Comité des droits de l'homme
Soixante-septième session
18 octobre - 5 novembre 1999
ANNEXE*
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Soixante-septième session -
Communication No 871/1999
Présentée par : Mme Joukje E. Timmerman
Au nom de : L'auteur
État partie : Pays-Bas
Date de la communication : 22 septembre 1998
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 29 octobre 1999
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est Mme Joukje Elisabeth Timmerman, citoyenne
néerlandaise née le 8 avril 1951, résidant actuellement à Groningen (Pays-Bas).
Elle affirme être victime d'une violation par les Pays-Bas des articles
7 et 8, des paragraphes 1 et 2 de l'article 9 et des articles 17 et 26
du Pacte.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur a commencé à travailler à titre temporaire en tant qu'aide-chirurgien
à l'hôpital universitaire de Groningen (Academisch Ziekenhuis Groningen
- AZG), le 1er décembre 1980. Le 1er décembre 1981 un poste permanent
lui a été offert / Cela signifie, en vertu de la législation
néerlandaise, qu'elle est devenue fonctionnaire de l'État.. À un moment
donné, elle a exercé d'une manière effective les fonctions d'aide-chirurgien
principal au Département de chirurgie esthétique.
2.2 En 1989, le Département de chirurgie de l'hôpital a été réorganisé
et un "centre des opérations" a été créé. Les aides-chirurgiens
étaient censés faire preuve de souplesse et être à même de s'acquitter
de tâches chirurgicales dans différents services chirurgicaux dans le
cadre de ce qu'on a appelé le "service mobile". L'auteur s'est
vu proposer le poste d'aide-chirurgien le 1er septembre 1989 et devait
entrer en fonctions en septembre 1990. Elle accepté le poste à condition
de passer à une échelle de rémunération supérieure, ce qu'elle avait déjà
réclamé en janvier 1988. Elle avait fait cette demande parce qu'elle estimait
que les tâches supplémentaires de coordination qu'elle devait accomplir
à l'époque justifiaient son passage à un échelon plus élevé.
2.3 Dans un premier temps, la direction de l'hôpital avait refusé de
faire droit à la demande de l'auteur mais après une ordonnance judiciaire
(Ambtenarengerecht) rendue le 15 février 1991, elle a fini par accepter
son passage de l'échelon B07 à l'échelon B08 et lui a accordé un montant
non récurrent de 2 500 florins. L'hôpital a informé l'auteur de cette
décision dans une lettre datée du 10 juillet 1991.
2.4 Étant tombée malade à la date à laquelle elle était supposée assumer
ses nouvelles fonctions (septembre 1990), l'auteur ne s'est pas présentée
au travail. Par la suite, un médecin a informé la direction de l'hôpital
que l'auteur pourrait exercer graduellement ses fonctions de façon normale.
À son retour au travail, l'auteur n'était toujours pas satisfaite de son
échelon de rémunération, de son titre fonctionnel, de son travail dans
le cadre du service mobile et des tâches précises qu'elle devait accomplir.
Elle a eu plusieurs entretiens avec les responsables de l'hôpital durant
lesquels elle a insisté pour que son échelon de rémunération, son titre
et ses fonctions dans le cadre du service mobile soient réexaminés.
2.5 Après avoir adressé à la direction de l'hôpital plusieurs lettres
dans lesquelles elle a rappelé sa demande, l'auteur a fixé aux responsables
de l'établissement un délai de deux semaines pour qu'ils donnent leur
réponse. N'ayant pas obtenu de réponse dans les délais fixés, l'auteur
a déposé le 14 janvier 1992 une requête auprès du tribunal de district
de Groningen (Arrondissementsrechtbank Groningen) dans laquelle elle s'est
fondée sur le fait que les responsables de l'hôpital n'avaient pas répondu
à sa demande. Le tribunal a statué le 3 février 1995 que le délai de deux
semaines (fixé par l'auteur) était trop court et que la direction de l'hôpital
avait en fait réagi dans des délais raisonnables. Cette dernière avait
en effet répondu qu'elle maintenait sa position telle qu'elle l'avait
exprimée dans sa lettre du 10 juillet 1991.
2.6 Le 28 avril 1993, l'auteur a reçu de la direction de l'hôpital une
lettre de licenciement à laquelle elle a également fait opposition dans
le cadre de l'affaire susmentionnée. Le tribunal a toutefois jugé que
ce licenciement était légal. L'auteur a alors fait appel de la décision
auprès du Conseil central de recours (Centrale Raad van Beroep). Cet organe,
qui était la dernière instance judiciaire à laquelle l'auteur pouvait
s'adresser, a confirmé la décision du tribunal de district.
2.7 L'auteur a alors déposé une plainte auprès de la Commission européenne
des droits de l'homme. Le 4 juillet 1997, la Commission déclarait sa requête
irrecevable.
Teneur de la plainte
3. L'auteur fait valoir : 1) qu'il y a eu "rémunération inégale
et traitement inégal pour un travail de valeur égale", ce qui, selon
elle, constitue une violation de l'article 26 du Pacte; 2) que la mesure
lui faisant obligation de travailler dans le cadre du "service mobile"
était discriminatoire parce qu'elle n'avait été appliquée qu'à elle; 3)
que les moyens employés par la direction de l'hôpital pour "dépouiller
l'auteur de son statut juridique en tant qu'employé de l'hôpital, c'est-à-dire
la fraude, la falsification, le chantage et les menaces vont à l'encontre
de l'article 17 du Pacte"; 4) qu'il y a eu violation des articles
8 et 9, au motif qu'à son retour à l'hôpital après sa maladie, elle a
été obligée d'exercer ses fonctions dans des conditions pouvant être assimilées
à un travail forcé et à une privation de liberté; 5) que l'hôpital a employé
cette méthode pour "se débarrasser d'elle" lui infligeant ce
qui constituait en dernière analyse une forme de torture, en violation
de l'article 7 du Pacte.
Délibérations du Comité
4.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
4.2 Le Comité note que l'auteur affirme être victime d'une violation
des articles 7, 8, 9 et 17 du Pacte. Il considère toutefois que les arguments
qu'elle a invoqués en ce qui concerne le comportement de la direction
de l'hôpital ne permettent pas de conclure, aux fins de la recevabilité,
qu'il y a eu violation desdits articles du Pacte. En conséquence, cette
partie de la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du
Protocole facultatif.
4.3 Pour ce qui est de l'allégation de l'auteur selon laquelle elle a
fait l'objet d'une discrimination en violation de l'article 26 du Pacte,
notamment au motif qu'elle n'a pas reçu un salaire égal pour un travail
égal et qu'elle était, parmi les autres employées se trouvant dans une
situation similaire, la seule à avoir été obligée à travailler dans le
cadre du service mobile, le Comité note que l'argument de la discrimination
n'a jamais été soulevé devant les tribunaux locaux. Il conclut par conséquent
que cette plainte est irrecevable pour non-épuisement des recours internes.
Cette partie de la communication est donc irrecevable en vertu du paragraphe
2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.
5. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 et du
paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur et, pour information,
à l'État partie.
______________
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de
la communication : M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra
N. Bhagwati, Lord Colville, Mme Elizabeth Evatt, M. Louis Henkin, M. Eckart
Klein, M. David Kretzmer, Mme Cecilia Medina Quiroga, M. Martin Scheinin,
M. Roman Wieruszewski, M. Maxwell Yalden et M. Abdallah Zakhia.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]