reconnus aux articles 14 (par. 1), 17 (par. 1
et 2), 23 (par. 1 et 4), 24 (par. 1 et 2).
Renseignements et observations communiqués par le conseil au sujet
de la recevabilité de la communication
4.1 La communication initiale de l'auteur revient longuement sur les faits
et présente des arguments sur le fond; elle fait en outre valoir une série
d'arguments quant à la recevabilité de la cause. L'auteur soutient en premier
lieu que sa communication n'est pas visée par l'alinéa a) de la réserve
formulée, lors de son adhésion, par l'État partie à l'égard du paragraphe
2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, aux termes duquel le Comité
n'a pas compétence pour connaître des communications qui ont déjà été examinées
par une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.
4.2 L'auteur avance deux arguments en ce qui concerne cette réserve. Il
invoque d'abord la décision du Comité dans l'affaire Casanovas c.
France(1); dans cette décision le Comité avait estimé
qu'une demande déclarée irrecevable ratione materiae par la Commission
européenne des droits de l'homme n'avait pas été "examinée" d'une
façon qui excluait, en vertu d'une réserve formulée en des termes à peu
près similaires par cet État partie, que le Comité l'examine à son tour.
Pour ce qui est de la plainte déposée au nom de l'enfant, l'auteur fait
valoir que, étant donné que la Commission européenne avait rejeté sa prétention
préliminaire à introduire une requête au nom de sa fille, il ne peut être
affirmé que cette partie de la communication a déjà été examinée. L'examen
de la cause du père n'exclut pas non plus, du seul fait de la réserve, l'examen
distinct de celle de la fille, puisque les demandeurs ont des griefs différents.
4.3 Le deuxième argument de l'auteur est que le paragraphe b) de la réserve
de l'État partie n'empêche nullement le Comité d'avoir compétence pour examiner
la communication. L'auteur soutient que la procédure judiciaire ordinaire
n'a pris fin qu'avec la notification de la décision de la Cour administrative
fédérale, le 8 juillet 1994, et que c'est seulement alors que le changement
de patronyme a légalement pris effet. À cette date, le Protocole facultatif
était déjà en vigueur pour l'État partie. En outre, la décision du 9 décembre
1994 de la Cour constitutionnelle fédérale, à savoir le rejet de la requête
en inconstitutionnalité, constituait une violation supplémentaire du Pacte.
4.4 Deuxièmement, l'auteur fait valoir qu'en tout état de cause le principe
des "effets persistants", selon lequel des violations du Pacte
antérieures à l'entrée en vigueur du Protocole facultatif peuvent être examinées
par le Comité si elles ont des effets persistants qui sont ressentis par
les victimes présumées, s'applique en l'espèce. Le lien affectif entre père
et fille est continuellement affaibli tant que le changement de patronyme
reste effectif. L'auteur renvoie à ce propos aux constatations formulées
par le Comité dans les affaires E. et A. K. c. Hongrie (2)
et Simunek c. Tchécoslovaquie(3), confirmées par
son observation générale No 24 datée du 11 novembre 1994. L'auteur soutient
qu'interpréter la réserve de l'État partie comme excluant de la compétence
du Comité les violations produisant des effets persistants serait contraire
à l'esprit et à la raison d'être du Protocole facultatif.
4.5 Troisièmement, l'auteur considère que la communication sur le nom et
au nom de sa fille n'est pas irrecevable ratione personae du seul
fait qu'il n'a pas la garde de l'enfant. Il rappelle que, dans l'affaire
P. S. c. Danemark (4), le Comité a estimé qu'un parent
pouvait lui adresser une communication au nom d'un enfant dont il n'avait
pas la garde. Il fait valoir que sa fille ne peut manifestement pas présenter
de communication et que les intérêts de la mère ne l'incitent certainement
pas à faire cette démarche. Il estime donc que la relation de père à fille
est suffisante pour qu'il puisse prétendre à présenter la communication
au nom de sa fille.
Renseignements et observations communiqués par l'État partie au sujet
de la recevabilité de la communication
5.1 Le premier argument de l'État partie concernant la recevabilité est
que le Comité n'a pas compétence pour examiner la communication, et ceci
en raison de l'alinéa a) de sa réserve. L'État partie affirme que la communication
a déjà été "examinée" au sens de sa réserve le 20 mai 1996, lorsque
la Commission européenne des droits de l'homme a déclaré que la requête
introduite par l'auteur le 26 mai 1995 était irrecevable. L'État partie
estime à ce propos que c'est à tort que l'irrecevabilité constatée par la
Commission dans sa décision est qualifiée de ratione materiae. Alors
que dans l'affaire Casanovas, la Commission avait déclaré la plainte
irrecevable au motif que les droits reconnus par la Convention ne couvraient
pas les faits incriminés, elle a au contraire estimé dans l'affaire Rogl
que les dispositions de la Convention européenne prétendument violées
étaient applicables en l'espèce.
5.2 Pour ce qui est de l'article 8 de la Convention, qui correspond en
gros à l'article 17 du Pacte, la Commission européenne des droits de l'homme
a retenu non seulement l'applicabilité, mais aussi l'ingérence dans le droit
au respect de la vie privée et familiale, avant de conclure que cette ingérence
était justifiée en l'espèce. L'État partie fait valoir que les dispositions
de la Convention européenne prétendument violées sont pour l'essentiel identiques
à celles du Pacte maintenant invoquées par l'auteur. La Commission a procédé
à un examen complet, détaillé et approfondi de toutes les circonstances
de l'affaire avant d'aboutir à la conclusion que la cause était manifestement
infondée.
5.3 L'État partie fait observer que l'une des principales raisons d'être
de l'alinéa a) de sa réserve est d'éviter la multiplication des procédures
d'examen devant les instances internationales, avec les risques de décisions
contradictoires que cela implique. Par ailleurs, dans l'intérêt du bon fonctionnement
des organes internationaux des droits de l'homme, il convient d'éviter que
des demandeurs puissent "faire la tournée des procédures", notamment
lorsque les faits ont déjà été examinés en détail par une instance internationale;
ce qui est le cas en l'espèce.
5.4 Cette démarche consistant à éviter que les différents organes internationaux
des droits de l'homme ne soient saisis tour à tour de demandes identiques
n'est pas particulièrement restrictive, et elle semble même devenir la norme
dans les accords internationaux. L'État partie cite des dispositions à cet
effet à peu près identiques contenues dans la Convention contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants et dans
le projet de Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes
les formes de discrimination à l'égard des femmes.
5.5 À propos des arguments du conseil quant à l'irrecevabilité ratione
temporis, l'État partie soutient que l'événement décisif en la matière
est la réponse favorable donnée le 9 mars 1992 par l'administration du district
municipal de Cham à la demande de changement de patronyme, et la confirmation
de ce changement par le Gouvernement du district du Haut-Palatinat le 23
juillet 1992. Ces deux dates sont antérieures à l'entrée en vigueur du Protocole
facultatif pour l'État partie. L'État partie fait remarquer qu'en droit
administratif allemand ce dernier acte administratif, à savoir l'avis de
confirmation du 23 juillet 1992, peut faire l'objet d'un contrôle juridictionnel.
5.6 Les considérations qui précèdent sont conformes à la fois à la formulation
et à l'intention de la réserve de l'État partie, qui exclut de la compétence
du Comité les violations "qui ont leur origine dans des événements"
antérieurs à l'entrée en vigueur du Protocole facultatif, outre les violations
qui se seraient produites avant cette entrée en vigueur. L'État partie cite
à ce propos les constatations formulées par le Comité dans l'affaire K.
et C. V. c. Allemagne (5),qui vont dans le même
sens.
5.7 L'État partie soutient en outre que pour ce qui concerne la fille de
l'auteur, la communication est irrecevable à double titre. Premièrement,
elle est irrecevable ratione personae, ainsi qu'en a décidé la Commission
européenne des droits de l'homme, du fait qu'un parent n'ayant pas la garde
d'un enfant n'a pas qualité pour engager cette procédure en son nom. L'État
partie constate que le Comité ne semble pas appliquer des critères différents
de ceux de la Commission dans ce domaine. Il soutient que la reconnaissance
de la qualité pour agir dans la présente affaire reviendrait à faire fi
de la volonté du parent ayant la garde de l'enfant. Il estime par ailleurs
que les recours internes n'ont pas été épuisés étant donné que les tribunaux
de l'État partie n'ont à aucun moment été saisis de la question de la violation
des droits de l'enfant, par opposition à ceux du père. Pour que tel ait
été le cas, il aurait fallu que l'enfant elle-même engage une procédure,
ce qui pour des raisons évidentes ne s'est pas produit.
Réponse du conseil concernant les renseignements et observations présentés
par l'État partie au sujet de la recevabilité de la communication
6.1 L'auteur, dans sa lettre du 3 août 1998, conteste les observations
de l'État partie relatives à la recevabilité.
6.2 Pour ce qui est de l'affirmation selon laquelle la communication a
déjà été examinée par un autre organe, l'auteur préconise une interprétation
restrictive de la réserve de l'État partie en faisant observer que la décision
de la Commission européenne des droits de l'homme ne portait que sur la
question de la recevabilité et non sur le fond. Invoquant une observation
d'ordre général du Comité qui, à l'occasion de l'examen de la communication
Casanovas c. France, a estimé que les droits énoncés dans
la Convention européenne des droits de l'homme "diffèrent sur le fond"
de ceux proclamés par le Pacte, l'auteur conteste l'affirmation selon laquelle
les deux ensembles de droits invoqués dans le cas d'espèce seraient "pour
l'essentiel identiques". Il fait observer que les articles 23 et 24
qu'il invoque offrent des garanties qui n'ont pas d'équivalent dans la Convention
européenne des droits de l'homme. Quant à l'article 17, il affirme que l'article
8 équivalent de la Convention européenne est formulé en des termes relativement
restrictifs. En outre, en ce qui concerne l'affirmation selon laquelle le
fait qu'une décision de juridiction d'appel n'a pas été rendue publiquement
constitue une violation du paragraphe 1 de l'article 14, il n'est pas possible
de dire qu'un "examen" de cet aspect a eu lieu puisque la Commission
européenne a estimé que les recours internes n'avaient pas été épuisés.
6.3 S'agissant du motif d'irrecevabilité avancé par l'État partie (ratione
temporis), l'auteur soutient de nouveau que la date de la violation
doit être celle de la notification légale du 8 juillet 1994 confirmant le
changement de nom suite à l'ordonnance du tribunal administratif fédéral
du 27 juin 1994 refusant l'autorisation de faire appel. Par conséquent,
la violation n'est pas concernée par la clause d'exclusion pour ratione
temporis énoncée dans le deuxième alinéa de la réserve de l'État
partie car ce n'est qu'à cette date que le changement de nom a pris effet.
6.4 En tout état de cause, la décision du tribunal administratif fédéral
puis celle de la Cour constitutionnelle fédérale ont constitué de nouvelles
violations du Pacte car elles ont confirmé la violation initiale. L'auteur
estime aussi que ces confirmations de la violation initiale présumée ont
eu un effet persistant qui relève de la compétence du Comité. Le changement
de nom a lui aussi des effets persistants et aura des effets futurs sur
l'auteur et sa fille. L'auteur fait valoir que l'existence de ces effets
persistants n'est pas contestée par l'État partie. Il affirme que cette
partie de la réserve de l'État partie est incompatible avec les buts du
Protocole facultatif.
6.5 Enfin, citant les constatations formulées par le Comité lors de l'examen
des communications P. S. c. Danemark(6) et
Santacana c. Espagne (7), l'auteur fait valoir qu'il peut
présenter une communication au nom de sa fille. À cet égard tout au moins,
le Comité a une vision des choses plus large que la Commission européenne
des droits de l'homme. S'agissant de l'épuisement des recours internes,
l'auteur affirme que les tribunaux internes ont effectivement pris en considération
les droits et les intérêts de l'enfant et que cette dernière a été partie
à la procédure judiciaire par le biais de sa mère. Il n'est pas nécessaire
que l'enfant ait engagé elle-même une action en justice.
Renseignements et observations supplémentaires concernant la recevabilité
7. Par une nouvelle lettre datée du 7 juin 2000, l'auteur présente des
observations supplémentaires concernant les motifs d'irrecevabilité pour
ratione temporis. Il fait valoir que dans le droit interne, le moment
déterminant est celui où la procédure orale a eu lieu devant la dernière
juridiction d'appel, moment où les autorités ont indiqué que leur décision
ne pourrait prendre effet qu'à la condition de ne plus être juridiquement
contestable. L'État partie fait observer dans une communication en date
du 26 septembre 2000 que rien ne laisse penser dans le cas d'espèce que
la décision initiale comportait une telle condition et affirme, par conséquent,
que la règle générale de droit administratif qu'il avait invoquée initialement
reste applicable, à savoir que la date de la décision administrative initiale
était la date déterminante.
Arguments de l'auteur sur le fond
8.1 L'auteur fait des observations détaillées sur les violations présumées
de ses droits reconnus aux articles 14, 17 et 23 sur lesquels il n'est pas
nécessaire, pour des motifs ayant trait à la recevabilité exposés ci-après,
de s'appesantir. En ce qui concerne les violations présumées des droits
de la fille, l'auteur affirme, dans l'optique des articles 17 et 23, que
le changement de patronyme a perturbé la vie familiale de cette dernière
et a porté atteinte à son lien avec son père et qu'il n'a pas été démontré
que ce changement était nécessaire et conforme à l'intérêt supérieur de
l'enfant.
8.2 À propos des droits que confèrent à la fille les articles 14 et 24,
l'auteur affirme qu'à aucun moment de la procédure cette dernière n'a été
entendue par les tribunaux sur une question qui revêtait pour elle un intérêt
manifeste et qu'elle n'a pas non plus bénéficié d'une représentation indépendante
devant les tribunaux, alors que sa mère, en sa qualité de parent légalement
investi de la garde de l'enfant, avait ses propres intérêts distincts dans
l'affaire. Il est donc affirmé que les droits de la fille à une procédure
équitable et à une protection spéciale en tant qu'enfant ont été violés
par ces lacunes dans la procédure. À cet égard, l'auteur renvoie aux constatations
du Comité dans l'affaire Gallicchio c. Argentine(8),
à l'effet que l'article 24 avait été violé car l'enfant n'avait pas été
dûment représenté dans une procédure judiciaire qui le concernait.
Délibérations du Comité
9.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte.
9.2 En ce qui concerne les allégations de l'auteur selon lesquelles ses
propres droits reconnus aux articles 14, 17 et 23 du Pacte ont été violés,
le Comité note que la Commission européenne des droits de l'homme a rejeté,
le 20 mai 1996, le recours de l'auteur concernant les mêmes faits et points
litigieux dont le Comité est à présent saisi. Le Comité rappelle, en outre,
qu'au moment de son adhésion au Protocole facultatif, l'État partie a formulé
une réserve à propos du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif
à l'effet d'indiquer que le Comité ne serait pas compétent pour examiner
des communications qui auront déjà été examinées par une autre instance
internationale d'enquête ou de règlement.
9.3 Le Comité note que la Commission européenne des droits de l'homme a
considéré que les dispositions de la Convention européenne qui avaient été
violées selon l'auteur étaient applicables et a examiné tous les points
de fait et de droit qui se posaient dans le cas d'espèce. Ayant examiné
de façon approfondie et exhaustive l'ensemble des aspects de la question,
la Commission a estimé en définitive que l'ingérence dans le droit de l'auteur
au respect de la vie familiale était justifiée et a déclaré en conséquence
que la plainte de ce dernier était irrecevable car manifestement infondée.
En ce qui concerne le caractère prétendument non régulier des procédures,
la Commission a estimé que, hormis la violation alléguée au motif que la
cour d'appel administrative de la Bavière avait omis de rendre publiquement
sa décision, il n'y avait aucune raison de conclure que les procédures avaient
été dans l'ensemble entachées d'irrégularités.
9.4 En ce qui concerne l'argument de l'auteur selon lequel les dispositions
de la Convention européenne sont différentes de celles du Pacte invoquées
dans le cas d'espèce, le fait qu'il existe des différences de formulation
entre les dispositions n'est pas suffisant à lui seul pour permettre de
conclure qu'une question qui est soulevée au titre d'un droit protégé par
la Convention n'a pas été "examinée" par la Commission européenne
des droits de l'homme. La preuve d'une différence substantielle entre les
dispositions applicables dans le cas d'espèce doit être apportée. Dans l'affaire
en cause, les dispositions des articles 6, 8 et 14 de la Convention européenne
telles qu'elles ont été interprétées par la Commission sont suffisamment
proches des dispositions des articles 14 et 17 du Pacte invoquées dans la
communication à l'examen pour que l'on considère que les questions pertinentes
ont été "examinées". Cette conclusion n'est pas modifiée par l'invocation
de l'article 23 du Pacte devant le Comité car toutes les questions relevant
de cet article ont été traitées en substance dans la décision susmentionnée
de la Commission.
9.5 Il existe donc une différence entre la communication à l'examen et
la communication Casanovas c. France (9) sur laquelle
l'auteur fonde une bonne part de ses arguments car dans le cas de celle-ci,
la Commission n'avait même pas considéré que les dispositions de la Convention
européenne s'appliquaient aux faits de la cause. Il s'ensuit que la présente
communication a été "examinée" par une autre instance internationale
pour ce qui est du droit au respect de la vie familiale et du droit à un
procès équitable (exception faite de l'allégation concernant le caractère
non public d'une décision de justice). En conséquence, l'alinéa a) de la
réserve de l'État partie concernant le Protocole facultatif est applicable
et le Comité ne peut pas examiner ces aspects de la communication.
9.6 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur selon laquelle il y a eu
violation du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte du fait que la cour d'appel
administrative de la Bavière n'a pas rendu son jugement publiquement, le
Comité note que la Commission européenne des droits de l'homme a rejeté
cet aspect de la plainte au motif du non-épuisement des recours internes
et a fait notamment observer que l'aspect en question n'avait pas été invoqué
devant la Cour constitutionnelle fédérale. En conséquence, cette partie
de la communication n'a pas été "examinée" par une autre instance
internationale d'une manière qui exclurait qu'elle puisse être examinée
du fait de la réserve de l'État partie. Néanmoins, pour les mêmes raisons
avancées par la Commission, le Comité estime que les recours internes disponibles
en la matière n'ont pas été épuisés. Cette partie de la communication est
donc irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole
facultatif.
9.7 S'agissant des violations présumées des droits de la fille de l'auteur
reconnus aux articles 14, 17, 23 et 24, le Comité note que l'auteur a été
jugé par la Commission européenne des droits de l'homme non habilitée à
introduire une requête au nom de sa fille. En conséquence, il ne peut être
affirmé que l'aspect de la plainte concernant la fille a été "examiné"
par la Commission et que, partant, le Comité n'est pas compétent pour examiner
l'affaire du point de vue de la fille.
9.8 Le Comité note que, conformément à sa jurisprudence, un parent qui
n'a pas la garde de l'enfant n'est pas forcément privé de la capacité d'intenter
une action au nom de celui-ci. Le Comité considère toutefois, en ce qui
concerne les violations présumées des droits de la fille visés aux articles
14, 17, 23 et 24, que ni les arguments de l'auteur ni les pièces produites
ne prouvent, aux fins de la recevabilité, l'existence d'effets néfastes
sur la fille qui, selon l'auteur, constituent des violations de ces articles.
Le Comité fait observer à cet égard que bien que la fille ait atteint l'âge
de 15 ans à la date de la dernière lettre de l'auteur, rien n'indique qu'elle
souscrit à l'affirmation selon laquelle ses droits ont été violés. En conséquence,
le Comité considère cet aspect de la communication irrecevable en vertu
de l'article 2 du Protocole facultatif.
9.9 Compte tenu de ses précédentes conclusions, le Comité n'a pas besoin
d'examiner le reste des arguments à l'appui de la recevabilité que l'auteur
a présentés et auxquels l'État partie a répondu.
10. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et à l'auteur.
_______________
** Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la
communication : M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, Mme
Christine Chanet, Lord Colville, Mme Elizabeth Evatt, M. Louis Henkin, M.
David Kretzmer, M. Rajsoomer Lallah, M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari
Yrigoyen, M. Roman Wieruszewski et M. Maxwell Yalden. En application de
l'article 85 du règlement intérieur du Comité, M. Eckart Klein n'a pas participé
à l'examen de la communication.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]
Notes
1. Communication No 441/1990, déclarée recevable le 7 juillet 1993 (CCPR/C/48/D/441/1990).
2. Communication No 520/1992, déclarée irrecevable le 7 avril 1994 (CCPR/C/50/D/520/1994).
3. Communication No 516/1992, déclarée recevable le 22 juillet 1994 (CCPR/C/51/D/516/1992).
4. Communication No 397/1990, déclarée irrecevable le 22 juillet 1992 (CCPR/C/45/D/397/1990).
5. Communication No 568/1993, déclarée irrecevable le 8 avril 1994 (CCPR/C/50/D/568/1993).
6. Communication No 397/1990, déclarée irrecevable le 22 juillet 1992 (CCPR/C/45/D/397/1990).
7. Communication No 417/1990, déclarée recevable le 25 mars 1992; voir
constatations du Comité en date du 15 juillet 1994 (CCPR/C/51/D/417/1990).
8. Communication No 440/1990, constatations adoptées le 3 avril 1995 (CCPR/C/53/D/400/1990).
9. Communication No 441/1990, déclarée recevable le 7 juillet 1993 (CCPR/C/48/D/441/1990).