Comité des droits de l'homme
Soixante-septième session
18 octobre - 5 novembre 1999
ANNEXE*
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Soixante-septième session -
Communication No 861/1999
Présentée par : M. Alain Lestourneaud
Au nom de : L'auteur
État partie : France
Date de la communication : 16 septembre 1997 (lettre initiale)
Références : néant
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 3 novembre 1999
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est M. Alain Lestourneaud, citoyen français
né le 23 septembre 1952. Il affirme être victime d'une violation par la
République française des articles 2 et 26 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur, avocat au barreau de Thonon-les-Bains, a été désigné le
23 mars 1995 pour assurer la défense au titre de l'aide juridictionnelle
des intérêts d'un mineur dans une affaire portée devant la Cour d'assises
de Haute-Savoie. Le mineur était partie civile dans une affaire pénale
de viol et autres sévices sexuels.
2.2 À l'issue d'un procès qui a duré plus de deux ans, l'accusé a été
reconnu coupable et condamné à une peine de sept années d'emprisonnement.
L'affaire ayant été réglée, l'auteur et l'avocat de l'accusé ont sollicité
le règlement de l'indemnité due au titre de l'aide juridictionnelle. Cette
indemnisation est calculée selon un barème figurant à l'article 90 du
décret du 19 décembre 1991, relatif à l'aide juridique.
2.3 D'après le barème qui règle les indemnisations des avocats agissant
dans le cadre de l'aide juridictionnelle, l'avocat de la partie civile
est indemnisé sur la base de huit unités de valeur par intervention pour
la phase d'instruction et 24 unités de valeur par intervention devant
la Cour d'assises. L'avocat de l'accusé, par contre, reçoit une
indemnisation de 50 unités de valeur dans le premier cas et 40 unités
de valeur dans le second cas. L'unité de valeur se monte actuellement
à 136 francs français.
2.4 Par conséquent, l'auteur, en tant qu'avocat de la partie civile,
a reçu à la fin du procès une indemnisation s'élevant à 32 unités de valeur,
tandis que l'avocat de l'accusé a reçu une indemnisation de 90 unités
de valeur.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme que cette différence constitue une discrimination
fondée sur la qualité des parties au procès. Il affirme que le temps passé
par chaque avocat à l'audience est exactement le même et que la différence
de rémunération constitue donc une violation de l'article 26 du Pacte.
3.2 En outre, la loi relative à l'aide juridique exclut toute possibilité
de recours utile dans la mesure où aucune autorité judiciaire ne peut
être utilement saisie de la violation alléguée afin d'en obtenir la correction.
D'après l'auteur, ceci représente une violation du paragraphe 3 de l'article
2 du Pacte. Pour la même raison, l'auteur n'avait pas la possibilité d'épuiser
les recours internes.
Délibérations du Comité
4.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
4.2 Le Comité note que la plainte de l'auteur est fondée sur la différence
de rémunération des services d'aide juridictionnelle rendus par le conseil
du demandeur et de ceux rendus par le conseil du défendeur. Le Comité
rappelle que les différences de rémunération ne constituent pas une discrimination
lorsqu'elles sont fondées sur des critères objectifs et raisonnables.
En l'espèce, le Comité estime que la représentation d'une partie civile
dans une affaire pénale ne peut être mise sur le même plan que la représentation
de l'accusé. Les arguments avancés par l'auteur et les pièces qu'il a
fournies ne suffisent pas à étayer, aux fins de la recevabilité, son allégation
selon laquelle il est victime de discrimination.
4.3 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur au titre du paragraphe
3 de l'article 2 du Pacte, le Comité rappelle qu'aux fins du Protocole
facultatif, l'article 2 peut uniquement être invoqué relativement à l'un
quelconque des articles figurant dans la troisième partie du Pacte. La
plainte de l'auteur au regard de l'article 26 étant irrecevable, sa plainte
au regard de l'article 2 l'est donc elle aussi.
5. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) que la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole
facultatif;
b) que la présente décision sera communiquée à l'auteur et, pour information,
à l'État partie.
______________
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de
la présente communication : M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra
N. Bhagwati, Mme Elizabeth Evatt, M. Louis Henkin, M. Eckart Klein, M.
David Kretzmer, Mme Cecilia Medina Quiroga, M. Fausto Pocar, M. Martin
Scheinin, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Roman Wieruszewski, M. Maxwell
Yalden et M. Abdallah Zakhia. En application de l'article 85 du règlement
intérieur, Mme Christine Chanet n'a pas participé à l'examen de la communication.
[Adopté en anglais (texte original), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]