Présentée par : M. Waldemar Kehler
Au nom de : L'auteur
État partie : Allemagne
Date de la communication : 5 mai 1998 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 22 mars 2001
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1.1 L'auteur de la communication, datée du 5 mai 1998, est Waldemar Kehler,
de nationalité allemande. Il se déclare victime de violations par la République
fédérale d'Allemagne de plusieurs dispositions du Pacte. Il n'est pas
représenté par un avocat.
1.2 Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques est
entré en vigueur pour l'État partie le 23 mars 1976 et le Protocole facultatif
s'y rapportant le 25 novembre 1993. En adhérant au Protocole facultatif,
l'État partie a émis la réserve suivante : « La République fédérale d'Allemagne
formule, à l'égard de l'alinéa a) du paragraphe 2 de l'article 5, une
réserve aux termes de laquelle le Comité n'aura pas compétence pour les
communications a) qui ont déjà été examinées par une autre instance internationale
d'enquête ou de règlement (...) ».
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur a deux enfants de son mariage avec Anita Kehler, Sonja,
née le 30 décembre 1981, et Nina, née le 20 février 1983. Après une longue
période d'invalidité traversée par l'auteur à la suite d'un accident et
d'une maladie, les conjoints se sont séparés et l'épouse a quitté le domicile
commun avec les deux filles, le 29 mai 1995.
2.2 Par une ordonnance provisoire en date du 12 juin 1995, le juge aux
affaires familiales du tribunal local de Dieburg a accordé à la mère le
droit de décider du lieu de résidence des enfants pendant la période de
séparation. Le 28 juin 1995, le juge a renvoyé le dossier au tribunal
local de Tuttlingen après une audience orale, l'auteur ayant préalablement
demandé à ce dernier que la garde des enfants lui soit accordée. Les enfants
ayant fait savoir qu'elles souhaitaient rester avec leur mère, le tribunal
de Tuttlingen a confirmé, par une décision rendue le 7 août 1995, les
dispositions provisoires qui avaient été arrêtées par le tribunal de Dieburg
concernant le droit de déterminer le lieu de résidence.
2.3 L'auteur ayant représenté que ses filles avaient subi des pressions
quand elles avaient exprimé leur volonté, le tribunal de Tuttlingen a
ordonné le 17 octobre 1995 qu'elles soient vues par un psychiatre. Les
deux filles et les parents ont été entendus individuellement un très grand
nombre de fois et on leur a fait passer des tests psychologiques; les
résultats ont indiqué que la volonté exprimée par les enfants était bien
la leur. En conséquence, le tribunal de Tuttlingen a confirmé, le 21 février
1996, la décision de confier la garde à la mère. L'auteur pouvait voir
ses enfants un week-end par mois et pendant les vacances. Il a attaqué
cette décision devant le tribunal régional de deuxième instance de Stuttgart,
qui l'a débouté le 20 septembre 1996. Le 5 juin 1997, le tribunal de Dieburg
a ordonné à l'auteur de verser une pension pour l'entretien des enfants
et de leur mère.
2.4 Le 18 juillet 1997, l'auteur a écrit au tribunal de Tuttlingen pour
lui demander de faire appliquer les modalités du droit de visite. Le juge
a répondu que le tribunal n'était pas en mesure de faire appliquer le
jugement parce que les enfants refusaient désormais de voir leur père.
Le 27 octobre 1997, le tribunal de Dieburg a rejeté la requête de l'auteur
qui demandait que la garde des enfants lui soit confiée et que la mère
soit condamnée à une amende parce qu'il avait voulu rendre visite à ses
enfants et qu'elle ne l'avait pas laissé les voir.
2.5 Le 20 janvier 1998, le tribunal régional de deuxième instance de Francfort-sur-le-Main
a modifié les dispositions concernant la garde en accordant à l'auteur
un droit de visite plus fréquent : un samedi sur deux, de 11 heures à
17 heures. Le tribunal a ordonné que cette décision soit respectée par
les deux parties sous peine de sanctions financières. Le 25 mars 1998,
la Cour constitutionnelle fédérale a rejeté la plainte que l'auteur avait
déposée devant elle.
2.6 Le 25 mai 1998, la Commission européenne des droits de l'homme a déclaré
irrecevable la plainte déposée par l'auteur le 1er septembre 1996 et enregistrée
le 3 octobre 1997 sous le No 38012/97 a déclaré la plainte irrecevable
en estimant qu'il ne ressortait pas de la requête que les droits et libertés
énoncés dans la Convention européenne ou dans ses protocoles avaient été
violés.
Teneur de la plainte
3. L'auteur a affirmé qu'il y avait violation de ses droits et de ceux
de ses enfants, principalement, semble-t-il, au titre des articles 23
et 24 du Pacte. Il a d'abord axé son argumentation sur le fait qu'en l'empêchant
de voir ses enfants, la mère avait commis un enlèvement d'enfants et que
l'État était complice puisqu'il ne faisait pas appliquer le droit de visite
et qu'il n'engageait pas de poursuites pénales contre son ancienne épouse.
Plus récemment, l'auteur s'est plaint de ce que les arrangements concernant
le droit de visite l'obligeaient à faire de longs trajets alors qu'il
était gravement handicapé, ce qui constituait une torture.
Renseignements et observations de l'État partie concernant la recevabilité
de la communication
4.1 L'État partie fait valoir qu'il est manifeste que la communication
a déjà été examinée au titre d'une autre procédure internationale d'enquête
ou de règlement et que le Comité n'est donc pas compétent, eu égard à
l'alinéa a) de la réserve qu'il a formulée à l'égard du Protocole facultatif.
4.2 L'État partie fait valoir en outre qu'il doute sérieusement que les
recours internes aient été épuisés. Étant donné que la Cour constitutionnelle
fédérale n'a pas motivé le rejet de la requête et que l'auteur n'a pas
fourni copie de celle-ci, le fait que la Cour constitutionnelle fédérale
n'ait pas accepté d'examiner la plainte n'est pas en soi suffisant, dans
un litige aussi complexe et prolongé, pour démontrer que les recours internes
ont été épuisés.
4.3 L'État partie considère aussi que les renseignements donnés dans la
communication sont sérieusement lacunaires et que les déclarations qui
y sont faites ne font pas ressortir de raison objective justifiant la
requête; il demande que l'auteur soit prié de fournir des éclaircissements.
En particulier, l'État partie objecte que l'auteur ne précise pas quelles
décisions des juridictions internes il conteste, ni à quel égard il estime
qu'il y a eu violation du Pacte.
Réponse de l'auteur aux observations de l'État partie concernant
la recevabilité de la communication
5. En réponse aux observations de l'État partie, l'auteur fait divers
commentaires sur la législation et la jurisprudence allemandes récentes
en matière de questions familiales, mentionne une correspondance avec
des membres du Parlement notamment, fait un exposé général sur les affaires
internationales d'enlèvements d'enfants en Allemagne et dans d'autres
pays, parle de son état de santé et de ses antécédents médicaux et répète
ses allégations concernant le comportement de sa femme et d'autres personnes
impliquées dans l'affaire.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité note l'argumentation de l'État partie selon laquelle aux
termes de l'alinéa a) de la réserve émise lors de l'adhésion dudit État
au Protocole facultatif, le Comité n'a pas compétence pour examiner la
plainte de l'auteur, la question ayant déjà été examinée par une autre
instance internationale d'enquête ou de règlement. À cet égard, l'État
partie a informé le Comité que la Commission européenne des droits de
l'homme avait déclaré la plainte de l'auteur irrecevable le 3 octobre
1997, estimant qu'il ne ressortait pas de la requête que les droits et
libertés énoncés dans la Convention européenne ou ses protocoles avaient
été violés. Compte tenu du fait que l'auteur n'a pas soumis sa requête
à la Commission, de l'absence de tout exposé des faits ou de thèse dans
la décision de la Commission et des dispositions générales du Pacte relatives
aux questions dont il s'agit, le Comité ne dispose pas de suffisamment
d'informations pour décider de l'applicabilité de la réserve de l'État
partie à la présente communication.
6.3 Le Comité estime toutefois, s'agissant des diverses requêtes déposées
par l'auteur, principalement en vertu des articles 23 et 24 du Pacte,
que l'auteur n'a pas justifié ses allégations aux fins de la recevabilité
de ses plaintes et déclare par conséquent celles-ci irrecevables au titre
de l'article 2 du Protocole facultatif. Dans ces circonstances, il est
par conséquent inutile que le Comité examine les autres arguments relatifs
à la recevabilité présentés par l'État partie.
7. En conséquence, le Comité décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole
facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et à l'auteur.
[Adopté en anglais (version originale), espagnol et français. Doit être
également traduit ultérieurement en arabe, chinois et russe pour le rapport
annuel du Comité à l'Assemblée générale.]
______________
* Les membres du Comité ci-après ont participé à l'examen de la présente
communication : M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra
Natwarlal Bhagwati, Mme Christine Chanet, M. Louis Henkin, M. David Kretzmer,
M. Rajsoomer Lallah, Mme Cecilia Medina Quiroga, M. Rafael Rivas Posada,
Sir Nigel Rodley, M. Martin Scheinin, M. Yvan Shearer, M. Hipólito Solari
Yrigoyen, M. Ahmed Tawfick Khalil, M. Patrick Vella et M. Maxwell Yalden.