Présentée par: Alex Soteli Chambala
Au nom de: L'auteur
État partie: Zambie
Date de la communication: 18 avril et 30 juillet 1997 (communications
initiales)
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 15 juillet 2003,
Ayant achevé l'examen de la communication no 856/1999 présentée
par M. Alex Soteli Chambala, en vertu du Protocole facultatif se rapportant
au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont
été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,
Adopte les constatations ci-après:
Constatations adoptées au titre du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif
1. L'auteur de la communication est Alex Soteli Chambala, citoyen zambien,
né en 1948. Il affirme être victime d'une violation par la Zambie (1)
des paragraphes 3 et 5 de l'article 9 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques. Il n'est pas représenté par un conseil.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur a été arrêté et détenu sans chef d'accusation le 7 février
1987. Le 12 février 1987, il s'est vu délivrer une ordonnance de garde à
vue (2) en application du paragraphe 6 de l'article 33 de la loi
sur le maintien de la sécurité publique. Le 24 février 1987, cette ordonnance
a été annulée, mais le même jour l'auteur a fait l'objet d'une ordonnance
de détention présidentielle en application du paragraphe 1 de l'article
33 de la loi sur le maintien de la sécurité publique. Les motifs de la détention
ont été exposés à l'auteur le 5 mars 1987; selon ces motifs, l'auteur était
détenu a) pour avoir accueilli et gardé chez lui un prisonnier évadé, Henry
Kalenga, b) dont il savait qu'il était détenu pour des infractions à la
loi sur le maintien de la sécurité publique, c) pour avoir aidé M. Kalenga
dans sa tentative pour s'enfuir vers un pays hostile à la Zambie et d) pour
n'avoir jamais signalé la présence de M. Kalenga aux forces de sécurité.
2.2 Après avoir été détenu pendant plus d'une année sans être présenté
à un tribunal ou à un fonctionnaire judiciaire, l'auteur a demandé sa libération.
Le 22 septembre 1988, la Haute Cour zambienne a décidé qu'il n'y avait aucune
raison de le garder en détention. Néanmoins, l'auteur n'a été libéré qu'en
décembre 1988, lorsque le Président a mis fin à sa détention. Selon l'auteur,
l'infraction qui lui était reprochée était passible d'une peine maximale
de six mois d'emprisonnement.
2.3 L'auteur affirme qu'en vertu de la législation zambienne une personne
ne peut demander réparation pour détention illégale. En outre, lorsqu'il
a interrogé des avocats sur les possibilités de déposer une requête, il
lui a été signifié qu'en vertu des lois zambiennes sa plainte était prescrite.
Il est affirmé en conséquence qu'aucun recours interne n'est disponible.
Cela étant, lorsque l'auteur a appris que Peter Chico Bwalya et Henry Kalenga
avaient obtenu réparation en application de décisions adoptées par le Comité
des droits de l'homme, (3) il a écrit au Bureau du Procureur général
pour demander réparation. Bien que ces lettres aient été enregistrées au
Bureau du Procureur général, il n'a reçu aucune réponse.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur fait valoir qu'en le gardant arbitrairement en détention pendant
près de deux ans sans le présenter à un juge ou à un autre fonctionnaire
autorisé par la loi à exercer des pouvoirs judiciaires, l'État partie a
violé les droits qui lui sont reconnus aux paragraphes 3 et 5 de l'article
9 du Pacte. Ces allégations semblent également soulever d'autres questions
au titre de l'article 9 du Pacte.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et le fond de
la communication
4. Par une note verbale datée du 26 mars 2001, l'État partie a reconnu
les faits décrits dans la communication et indiqué qu'il prendrait contact
avec le plaignant en vue de le dédommager de la période de détention en
cause.
Communications ultérieures avec les parties
5.1 Dans des lettres datées du 20 juin et du 9 novembre 2001 ainsi que
du 30 janvier 2002, l'auteur a informé le Comité qu'il n'avait reçu aucun
dédommagement de l'État partie. Dans la dernière des lettres susmentionnées,
il a indiqué qu'il avait adressé, le 9 novembre 2001, une réclamation au
Bureau du Procureur général qui était chargé du paiement des indemnisations.
5.2 Par une note verbale datée du 7 mars 2002, le secrétariat a rappelé
à l'État partie de tenir l'engagement qu'il a pris d'accorder réparation
à l'auteur sans retard et lui a demandé de l'informer des mesures prises
dans ce sens. Aucune réponse n'a été reçue de l'État partie.
Délibérations du Comité
Examen de la recevabilité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, en application de l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable au regard du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe
2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n'est pas
déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête
ou de règlement.
6.3 Le Comité note avec préoccupation que bien qu'ayant reconnu la véracité
des faits allégués dans la communication et s'étant engagé à indemniser
l'auteur pour la période de détention en cause, et en dépit d'un rappel
du secrétariat à cet effet, l'État partie ne s'est pas acquitté de son engagement.
6.4 Le Comité note que l'État partie n'a pas contesté la recevabilité de
la communication. Compte tenu des renseignements dont il dispose, le Comité
conclut en conséquence que l'auteur a satisfait aux exigences du paragraphe
2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif et qu'il n'existe pas d'autres
obstacles à la recevabilité de ses allégations concernant d'éventuelles
violations des dispositions de l'article 9.
Examen quant au fond
7.1 Le Comité a examiné la communication en tenant compte de tous les renseignements
fournis par les parties. Il note avec préoccupation le manque d'informations
de la part de l'État partie et rappelle qu'il ressort implicitement du paragraphe
2 de l'article 4 du Protocole facultatif qu'un État partie est tenu d'examiner
de bonne foi toutes les allégations portées contre lui et de fournir au
Comité tous les renseignements dont il dispose. L'État partie n'a communiqué
aucune information pertinente au Comité à l'exception de la note qu'il lui
a adressée le 26 mars 2001. Dans ces circonstances, il convient d'accorder
tout le crédit voulu aux allégations de l'auteur dans la mesure où elles
ont été étayées.
7.2 En ce qui concerne les allégations de l'auteur selon lesquelles il
a été victime d'une détention arbitraire, le Comité note que l'auteur a
été détenu pendant 22 mois, à partir du 7 février 1987, allégation que l'État
partie n'a pas contestée. Qui plus est, l'État partie n'a pas cherché à
justifier devant le Comité cette longue détention. En conséquence, le Comité
considère que cette détention était arbitraire et contraire au paragraphe
1 de l'article 9, lu en liaison avec le paragraphe 3 de l'article 2.
7.3 Le Comité note en outre que la détention de l'auteur pendant deux mois
après que la Haute Cour zambienne eut décidé qu'il n'y avait aucune raison
de le garder en détention était non seulement arbitraire au sens du paragraphe
1 de l'article 9, mais également contraire au droit interne zambien, ce
qui entraîne une violation du droit à réparation prévu au paragraphe 5 de
l'article 9.
8. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de
l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est
saisi font apparaître une violation du paragraphe 1de l'article 9 du Pacte,
lu en liaison avec le paragraphe 3 de l'article 2, ainsi que du paragraphe
5 de l'article 9 du Pacte.
9. En vertu du paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie a
l'obligation d'assurer à l'auteur un recours utile. Étant donné que l'État
partie s'est engagé lui-même à verser des dédommagements, le Comité l'invite
instamment à accorder dans les meilleurs délais un dédommagement à l'auteur
pour la période pendant laquelle il a été arbitrairement détenu, qui va
du 7 février 1987 à décembre 1988. L'État partie est tenu de prendre des
mesures pour que de telles violations ne se reproduisent pas à l'avenir.
10. En adhérant au Protocole facultatif, l'État partie a reconnu que le
Comité était compétent pour déterminer s'il y avait eu ou non violation
du Pacte. Aux termes de l'article 2 du Pacte, il s'est engagé à garantir
à tous les individus se trouvant sur son territoire ou relevant de sa juridiction
les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire
lorsqu'une violation a été établie par le Comité. Le Comité souhaite recevoir
de l'État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les
mesures prises pour donner effet à ses constatations. L'État partie est
également invité à rendre publiques les constatations du Comité.
_________________________
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la
présente communication: M. Abdelfattah Amor, M. Prafullachandra Natwarlal
Bhagwati, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil,
M. Rajsoomer Lallah, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin
Scheinin, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen, Mme Ruth Wedgwood,
M. Roman Wieruszewski, M. Maxwell Yalden.
Notes
1. Le Pacte et le Protocole facultatif se rapportant au Pacte sont entrés
en vigueur pour l'État partie le 10 juillet 1984.
2. Cette ordonnance de garde à vue, qui est datée du 12 février 1987, indique
que l'auteur devait être placé en détention pour une période ne dépassant
pas 28 jours en attendant de déterminer s'il y avait lieu d'émettre une
ordonnance de détention à son encontre.
3. Voir Bwalya c. Zambie, communication no 314/1988, constatations
adoptées le 14 juillet 1993, et Kalenga c. Zambie, communication
no 326/1988, constatations adoptées le 27 juillet 1993.