Comité des droits de l'homme
Soixante-dix--huitième session
14 juillet - 8 août 2003
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Soixante-dix-huitième session -
Communication No. 820/1998
Présentée par: M. Keshva Rajan et Mme Sashi Kantra Rajan (représentés
par un conseil, M. Sapt Shankar)
Victimes présumées: Les auteurs et leurs enfants mineurs, Vicky
Rajan et Ashnita Rajan
État partie: Nouvelle-Zélande
Date de la communication: 11 juin 1997 (lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 6 août 2003,
Adopte ce qui suit:
DÉCISION CONCERNANT LA RECEVABILITÉ
1. Les auteurs de la communication sont M. Keshva Rajan, né à Fidji le 28
juillet 1965, Mme Sashi Kantra Rajan, née à Fidji le 6 juin 1969, et leurs
enfants, Vicky Rajan, né en Australie le 2 février 1992, et Ashnita Rajan,
née en Nouvelle-Zélande en mars 1996, qui résidaient tous en Nouvelle-Zélande
au moment de la présentation de la communication. Ils affirment être victimes
de violations par la Nouvelle-Zélande des paragraphes 1 et 4 de l'article
9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du paragraphe
1 de l'article 23 et du paragraphe 3 de l'article 24. Sans invoquer des articles
précis, ils affirment aussi être victimes de discrimination et d'une atteinte
à leur vie privée et au droit de leurs enfants à la protection qu'exige leur
statut de mineurs. Ils sont représentés par un conseil.
Rappel des faits présentés par les auteurs
2.1 M. Rajan a émigré en Australie en 1988, où il a obtenu un permis de
résidence le 19 février 1990, sur la base d'une union libre avec une Australienne.
Par la suite, en 1994, cette dernière a été reconnue coupable, en Australie,
d'avoir fait une fausse déclaration dans la demande de permis de résidence
de M. Rajan. En 1990, M. Rajan a épousé, à Fidji, Sashi Kantra Rajan, qui
l'a suivi en Australie en 1991, où elle a obtenu un permis de résidence
accordé sur la base du statut de résident de son époux. En 1991, les autorités
australiennes ont pris conscience du fait que la prétendue union libre était
fausse et ont commencé à prendre des mesures contre M. et Mme Rajan ainsi
que contre le frère (Bal) et la sœur de M. Rajan qui, selon elles,
avaient eux aussi obtenu un permis de résidence en Australie grâce à des
déclarations mensongères. Le 2 février 1992, le couple a eu un fils, Vicky,
en Australie. Le 22 avril 1992, le frère de M. Rajan (Bal) a été arrêté
pour immigration frauduleuse, et M. Rajan a été informé que les autorités
avaient l'intention de l'interroger.
2.2 Le lendemain, M. et Mme Rajan ont émigré en Nouvelle-Zélande. Ils n'ont
pas révélé leurs démêlés avec les autorités australiennes, et ont obtenu
un permis de résidence accordé sur la base de leurs permis australiens.
Le 24 avril 1992, le frère de M. Rajan (Bal) a quitté à son tour l'Australie
pour la Nouvelle-Zélande. Le 30 avril 1992, les autorités australiennes
ont annulé les permis de résidence australiens de M. et Mme Rajan. Le 5
juin 1992, les autorités néo-zélandaises ont été informées que M. et Mme
Rajan étaient considérés comme ayant fui l'Australie et qu'il leur était
interdit de revenir dans le pays. Le 3 juillet 1992, M. Rajan a reconnu
devant les autorités néo-zélandaises que son union libre avec une Australienne,
qui lui avait permis à l'origine d'obtenir un permis de séjour en Australie,
n'était pas réelle. À la suite d'investigations menées par les autorités
néo-zélandaises, notamment d'un interrogatoire de M. et Mme Rajan, le Ministre
de l'immigration a révoqué le 21 juin 1994 le permis de résidence de ces
derniers au motif que M. Rajan n'avait pas révélé que les documents australiens
(sur la base desquels les permis néo-zélandais avaient été accordés) avaient
été obtenus frauduleusement.
2.3 Mme Rajan, qui n'avait pas mentionné ces faits dans la demande de naturalisation
qu'elle avait présentée au Ministère de l'intérieur, a obtenu la nationalité
néo-zélandaise le 26 octobre 1994, date à laquelle, conformément à l'article
8 de la loi sur la citoyenneté de 1977, sa nationalité fidjienne a été automatiquement
annulée. Au début de 1995, son fils Vicky a lui aussi obtenu la nationalité
néo-zélandaise. Le 19 avril 1995, le Ministre de l'intérieur a notifié son
intention de déchoir Mme Rajan de la nationalité néo-zélandaise au motif
qu'elle l'avait obtenue par la fraude, par une fausse déclaration, par dissimulation
délibérée d'informations pertinentes ou par erreur.
2.4 Le 31 juillet 1995, la Haute Cour a rejeté un recours contre la révocation
des permis de résidence et une demande d'examen judiciaire de la décision
du Ministre portant révocation desdits permis, estimant qu'ils avaient été
obtenus par la fraude et au moyen d'une déclaration fausse et trompeuse.
La Cour a jugé que l'unité de la famille n'était pas en danger dès lors
que l'enfant pourrait vivre avec ses parents à Fidji et retourner plus tard
s'il le souhaitait en Nouvelle-Zélande comme il en avait le droit de son
propre chef. L'appel interjeté ensuite par M. et Mme Rajan devant la Cour
d'appel a lui aussi été rejeté. En mars 1996, M. et Mme Rajan ont eu un
second enfant, Ashnita, qui a automatiquement acquis la citoyenneté néo-zélandaise
de par sa naissance.
2.5 Le 17 juillet 1996, le Tribunal d'examen des mesures d'expulsion a
rejeté un autre recours de M. et Mme Rajan contre la décision de révocation
de leur permis de séjour, estimant qu'il n'y avait aucune raison d'annuler
cette décision. Il a noté que le seul fait d'avoir des enfants qui possédaient
la nationalité néo-zélandaise ne conférait pas le droit de rester en Nouvelle-Zélande
à des parents qui n'y étaient pas habilités par ailleurs. M. et Mme Rajan
n'ont pas fait appel de la décision du Tribunal.
2.6 Le 5 août 1996, le Ministre de l'intérieur a notifié son intention
de révoquer la citoyenneté de Vicky Rajan au motif qu'elle avait été obtenue
par la fraude, par une fausse déclaration, par la dissimulation délibérée
d'informations pertinentes ou par erreur. Le 5 novembre 1996, la Haute Cour
a rejeté une requête de Mme Rajan concernant la notification par le Ministre
de son intention de la priver de sa citoyenneté, estimant qu'aucune erreur
de droit ou erreur administrative n'avait été commise. La Cour a enjoint
au Ministre de l'intérieur de prendre en considération les dispositions
pertinentes des instruments internationaux avant de prendre sa décision
définitive. Le 28 janvier 1997, le Ministre a signé une ordonnance privant
Mme Rajan de sa citoyenneté au motif officiel qu'elle avait été accordée
par erreur, la durée de séjour requise n'ayant pas été respectée. Le 9 avril
1997, la Haute Cour a rejeté une demande d'examen judiciaire de la décision
de révocation. Le 3 juillet 1998, la communication des auteurs a été inscrite
au rôle du Comité.
2.7 Le 15 avril 1997, le Ministre de l'intérieur a signé une ordonnance
révoquant la citoyenneté de Vicky Rajan, qui n'avait plus ainsi que la citoyenneté
australienne. Les autorités néo-zélandaises ont alors pris des arrêtés d'expulsion
à l'encontre de M. et Mme Rajan, mais ces derniers avaient disparu.
2.8 Le 1er octobre 1999, la loi sur l'immigration a été sensiblement modifiée,
notamment par l'incorporation d'une disposition en vertu de laquelle les
personnes qui séjournaient illégalement en Nouvelle-Zélande, après confirmation,
par le Tribunal d'examen des mesures d'expulsion, de la décision de révoquer
leur permis de résidence ne pouvaient plus former de recours devant l'Autorité
chargée de l'examen des mesures d'expulsion. Le 18 septembre 2000, le Gouvernement
a adopté une «Politique transitoire» permettant aux personnes séjournant
en Nouvelle-Zélande sans autorisation mais qui y étaient «bien établies»,
c'est-à-dire qui se trouvaient dans le pays depuis au moins cinq ans et
avaient à leur charge des enfants nés en Nouvelle-Zélande, d'obtenir des
permis, à condition qu'elles soient en bonne santé et de bonne moralité.
M. et Mme Rajan entraient dans la catégorie des personnes ayant besoin d'une
dérogation à la condition relative à la moralité.
2.9 Le 28 septembre 2000, les auteurs ont formé des recours séparés devant
l'Autorité chargée de l'examen des mesures d'expulsion. Le 31 octobre 2000,
le Ministre de l'immigration a refusé d'intervenir dans l'affaire. Le 10
novembre 2000, l'Autorité s'est déclarée incompétente pour examiner les
recours en raison des modifications apportées à la loi sur l'immigration.
2.10 Le 19 mars 2001, les auteurs ont demandé à bénéficier de la «Politique
transitoire». M. Rajan ayant été condamné antérieurement pour évasion fiscale
en Australie, une dérogation aux prescriptions relatives à la moralité a
été sollicitée. Dans la demande, il n'était pas fait mention de l'obtention
frauduleuse du permis de résidence. Le 23 avril 2001, le Ministre de l'immigration
a rejeté la demande de dérogation. En conséquence, le 15 octobre 2001, la
demande présentée au titre de la «Politique transitoire» a également été
rejetée. Le 23 mai 2002, les autorités fidjiennes ont confirmé que M. et
Mme Rajan étaient toujours citoyens fidjiens et que leurs passeports étaient
valides. En décembre 2002, à la suite de la présentation d'informations
supplémentaires, le Ministre adjoint à l'immigration a confirmé la décision
du Ministre, après avoir spécifiquement tenu compte de la situation des
enfants.
2.11 Le 8 avril 2003, après que l'adresse de Mme Rajan eut été trouvée,
un arrêté d'expulsion lui a été signifié. M. Rajan, en revanche, n'a pas
pu être localisé. Mme Rajan a été informée qu'elle et son mari devaient
quitter le territoire au plus tard le 22 avril 2003. Le 2 mai 2003, la Haute
Cour a rejeté une demande d'examen judiciaire du refus du Ministre d'accorder
une dérogation, confirmant qu'il y avait des «preuves suffisantes» permettant
de conclure qu'un acte frauduleux avait été commis. La Cour a estimé que
le Ministre avait dûment et pleinement tenu compte des droits des enfants
et qu'il n'y avait eu aucun manquement à la justice ou à l'équité.
Teneur de la plainte
3.1 Les auteurs affirment spécifiquement qu'il y a eu violation du paragraphe
1 de l'article 23, du paragraphe 3 de l'article 24 et des paragraphes 1
et 4 de l'article 9. Ils n'associent pas ces articles à des griefs particuliers
et les griefs eux-mêmes sont difficiles à cerner. Ceux qui sont exposés
ci-après semblent également soulever des questions au titre de l'article
13, de l'article 17, du paragraphe 1 de l'article 24 et de l'article 26
du Pacte.
3.2 Comme leurs enfants ne peuvent pas vivre seuls et devraient quitter
la Nouvelle-Zélande avec leurs parents, il est affirmé que leurs droits
fondamentaux seraient violés par l'expulsion de leurs parents. L'expulsion
de M. et Mme Rajan à Fidji constituerait une atteinte à la vie privée de
la famille et pourrait conduire à un divorce et à l'insécurité de leurs
moyens de subsistance.
3.3 Les auteurs font valoir que ni M. ni Mme Rajan n'ont fait l'objet d'un
contre-interrogatoire de la part des instances d'appel néo-zélandaises en
ce qui concerne la fraude présumée, que M. Rajan a toujours niée. Pour ce
qui est de Mme Rajan, il est affirmé qu'elle a été privée de son permis
de résidence australien sans avoir eu l'occasion de faire entendre sa cause,
bien qu'elle n'ait rien fait de mal. Par suite de la perte de sa nationalité
néo-zélandaise, elle est à présent apatride.
3.4 Les auteurs affirment que les droits de Vicky Rajan ont été violés
parce qu'il a été déchu de sa citoyenneté. Selon les auteurs, cela n'aurait
pas dû se produire car il l'avait obtenue sur la base de sa propre citoyenneté
australienne et de ses trois ans de résidence en Nouvelle-Zélande, et non,
comme les tribunaux l'ont établi, par l'effet de sa dépendance vis-à-vis
de sa mère. Il est donc affirmé qu'il ne peut être déchu de sa nationalité
du fait de la révocation de celle de sa mère.
3.5 Il est suggéré que les auteurs ont été victimes d'une discrimination
tenant au fait que la législation néo-zélandaise «est appliquée d'une manière
plus dure aux non-Européens».
3.6 Les auteurs se réfèrent à une décision de la Cour d'appel néo-zélandaise
(1) concernant une affaire similaire dans laquelle, selon ce qu'ils
affirment, la cour avait dit que des obligations internationales, telles
que celles qui découlent du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques et de la Convention relative aux droits de l'enfant, exigeaient
de la Nouvelle-Zélande qu'elle assume sa responsabilité envers les enfants
qui sont des citoyens néo-zélandais et que les enfants ne doivent pas être
tenus responsables du comportement de leurs parents. Le Ministre de l'intérieur,
suite à l'arrêt susmentionné, aurait, dans des situations similaires, accordé
des permis de résidence aux parents, comme ce fut le cas pour le frère et
la sœur de M. Rajan. Le fait que la décision n'ait pas été suivie en
l'espèce constituerait une discrimination contre les auteurs.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et sur le fond
4.1 Par une note verbale datée du 3 février 1999, l'État partie a contesté
à la fois la recevabilité et le fond de la communication. Pour ce qui est
de la recevabilité, il affirme que la communication devrait être rejetée
parce que les recours internes n'ont pas été épuisés, parce que les allégations
faites n'ont pas été étayées et pour incompatibilité avec les dispositions
du Pacte.
4.2 S'agissant du non-épuisement des recours internes, l'État partie note
que M. et Mme Rajan évitent actuellement toute procédure judiciaire mais
qu'ils sont sous le coup d'un arrêté d'expulsion qui leur sera signifié
dès qu'on les trouvera. Un tel arrêté doit être approuvé par un tribunal
de district avant d'être exécuté. Une fois que l'arrêté d'expulsion aura
été délivré à M. et Mme Rajan, ils pourront former un recours devant l'Autorité
chargée de l'examen des mesures d'expulsion dans un délai de 42 jours, et
arguer, entre autres, de raisons humanitaires et de circonstances familiales.
Un appel pourrait ensuite être interjeté devant la Haute Cour et la Cour
d'appel sur des points de droit. Une autre solution consisterait à saisir
la Haute Cour puis la Cour d'appel en vue d'un examen judiciaire de la décision
de l'Autorité chargée de l'examen des mesures d'expulsion. Enfin, M. et
Mme Rajan pourraient s'adresser directement au Ministre de l'immigration,
en particulier s'ils disposent de nouveaux éléments d'information, afin
qu'il donne des instructions spéciales pour qu'un permis de séjour leur
soit octroyé.
4.3 D'autre part, et notamment en ce qui concerne les violations alléguées
des articles 9 et 13, l'État partie fait valoir que des irrégularités de
procédure de ce type constitueraient une violation de la loi néo-zélandaise
de 1990 sur la déclaration des droits et un motif de révision. Il fait observer
également que les auteurs n'ont pas fait appel de la décision rendue à leur
encontre par le Tribunal d'examen des mesures d'expulsion comme le leur
permet la loi, encore que le délai fixé pour un tel recours soit, à présent,
expiré.
4.4 L'État partie affirme également que les auteurs n'ont pas étayé leurs
allégations. Ils n'ont pas apporté de commencement de preuve de la violation
de dispositions du Pacte. Ils n'ont pas non plus présenté d'éléments de
preuve établissant une quelconque irrégularité de procédure qui permettrait
de penser que l'État a agi d'une manière arbitraire ou illégale, qu'ils
n'ont pas bénéficié de la protection de la loi ou que l'on n'a pas assuré
à la famille la protection visée par le Pacte. La famille de M. Rajan a
le droit, en vertu de la législation fidjienne, de retourner à Fidji et
les autorités néo-zélandaises lui fourniraient les documents de voyage nécessaires.
Rien ne permet de penser que la famille sera séparée. Le droit qu'ont les
enfants, de leur propre chef, de rester en Nouvelle-Zélande ou en Australie
signifie qu'ils pourront être envoyés chez d'autres membres de la famille
élargie pour leurs études ou leur éducation, comme c'est le cas pour des
milliers d'habitants des îles du Pacifique. Mais un tel choix, selon l'État
partie, serait celui des parents agissant au mieux de l'intérêt de leurs
enfants et ne saurait fonder une allégation de violation du Pacte. L'État
partie évoque aussi les vagues affirmations concernant un possible harcèlement
de la part de membres de la famille qui risquerait de mettre en péril l'unité
du couple et de conduire éventuellement à un divorce à Fidji et à l'insécurité
de ses moyens de subsistance; il note cependant qu'aucun élément de preuve
n'est apporté à l'appui de telles allégations, Rien n'indique non plus que
la famille ne pourra pas renouer avec ses réseaux de soutien à Fidji.
4.5 Pour ce qui est de la violation alléguée de l'article 26, l'État partie
déclare que les auteurs n'ont pas étayé leurs vagues allégations de discrimination
raciale. Il affirme que les auteurs peuvent encore faire valoir le moyen
de la discrimination raciale dans le cadre d'une autre procédure avant d'être
expulsés. Il indique encore, en ce qui concerne l'allégation selon laquelle
la sœur et le frère de M. Rajan n'ont pas fait l'objet du même traitement,
que cela ne constitue pas en soi, en l'absence d'autres détails, un indice
convaincant d'une violation de l'obligation d'assurer une égale protection
de la loi conformément à l'article 26 du Pacte.
4.6 Pour ce qui est de la plainte concernant la révocation de la citoyenneté
de Mme Rajan, qui aurait fait d'elle une apatride, l'État partie affirme
que cette allégation ne renvoie à aucun droit protégé par le Pacte et qu'elle
est donc irrecevable ratione materiae parce qu'incompatible avec
les dispositions du Pacte. L'État partie fait observer que Mme Rajan a le
droit de retourner à Fidji en application de l'article 16 de la Constitution
fidjienne et qu'elle pourra plus tard faire une demande pour recouvrer sa
citoyenneté fidjienne conformément aux paragraphes 6 et 7 de l'article 12
de la Constitution fidjienne de 1997.
4.7 Sur le fond, l'État partie se réfère d'une manière détaillée aux décisions
des autorités locales. Pour ce qui est de la révocation du permis de M.
et de Mme Rajan, il note que la Haute Cour est arrivée à la conclusion que
M. Rajan avait obtenu un permis de résidence par «la fraude et au moyen
d'une déclaration fausse et trompeuse selon laquelle il vivait en union
libre» avec une Australienne. Le permis qu'a reçu Mme Rajan sur la base
de sa relation avec son époux a donc lui aussi été obtenu par des moyens
frauduleux. La Cour a pris en considération, avant de rejeter la demande,
le risque pour l'unité de la famille et la nécessité de protéger les enfants.
La Cour d'appel a confirmé cette décision. Le Tribunal d'examen des mesures
d'expulsion a tenu compte de l'affaire Tavita mais a estimé que la
nécessité de prendre en considération les intérêts des enfants «ne donne
pas aux parents le droit de rester en Nouvelle-Zélande simplement parce
qu'ils ont des enfants qui sont des citoyens néo-zélandais». Ayant examiné
l'ensemble des circonstances familiales, le Tribunal n'a trouvé aucun motif
qui justifierait une annulation de la révocation des permis de résidence.
4.8 L'État partie affirme que M. et Mme Rajan subissent actuellement les
conséquences des actes frauduleux commis par M. Rajan pour obtenir le droit
de résider en Nouvelle-Zélande. Toutes les mesures prises depuis lors sont
conformes à la loi et ont été examinées à plusieurs reprises par des autorités
indépendantes et ne peuvent donc être qualifiées d'arbitraires ou d'injustes.
Les circonstances familiales et en particulier le bien-être des enfants
ont été pris en compte à de multiples niveaux au cours de la procédure.
L'État partie renvoie également à la jurisprudence internationale à l'appui
de la décision du Tribunal d'examen des mesures d'expulsion selon laquelle
la citoyenneté d'un enfant, ne peut, à elle seule, donner aux parents le
droit de résider dans un État (2). Ce qu'il faut, selon l'État partie,
c'est trouver un équilibre entre les droits incontestés des enfants et de
la famille prise globalement et toutes les autres considérations.
4.9 L'État partie réaffirme qu'aucun élément de preuve n'a été fourni à
l'appui de l'allégation de discrimination raciale. Pour ce qui est de l'affirmation
selon laquelle les auteurs ont subi un traitement inégal dès lors que d'autres
personnes se trouvant dans des situations similaires, en particulier la
sœur et le frère de M. Rajan, semblent avoir été traitées différemment,
l'État partie déclare que de telles décisions sont prises en fonction des
circonstances de l'espèce et du temps et des moyens disponibles. Une différenciation
sur cette base est raisonnable et objective. Il fait observer que les conditions
dans lesquelles les pouvoirs publics prennent leurs décisions font que les
délinquants ne sont pas tous poursuivis sur-le-champ car les moyens dont
disposent les services judiciaires sont toujours inférieurs aux besoins.
Recourant à une analogie, il fait valoir que le fait qu'une personne ayant
commis un excès de vitesse soit poursuivie alors que d'autres dans la même
situation ne le sont pas ne signifie pas que cette personne a été victime
d'une discrimination ou qu'elle n'a pas bénéficié de l'égale protection
de la loi.
Commentaires des auteurs sur les observations de l'État partie
5.1 Dans une lettre datée du 30 juin 1999, les auteurs contestent l'affirmation
selon laquelle la communication est irrecevable et font valoir que les recours
mentionnés par l'État partie sont désignés en des termes généraux. Ils affirment
qu'une demande de révision judiciaire et/ou un appel devant la Haute Cour
n'auraient aucune chance d'aboutir; ils ajoutent qu'ayant été déboutés lors
de leurs précédents appels, il est peu probable que de nouvelles demandes
de révision soient couronnées de succès. Ils font observer qu'une demande
de révision judiciaire ne peut être présentée que pour contester «un point
de fait ou de droit» et qu'autrement il n'y a aucune chance que leur affaire
soit examinée sur le fond. À cet égard, ils déclarent qu'ils n'ont aucune
base pour réclamer efficacement un examen judiciaire et que par conséquent
une telle requête serait vaine.
5.2 Les auteurs notent qu'il ne leur est pas possible de se prévaloir des
recours mentionnés par l'État partie parce qu'ils n'ont pas droit à l'aide
judiciaire et qu'ils n'ont pas à présent le droit de travailler en Nouvelle-Zélande.
En outre, ils affirment que toute requête adressée à l'autorité chargée
de l'examen des mesures d'expulsion «fait … plutôt partie des recours
extraordinaires. Ces recours rendent possible une décision discrétionnaire
mais ne permettent pas de faire triompher un droit et ne constituent donc
pas des recours utiles». Selon les auteurs, de tels recours s'apparentent
au droit d'adresser une plainte à un organe consultatif contre un arrêté
d'expulsion, procédure que le Comité a, selon eux, considérée par le passé
comme ne constituant pas un recours utile.
5.3 Les auteurs notent, en ce qui concerne l'affirmation de l'État partie
selon laquelle aucun commencement de preuve n'a été présenté par les auteurs
quant aux violations présumées des articles 9 et 13, qu'il n'a pas été expliqué
comment pouvait être intentée une action en violation de la loi de 1990
sur la déclaration des droits. Pour ce qui est de l'allégation de discrimination
raciale, les auteurs réaffirment qu'ils font l'objet d'une discrimination
parce qu'ils sont d'ascendance indo-fidjienne et «ne bénéficient pas de
la préférence anglo-saxonne». S'agissant de l'affirmation de l'État partie
selon laquelle la déchéance de citoyenneté de Mme Rajan, mesure qui a fait
d'elle une apatride, ne renvoie à aucun droit protégé par le Pacte, les
auteurs déclarent que même si le droit en cause n'est pas expressément protégé
par le Pacte, «il l'est au titre des droits primordiaux protégés par cet
instrument».
5.4 Sur le fond, les auteurs affirment que leurs déclarations relatives
aux effets préjudiciables de leur renvoi à Fidji ont été suffisamment étayées
et se réfèrent aux procédures internes au cours desquelles ces questions
ont été soulevées. Ils fournissent des informations et une comparaison avec
le traitement d'une autre famille fidjienne, dont les membres ont obtenu
la nationalité néo-zélandaise dans le cadre des mêmes procédures, à l'appui
de leur affirmation selon laquelle ils n'ont pas fait l'objet d'un traitement
raisonnable et objectif. Ils réaffirment qu'une telle différence de traitement,
dans des circonstances similaires, est discriminatoire.
Observations complémentaires des parties
6.1 Le 15 février 2001, les auteurs ont demandé au Comité de suspendre
l'examen de leur communication en attendant que soit examinée la requête
qu'ils avaient présentée au titre de la «Politique transitoire». Dans des
lettres datées respectivement du 22 octobre 2001, du 14 mars 2002 et du
23 décembre 2002, les auteurs ont exposé la suite des événements et fait
valoir, en ce qui concerne le rejet de la demande de dérogation au critère
de moralité, qu'il était injuste de se fonder sur la fraude présumée commise
par M. Rajan pour lui refuser une telle dérogation, dès lors qu'il n'a été
ni inculpé ni reconnu coupable d'un tel acte, et que le fait d'impliquer
sa femme dans l'acte présumé retenu contre lui était également injuste.
Ils ont ajouté que, leurs enfants étant à présent âgés de 6 et 11 ans, il
ne saurait être suggéré qu'ils peuvent rester en Nouvelle-Zélande sans leurs
parents. En outre, les auteurs ont affirmé qu'ayant récemment déposé des
recours (qui ont été rejetés) auprès de l'Autorité chargée de l'examen des
mesures d'expulsion et ayant également présenté une requête au titre de
la «Politique transitoire», ils avaient épuisé tous les recours internes.
6.2 Dans des observations complémentaires datées du 14 mai 2003, l'État
partie note que les auteurs ont indiqué leur intention de contester devant
la Cour d'appel la décision de la Haute Cour en date du 2 mai 2003. Les
points litigieux sont examinés par les tribunaux depuis 10 ans et continueront
apparemment de l'être. Aussi, pour que l'affaire soit définitivement réglée,
l'État partie renonce-t-il expressément à contester en l'espèce la recevabilité
de la communication pour non-épuisement des recours internes. Il fait observer
que la longueur de la procédure - plus de 10 ans - est due
essentiellement aux recours rÚpÚtÚs formÚs sans succÞs par M. et Mme Rajan.
Comme l'a noté la Haute Cour, leur affaire a été examinée sous tous les
angles. Sur le fond, l'État partie indique que la «Politique transitoire»
est une approche bienveillante à l'égard des familles qui séjournent dans
le pays sans autorisation et de leurs enfants. Le fait que les Rajan n'aient
pas pu en bénéficier s'explique par leur comportement abusif passé. L'État
partie souligne que ce comportement n'a pas consisté uniquement à
séjourner dans le pays sans autorisation mais aussi à agir de façon à tromper
les fonctionnaires de l'immigration néo-zélandais et australiens.
6.3 Dans une lettre datée du 5 juin 2003, les auteurs ont informé le Comité
que l'audience de la Cour d'appel avait été fixée au 23 juin 2003. L'État
partie avait, selon eux, indiqué qu'il procéderait à l'expulsion de M. et
Mme Rajan en cas de décision défavorable de la Cour, bien que M. Rajan n'eût
toujours pas été localisé. Étant donné l'imminence de l'examen de l'affaire
par le Comité à sa soixante-dix-huitième session, de juillet-août 2003,
les auteurs ont demandé que le Comité, agissant en application de l'article
86 de son règlement intérieur, prie l'État partie de ne pas les expulser
avant que le Comité se soit prononcé.
6.4 Le 23 juin 2003, le Comité, agissant par l'intermédiaire de son Rapporteur
spécial pour les nouvelles communications, a demandé à l'État partie, conformément
à l'article 86 de son règlement intérieur, de n'expulser aucune des victimes
alléguées de son territoire tant qu'il serait saisi de l'affaire.
Délibérations du Comité
7.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, selon l'article 87 de son règlement intérieur,
décider si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte.
7.2 En ce qui concerne l'épuisement des recours internes, le Comité note
que l'État partie a expressément renoncé à contester la recevabilité de
la communication à ce titre (voir par. 6.2 ci-dessus). (3)
7.3 Pour ce qui est de la plainte des auteurs selon laquelle le renvoi
de M. et Mme Rajan constituerait une violation de leurs droits, au regard
du paragraphe 1 de l'article 23, et du droit de leurs enfants à la protection
prévue par le paragraphe 1 de l'article 24, le Comité note que, en dehors
de l'affirmation selon laquelle, en raison de leur jeune âge, les enfants
devraient aussi quitter la Nouvelle-Zélande si leurs parents étaient expulsés,
les auteurs n'ont pas suffisamment expliqué en quoi leurs droits en la matière
seraient violés. Il ressort clairement des décisions des autorités du pays
que la protection de la famille, et plus particulièrement la protection
des enfants, ont été prises en compte à chaque stade de la procédure, y
compris par la Haute Cour, la Cour d'appel, le Tribunal d'examen des mesures
d'expulsion et plus récemment par le Ministre, lorsque la requête des auteurs
au titre de la «Politique transitoire» a été examinée. Le Comité fait observer
que très tôt, et plusieurs années avant la naissance d'Ashnita, les autorités
de l'État partie avaient fait diligence pour expulser les auteurs une fois
leurs agissements frauduleux découverts et que les auteurs ont passé ensuite
l'essentiel de leur séjour en Nouvelle-Zélande à exercer les recours disponibles
ou à se cacher. En outre, le fait que l'État partie ait agi avec une diligence
raisonnable pour faire appliquer ses lois sur l'immigration à l'encontre
de comportements délictueux enlève de sa force à tout argument selon lequel
Mme Rajan, si l'on admet qu'elle n'a pas été impliquée dans les agissements
frauduleux de M. Rajan, pourrait avoir été titulaire d'un intérêt distinct,
fondé sur la confiance née du passage du temps. En conséquence, le Comité
estime que les auteurs n'ont pas produit d'éléments établissant qu'eux ou
leurs enfants sont victimes de violations de l'article 17, du paragraphe
1 de l'article 23 et du paragraphe 1 de l'article 24 du Pacte. Leurs allégations
ne sont donc pas étayées et ne sont pas recevables au titre de l'article
2 du Protocole facultatif.
7.4 Le Comité note que les auteurs affirment être victimes, ainsi que leurs
enfants, de discrimination raciale parce qu'ils ne sont pas Anglo-Saxons
et avoir subi un traitement différent et, partant, inégal par rapport à
d'autres personnes se trouvant dans des situations similaires, notamment
la sœur et le frère de M. Rajan. Le Comité rappelle que l'égale jouissance
des droits et des libertés n'exige pas un traitement identique en toutes
circonstances et que des différences de traitement ne constituent pas une
discrimination lorsqu'elles sont fondées sur des critères objectifs et raisonnables.
Il observe que les tribunaux nationaux ne peuvent examiner les affaires
dont ils sont saisis que sur la base des faits présentés et que ces faits
diffèrent d'un cas à l'autre. Les auteurs n'ont pas présenté au Comité ou
aux tribunaux locaux les faits des affaires auxquelles ils comparent la
leur; en conséquence, le Comité considère que les arguments avancés par
les auteurs ne permettent pas d'étayer, aux fins de la recevabilité, leur
allégation selon laquelle ils seraient victimes d'une discrimination ou
d'un traitement inégal. Le Comité estime donc que cette allégation n'est
pas recevable au regard de l'article 2 du Protocole facultatif.
7.5 Le Comité note l'affirmation selon laquelle Vicky Rajan deviendrait
apatride du fait de la révocation de sa citoyenneté néo-zélandaise, ce qui
constituerait une violation du paragraphe 3 de l'article 24 du Pacte. Il
ressort cependant des pièces dont est saisi le Comité que Vicky Rajan garde
sa nationalité australienne et par conséquent, aucune question ne peut être
soulevée au titre du paragraphe 3 de l'article 24 du Pacte. L'allégation
formulée à cet égard dans la communication est donc irrecevable ratione
materiae en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif. Compte tenu
du fait que les autorités fidjiennes ont confirmé que le passeport fidjien
de Mme Rajan demeure valide et qu'elle conserve sa nationalité fidjienne,
la même conclusion s'applique à toute allégation relative à la révocation
de la nationalité néo-zélandaise de Mme Rajan.
7.6 En ce qui concerne les violations alléguées des paragraphes 1 et 4
de l'article 9 et de l'article 13, le Comité considère que ces allégations
n'ont pas été étayées par les auteurs aux fins de la recevabilité. Cette
partie de la communication est donc irrecevable au regard de l'article 2
du Protocole facultatif.
8. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide que:
a) La communication est irrecevable au titre des articles 2 et 3 du Protocole
facultatif;
b) La présente décision sera communiquée aux auteurs et à l'État partie.
___________________________
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du
Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres ci-après du Comité ont participé à l'examen de la présente
communication: M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, M. Alfredo Castillero
Hoyos, M. Franco Depasquale, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Walter Kälin,
M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, M. Rafael Rivas Posada, Sir
Nigel Rodley, M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari Yrigoyen, Mme Ruth
Wedgwood et M. Roman Wieruszewski.
Notes
1. Tavita c. Ministre de l'immigration [1994] 2 NZLE 257.
2. Jaramillo c. Royaume-Uni (ECHR Appl. 24865/94) et Fajujonu
c. Ministre de la justice et Procureur général [1990] 2 IR 151 (Haute
Cour de la République d'Irlande).
3. Voir également Joslin et consorts c. Nouvelle-Zélande, communication
no 902/1999, constatations adoptées le 17 juillet 2002, figurant au paragraphe
7.3.