Présentée par: Natalia Schedko (représentée par un conseil, Mme Tatiana
Protko)
Au nom de: L'auteur et son fils Anton Bondarenko (décédé)
État partie: Bélarus
Date de la communication: 11 janvier 1999
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 3 avril 2003,
Ayant achevé l'examen de la communication no 886/1999 présentée
au nom de Mme Natalia Schedko et M. Anton Bondarenko en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont
été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,
Adopte les constatations ci-après:
Constatations adoptées au titre du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif
1.1 L'auteur de la communication est Mme Natalia Schedko, de nationalité bélarussienne.
Elle agit en son nom et au nom de son fils décédé, Anton Bondarenko, également
de nationalité bélarussienne, qui, au moment où la communication a été présentée,
le 11 janvier 1999, se trouvait en détention dans le quartier des condamnés
à mort, après avoir été reconnu coupable de meurtre et condamné à la peine
capitale. Elle affirme que son fils décédé est victime de la part de la République
du Bélarus (1) de violations des articles 6 et 14 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques. Il ressort de ses lettres que la
communication soulève également des questions au titre de l'article 7 du Pacte.
L'auteur est représentée par un conseil.
1.2 Le 28 octobre 1999, conformément à l'article 86 de son règlement intérieur,
le Comité des droits de l'homme, par l'entremise de son Rapporteur spécial
pour les nouvelles communications, a demandé à l'État partie de ne pas exécuter
la peine capitale prononcée contre M. Bondarenko jusqu'à ce que le Comité
se prononce sur son cas. Comme il ressortait de la réponse de l'État partie
datée du 12 janvier 2000 que la peine capitale avait été exécutée à une
date antérieure non spécifiée, le Comité a adressé des questions précises
à la fois à l'auteur de la communication et à l'État partie. (2) D'après
les réponses reçues, M. Bondarenko a été exécuté en juillet 1999 (3),
c'est-à-dire avant la date d'enregistrement de la communication par le Comité.
1.3. Le Comité note avec regret qu'avant même qu'il n'ait été en mesure
de présenter sa demande au titre de l'article 86, la peine capitale avait
été exécutée. Le Comité entend, et fera en sorte, que les affaires susceptibles
de relever de l'article 86 soient traitées avec la diligence voulue pour
que l'on se conforme à ses demandes.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 M. Bondarenko, qui était accusé de meurtre et de plusieurs autres crimes,
a été reconnu coupable des faits qui lui étaient reprochés et condamné le
22 juin 1998 par la Cour régionale de Minsk à être fusillé par un peloton
d'exécution. La décision a été confirmée par la Cour suprême le 21 août
1998. Selon l'appréciation des faits par les tribunaux, M. Bondarenko a
pénétré par effraction chez des particuliers le 25 juillet 1997, en compagnie
d'un mineur dénommé Voskoboynikov, et, sous la menace d'un couteau, a contraint
les propriétaires à ouvrir leur coffre-fort. Après avoir pris les objets
de valeur qui s'y trouvaient, M. Voskoboynikov a prévenu M. Bondarenko que
l'un des occupants, M. Kourilenkov, les dénoncerait et a suggéré à M. Bondarenko
de le tuer. M. Bondarenko a poignardé deux fois M. Kourilenkov au cou avec
un couteau de poche et s'est arrêté là. M. Voskoboynikov a continué à donner
des coups de couteau à M. Kourilenkov au cou et sur le corps avec son propre
couteau. La grand-mère de M. Kourilenkov, Mme Martinenko, a également été
tuée lorsqu'elle a ouvert la porte d'entrée; M. Voskoboynikov l'a poussée
dans l'escalier jusqu'à la cave puis lui a donné plusieurs coups de couteau.
2.2 D'après l'auteur, le rapport du médecin légiste a conclu que M. Kourilenkov
était mort de multiples blessures reçues au cou et sur le corps, avec lésions
à la veine jugulaire gauche et au larynx, aggravées par une abondante effusion
de sang et un traumatisme violent. Selon l'auteur, le procès a prouvé que
M. Bondarenko n'avait porté que deux coups de couteau à M. Kourilenkov,
ce qui, à son avis, ne saurait avoir causé sa mort. En ce qui concerne l'homicide
commis sur Mme Martinenko, l'auteur considère qu'il existe des preuves irréfutables
que M. Bondarenko n'est pas le coupable. M. Voskoboynikov aurait avoué,
le 24 août 1998, avoir menti pendant l'enquête et au tribunal, en accusant
à tort M. Bondarenko. Il avait auparavant refusé de révéler l'endroit où
se trouvait l'arme du meurtre - son couteau, qu'il avait utilisÚ
pour les deux meurtres - mais a alors indiqué l'endroit oú il était
caché de sorte que l'affaire pouvait être rouverte et faire l'objet d'une
nouvelle enquête.
2.3 L'auteur déclare que le Président de la Cour suprême a même refusé
d'ajouter le couteau aux pièces du dossier, au motif qu'il ne constituait
pas un élément de preuve suffisant pour étayer la thèse selon laquelle M.
Bondarenko n'avait pas participé aux meurtres. Elle affirme que la Cour
aurait refusé d'ajouter au dossier des pièces à conviction favorables à
son fils qui permettraient d'atténuer la gravité de sa faute et de prouver
qu'il n'avait pas participé activement aux meurtres.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur prétend que les tribunaux nationaux ne disposaient pas d'éléments
clairs et sans ambiguïté permettant de prouver que son fils était coupable
des meurtres. À son avis, le Président de la Cour suprême n'a pas tenu compte
du témoignage du coaccusé de son fils (témoignage donné après le procès)
et a refusé d'inclure dans le dossier des pièces à conviction qui auraient
atténué la culpabilité de son fils. Selon elle, cela montre bien que le
tribunal avait une position préconçue à l'égard de son fils, et un tel tribunal
ne saurait être considéré comme indépendant et impartial. À ses yeux, cela
constitue une violation des articles 6 et 14 du Pacte.
3.2 Il ressort aussi du dossier, encore que l'auteur n'ait pas directement
invoqué ces dispositions, que la communication peut soulever des questions
au titre de l'article 7 du Pacte, concernant le refus d'informer l'auteur
de la date de l'exécution de son fils et du lieu où il a été enterré.
3.3 Enfin, la communication semble soulever des questions concernant le
respect par l'État partie des obligations découlant du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte, l'auteur alléguant que l'État partie a exécuté son
fils avant l'enregistrement de la communication par le Comité, mais après
qu'elle eut informé l'avocat, l'administration pénitentiaire et la Cour
suprême qu'elle présentait sa communication.
Observations de l'État partie
4.1 Dans une note du 12 janvier 2000, l'État partie a présenté ses observations,
en rappelant que M. Bondarenko avait été jugé par la Cour régionale de Minsk
qui, le 22 juin 1998, l'avait reconnu coupable de tous les crimes spécifiés
aux articles 89, 90, 96 et 100 du Code pénal de la République du Bélarus.
(4) Il a été condamné à mort et à la confiscation de ses biens. Dans
la même décision de jugement, M. Voskoboynikov a été condamné, pour les
mêmes chefs d'accusation, à 10 ans de prison et à la confiscation de ses
biens. (5)
4.2 Pour l'État partie, les pièces à conviction fournies au procès démontraient
clairement que M. Bondarenko et M. Voskoboynikov étaient coupables d'agression
armée et d'homicide aggravé sur les personnes de Mme Martinenko et de M.
Kourilenkov.
4.3 Selon l'État partie, bien que M. Voskoboynikov ait nié toute participation
aux meurtres, les pièces à conviction prouvaient sa culpabilité. L'enquête
démontrait, et les tribunaux ont été convaincus, que M. Bondarenko et M.
Voskoboynikov avaient perpétré ensemble les meurtres dont avaient été victimes
Mme Martinenko et M. Kourilenkov, et que l'un et l'autre avaient porté les
coups de couteau. Par conséquent, la déclaration dans laquelle M. Voskoboynikov
prétend avoir menti pendant l'enquête et le procès et avoir porté de fausses
accusations contre M. Bondarenko est sans fondement.
4.4 L'État partie affirme que l'appréciation par les tribunaux des actes
commis par M. Bondarenko et M. Voskoboynikov était correcte. Ayant examiné
la nature des crimes commis par M. Bondarenko, le grand danger qu'ils représentaient
pour le public ainsi que les motivations et les méthodes de ce dernier,
et de même que les renseignements recueillis précédemment d'où se dégageait
une image négative de la personnalité de l'accusé, le tribunal est arrivé
à la conclusion que M. Bondarenko représentait une menace particulière pour
la société et a prononcé la peine de mort.
4.5 Selon l'État partie, tous les aspects de l'affaire ont été examinés
de manière approfondie pendant l'enquête préliminaire et le procès. Par
conséquent, il n'existe pas de motifs pour attaquer les jugements rendus.
4.6 L'État partie termine sa communication en indiquant que la condamnation
de M. Bondarenko a été exécutée, mais ne fournit pas de date.
Commentaires de l'auteur
5.1 Dans ses commentaires du 29 janvier 2001, le conseil mentionne l'affirmation
par l'État partie que les tribunaux avaient correctement qualifié les actes
de M. Bondarenko et de M. Voskoboynikov et que l'enquête ainsi que les tribunaux
avaient établi qu'ils avaient assassiné ensemble Mme Martinenko et M. Kourilenkov.
Le conseil fait toutefois observer que, selon le rapport du médecin légiste,
M. Kourilenkov était décédé de blessures multiples reçues au cou et sur
le corps, à la joue gauche et au larynx, aggravées par une forte hémorragie
et un traumatisme aigu. Les tribunaux avaient conclu que M. Bondarenko avait
poignardé deux fois M. Kourilenkov, ce qui, de l'avis du conseil, n'avait
pas été et ne pouvait pas être la cause de la mort.
5.2 Le conseil rappelle que M. Voskoboynikov avait reconnu avoir agi seul
pour tuer Mme Martinenko. Le couteau utilisé pour commettre les meurtres
ne figurait pas dans les pièces à conviction.
5.3 Le conseil conclut par conséquent que la peine de mort imposée à M.
Bondarenko était une violation de l'article 6 du Pacte. Quoi qu'il en soit,
la condamnation a été exécutée.
Observations additionnelles de l'auteur et de l'État partie
6.1 À la suite de la lettre envoyée le 11 juillet 2002 par le Comité aux
parties leur demandant de donner des précisions sur l'exécution de la condamnation
à mort (6), le conseil a envoyé le 24 juillet 2002 les observations
ci-après. Elle indique que l'auteur affirme avoir obtenu un certificat de
décès daté du 26 juillet 1999, indiquant que son fils a été exécuté le 24
juillet 1999. (7) Le conseil précise en outre que les exécutions
capitales se déroulent en secret au Bélarus. Ni le condamné ni sa famille
ne sont informés de la date de l'exécution (8). Toutes les personnes
condamnées à la peine capitale sont transférées au centre de détention no
1 de Minsk (SIZO - 1), o¨ elles sont placÚes dans des ½cellules de
la mort╗ sÚparÚes et reþoivent des vÛtements (rayÚs) diffÚrents de
ceux des autres dÚtenus.
6.2 Le conseil note que les exécutions sont effectuées dans une zone spéciale
par des soldats choisis parmi les membres du «Comité de l'exécution des
condamnations». L'exécuteur procède à l'exécution en utilisant un pistolet,
qui lui est remis par le chef du centre de détention. Après l'exécution,
un médecin constate le décès et établit un certificat, en présence d'un
procureur et d'un représentant de l'administration pénitentiaire.
6.3 Le conseil ajoute que le corps du prisonnier exécuté est transporté
de nuit dans l'un des cimetières de Minsk puis enterré par des soldats de
manière à ne laisser aucun signe permettant de reconnaître le nom du prisonnier
ou l'endroit exact où il est enseveli.
6.4 Le conseil déclare que, dès que le tribunal ayant prononcé la condamnation
à mort est informé de l'exécution, il en informe à son tour un membre de
la famille du prisonnier exécuté. La famille se voit ensuite délivrer par
le service municipal de l'état civil un certificat de décès indiquant que
le décès a pour cause une décision judiciaire.
6.5 Le conseil affirme, sans autre précision, que Mme Schedko avait annoncé
à l'avocat de son fils, à la Cour suprême et aux autorités pénitentiaires
qu'elle avait présenté une communication au Comité des droits de l'homme
avant l'exécution de son fils.
7.1 Le 12 septembre 2002, l'État partie a répondu à la question posée par
le Comité (9) concernant la date de l'exécution du fils de l'auteur
et le moment exact à partir duquel l'État partie a connu l'existence de
la communication. Il affirme que M. Bondarenko a été exécuté le 16 juillet
1999, en application de la décision de la Cour régionale de Minsk du 22
juin 1998. Il souligne que la note du Haut-Commissariat des Nations Unies
aux droits de l'homme concernant l'enregistrement de la communication était
datée du 28 octobre 1999, c'est-à-dire que l'exécution a eu lieu trois mois
avant que l'État partie ne soit informé de l'enregistrement de la communication
en vertu du Protocole facultatif.
7.2 L'État partie n'a fait aucune autre observation concernant les allégations
de l'auteur.
Délibérations du Comité
Allégation de violation du Protocole facultatif
8.1 L'auteur a prétendu que l'État partie avait violé les obligations contractées
en vertu du Protocole facultatif en faisant exécuter son fils alors qu'une
communication avait été adressée au Comité et que l'auteur avait informé
l'avocat de son fils, les autorités pénitentiaires et la Cour suprême de
son initiative, avant l'exécution de son fils et avant l'enregistrement
officiel de sa communication en vertu du Protocole facultatif. Cette allégation
n'a pas été étayée ni corroborée par des pièces écrites. L'État partie ne
réfute pas explicitement la prétention de l'auteur, se bornant à déclarer
qu'il a été informé de l'enregistrement de la communication de l'auteur
au titre du Protocole facultatif par une note verbale du 28 octobre 1999,
soit trois mois après l'exécution. Dans sa jurisprudence, le Comité s'est
penché sur la question de savoir si un État partie agissait en violation
des obligations contractées en vertu du Protocole facultatif lorsqu'il exécutait
une personne qui avait présenté une communication au Comité, et a cherché
à y répondre non seulement en se demandant si le Comité avait explicitement
sollicité des mesures provisoires de protection mais aussi en se fondant
sur le caractère irréversible de la peine capitale. Toutefois, dans les
circonstances propres à la présente communication, et compte tenu de ce
que la première affaire dans laquelle le Comité a établi l'existence d'une
violation du Protocole facultatif du fait de l'exécution d'une personne
dont le cas était en instance d'examen par le Comité (10) a été tranchée
et rendue publique après l'exécution de M. Bondarenko, le Comité ne peut
tenir l'État partie pour responsable d'une violation du Protocole facultatif
en raison de l'exécution de M. Bondarenko après la soumission de la communication,
mais avant son enregistrement. (11)
Détermination de la recevabilité
9.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte.
9.2 Le Comité note que la même affaire n'est pas en cours d'examen devant
une autre instance internationale et que les recours internes ont été épuisés.
Les conditions énoncées au paragraphe 2 a) et b) de l'article 5 du Protocole
facultatif sont donc réunies.
9.3 Le Comité a pris note des allégations de l'auteur qui prétend que les
tribunaux n'ont pas disposé de preuves claires, convaincantes et sans équivoque,
démontrant que son fils était coupable des meurtres, et que le Président
de la Cour suprême n'a pas pris en compte le témoignage que le coaccusé
de son fils a donné après le procès et a refusé de prendre en considération
des éléments de preuve qui auraient pu atténuer la culpabilité de son fils.
Pour l'auteur, cela montre de manière décisive que le tribunal avait un
préjugé concernant la culpabilité de son fils et met en lumière l'absence
d'indépendance et d'impartialité des tribunaux, ce qui est une violation
des articles 6 et 14 du Pacte. Ces allégations vont par conséquent à l'encontre
de l'appréciation des faits et des éléments de preuve par les tribunaux
de l'État partie. Le Comité rappelle qu'il appartient généralement aux juridictions
d'appel des États parties au Pacte d'examiner les faits et les éléments
de preuve dans un cas d'espèce, sauf s'il peut être établi que l'appréciation
des éléments de preuve a été manifestement arbitraire et a représenté un
déni de justice, ou que le tribunal a par ailleurs violé son obligation
d'indépendance et d'impartialité. Les éléments portés à la connaissance
du Comité ne montrent pas que les décisions prises par la Cour régionale
de Minsk et la Cour suprême aient été entachées de telles irrégularités,
même aux fins de la recevabilité. En conséquence, cette partie de la communication
est irrecevable conformément à l'article 2 du Protocole facultatif.
9.4 Le Comité considère que la dernière allégation de l'auteur, selon laquelle
le fait que les autorités n'aient pas informé la famille, par l'entremise
du prisonnier condamné ou directement, de la date de l'exécution et que
les autorités ne l'aient pas informée du lieu exact où son fils a été enseveli,
constitue une violation du Pacte, est recevable dans la mesure où elle semble
soulever des questions au regard de l'article 7 du Pacte.
9.5 En conséquence, le Comité déclare que la communication est recevable
dans les limites indiquées au paragraphe 9.4 ci-dessus et procède immédiatement
à l'examen de cette partie de la communication quant au fond.
Examen quant au fond
10.1 Conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif,
le Comité des droits de l'homme a examiné la communication en tenant compte
de toutes les informations écrites qui lui ont été soumises par les parties.
10.2 Le Comité relève que l'auteur se plaint que sa famille n'a été informée
ni de la date, ni de l'heure, ni du lieu de l'exécution de son fils, pas
plus que du lieu exact où celui-ci a ensuite été enterré, et que cette affirmation
n'a pas été contestée. Étant donné que l'État partie ne s'est pas inscrit
en faux contre cette plainte, et n'a fourni aucune autre information pertinente
sur la manière dont se déroulent les exécutions de peines capitales, il
convient d'accorder le crédit voulu à l'allégation de l'auteur. Le Comité
comprend l'angoisse et la pression psychologique dont l'auteur, mère d'un
prisonnier condamné à mort, a souffert et souffre encore parce qu'elle ne
connaît toujours pas les circonstances ayant entouré l'exécution de son
fils, ni l'emplacement de sa tombe. Le Comité considère que le secret total
entourant la date d'exécution et le lieu de la sépulture, ainsi que le refus
de remettre la dépouille mortelle aux fins d'enterrement, ont pour effet
d'intimider ou de punir les familles en les laissant délibérément dans un
état d'incertitude et de souffrance psychologique. Le Comité considère que
le fait que les autorités aient tout d'abord omis de notifier à l'auteur
la date prévue pour l'exécution de son fils, puis aient persisté à ne pas
lui indiquer l'emplacement de la tombe de son fils, constitue un traitement
inhumain à l'égard de l'auteur, contraire à l'article 7 du Pacte.
11. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif, estime que les faits dont il est
saisi font apparaître une violation de l'article 7 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques.
12. En vertu du paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie
est tenu d'offrir à l'auteur une réparation, consistant notamment à l'informer
du lieu où son fils a été enterré, et à l'indemniser pour l'angoisse dans
laquelle elle vit. L'État partie est également tenu d'empêcher que des violations
analogues se reproduisent à l'avenir.
13. Étant donné qu'en adhérant au Protocole facultatif, l'État partie a
reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s'il y avait eu ou
non violation du Pacte et que, conformément à l'article 2 du Pacte, il s'est
engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et
relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer
un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation a été établie, le Comité
souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements
sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L'État partie
est également prié de publier les constatations du Comité.
____________________________
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la
présente communication: M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati,
M. Franco Depasquale, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer
Lallah, M. Rafael Rivas Posada, M. Nigel Rodley, M. Martin Scheinin, M.
Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen, Mme Ruth Wedgwood, M. Roman Wieruszewski
et M. Maxwell Yalden.
Notes
1. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques est entré
en vigueur pour l'État partie le 23 mars 1976 et le Protocole facultatif le
30 décembre 1992.
2. Le 11 juillet 2002, le Comité a demandé les précisions suivantes:
a) À l'État partie:
1. «Où l'exécution a-t-elle eu lieu exactement, et
2. À quel moment l'État partie a-t-il appris l'existence de la communication?».
b) À l'auteur:
1. «À quelle date la peine capitale a-t-elle été exécutée et
2. Avez-vous informé l'État partie que vous aviez présenté la communication
au Comité des droits de l'homme avant que celle-ci ne soit enregistrée?».
3. Selon l'auteur, son fils a été exécuté le 24 juillet 1999; l'État partie
donne la date du 16 juillet 1999.
4. L'État partie, toutefois, n'a pas fourni le texte des articles en question.
5. La Cour a pris en compte le fait que M. Voskoboynikov était mineur à
l'époque où les crimes ont été commis.
6. Voir note no 2.
7. Voir note no 3.
8. L'auteur envoie le texte de l'article 175 du Code d'exécution des peines
bélarussien qui dispose en particulier que les condamnations à mort sont
exécutées par fusillade. Assistent à l'exécution un procureur, un représentant
de la prison où l'exécution a lieu et un médecin. Dans des cas exceptionnels,
avec l'autorisation du procureur, la présence d'autres personnes peut être
autorisée. Le médecin constate le décès et un procès-verbal est établi à
cet effet. L'administration pénitentiaire est tenue d'informer la Cour qui
a prononcé la peine et la Cour à son tour informe l'un des membres de la
famille du supplicié. Les proches ne peuvent se faire remettre le corps
pour l'enterrer, et le lieu de l'enterrement n'est divulgué ni à la famille
ni aux proches.
9. Voir note no 2.
10. Communication no 869/1999, Piandiong et consorts c. Les Philippines.
11. Communications Nos. 839/1998, 840/1998, et 841/1998, Mansaraj et
al. v. Sierra Leone, Gborie et al. v. Sierra Leone, et Sesay
et al. v. Sierra Leone, paragraph 5.1 et seq.; communication No. 869/1999,
Piandiong et al. v. Les Philippines, paragraphe 5.1 et seq., et communication
No. 580/1994, Glenn Ashby v. Trinidad and Tobago.