Présentée par : M. David Wayne Tamihere
Au nom de : L'auteur
État partie : Nouvelle-Zélande
Date de la communication : 20 novembre 1997 (date de la lettre
initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 15 mars 2000
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est M. David Wayne Tamihere, de nationalité
néo-zélandaise, né en 1953. Il se déclare victime d'une violation de la
part de la Nouvelle-Zélande des articles 2, 14 et 26 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 En avril 1989, deux touristes suédois ont été assassinés en Nouvelle-Zélande
et leurs biens ont été volés. L'affaire, qui a eu un grand retentissement
dans l'opinion et les médias, a fait l'objet d'une enquête de police très
poussée à l'issue de laquelle l'auteur est apparu comme le principal suspect.
Il a avoué le vol de la voiture mais n'a cessé de se proclamer innocent
du meurtre des victimes. Le procès s'est ouvert en octobre 1990 devant
une juridiction avec jury; en décembre de la même année, le jury a déclaré
l'auteur coupable de meurtre et de vol.
2.2 L'auteur a fait appel du jugement. La date de l'audience en appel
a été fixée au 21 août 1991 et l'auteur a obtenu le bénéfice de l'aide
juridictionnelle pour se faire représenter, en appel, par un avocat principal
et un avocat en second, qui l'avaient défendu en première instance. Peu
avant l'audience, le conseil principal a demandé à l'auteur de signer
une lettre par laquelle il reconnaissait qu'il n'y avait aucun moyen d'appel
à avancer. L'auteur ayant refusé, le conseil principal lui a signifié
qu'il comptait se retirer. Dans un premier temps, la cour d'appel a rejeté
la demande d'aide juridictionnelle présentée par l'auteur pour s'assurer
les services d'un nouveau conseil pour le défendre en appel, sans toutefois
que la décision soit définitive, de sorte que l'auteur avait la possibilité
de présenter des arguments à l'appui de sa demande. Avant que la cause
ne soit entendue, de nouveaux éléments de preuve ont été découverts; la
cour d'appel est revenue sur sa décision et a accordé l'aide juridictionnelle
à l'auteur afin qu'il puisse s'assurer les services d'un avocat et d'un
médecin légiste. Le nouvel avocat a plaidé devant la cour en mai 1992.
2.3 En mai 1992, la cour d'appel a débouté l'auteur, estimant qu'il n'avait
pas été victime d'une erreur judiciaire conformément à l'article 385 c)
de la loi criminelle de 1961 (New Zealand Crimes Act). En 1994,
l'auteur s'est vu refuser l'autorisation de faire appel auprès du Conseil
privé.
2.4 En 1996, il a été communiqué que l'un des trois détenus, qui servaient
d'informateurs et qui avaient témoigné contre l'auteur, s'était rétracté.
Devant cet élément nouveau et à la demande de l'auteur, un membre du Parlement
a demandé l'ouverture d'une enquête ministérielle. L'affaire a été déférée
au Bureau indépendant chargé d'enquêter sur les plaintes concernant la
police, qui a mené une enquête. Après le début de l'enquête, l'informateur
est revenu sur sa décision de se rétracter. Le bureau d'enquêtes n'en
a pas moins mené une enquête approfondie et a conclu que la police n'avait
pas commis d'irrégularité. En conséquence, le Ministre de la justice a
refusé que l'affaire soit examinée plus avant. L'auteur a écrit à des
membres de plusieurs partis politiques de son pays, mais il n'a suscité
que très peu d'intérêt de leur part. Il affirme avoir épuisé toutes les
voies de recours internes.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme que les droits consacrés aux articles 2, 14 et 26
du Pacte ont été violés. Plus précisément, il fait valoir ce qui suit
:
a) Il y avait trois témoins "secrets" dont les témoignages étaient
essentiels pour l'accusation. Selon ces témoins - anciens codétenus qui
étaient des indicateurs de la police -, l'auteur aurait avoué le meurtre
à plusieurs reprises;
b) Le droit à un procès équitable n'avait pas été respecté parce que,
en août 1991, la cour d'appel lui a refusé le bénéfice de l'aide juridictionnelle
qui lui aurait permis de s'assurer les services d'un nouvel avocat et
de préparer sa défense en appel;
c) La procédure suivie par la police pour recueillir des preuves contre
lui et la conduite des policiers lors de l'enquête étaient entachées
d'irrégularités, notamment la fabrication d'éléments de preuve qui,
de l'avis de l'auteur, étaient fallacieux et équivalaient à un parjure;
d) Les tribunaux ont autorisé l'accusation à présenter des éléments
de preuve alors que certains étaient fallacieux ou d'une crédibilité
douteuse. En conséquence, l'auteur estime que les tribunaux n'ont pas
correctement interprété les faits de la cause, ce qui a abouti à sa
condamnation injuste pour meurtre.
Délibérations du Comité
4.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
4.2 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur concernant les preuves
apportées par des témoins "secrets", il ressort des éléments
qu'il a présentés que l'identité de ces témoins lui a été révélée ainsi
qu'à son conseil et au jury. Le seul élément "secret" en l'espèce
était l'obligation de confidentialité concernant la divulgation de l'identité
des témoins. Dans ces circonstances, le Comité estime que l'auteur n'a
pas étayé ses allégations de violation de l'article 14, paragraphe 1.
4.3 S'agissant du déni d'aide juridictionnelle en appel dont l'auteur
se prétend victime, le Comité note que la décision initiale portant rejet
de l'aide juridictionnelle aux fins de l'appel a été revue avant la date
fixée pour l'audience, et que l'auteur a été représenté devant la cour
d'appel par un conseil rémunéré au titre de l'aide juridictionnelle. Par
conséquent, l'auteur n'a pas étayé l'allégation selon laquelle les droits
consacrés par l'article 14, paragraphe 3 d), ont été violés.
4.4 Le Comité note, au vu des documents présentés par l'auteur, que les
tribunaux n'ont pas admis ses allégations faisant état d'irrégularités
commises par la police et du manque de crédibilité des témoins à charge.
Il renvoie à sa jurisprudence et affirme qu'il ne peut examiner les faits
et les éléments de preuve appréciés par les tribunaux nationaux à moins
qu'il n'apparaisse que l'appréciation en était arbitraire ou représentait
un déni de justice. Les arguments invoqués par l'auteur et les éléments
qu'il a présentés ne permettent pas de conclure que les décisions de la
cour aient été entachées de telles irrégularités. Par conséquent, s'agissant
des allégations de l'auteur faisant état d'irrégularités commises par
la police quand elle a rassemblé les preuves et contestant la crédibilité
des preuves produites, la communication est irrecevable au regard de l'article
2 du Protocole facultatif.
5. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur et portée à la
connaissance de l'État partie.
____________
ANNEXE** Les membres suivants du Comité ont participé à l'examen de la
présente communication : M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra
Natwarlal Bhagwati, Mme Christine Chanet, Lors Colville, Mme Elizabeth
Evatt, Mme Pilar Gaitán de Pombo, M. Louis Henkin, M. Eckart Klein, M.
David Kretzmer, M. Rajsoomer Lallah, M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari
Yrigoyen, M. Roman Wieruszewski, M. Maxwell Yalden et M. Abdallah Zakhia.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français.]