Convention Abbreviation: CCPR
Quatre-vingt-et-unième session
5 - 30 juillet 2004
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques*
- Quatre-vingt-et-unième session -
Communication No 815/1998
Au nom de: L'auteur
État partie: Fédération de Russie
Date de la communication: 1er décembre 1997 (lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 5 juillet 2004,
Ayant achevé l'examen de la communication no 815/1998 qui lui a été présentée au nom de M. Alexander Alexandrovitch Dugin au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant pris en considération tous les renseignements qui lui ont été communiqués par écrit par l'auteur de la communication et l'État partie,
Adopte les constatations suivantes:
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Le 21 octobre 1994, dans la soirée, l'auteur et son ami, Yuri Egurnov, se trouvaient à proximité d'un arrêt de bus lorsque deux adolescents sont passés, une bouteille de bière à la main. L'auteur et son ami, qui étaient tous deux en état d'ébriété, ont provoqué oralement Aleksei Naumkin et Dimitrii Chikin afin de déclencher une bagarre. Lorsque Naumkin, essayant de se défendre avec un morceau de verre, a blessé l'auteur à la main, celui-ci et son complice l'ont frappé à la tête, puis roué de coups alors qu'il était à terre. Naumkin est décédé une demi-heure plus tard.
2.2 Le 30 juin 1995, Dugin et Egurnov ont été reconnus coupables de meurtre avec préméditation et circonstances aggravantes par le tribunal régional d'Orlov. Le jugement était fondé sur les dépositions de l'auteur, de son complice, de plusieurs témoins oculaires et de la victime, Chikin, ainsi que sur plusieurs expertises médico-légales et le rapport décrivant les lieux du crime. Dugin et Egurnov ont été condamnés à 12 ans d'emprisonnement chacun, dans une colonie de rééducation par le travail.
2.3 Lors de l'audience au tribunal d'Orlov, l'auteur n'a pas reconnu sa culpabilité, tandis qu'Egurnov l'a reconnue partiellement. Le 12 septembre 1995, Dugin a adressé un recours à la Cour suprême de la Fédération de Russie demandant l'annulation du jugement. Il a prétendu n'avoir donné que quelques coups à Naumkin, et seulement après que celui-ci l'eut frappé avec une bouteille cassée. Il a également soutenu qu'il avait abordé Egurnov et Naumkin dans le seul but de les empêcher de se battre. Il estime que la peine qui lui a été infligée est disproportionnée et particulièrement sévère, puisqu'elle ne tient pas compte de son âge, des dépositions favorables des témoins concernant son caractère, du fait qu'il a un jeune enfant, et de l'absence de préméditation.
2.4 Le 12 septembre 1995, la Cour suprême de la Fédération de Russie a rejeté le recours de l'auteur contre sa condamnation, puis le 6 août 1996, elle a rejeté un second recours contre la peine prononcée.
Teneur de la plainte
3.1 Le conseil de l'auteur fait valoir que Chikin, la victime survivante, n'était pas présent au procès qui s'est tenu au tribunal d'Orlov, mais que les juges ont néanmoins tenu compte de la déposition qu'il avait faite pendant l'instruction. Selon le conseil, les déclarations de Chikin sont contradictoires mais comme celui-ci n'a pas été entendu par le tribunal, Dugin n'a pas pu procéder à un contre-interrogatoire, et les droits de l'auteur consacrés au paragraphe 3 e) de l'article 14 du Pacte ont donc été violés.
3.2 Le conseil soutient en outre que la présomption d'innocence, garantie au paragraphe 2 de l'article 14 du Pacte, n'a pas été respectée en l'espèce. Il fonde cette affirmation sur les expertises médico-légales et les conclusions des 22 et 26 octobre, du 9 novembre, du 20 décembre 1994 et du 7 février 1995, qui étaient, selon lui, vagues et dépourvues d'objectivité. Il affirme, sans préciser davantage que, certaines de ses questions au tribunal étant restées sans réponse, il a demandé à celui-ci de faire comparaître l'expert médico-légal pour obtenir des éclaircissements et des explications et de faire procéder à des expertises supplémentaires, mais que sa demande a été rejetée.
3.3 Le conseil invoque aussi de graves irrégularités dans l'application du Code de procédure pénale: l'enquête et l'instruction préliminaires ayant été partiales et incomplètes, le droit pénal n'a pas été correctement appliqué, et les conclusions du tribunal ne correspondent pas aux faits de la cause tels qu'ils ont été présentés à l'audience. Par ailleurs, le tribunal n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour faire respecter les exigences légales en vertu desquelles toutes les circonstances de l'affaire doivent être examinées de façon impartiale, complète et objective.
3.4 Le conseil prétend également que l'inculpation pour meurtre n'ayant été notifiée à l'auteur que sept jours après sa mise en détention, le paragraphe 3 a) de l'article 14 et les paragraphes 2 et 3 de l'article 9 du Pacte ont été violés.
3.5 Le conseil soutient que l'enquêteur a exercé à plusieurs reprises des pressions sur Dugin au cours de sa détention pour l'obliger à faire de fausses déclarations en échange d'un allégement des charges retenues contre lui. Selon lui, l'enquêteur aurait menacé l'auteur, en cas de refus de sa part, de requalifier l'inculpation initiale - Ó savoir, meurtre avec prÚmÚditation - en meurtre avec circonstances aggravantes, ce qui est une qualification bien plus grave. Face au refus de l'auteur, l'enquÛteur a requalifiÚ l'inculpation comme il l'en avait menacÚ. Selon l'auteur, ce fait constitue une violation du paragraphe 3 g) de l'article 14.
3.6 S'agissant de l'allÚgation de violation du paragraphe 5 de l'article 14, l'auteur affirme, sans davantage de prÚcisions, que son cas n'a pas ÚtÚ d¹ment examinÚ.
3.7 Il dÚclare en outre que le rapport dÚcrivant les lieux du crime n'aurait pas d¹ Ûtre pris en compte, car il ne mentionne ni la date ni l'heure auxquelles l'enquÛte s'est achevÚe, et ne contient pas suffisamment d'informations sur le rapport d'enquÛte. Les tÚmoins Ó charge ont dÚclarÚ qu'un tube de mÚtal avait ÚtÚ utilisÚ au cours de la bagarre, or le rapport concernant les lieux du crime n'y fait aucune allusion. L'enquÛteur ne s'est pas penchÚ sur cet ÚlÚment, et le dossier ne contient aucune autre information Ó ce sujet.
Observations de l'État partie
4.1 Dans ses observations du 28 décembre 1998, l'État partie indique que le Procureur général de la Fédération de Russie a enquêté sur les questions soulevées dans la communication. L'enquête a permis de conclure que, le 21 octobre 1994, Dugin et Egurnov, qui étaient tous deux en état d'ébriété et se comportaient comme des «hooligans», ont frappé Naumkin, un mineur, lui donnant des coups de pied et des coups de poing sur la tête et le corps. Naumkin a essayé de s'échapper, mais il a été rattrapé par Dugin, qui l'a jeté à terre et lui a cogné la tête contre un tube métallique. Dugin et Egurnov ont ensuite recommencé à le rouer de coups, le frappant également à la tête. Des lésions au crâne et au cerveau ont entraîné peu après le décès de Naumkin.
4.2 Selon l'État partie, la culpabilité de l'auteur se fonde sur le fait que celui-ci n'a pas contesté avoir frappé Naumkin, sur les dépositions détaillées des témoins oculaires n'ayant aucun intérêt dans l'affaire, ainsi que sur la déposition de Chikin.
4.3 Le tribunal a établi la cause du décès de Naumkin et la nature de ses blessures sur la base de nombreuses expertises médico-légales, selon lesquelles le décès du mineur est dû à des lésions au crâne et au cerveau résultant de coups à la tête.
4.4 L'État partie maintient que le châtiment de l'auteur était proportionné à la gravité de l'infraction et qu'il a été tenu compte des informations concernant sa personnalité, ainsi que de l'ensemble des éléments de preuve. Selon les conclusions du Procureur général, la présente affaire n'a donné lieu à aucune violation susceptible d'entraîner la modification ou l'annulation des décisions du tribunal, et la condamnation de Dugin a été légale et motivée.
Commentaires du conseil sur les observations de l'État partie
5.1 Dans ses observations non datées, le conseil soutient que l'État partie n'a pas répondu aux principales allégations figurant dans la communication, en particulier en ce qui concerne la violation du droit de demander que des témoins à décharge soient cités à comparaître et entendus par le tribunal. En second lieu, le tribunal a examiné l'affaire en l'absence de Chikin, qui était à la fois victime et témoin.
5.2 Le conseil évoque également le fait que le tribunal n'a pas respecté le principe selon lequel tout doute doit être interprété en faveur de l'accusé. Le tribunal n'a pas non plus répondu à la demande de l'accusé visant à faire citer un expert médico-légal, les juges ayant rejeté sa demande sans même se réunir en chambre du conseil; par ailleurs, l'auteur n'a pas eu la possibilité de consulter le dossier de l'affaire (sans toutefois préciser à quel moment, c'est-à-dire avant le pourvoi en cassation ou durant la procédure initiale).
5.3 Enfin, le conseil soutient que l'auteur n'a pas été informé de la teneur de l'article 51 de la Constitution de la Fédération de Russie, d'après lequel «nul n'est contraint de témoigner contre soi-même, son conjoint ou ses proches».
Décision concernant la recevabilité
6.1 À sa soixante-douzième session, le Comité des droits de l'homme a examiné la recevabilité de la communication et observé que l'État partie n'avait pas formulé d'objection à cet égard. Il s'est également assuré que les conditions prescrites au paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif étaient remplies.
6.2 Le Comité s'est assuré que la même affaire n'était pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. À cet égard, il a été établi qu'après que l'affaire lui a été présentée en décembre 1997, une demande identique a été soumise à la Cour européenne des droits de l'homme en août 1999, et déclarée irrecevable ratione temporis le 6 avril 2001. Le Comité a donc conclu qu'il était fondé à examiner la communication au titre du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif.
6.3 S'agissant de l'allégation de l'auteur au titre du paragraphe 2 de l'article 9 du Pacte, le Comité a conclu que l'auteur avait été informé des motifs de son arrestation. Il observe, au sujet de l'allégation au titre du paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte, que l'auteur n'a pas étayé sa demande et conclut à l'irrecevabilité de cette partie de la communication, conformément à l'article 2 du Protocole facultatif.
6.4 Toutefois, le Comité a estimé que les griefs de l'auteur concernant des violations de l'article 14 du Pacte pouvaient soulever des questions au titre de cette disposition. Le 12 juillet 2001, il a donc déclaré recevable la communication dans la mesure où elle semblait soulever des questions au titre de l'article 14 du Pacte.
Observations de l'État partie quant à la recevabilité et au fond
7.1 Par une note datée du 10 décembre 2001, l'État partie a fait part de ses observations quant au fond de la communication. Il a indiqué que, le 11 mars 1998, le Présidium de la Cour suprême a statué sur l'action engagée contre l'auteur devant le tribunal d'Orlov (30 juin 1995) et la Cour suprême (12 septembre 1995). La peine infligée à l'auteur a été ramenée de 12 à 11 années d'emprisonnement et le fait que l'auteur était en état d'ébriété au moment de l'infraction n'a pas été pris en compte dans les circonstances aggravantes. Tous les autres aspects des décisions ont été confirmés.
7.2 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur selon laquelle il n'aurait pas eu la possibilité de procéder au contre-interrogatoire de Chikin, l'État partie fait observer que le témoin avait été cité à comparaître, du 23 au 26 juin 1995, mais qu'il ne s'est pas présenté au tribunal. Une ordonnance à fins de comparution a alors été prise, mais les autorités n'ont pas été en mesure de localiser l'intéressé. Conformément aux articles 286 et 287 du Code de procédure pénale, les dépositions de témoins sont recevables même en leur absence, lorsque les circonstances ne permettent pas leur comparution devant le tribunal. Le tribunal a décidé de considérer la déposition écrite de Chikin comme un élément de preuve, après avoir entendu les parties sur ce point. D'après le compte rendu d'audience, le conseil n'a posé aucune question après la lecture de la déposition. L'État partie observe que l'auteur ne s'est pas opposé à ce que le procès commence en l'absence de Chikin.
7.3 L'État partie rejette l'affirmation selon laquelle la déposition de l'expert médico-légal n'était pas objective et fait valoir qu'après que le premier avis médico-légal eut été considéré incomplet, l'enquêteur a obtenu quatre autres avis supplémentaires du même expert. Les conclusions de l'expert corroboraient les déclarations d'autres témoins, à savoir que l'auteur avait donné des coups de point et des coups de pied à Naumkin, et l'avait frappé avec un tube métallique. Le tribunal a rejeté la demande de l'auteur de procéder à un contre-interrogatoire de l'expert et de faire comparaître d'autres témoins en vue d'appuyer sa déclaration selon laquelle le défunt avait participé à une autre bagarre peu avant son décès. À cet égard, le droit russe ne fait pas obligation aux tribunaux de citer des experts en tant que témoins. Qui plus est, l'avis de l'expert a été examiné et unifié par le centre de contrôle médico-légal.
7.4 S'agissant de la plainte de l'auteur selon laquelle il aurait été détenu pendant sept jours sans être inculpé, l'État partie observe que le Code de procédure pénale autorise la détention sans inculpation d'un suspect pendant une période qui peut aller jusqu'à 10 jours dans des circonstances exceptionnelles. Dans le cas d'espèce, les poursuites ont été engagées le 22 octobre 1994, l'auteur a été arrêté le même jour et inculpé le 29 octobre 1994, c'est-à-dire dans la limite des 10 jours imposée par la loi.
7.5 L'État partie rejette l'allégation de l'auteur selon laquelle l'enquêteur aurait menacé de l'inculper d'une infraction plus grave s'il ne coopérait pas, et affirme qu'en réponse à une question du Président du tribunal au cours du procès, l'auteur a confirmé qu'il n'avait pas été menacé mais avait fait sa déclaration «sans réfléchir».
7.6 L'État partie rejette l'allégation de l'auteur, qui soutient que le rapport concernant les lieux du crime n'était pas daté et ne faisait pas référence au tube de métal qu'aurait heurté la tête du défunt; au contraire, il est précisé que le rapport a été établi le 22 octobre 1994, il y est fait référence à un tube de métal, et il existe une photographie sur laquelle on peut voir le tube en question.
7.7 L'État partie soutient que l'affirmation selon laquelle la procédure engagée contre l'auteur était partiale ou incomplète est dénuée de fondement, et il observe que l'auteur n'a pas mentionné ce grief devant les tribunaux ou les autorités russes. Il affirme que l'auteur a été interrogé en présence de l'avocat de son choix, et qu'au cours de la période pendant laquelle il a été détenu, il a déclaré ne pas avoir besoin d'avocat. Enfin, l'État partie note que si l'auteur n'a pas été informé de ses droits au titre de l'article 51 de la Constitution, qui dispose qu'un accusé n'est pas tenu de témoigner contre lui-même, c'est parce que la Cour suprême a introduit cette exigence par un arrêt du 31 octobre 1995 - or le procès de l'auteur s'est tenu en juin 1995. En tout état de cause, l'auteur a été informé de ses droits au titre de l'article 46 du Code de procédure pénale, qui prévoit qu'un accusé a le droit de faire ou de ne pas faire de déclaration sur les charges retenues contre lui.
Commentaires de l'auteur sur les observations de l'État partie
8. Dans ses commentaires aux observations de l'État partie, datés du 5 février 2002, l'auteur soutient que le témoin Chikin aurait pu être localisé et présenté au tribunal pour y subir un contre-interrogatoire, si l'État partie avait fait preuve d'un minimum de «bonne volonté». Il affirme que le refus du tribunal de faire droit à sa demande d'expertise médicale complémentaire a violé les droits consacrés au paragraphe 3 e) de l'article 14 du Pacte, et que le fait que sept jours se sont écoulés avant qu'il ne soit inculpé est incompatible avec le paragraphe 3 a) de l'article 14, qui exige qu'un accusé soit rapidement informé des charges retenues contre lui. L'auteur réitère ses affirmations selon lesquelles il aurait été menacé par l'enquêteur et que le procès n'a pas été objectif. Il note également que l'article 51 de la Constitution était en vigueur et avait force légale depuis le 12 décembre 1993.
Délibérations du Comité
9.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées par les parties, conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif. Le Comité n'ignore pas que, bien qu'il se soit déjà prononcé sur la recevabilité de la communication, il doit tenir compte de toutes les informations ultérieurement reçues des parties, susceptibles d'avoir une incidence sur la recevabilité des autres demandes de l'auteur.
9.2 Tout d'abord, le Comité observe que la lettre de l'auteur du 5 février 2002, relative aux violations alléguées du paragraphe 3 a) de l'article 14, est identique quant au fond à celle que celui-ci lui a adressée au titre du paragraphe 2 de l'article 9 (voir par. 3.4 ci-dessus), et qui a été déclarée irrecevable. En outre, bien que se référant au paragraphe 3 a) de l'article 14, les allégations ne se rapportent pas, sur le plan des faits, à cette disposition. Dans ces circonstances, le Comité estime que l'auteur n'a pas suffisamment étayé ses dires, aux fins de la recevabilité. Par conséquent la demande de l'auteur au titre du paragraphe 3 a) de l'article 14 du Pacte est irrecevable.
9.3 L'auteur affirme que les droits qui lui sont garantis par l'article 14 ont été violés parce qu'il n'a pas eu la possibilité de procéder au contre-interrogatoire de Chikin, de faire comparaître l'expert et d'appeler d'autres témoins à la barre. Certes, les efforts pour localiser Chikin sont restés vains pour les raisons exposées par l'État partie, mais un poids considérable a été accordé à sa déposition sans que l'auteur ait eu la possibilité de procéder à son contre-interrogatoire. En outre, le tribunal de la région d'Orlov n'a pas expliqué pourquoi il a refusé de faire comparaître l'expert et d'appeler à la barre d'autres témoins. Pris ensemble, ces facteurs amènent le Comité à conclure que les tribunaux n'ont pas respecté le principe de l'égalité entre l'accusation et la défense dans la présentation des preuves, ce qui constitue un déni de justice. En conséquence, le Comité conclut que les droits reconnus à l'auteur en vertu de l'article 14 ont été violés.
9.4 Au vu des constatations ci-dessus du Comité, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres griefs de l'auteur concernant l'objectivité de preuves présentées au tribunal.
9.5 De même, au regard des informations dont il dispose, le Comité ne peut pas se prononcer sur le fait de savoir si l'enquêteur a effectivement menacé l'auteur pour l'obliger à faire certaines déclarations. En tout état de cause, et selon l'État partie, l'auteur ne s'est pas plaint de ces menaces présumées, mais il a au contraire déclaré au tribunal qu'il n'avait pas été menacé. Dans ces circonstances, le Comité considère que l'auteur n'a pas épuisé les voies de recours internes en ce qui concerne ces allégations et déclare par conséquent cette plainte irrecevable au titre du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.
9.6 S'agissant du grief selon lequel l'auteur n'aurait pas été informé de ses droits en vertu de l'article 51 de la Constitution, le Comité observe que la lettre de l'État partie précise que l'auteur a été informé de ses droits au titre de l'article 46 du Code de procédure pénale, qui prévoit qu'un accusé a le droit de faire ou de ne pas faire de déclaration sur les charges retenues contre lui. En l'espèce, et en particulier compte tenu de ce que l'auteur n'a pas contesté l'argument de l'État partie, le Comité considère que les informations dont il dispose ne permettent pas d'établir que le paragraphe 3 g) de l'article 14 a été violé.
9.7 En ce qui concerne l'allégation de violation du paragraphe 5 de l'article 14, il ressort des documents dont le Comité est saisi que la sentence et le verdict de culpabilité frappant l'auteur ont été examinés par la Cour suprême de l'État partie. Le Comité en conclut qu'il n'y a pas violation dudit article.
10. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l'article 14 du Pacte.
11. En application du paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, le Comité considère que l'auteur a droit à un recours approprié sous la forme d'une indemnisation et d'une libération immédiate.
12. En adhérant au Protocole facultatif, l'État partie a reconnu la compétence du Comité pour déterminer s'il y avait eu ou non violation du Pacte et conformément à l'article 2 du Pacte, il s'est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation a été établie. Le Comité souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L'État partie est également invité à rendre publiques les constatations du Comité.
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[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]
** Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la communication: M. Abdelfattah Amor, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, M. Franco Depasquale, M. Maurice Glèglè Ahanhanzo, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin Scheinin, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen, Mme Ruth Wedgwood et M. Roman Wieruszewski.
1. Le Protocole facultatif est entré en vigueur à l'égard de la Fédération de Russie le 1er janvier 1992.