Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 25 juillet 2002,
Ayant achevé l'examen de la communication no 899/1999, présentée
par M. Glenroy Francis, M. Nerville Glaude et M. Keith George en vertu
du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux
droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont
été communiquées par l'auteur de la communication et par l'État partie,
Adopte les constatations suivantes:
Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole
facultatif
1. Les auteurs de la communication, datée du 29 mai 1997, sont MM. Glenroy
Francis, Neville Glaude et Keith George, qui purgent actuellement une peine
de 75 ans d'emprisonnement dans une prison d'État. Ils se déclarent victimes
de violations par la Trinité-et-Tobago (*) du paragraphe 3 de l'article
2, de l'article 7, du paragraphe 3 de l'article 9, du paragraphe 1 de l'article
10 et des paragraphes 1, 3 c) et 5 de l'article 14 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques. Ils sont représentés par un conseil.
Rappel des faits présentés par les auteurs
2.1 MM. Francis, Glaude et George ont été arrêtés les 24 juillet 1986,
23 juillet 1986 et 24 mai 1987 respectivement en tant que suspects dans
le meurtre commis le 19 juillet 1986 d'un dénommé Ramesh Harriral. Jusqu'à
leur procès en novembre 1990, les auteurs sont restés en détention provisoire
à la prison de Golden Grove à Arouca, où ils ont partagé avec 8 à 15 autres
prisonniers une cellule faisant à peine trois mètres sur deux.
2.2 Après avoir été détenus pendant quatre ans et trois mois dans le
cas de MM. Francis et Glaude et trois ans et cinq mois dans celui de M.
George, les auteurs ont été jugés entre le 6 et le 30 novembre 1990, reconnus
coupables du chef d'accusation de meurtre par tous les membres du jury
et condamnés à mort. Depuis leur condamnation le 30 novembre 1990 jusqu'à
ce que leur peine soit commuée le 3 mars 1997, les auteurs ont été détenus
dans le quartier des condamnés à mort à la prison de Port of Spain à Trinité.
Ils ont été détenus dans une cellule d'isolement d'à peine trois mètres
sur deux, équipée d'un sommier en fer, d'un matelas, d'une chaise et d'une
table.(1)
2.3 Il n'y avait aucune installation sanitaire dans la cellule, mais
un seau en plastique qui servait de tinette. La seule ouverture était
un petit trou d'aération d'environ 20 cm2, nettement insuffisant pour
la ventilation. La lumière provenait exclusivement d'un néon allumé 24
heures sur 24, qui était situé à l'extérieur au-dessus de la porte de
la cellule. Les auteurs, qui étaient enfermés toute la journée, ne pouvaient
quitter leur cellule que pour aller chercher leur ration alimentaire,
se laver et vider le contenu de leur seau en plastique. Ils ne pouvaient
faire des exercices physiques à l'extérieur de leur cellule qu'environ
une fois par mois et devaient alors toujours porter des menottes. Ils
n'étaient autorisés à avoir qu'un nombre limité d'objets personnels, à
l'exclusion des radios, et n'avaient que très rarement la possibilité
d'avoir de quoi lire et de quoi écrire. M. Francis a en outre déclaré
qu'il n'avait pas eu le droit de consulter le règlement de la prison,
qu'il n'avait pas été autorisé à écrire au Ministre de la sécurité nationale
pour se plaindre de ses conditions de détention, que les visites des médecins
étaient irrégulières et que des lettres adressées aux membres de sa famille
avaient été interceptées et ne leur avaient pas été envoyées, sans aucune
explication. M. Glaude a aussi affirmé que, du fait de la mauvaise qualité
de la nourriture, il avait perdu beaucoup de poids et qu'aucun médicament
ne lui avait été fourni.
2.4 Le 10 octobre 1994, les auteurs ont déposé une demande d'autorisation
de former un recours contre leur condamnation devant la Cour d'appel de
la Trinité-et-Tobago. Celle-ci l'a rejetée le 13 mars 1995. Le 14 novembre
1996, la Section judiciaire du Conseil privé a rejeté la demande d'autorisation
spéciale de former un recours des auteurs en tant qu'indigents. Le 3 mars
1997, la peine de mort des auteurs a été commuée en une peine de 75 ans
d'emprisonnement.
2.5 Depuis ce moment-là, les auteurs sont détenus à la prison de Port
of Spain, où ils sont maintenus en permanence dans une cellule d'à peine
trois mètres sur deux, avec 9 à 12 codétenus. Ce surpeuplement serait
à l'origine d'affrontements violents entre détenus. La cellule étant équipée
d'un unique lit, les auteurs dorment à même le sol. Le seau en plastique
qui sert de tinette pour tous les détenus est vidé une fois par jour,
ce qui fait que de temps en temps il déborde et que son contenu se répand
sur le sol. La lucarne de 60 cm2 munie de barreaux qui est la seule source
d'aération est insuffisante. Les détenus restent enfermés environ 23 heures
par jour dans leur cellule, sans la moindre possibilité d'étudier, de
travailler ou de lire. Le local qui sert de cuisine se trouvant à environ
deux mètres de l'endroit où les prisonniers vident leur tinette, il y
a un risque sanitaire évident. Selon les auteurs, la quantité et la qualité
de la nourriture ne permettent pas de répondre à leurs besoins et les
mécanismes de plaintes des détenus sont insuffisants.
Teneur de la plainte
3.1 Les auteurs se plaignent essentiellement de retard excessif dans
la procédure judiciaire et des conditions d'incarcération qu'ils endurent
depuis leur arrestation.
3.2 Pour ce qui est du premier grief, les auteurs font valoir qu'il y
a eu violation des droits que leur reconnaît le paragraphe 3 de l'article
9 et le paragraphe 3 c) de l'article 14 du Pacte parce qu'il s'est écoulé
quatre ans et trois mois avant que MM. Francis et Glaude passent en jugement,
et trois ans et cinq mois avant que M. George soit traduit en justice,
c'est-à-dire entre leur arrestation les 19 juillet 1986, 23 juillet 1986
et 24 mai 1987, et l'ouverture de leur procès le 6 novembre 1990. En conséquence,
ils soutiennent que ce retard est excessif.
3.3 Les auteurs citent les constatations du Comité dans les affaires
Celiberti de Casariego c. Uruguay, Millan Sequeira c. Uruguay
et Pinkney c. Canada, (2) dans lesquelles le
Comité a estimé que des durées avant jugement comparables constituaient
une violation du Pacte. Rappelant l'affaire Pratt et Morgan c.
Attorney-General de la Jamaïque, (3) les auteurs font valoir
que l'État a la responsabilité d'éviter une telle lenteur dans la justice
pénale et que dans leur cas il y avait une responsabilité certaine. Ils
soutiennent que la longueur de la procédure est d'autant plus grave que
la police n'avait que peu d'enquêtes à mener puisque les éléments de preuve
à charge reposaient simplement sur la déposition directe d'un témoin oculaire,
les déclarations qu'ils ont faites à la police et des expertises médico-légales
consistant dans des rapports d'analyse dont les dates s'échelonnent entre
le 24 juillet et le 12 août 1986.
3.4 Les auteurs se plaignent également de violations des paragraphes
1, 3 c) et 5 de l'article 14 du Pacte en raison des quatre années et plus
de trois mois qui se sont écoulés avant que la Cour d'appel ait examiné
et rejeté leur demande de recours, ce qu'ils qualifient de délai déraisonnable.
Les auteurs citent diverses affaires où le Comité a estimé que des durées
comparables (et même plus courtes) étaient incompatibles avec le Pacte
(4). Les auteurs affirment que, pour évaluer si la longueur de
la procédure a été raisonnable, il faut tenir compte du fait qu'ils étaient
condamnés à mort et étaient incarcérés dans des conditions inacceptables.
3.5 La deuxième partie de la plainte porte sur les conditions dans lesquelles
les auteurs ont été incarcérés après leur condamnation, et dans lesquelles
ils se trouvent actuellement, maintenant que la peine a été commuée, et
qui sont décrites plus haut. D'après les auteurs, ces conditions de détention
ont été condamnées à maintes reprises par des organisations internationales
de défense des droits de l'homme qui les ont considérées comme incompatibles
avec les normes de protection minimales internationalement reconnues (5).
Les auteurs ajoutent que, depuis que leur peine a été commuée, ils restent
incarcérés dans des conditions manifestement contraires à diverses règles
pénitentiaires nationales et à l'Ensemble de règles minima des Nations
Unies pour le traitement des détenus.(6)
3.6 En se fondant sur les Observations générales nos 7 et 9 du Comité,
relatives à l'article 7 et à l'article 10, et sur plusieurs affaires dans
lesquelles le Comité a considéré que les conditions de détention constituaient
une violation du Pacte, (7) les auteurs font valoir que les conditions
dans lesquelles ils ont été incarcérés à chaque stade de la procédure
enfreignaient les normes minimales intangibles en matière de conditions
de détention (minimum que les États parties doivent assurer quel que soit
leur niveau de développement) et constituent donc une violation de l'article
7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. Les auteurs se réfèrent
plus particulièrement à l'affaire Estrella c. Uruguay, (8)
dans laquelle, pour déterminer si l'intéressé était victime d'un traitement
inhumain dans la prison Libertad, le Comité s'était fondé en partie sur
d'autres communications qu'il avait examinées et qui confirmaient que
dans cette prison «les détenus sont systématiquement soumis à de mauvais
traitements». Dans l'affaire Neptune c. Trinité-et-Tobago,
(9) le Comité avait estimé que les conditions – très semblables
à celles qui sont décrites dans la présente affaire – étaient incompatibles
avec le paragraphe 1 de l'article 10 et avait demandé à l'État partie
de prendre des mesures pour améliorer les conditions générales de détention,
de façon à éviter que de pareilles violations ne se produisent à l'avenir.
Pour étayer leurs arguments concernant la violation de l'article 7 et
du paragraphe 1 de l'article 10, les auteurs renvoient à diverses décisions
de la jurisprudence internationale établissant que des conditions de détention
excessivement dures constituent un traitement inhumain. (10)
3.7 Enfin, les auteurs font valoir qu'il y a violation du paragraphe
1 de l'article 14 du Pacte, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l'article
2, parce qu'ils sont privés du droit de soulever les questions susmentionnées
devant les tribunaux. Ils soutiennent que le droit de présenter une requête
constitutionnelle n'est pas un recours utile dans leur cas, en raison
du coût prohibitif de la procédure qu'il faut engager devant la juridiction
supérieure pour obtenir réparation constitutionnelle, de l'absence d'aide
juridictionnelle pour le dépôt des requêtes constitutionnelles et du manque
notoire d'avocats trinidadiens qui acceptent de représenter gratuitement
les condamnés qui veulent former ce recours. Les auteurs citent l'affaire
Champagnie et consorts c. Jamaïque (11) dans laquelle
le Comité a estimé qu'en l'absence d'aide juridictionnelle une requête
constitutionnelle n'était pas un recours utile pour l'auteur de la communication,
qui était dans l'indigence. Les auteurs citent des décisions de la Cour
européenne des droits de l'homme (12) pour montrer que l'exercice
effectif du droit d'accès aux tribunaux peut exiger que l'aide juridictionnelle
soit assurée aux indigents. Les auteurs font valoir que l'aide est d'autant
plus nécessaire dans le cas d'une condamnation à mort et donc que l'absence
d'aide juridictionnelle pour déposer la requête constitutionnelle constitue
en soi une violation du Pacte.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et sur le
fond
4. Nonobstant la demande adressée à l'État partie par une note verbale
du 30 novembre 1999, et les rappels envoyés par le secrétariat les 18
décembre 2001, 26 février 2001 et 10 octobre 2001, l'État partie n'a présenté
aucune observation sur la recevabilité et/ou sur le fond de l'affaire.
Délibérations du Comité
Examen de la recevabilité
5.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
5.2 Le Comité s'est assuré que la même question n'est pas déjà en cours
d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement
au sens du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, et
que les recours internes disponibles ont été épuisés au sens du paragraphe
2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif. En l'absence de toute information
communiquée par l'État partie, le Comité considère en l'espèce que les
éléments présentés par les auteurs sont suffisants pour étayer ces plaintes,
aux fins de la recevabilité.
5.3 Par conséquent, le Comité conclut que la communication est recevable
et procède à un examen du fond à la lumière de tous les renseignements
portés à sa connaissance par les auteurs, conformément au paragraphe 1
de l'article 5 du Protocole facultatif. Le Comité constate avec préoccupation
l'absence de toute coopération de la part de l'État partie, tant en ce
qui concerne la recevabilité que le fond des allégations formulées par
les auteurs. Il ressort implicitement de l'article 91 du règlement intérieur
et du paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif qu'un État partie
au Pacte doit examiner de bonne foi toutes les allégations concernant
des violations du Pacte formulées contre lui et qu'il doit fournir au
Comité par écrit des explications ou des éclaircissements sur la question
et indiquer les mesures qu'il pourrait avoir prises pour remédier à la
situation. Dans ces circonstances, il convient d'accorder le crédit voulu
aux allégations des auteurs, dans la mesure où elles ont été étayées.
Examen du fond
5.4 Pour ce qui est de la durée excessive de la période qui s'est écoulée
avant le procès, le Comité rappelle que, selon sa jurisprudence, «une
personne inculpée d'un crime grave, homicide ou meurtre par exemple à
qui la libération sous caution a été refusée par le tribunal, doit être
jugée aussi rapidement que possible» (13). En l'espèce, où les
preuves directes étaient claires et ne nécessitaient apparemment de la
part de la police que des investigations limitées, le Comité considère
qu'il faut invoquer des motifs très exceptionnels pour justifier des détentions
avant jugement de quatre ans et trois mois et de trois ans et cinq mois
respectivement. L'État partie n'ayant avancé aucune raison pour justifier
ces retards, le Comité conclut que les droits consacrés au paragraphe
3 de l'article 9 et au paragraphe 3 c) de l'article 14 du Pacte ont été
violés.
5.5 Pour ce qui est de l'intervalle de quatre ans et trois mois écoulé
entre la condamnation et le jugement en appel, le Comité note que les
auteurs ont déposé leur demande d'autorisation de recours en novembre
1994 et que la Cour l'a rejetée quelque cinq mois après, en mars 1995.
Les auteurs n'ayant pas avancé d'argument permettant de penser que le
retard pris sous le dépôt du recours pourrait être imputé à l'État partie,
le Comité n'est pas en mesure de conclure une violation des paragraphes
3 c) et 5 de l'article 14 du Pacte.
5.6 Pour ce qui est de la plainte des auteurs relative aux conditions
de détention à chacun des stades de leur incarcération, qui constitueraient
une violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10, à défaut
de réponse de l'État partie aux allégations des auteurs relatives à leurs
conditions de détention, le Comité se doit d'accorder le crédit voulu
à celles-ci puisqu'elles n'ont pas été dûment réfutées. Le Comité considère
que les conditions de détention telles qu'elles sont décrites représentent
une violation du droit des auteurs d'être traités avec humanité et dans
le respect de la dignité inhérente à l'être humain, et sont par conséquent
contraires au paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. Compte tenu de cette
conclusion touchant l'article 10, disposition du Pacte qui traite spécifiquement
de la situation des personnes privées de liberté et englobe, s'agissant
de ces personnes, les éléments énoncés à l'article 7, il n'est pas nécessaire
d'examiner séparément les plaintes relevant de l'article 7 du Pacte.
5.7 En ce qui concerne les griefs formulés au titre du paragraphe 1 de
l'article 14, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l'article 2, les
auteurs affirmant qu'ils se sont vu refuser le droit d'accès aux tribunaux
pour les exposer, le Comité considère qu'il n'est pas nécessaire de se
prononcer sur ce point compte tenu des conclusions ci-dessus.
6. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il
est saisi font apparaître une violation du paragraphe 3 de l'article 9,
du paragraphe 1 de l'article 10 et des paragraphes 3 c) de l'article 14
du Pacte.
7. En vertu du paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie
est tenu d'offrir aux auteurs un recours utile, sous la forme d'une indemnisation
adéquate. Étant donné que les auteurs ont été incarcérés pendant de longues
années dans des conditions déplorables qui sont contraires aux dispositions
de l'article 10 du Pacte, l'État partie devrait envisager de les libérer.
En tout état de cause, l'État partie devrait améliorer sans tarder les
conditions de détention dans ses prisons, afin qu'elles soient conformes
à l'article 10 du Pacte.
8. En adhérant au Protocole facultatif, l'État partie a reconnu que le
Comité avait compétence pour déterminer s'il y avait eu ou non violation
du Pacte. La communication a été adressée au Comité avant que la dénonciation
par la Trinité-et-Tobago du Protocole facultatif ne prenne effet -
27 juin 2000 -; conformément au paragraphe 2 de l'article 12 du
Protocole facultatif, les dispositions de cet instrument continuent d'être
applicables à l'Etat partie. Conformément à l'article 2 du Pacte, celui-ci
s'est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire
et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer
un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation a été établie. Le
Comité souhaite recevoir de l'Etat partie, dans un délai de 90 jours,
des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations.
L'Etat partie est invité à rendre publiques les constatations du Comité.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Ultérieurement
aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]
Appendice
Opinion individuelle (en partie dissidente) de M. Hipólito Solari
Yrigoyen,
membre du Comité
Conformément au paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie est
tenu d'offrir aux auteurs un recours utile, notamment sous la forme d'une
indemnisation adéquate. Étant donné que les auteurs ont été incarcérés pendant
de longues années dans des conditions déplorables qui sont contraires aux
dispositions de l'article 10 du Pacte, l'État partie devrait les libérer.
En tout état de cause, l'État partie devrait améliorer sans tarder les conditions
de détention dans ses prisons, afin qu'elles soient conformes à l'article
10 du Pacte.
[Version originale: espagnol]
___________________
** Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de
la présente communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra
Natwarlal Bhagwati, M. Glèlè Ahanhanzo, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Eckart
Klein, M. David Kretzmer, M. Rajsoomer Lallah, M. Rafael Rivas Posada,
M. Martin Scheinin, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Patrick
Vella et M. Maxwell Yalden.
Le texte d'une opinion individuelle en partie dissidente signé par un
membre du Comité, M. Hipólito Solari Yrigoyen, est joint au présent document.
Notes
* Initialement, le Protocole facultatif est entré en vigueur pour
la Trinité-et-Tobago le 14 février 1981. Le 26 mai 1998, le Gouvernement
de la Trinité-et-Tobago a dénoncé le Protocole facultatif se rapportant
au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le même
jour, il y a adhéré de nouveau en formulant une réserve selon laquelle
«le Comité des droits de l'homme n'aura pas compétence pour recevoir et
examiner des communications concernant un détenu condamné à mort pour
ce qui est de toute question ayant trait aux poursuites judiciaires dont
il aura fait l'objet, à sa détention, à son procès, à sa condamnation
et à sa peine ou à l'exécution de la peine de mort à son encontre ou à
toute question connexe». Le 2 novembre 1999, le Comité a décidé que cette
réserve n'était pas valable, étant incompatible avec l'objet et le but
du Protocole facultatif. Le 27 mars 2000, le Gouvernement de la Trinité-et-Tobago
a de nouveau dénoncé le Protocole facultatif.
1. La description faite par le conseil de ces conditions de détention
dans le quartier des condamnés à mort repose sur une visite qu'il a rendue
aux auteurs et sur des entretiens qu'il a eus avec eux le 15 juillet 1996.
La description qu'a faite le conseil des conditions après la commutation
de la peine des auteurs repose sur des visites qu'il a rendues à d'autres
détenus dans la même prison le même jour et sur des entretiens qu'il a
eus avec eux.
2 Communications nos 56/1979, 6/1977 et 27/1978 respectivement.
3 [1994] 2 AC 1 (Conseil privé).
4 Les auteurs citent les communications no 27/1978 (Pinkney
c. Canada), no 283/1998 (Little c. Jamaïque), nos
210/1986 et 226/1987 (Pratt et Morgan c. Jamaïque), no 253/1987
(Kelly c. Jamaïque), et no 523/1992 (Neptune c. Trinité-et-Tobago).
5 Les auteurs renvoient à une étude générale des conditions qui
règnent dans la prison de Port of Spain et qui sont décrites dans un livre
de Vivian Stern intitulé Deprived of their Liberty (1990).
6 Pour évoquer la situation carcérale générale, les auteurs citent
également les propos, rapportés dans un journal daté du 5 mars 1995, du
Secrétaire général de l'Association des personnels pénitentiaires, qui
a déclaré que les conditions sanitaires sont tout à fait déplorables,
inacceptables et dangereuses pour la santé╗, ajoutant que les bas
salaires et la propagation des maladies graves contagieuses rendent le
métier de surveillant pénitentiaire extrêmement pénible.
7 Valentini de Bazzano c. Uruguay (no 5/1977), Buffo
Carballal c. Uruguay (no 33/1978), Sendic Antonaccio
c. Uruguay (no 63/1979), Gomez De Voituret c. Uruguay
(no 109/1981), Wight c. Madagascar (no 115/1982), Pinto
c. Trinité-et-Tobago (no 232/1987), Mukong c. Cameroun
(no 458/1991).
8 Communication no 27/1980.
9 Communication no 523/1992. Les conditions pénitentiaires qui
étaient décrites étaient les mêmes: une cellule d'environ trois mètres
sur deux avec six ou parfois neuf autres prisonniers, trois lits, pas
d'éclairage, une demi-heure d'exercice toutes les deux ou trois semaines
et une nourriture immangeable.
10 Il a aussi été fait référence à la jurisprudence relative à
l'article 3 de la Cour européenne des droits de l'homme et à une décision
de la Cour suprême du Zimbabwe: Conjwayo v. Minister
of Justice, Legal and Parliamentary Affairs et al. (1992) 2
SA 56, Gubay CJ pour la Cour.
11 Communication no 445/1991, déclarée recevable le 18 mars 1993.
12 Golder c. Royaume-Uni [1975] 1 EHRR 524 et Airey
c. Irlande [1979] 2 EHRR 305. Les auteurs citent également les
constatations du Comité dans l'affaire Currie c. Jamaïque
(communication no 377/1989) où le Comité a estimé que, quand les intérêts
de la justice l'exigent, un condamné qui veut déposer une requête constitutionnelle
pour irrégularité dans un procès pénal devrait pouvoir bénéficier de l'aide
juridictionnelle.
13 Barroso c. Panama (communication no 473/1991,
par. 8.5).