Présentée par: M. Francisco Asensio López (représenté par M. José
Luis Mazón Costa)
Au nom de: L'auteur
État partie: Espagne
Date de la communication: 12 juillet 1999 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 23 juillet 2001,
Adopte la décision ci-après:
Décision concernant la recevabilité
1.1 L'auteur de la communication datée du 12 juillet 1999 est M. Francisco
Asensio López, citoyen espagnol, qui affirme que le jugement rendu dans
l'action en modification des dispositions du jugement de séparation engagée
par son épouse, a porté atteinte à son honneur. Il affirme également que
la justice n'a pas donné suite à la plainte pénale qu'il avait déposée contre
les termes, qu'il qualifiait d'injures et de calomnies, de ce jugement.
Il se dit victime d'une violation par l'Espagne de l'article 14, paragraphe
1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L'auteur
est représenté par un conseil.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 M. Francisco Asensio López avait été assigné en justice dans une
action en modification des dispositions du jugement de séparation par
son épouse dont il était légalement séparé. Le jugement mettant fin à
la procédure, qui avait été rendu le 31 mai 1996 par la juge de première
instance, contenait des allusions à l'état mental de l'auteur et était
rédigé en ces termes: «il n'a pas été possible de procéder à l'expertise
psychiatrique demandée qui eut indubitablement établi qu'il souffre d'une
altération de ses facultés mentales. Une simple conversation avec lui
ou la lecture de certaines des plaintes qu'il a présentées suffisent à
le démontrer: abusant de ses droits, M. Asensio se sert à l'évidence de
sa fille pour occuper les trois juges de première instance de Molina de
Segura, se plaignant d'eux à tort et publiquement dans certaines de ses
déclarations au quotidien La Opinión, faits qui sont de notoriété
publique, se plaignant également des avocats chargés de l'assister qui
ont effectué correctement leur travail depuis le début de l'action en
séparation et qui ont tous demandé à être dessaisis – requêtes qui,
pour être plus que justifiées, ont toutes été acceptées – se plaignant
enfin des agents de la police locale de Molina de Segura».
2.2 Le 1er juillet 1996, l'auteur a déposé auprès du juge de première
instance qui était de permanence une plainte contre les termes vexatoires
employés par la juge dans le jugement rendu le 31 mai 1996, termes susceptibles
d'être qualifiés, selon lui, d'injures ou de calomnies. La plainte a été
rédigée par l'auteur lui-même et en des termes non juridiques. Étant donné
que l'organe compétent pour examiner les plaintes mettant en cause des
juges de la circonscription est la Cour supérieure de justice de Murcie,
c'est celle-ci qui a été saisie de la plainte, qu'elle a rejetée le 10
septembre 1996. La Cour a informé l'auteur de l'existence d'un recours
en révision recevable dans un délai de trois jours. Ce recours a été présenté
par l'auteur le 3 octobre 1996.
2.3 Le 9 octobre 1996, la Cour supérieure de justice de Murcie a informé
l'auteur qu'elle n'examinerait pas son recours car il devait être obligatoirement
assisté d'un avocat pour le présenter.
2.4 L'auteur, assisté d'un avocat, a introduit le recours en révision
le 30 octobre 1996 devant la Cour supérieure de justice de Murcie, laquelle
n'a pas statué avant le 25 février 2000.
Teneur de la plainte
3.1 Dans la communication qu'il a soumise au Comité, l'auteur affirme
que les déclarations qui figurent dans le jugement rendu par la juge de
première instance le 31 mai 1996, constituent une atteinte manifeste à
son droit d'être jugé de manière impartiale et objective. Il considère
en outre que le fait de dire dans le jugement qu'il «souffre d'une altération
de ses facultés mentales» sans que cette affirmation ait été confirmée
par une expertise psychiatrique, constitue un acte non seulement téméraire
mais aussi incompatible avec le paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte.
3.2 S'agissant de l'arrêt rendu par la Cour supérieure de justice le 10
septembre 1996, l'auteur affirme que celui-ci viole le droit à un examen
juste et impartial d'une plainte visant une juge qui, dans le jugement
qu'elle a rendu, a porté atteinte à la réputation de l'auteur. Par conséquent,
ce dernier considère qu'il est victime d'un déni de justice puisque la
Cour a refusé d'examiner la plainte quant au fond, enfreignant le paragraphe
1 de l'article 14 du Pacte.
3.3 L'auteur déclare qu'ayant saisi la Cour supérieure de justice, la
plus haute instance de la communauté autonome de Murcie, il a épuisé tous
les recours internes. Pour ce qui est du recours en amparo devant
la Cour constitutionnelle, il ne l'a pas présenté car celui-ci n'avait
aucune chance d'aboutir.
3.4 La même question n'est pas déjà en cours d'examen devant une autre
instance internationale d'enquête ou de règlement.
Informations et observations de l'État partie et commentaires
de l'auteur quant à la recevabilité
4.1 Dans ses observations du 7 février 2000, l'État partie conteste la
recevabilité de la communication et affirme que, dans le cas d'espèce,
l'auteur, Asensio López, n'a pas épuisé les recours internes dans la mesure
où il avait la possibilité de désigner un avocat et d'introduire dans
les règles un recours en révision11 Il importe de noter que l'auteur
avait déjà introduit ce recours le 30 octobre 1996..
4.2 Dans ses commentaires du 17 mai 2000, l'auteur répond qu'il a introduit
un recours en révision le 30 octobre 1996 et que la Cour supérieure de
justice ne s'est prononcée à son sujet, en le rejetant, que le 25 février
2000. L'auteur estime par conséquent que les recours internes sont bien
épuisés.
Délibérations du Comité
5.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
5.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du
paragraphe 2 a de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même
question n'est pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale
d'enquête ou de règlement.
5.3 En ce qui concerne l'obligation d'épuiser les recours internes, le
Comité note que la Cour supérieure de justice de Murcie ne s'était pas
encore prononcée sur le recours en révision présenté par l'auteur quand
celui-ci a soumis sa communication au Comité des droits de l'homme le
12 juillet 1999. Néanmoins, étant donné que, par une décision ultérieure
de la Cour supérieure de justice, le recours en révision a été rejeté
et que l'État partie n'a formulé aucune objection à cet égard, le Comité
estime que les recours internes ont été épuisés.
5.4 Sachant que la Cour supérieure de Justice de Murcie a révisé sa décision
au sujet des plaintes contenues dans la communication et que l'auteur
n'a pas démontré qu'elle avait violé ses droits au regard du paragraphe
1 de l'article 14, et qu'il n'a pas été victime d'un déni de justice,
le Comité estime que ces allégations ont été suffisamment étayées aux
fins de la recevabilité. Il rappelle par ailleurs qu'il n'appartient pas
en général au Comité de réexaminer les décisions rendues par les tribunaux
des États parties.
6. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide:
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole
facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et au conseil
de l'auteur.
______________
* Les membres du Comité dont les noms suivent ont participé à l'examen
de la présente communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M.
Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, Mme Christine Chanet, M. Maurice Glèlè
Ahanhanzo, M. Louis Henkin, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, M. Rajsoomer
Lallah, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin Scheinin,
M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Ahmed Tawfick Khalil,
M. Patrick Vella et M. Maxwell Yalden.
[Adopté en anglais, espagnol (version originale) et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]