Comité des droits de l'homme
Soixante-huitième session
13 - 31 mars 2000
Annexe
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Soixante-huitième session -
Communication No 882/1999*
Présentée par : Chris Bech (représenté par M. Knut Rognlien, avocat
à Oslo)
Au nom de : L'auteur
État partie : Norvège
Date de la communication : 28 septembre 1999
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 15 mars 2000,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est M. Chris Bech, de nationalité norvégienne,
né le 23 mai1956. Il se déclare victime d'une violation par la Norvège de
l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Il est représenté par M. Knut Rognlien, avocat à Oslo.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Le 9 novembre 1995, l'auteur a été reconnu coupable de fraude par le
tribunal d'instance d'Oslo, et condamné à cinq ans de prison. Il a fait
appel du jugement devant la Cour d'appel (Borgarting). Le procès a eu lieu
du 15 janvier au 6 février 1997. Le 23 décembre 1996, soit avant le procès,
l'auteur a été victime d'un accident de voiture. Le traumatisme subi lui
a causé d'intenses douleurs dans le cou, qui ont provoqué des insomnies,
celles-ci donnant lieu à des difficultés de concentration et des troubles
de la vue. Des analgésiques, ayant un effet soporifique, lui ont été prescrits.
Les médecins lui ont conseillé de se reposer et d'éviter le stress autant
que possible.
2.2 En raison de son état de santé, l'avocat a sollicité l'ajournement du
procès en appel. Le 15 janvier 1997, premier jour du procès, après avoir
consulté la spécialiste traitant l'auteur, ainsi que son médecin généraliste,
la Cour a rejeté la requête. Elle a toutefois décidé que les audiences seraient
moins longues que d'habitude, que de courtes pauses auraient lieu toutes
les heures, et que l'auteur disposerait d'un fauteuil.
2.3 Dans une déclaration, la spécialiste soignant l'auteur a indiqué à la
Cour que des médicaments pouvaient soulager les douleurs de l'auteur et
que celui-ci pouvait donc assister aux audiences si des pauses régulières
étaient ménagées.
2.4 Le lendemain, l'état de l'auteur s'est aggravé et le 17 janvier 1997
la Cour a décidé pour cette raison d'interrompre son témoignage. Il a été
convenu que l'auteur consulterait un médecin et effectuerait une analyse
de sang. Dans l'avis qu'il a publié le 21 janvier 1997, l'Institut national
de médecine légale a indiqué que les résultats de l'examen sanguin révélaient
que l'auteur était probablement affecté par le traitement qu'il suivait.
Le 23 janvier 1997, l'auteur ne s'est pas rendu à la Cour d'appel et l'audience
a été ajournée au lendemain. Le procès a ensuite repris en la présence de
l'auteur. Le 27 février 1997, la Cour a rejeté l'appel et condamné l'auteur
à cinq ans de prison.
2.5 Le 19 mars 1997, l'auteur a formé un pourvoi fondé sur un moyen de procédure
que la section des pourvois de la Cour suprême a décidé de ne pas examiner.
Un second pourvoi a été rejeté le 14 mai 1997. Après avoir obtenu, le 5
juin 1997, une disposition d'un expert médecin à l'Institut national de
médecine légale, l'avocat de l'auteur a une nouvelle fois demandé à la Cour
suprême d'examiner le recours. Dans sa déposition, le médecin a indiqué
que le traitement suivi par l'auteur pouvait avoir un effet calmant et relaxant,
et provoquer un état léthargique, susceptible d'avoir des effets néfastes
sur la mémoire, la capacité d'apprentissage et la concentration, effets
comparables à ceux induits par l'absorption de 0,1 % d'alcool. Le 30 septembre
1997, la section des pourvois de la Cour suprême a rejeté la demande de
l'auteur.
Teneur de la plainte
3. L'auteur fait valoir que sa cause n'a pas été entendue équitablement
en appel, dans la mesure où il n'était pas à même de fournir une explication
valable et complète de l'affaire, ni de suivre les dépositions des témoins.
Cette situation a compromis sa défense et ne lui a pas permis de conseiller
convenablement son avocat. Celui-ci souligne à cet égard que l'affaire était
complexe, l'acte d'accusation comprenant plus de 15 pages qui portaient
sur les activités commerciales de l'auteur, ses plans de financement et
ses revenus. Le témoignage de l'auteur était essentiel à sa défense. En
outre, l'auteur soutient qu'il n'a pas été capable de préparer convenablement
sa défense, n'étant pas en mesure de prendre connaissance des centaines
de documents dont était saisie la Cour.
Délibérations du Comité
4.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable au regard du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
4.2 Pour alléguer que sa cause n'a pas été entendue de manière équitable,
l'auteur soutient que son état de santé a affecté ses capacités au point
de l'empêcher de faire valoir ses arguments en cause d'appel. Le Comité
note que l'auteur a invoqué ce moyen à la fois devant la Cour d'appel et
lors du pourvoi devant la Cour suprême, et que l'une et l'autre ont rejeté
sa demande après avoir entendu la déposition d'un expert médical. Le Comité
rappelle que c'est généralement aux juridictions des États parties et non
pas à lui qu'il appartient d'apprécier les faits et les éléments de preuve
dans une affaire à moins qu'il puisse être établi que l'appréciation a été
manifestement arbitraire ou a représenté un déni de justice. Les arguments
avancés par l'auteur, ainsi que les éléments qu'il a présentés, ne sont
pas suffisamment étayés, aux fins de la recevabilité de sa communication,
pour établir que l'évaluation de son état de santé par la Cour a été arbitraire
ou a entraîné un déni de justice. La communication est donc irrecevable
au regard de l'article 2 du Protocole facultatif.
5. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable au regard de l'article 2 du Protocole
facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur et portée à la
connaissance de l'État partie.
_____________
* Les membres du Comité ci-après ont participé à l'examen de la communication
: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati,
Mme Christine Chanet, Lord Colville, Mme Elizabeth Evatt, Mme Pilar Gaitán
de Pombo, M. Louis Henkin, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, M. Rasjsoomer
Lallah, M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Maxwell Yalden
et M. Abdallah Zakhia.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français.]