Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 21 mars 2003,
Ayant achevé l'examen de la communication no 908/2000, présentée au nom de M. Xavier Evans en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,
Adopte les constatations ci-après:
CONSTATATIONS ADOPTÉES AU TITRE DU PARAGRAPHE 4
DE L'ARTICLE 5 DU PROTOCOLE FACULTATIF
1. L'auteur de la communication est M. Xavier Evans, ressortissant de la Trinité-et-Tobago, qui purge actuellement une peine de prison à perpétuité à Arouca. Il affirme être victime de violations par la Trinité-et-Tobago du paragraphe 3 de l'article 2, de l'article 7, du paragraphe 3 de l'article 9, du paragraphe 1 de l'article 10 et des paragraphes 1, 3 c) et 5 de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est représenté par un conseil.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Le 17 mars 1986, l'auteur a été arrêté pour un meurtre qui aurait été commis le 28 février 1986 et a ensuite été inculpé de meurtre. À la suite d'une enquête préliminaire menée devant un tribunal de première instance, le procès a eu lieu devant la Haute Cour de justice de San Fernando du 22 juin au 4 juillet 1988 et à l'issue du procès l'auteur a été reconnu coupable de meurtre et condamné à mort. Le 4 janvier 1994, la peine de mort prononcée contre l'auteur a été commuée en une peine d'emprisonnement pour le reste de sa «vie naturelle».
2.2 Le 26 avril 1994, la Cour d'appel de la République de Trinité-et-Tobago a rejeté le recours formé par l'auteur de la condamnation et de la peine. L'auteur a été représenté lors du procès et de l'examen du recours en appel par un conseil désigné par le tribunal. Le 21 mars 1997, l'auteur a déposé une demande d'autorisation spéciale de former recours devant la section judiciaire du Conseil privé à Londres. L'autorisation a été accordée. L'appel a été examiné mais a été rejeté le 17 décembre 1998.
2.3 Au cours des cinq ans et six mois qu'il a passés dans le quartier des condamnés à mort, l'auteur a été maintenu dans une cellule d'isolement d'à peine trois mètres sur deux, équipée d'un sommier en fer, d'une table et d'un banc. Il n'y avait pas d'installations sanitaires et l'auteur ne disposait en guise de toilettes que d'un seau en plastique qu'il était autorisé à vider deux fois par jour. Il n'y avait pas de lumière naturelle. Le seul éclairage était assuré par un néon allumé 24 heures sur 24, situé à l'extérieur au-dessus de la porte de la cellule. L'auteur était autorisé à sortir de sa cellule en moyenne une ou deux fois par semaine pour prendre de l'exercice et était menotté pendant la durée de sa sortie. La nourriture était inappropriée et presque immangeable. Aucune mesure n'a été prise pour tenir compte de ses besoins alimentaires particuliers. De l'eau fraîche lui était apportée deux fois par jour, lorsqu'il y en avait. Les visites du médecin ou du dentiste étaient rarement autorisées. À l'appui de ces allégations, l'auteur cite un article paru dans un journal national, daté du 5 mars 1995, dans lequel le Secrétaire général de l'Association des membres du personnel pénitentiaire était cité comme déclarant, notamment, que «les conditions sont extrêmement déplorables, elles sont inacceptables et représentent un risque sanitaire». L'auteur affirme que, dans le même article, le Secrétaire général déclare que l'insuffisance des ressources et la propagation de maladies transmissibles telles que la variole, la tuberculose et la gale, rendent le travail du personnel pénitentiaire encore plus pénible. (1) L'auteur déclare également que le médecin n'a pas tenu compte des plaintes formulées et n'a pas non plus pris de mesures pour remédier aux conditions sanitaires intolérables qui régnaient dans la prison.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur déclare que 26 mois se sont écoulés entre la date du meurtre et son procès, alors que les questions intervenant dans l'affaire n'étaient pas complexes. Selon lui, ce délai a été excessif. Il a ainsi été privé de son droit d'être jugé dans un délai raisonnable, en violation du paragraphe 3 de l'article 9 et du paragraphe 3 c) de l'article 14 du Pacte. (2) Pour ce qui est de la question de savoir si le délai est raisonnable, l'auteur déclare qu'il convient de prendre en compte l'effet du retard sur l'équité du procès. Il déclare que sa défense était fondée sur l'alibi et que les preuves ayant servi à l'identification ont été suggérées ou étaient fausses.
3.2 L'auteur se plaint aussi de la période de cinq ans et neuf mois qui s'est écoulée entre sa condamnation et l'examen de son recours en appel. Il affirme en conséquence que son droit de faire appel, tel qu'il est garanti aux paragraphes 3 c) et 5 de l'article 14, a été violé.(3) À cet égard, l'auteur déclare qu'il convient de tenir compte du fait qu'il était pendant toute cette période sous le coup d'une condamnation à mort et de prendre en considération les conditions de sa détention dans le quartier des condamnés à mort.
3.3 L'auteur déclare que les conditions inacceptables de sa détention au cours des cinq années qu'il a passées dans le quartier des condamnés à mort constituent un traitement cruel, inhumain et dégradant, en violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. Il affirme que des organisations internationales de défense des droits de l'homme ont à maintes reprises condamné de telles conditions, qui sont contraires aux normes internationalement reconnues de protection minimale. L'auteur ajoute que les conditions auxquelles il a été soumis constituent également une violation de l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus de l'ONU.
3.4 L'auteur déclare que ses droits garantis à l'article 14, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte, ont été violés. Il se plaint d'avoir été privé de son droit d'accès à la justice car la loi ne prévoyait pas de possibilité de contester l'imposition d'une peine capitale obligatoire.
3.5 L'auteur prétend aussi que les droits que lui garantit l'article 14, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte, ont été violés, du fait que, lorsque la peine de mort, à laquelle il avait été condamné, a été commuée en peine d'emprisonnement à perpétuité, il n'a pas eu la possibilité de faire d'observations préalables à la décision.
3.6 Enfin, l'auteur allègue une violation de l'article 14, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte, du fait qu'il n'a pas pu ensuite déposer de requête constitutionnelle auprès de la Haute Cour concernant la durée de la peine imposée car l'aide juridictionnelle n'est pas accordée pour la présentation de telles requêtes et les frais impliqués dépassent ses moyens. L'auteur déclare qu'une requête en vertu du paragraphe 1 de l'article 14 de la Constitution aurait pu être déposée au motif que sa condamnation à l'emprisonnement pour le reste de sa «vie naturelle» est arbitraire et cruelle. Toutefois, l'auteur déclare qu'étant donné que l'aide juridictionnelle n'est pas accordée pour la présentation de requêtes constitutionnelles, il est concrètement empêché d'exercer son droit constitutionnel de demander réparation pour violation de ses droits. Il cite la décision du Comité des droits de l'homme dans l'affaire Currie c. Jamaïque, (4) selon laquelle les recours devant la Cour constitutionnelle devraient être disponibles et utiles et, lorsqu'il s'agit de faire examiner des irrégularités survenues lors d'un procès au pénal, l'aide juridictionnelle devrait être accordée aux personnes qui n'ont pas les moyens d'engager une telle action. L'auteur cite également la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (5) selon laquelle le droit effectif d'accès à la justice peut supposer la fourniture d'une aide juridictionnelle aux demandeurs indigents.
3.7 Pour ce qui est de la recevabilité de la communication, l'auteur affirme qu'il a épuisé tous les recours internes utiles et disponibles. Il déclare, en ce qui concerne les allégations relatives à la durée écoulée avant le procès ou la tenue du procès dans un délai raisonnable, que ces griefs n'auraient pas pu être portés devant les tribunaux nationaux de l'État partie. L'auteur renvoie à deux affaires internes dans lesquelles il a été décidé que le retard intervenu avant le procès ne constitue pas un motif valable d'appel lorsqu'il ne peut pas être prouvé qu'il y a eu atteinte à l'équité du procès, et que la Constitution de la Trinité-et-Tobago ne prévoit pas le droit d'être jugé rapidement ou dans un délai raisonnable. En outre, l'auteur déclare qu'on ne peut pas attendre de lui qu'il dépose une requête devant la Cour constitutionnelle de la République de Trinité-et-Tobago, considérant qu'il ne dispose pas de moyens personnels et qu'il ne peut pas obtenir d'aide juridictionnelle. (6)
Réponse de l'État partie au sujet de la recevabilité et du fond
4.1 La communication, ainsi que les documents l'accompagnant, ont été transmis à l'État partie le 19 janvier 2000. L'État partie n'a pas donné suite à la demande que le Comité lui a adressée en vertu de l'article 91 du règlement intérieur, le priant de soumettre des informations et ses observations concernant la recevabilité et le fond de la communication, malgré les rappels qui lui ont été envoyés les 26 février et 11 octobre 2001.
Délibérations du Comité
Examen de la recevabilité
5.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Le Comité rappelle qu'il ressort implicitement du paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif que l'État partie doit examiner en toute bonne foi les allégations portées contre lui et qu'il doit fournir au Comité toutes les informations dont il dispose. Étant donné que l'État partie n'a pas coopéré avec le Comité dans l'affaire à l'examen, il convient d'accorder le crédit voulu aux allégations de l'auteur, dans la mesure où elles ont été étayées.
5.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même question n'est pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement. Pour ce qui est de l'épuisement des recours internes, le Comité note que l'État partie n'a pas fait savoir que certains de ces recours n'avaient pas encore été épuisés par l'auteur; le Comité estime par conséquent que l'auteur a épuisé les recours internes.
5.3 Pour ce qui est de savoir si l'auteur a satisfait aux autres critères de recevabilité, se référant à l'allégation de l'auteur selon laquelle le caractère obligatoire de la peine capitale constitue une violation du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte au motif que la loi ne prévoit aucune possibilité de demander un allègement de la peine (par. 3.4), le Comité renvoie aux constatations qu'il a adoptées dans les affaires Thompson c. Saint-Vincent-et-les Grenadines (7) et Kennedy c. Trinité-et-Tobago (8) dans lesquelles il a établi qu'une condamnation obligatoire à la peine de mort pour certaines catégories de crimes peut constituer une violation du paragraphe 1 de l'article 6. Toutefois, contrairement à la situation qui caractérisait les deux communications susmentionnées, la condamnation à mort de l'auteur de la présente communication a été commuée en 1994, c'est-à-dire plusieurs années avant que l'auteur ne présente sa communication au Comité. Dans ces conditions, le Comité considère que l'application de la règle de la condamnation obligatoire à la peine de mort n'autorise pas l'auteur à présenter une plainte au titre du Protocole facultatif. Par conséquent, le Comité estime que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l'article 2 du Protocole facultatif.
5.4 En ce qui concerne les autres allégations formulées par l'auteur aux paragraphes 3.1, 3.2, 3.3, 3.5 et 3.6, se fondant sur les éléments d'information dont il est saisi, le Comité estime que ces parties de la communication sont recevables et procède à leur examen quant au fond.
Examen quant au fond
6.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication compte tenu de toutes les informations qui lui ont été soumises par les parties, conformément au paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.
6.2 Pour ce qui est de la durée excessive de la période écoulée avant le procès, le Comité fait observer que les dates à retenir pour déterminer, dans le cas à l'examen, la longueur du retard intervenu sont les dates auxquelles ont eu lieu l'arrestation de l'auteur et son procès et non pas les dates données par l'auteur, à savoir la date du crime présumé, soit la date du meurtre, et la date du début du procès. À cet égard, le Comité note que si les explications fournies par le conseil de l'auteur quant à la date de l'arrestation de ce dernier semblent quelque peu confuses, il ressort très clairement des minutes du procès que l'auteur a été arrêté le 17 mars 1986 et non pas le 17 mars 1988 (voir par. 2.1 et note de bas de page 1). En conséquence, le Comité estime que la période de deux ans et trois mois intervenue entre l'arrestation de l'auteur et son procès, période à propos de laquelle l'État partie n'a toujours pas fourni d'explications, constitue une violation du droit de l'auteur en vertu du paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte d'être jugé dans un délai raisonnable ou libéré, sous réserve néanmoins de certaines conditions, ainsi que du droit de l'auteur en vertu du paragraphe 3 c) de l'article 14 du Pacte d'être jugé sans retard excessif.
6.3 Pour ce qui est de la plainte de l'auteur concernant la période de cinq ans et neuf mois qui s'est écoulée entre sa condamnation et le rejet de son appel par la Cour d'appel de la République de Trinité-et-Tobago, au sujet duquel l'État partie n'a pas non plus fourni d'explication, le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle les droits énoncés aux paragraphes 3 c) et 5 de l'article 14, lus conjointement, supposent le droit de faire examiner une décision de justice sans retard. (9) Dans l'affaire Johnson c. Jamaïque, (10) le Comité a estimé qu'en l'absence de circonstances exceptionnelles, une période de quatre ans et trois mois était excessive. En conséquence, le Comité conclut à une violation des paragraphes 3 c) et 5 de l'article 14 du Pacte.
6.4 S'agissant de l'allégation selon laquelle les conditions auxquelles l'auteur a été soumis durant sa détention dans le quartier des condamnés à mort ont constitué une violation de l'article 7 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte, le Comité note qu'en l'absence d'explications de la part de l'État partie, il doit accorder le crédit voulu aux allégations de l'auteur. Le Comité note que l'auteur a été placé en régime cellulaire dans le quartier des condamnés à mort pendant cinq ans dans une cellule d'à peine trois mètres sur deux, sans installations sanitaires à l'exception d'un seau de toilette et sans lumière naturelle, qu'il n'était autorisé à sortir de sa cellule qu'une ou deux fois par semaine, en étant menotté lors de ses sorties, et qu'il a reçu une alimentation entièrement inappropriée ne tenant pas compte de ses besoins alimentaires particuliers. Le Comité considère que ces conditions de détention - qui n'ont pas été contestées - constituent une violation du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte. Compte tenu de cette conclusion concernant l'article 10, disposition du Pacte qui porte spécifiquement sur la situation des personnes privées de liberté, y compris les éléments énoncés en termes généraux à l'article 7, il n'y a pas lieu d'examiner séparément les plaintes présentées au titre de l'article 7 du Pacte.
6.5 En ce qui concerne l'affirmation de l'auteur selon laquelle l'accès aux tribunaux lui a été refusé du fait qu'il n'a pas été autorisé à formuler des observations lorsque la peine de mort a été commuée en peine d'emprisonnement pour le reste de sa "vie naturelle", le Comité rappelle sa décision dans l'affaire Kennedy c. Trinité-et-Tobago (11) dans laquelle il a considéré que les États parties gardaient un pouvoir discrétionnaire pour ce qui était de fixer les modalités de l'exercice du droit de solliciter la commutation de la peine de mort (par. 4 de l'article 6) et que l'exercice de ce droit n'était pas soumis aux garanties de procédure définies à l'article 14 du Pacte. Le Comité estime en conséquence que l'auteur n'a pas démontré que le fait qu'il n'ait pas pu formuler d'observations concernant la commutation de sa peine est de nature à violer l'un quelconque de ses droits garantis en vertu du Pacte.
6.6 S'agissant de l'affirmation de l'auteur, qui déclare n'avoir pas eu accès aux tribunaux car l'aide juridictionnelle ne lui a pas été accordée afin de lui permettre de déposer une requête constitutionnelle relative à la durée de la peine imposée à la suite de la commutation, le Comité rappelle sa jurisprudence, (12) selon laquelle le Pacte ne contient pas de disposition expresse obligeant un État partie à fournir une aide juridictionnelle dans tous les cas et le Pacte n'impose une telle obligation que lorsqu'il s'agit de déterminer le bien-fondé d'une accusation pénale dans l'intérêt de la justice. Le Comité considère en conséquence que l'État partie n'est pas expressément tenu de fournir une aide juridictionnelle en dehors du cadre d'un procès pénal. Étant donné que la plainte de l'auteur concerne la commutation de sa peine et non pas l'équité du procès lui-même, le Comité ne peut pas considérer qu'il y a eu violation du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte à cet égard.
7. Le Comité des droits de l'homme, agissant conformément au paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif, considère que les faits qui lui sont soumis font apparaître des violations, du paragraphe 3 de l'article 9, des paragraphes 3 c) et 5 de l'article 14 et du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
8. Conformément au paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie a l'obligation d'assurer à l'auteur un recours utile, y compris la possibilité d'une libération anticipée. Aussi longtemps qu'il restera en prison, l'auteur devra être traité avec humanité et ne devra pas être soumis à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. L'État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l'avenir.
9. En adhérant au Protocole facultatif, l'État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s'il y avait eu ou non violation du Pacte. La communication a été adressée au Comité avant que la dénonciation par l'État partie du Protocole facultatif ne prenne effet, le 27 juin 2000; conformément au paragraphe 2 de l'article 12 du Protocole facultatif, les dispositions de cet instrument continuent d'être applicables. Conformément à l'article 2 du Pacte, l'État partie s'est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation a été établie. Le Comité souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L'État partie est prié de publier les constatations du Comité.
____________________________
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la présente communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, Mme Christine Chanet, M. Franco Depasquale, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah, M. Rafael Rivas Posada, M. Nigel Rodley, M. Martin Scheinin, M. Ivan Shearer et Mme Ruth Wedgwood.
** Le texte d'une opinion individuelle signée par Mme Ruth Wedgwood, membre du Comité, est joint au présent document.
Opinion individuelle de Mme Ruth Wedgwood, membre du Comité
(en partie concordante, en partie dissidente)
Conformément à l'opinion parallèle de MM. Nisuke Ando, Eckart Klein et David Kretzmer dans l'affaire Kennedy c. Trinité-et-Tobago, je respecterais en l'espèce la réserve que l'État partie a émise le 26 mai 1998, lorsqu'il a adhéré de nouveau au Protocole facultatif. Le texte de cette réserve est comme suit:
«... Le Gouvernement de la Trinité-et-Tobago accède de nouveau au Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en formulant une réserve à l'article 1 selon laquelle le Comité des droits de l'homme n'est pas compétent pour recevoir et examiner les communications relatives à un détenu condamné à mort et concernant de quelque manière que ce soit les poursuites engagées contre lui, sa détention, son procès, sa condamnation, la peine prononcée contre lui ou l'exécution de la peine de mort prononcée à son encontre et toute question connexe.»
La communication adressée par l'auteur au Comité dans l'affaire à l'examen est datée du 16 novembre 1999, et est donc ultérieure à l'entrée en vigueur de la réserve de l'État partie. La commutation de la peine de mort dans cette affaire, en 1994, ne modifie évidemment pas l'effet de la réserve.
À mon avis, il importe que le Comité respecte les réserves émises par les États parties, qui sont des conditions de leur consentement à être liés par le Protocole facultatif. Même si l'on estime que le Comité doit juger d'une manière indépendante la compatibilité d'une réserve avec l'objet et le but du Protocole facultatif, et que l'on conclut que celle émise par la Trinité-et-Tobago n'est pas compatible, il n'en demeure pas moins que les États parties sont habilités, en vertu du droit international général et du droit des traités, à subordonner leur consentement à être liés par un instrument, y compris par le Protocole facultatif, à l'acceptation de leur réserve. C'est pourquoi je ne suis pas d'accord avec l'opinion exprimée précédemment par le Comité dans son Observation générale no 24 (1994). Si l'État partie n'a pas coopéré avec le Comité dans l'examen quant au fond de cette affaire, ni de l'affaire Kennedy c. Trinité-et-Tobago, c'est peut-être parce que sa réserve n'avait pas été prise en considération. (De fait, c'est peut-être le même problème qui a incité l'État partie à dénoncer le Protocole facultatif et à s'en retirer, avec effet au 23 juillet 2000, mesure que les États parties sont autorisés à prendre en vertu de l'article 12 du Protocole facultatif. Formellement, cette dénonciation n'est pas applicable en l'espèce.)
Puisque le Comité a jugé que cette communication était recevable, j'approuverai son opinion quant au fond selon laquelle les conditions de détention dans le quartier des condamnés à mort, telles que l'auteur les décrit, semblent avoir été sérieusement déficientes. Dans l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus de l'ONU, il est noté que certains pays se heurtent à des problèmes de budget et de ressources. Cependant, ces règles représentent «les conditions minima qui sont admises par l'Organisation des Nations Unies». Les conditions dans lesquelles l'auteur a été détenu pendant les années qu'il a passées dans le quartier des condamnés à mort ne remplissaient pas les critères requis notamment aux paragraphes 11 a), 20(1) et 21(1) de l'Ensemble des Règles minima. Ces normes justifient l'interprétation que le Comité a faite du paragraphe 1 de l'article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
[Adopté en anglais (original), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement
en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée
générale.]
Notes
1. À l'appui de ces allégations également, l'auteur fournit des articles
de journaux sur les conditions carcérales, une déclaration du conseil qui
s'est rendu dans la prison en question et qui a transmis des informations
sur les conditions de détention telles qu'elles avaient été décrites par
des détenus. L'auteur ne faisait pas partie de ces détenus.
2. L'auteur cite les affaires suivantes: Lilian Celiberti de Casariego
c. Uruguay, communication no 56/1979, constatations adoptées
le 29 juillet 1981, Millan Sequeira c. Uruguay, communication
no 6/1977, constatations adoptées le 29 juillet 1980, Pinkney c.
Canada, communication no 27/1979, constatations adoptées le 29 octobre
1981 et Smart c. Trinité-et-Tobago, communication no 672/1995,
constatations adoptées le 29 juillet 1998; il renvoie également à la jurisprudence
de la Commission interaméricaine des droits de l'homme, selon laquelle un
délai de deux ans et quatre mois a été considéré comme constituant une violation
du paragraphe 5 de l'article 7 de la Convention américaine relative aux
droits de l'homme.
3. L'auteur cite les affaires suivantes: Pinkney c. Canada, op.
cit., Little c. Jamaïque, communication no 283/1998, constatations
adoptées le 11 novembre 1991, Pratt et Morgan c. Jamaïque,
communications nos 210/1986 et 225/1987, constatations adoptées le 6 avril
1989, Kelly c. Jamaïque, communication no 253/1987, constatations
adoptées le 17 juillet 1996, et Neptune c. Trinité-et-Tobago,
communication no 523/1992, constatations adoptées le 16 juillet 1996.
4. Communication no 377/1989, constatations adoptées le 29 mars 1994, dans
lesquelles le Comité a estimé que «si un condamné souhaitant faire réexaminer
par la Cour constitutionnelle des irrégularités constatées au cours d'un
procès au pénal ne dispose pas de moyens suffisants pour faire face aux
dépenses qu'implique une telle procédure et si l'intérêt de la justice l'exige,
l'État devrait lui fournir une assistance judiciaire. En l'espèce, l'absence
d'une aide judiciaire a privé l'auteur de la possibilité de faire entendre
équitablement sa cause devant la Cour constitutionnelle en vue de vérifier
la régularité de son procès, et constitue donc une violation du paragraphe
1 de l'article 14 du Pacte, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l'article
2».
5. Golder c. Royaume-Uni [1975] 1 EHRR 524 et Airey c.
Irlande [1979] 2 EHRR 305.
6. L'auteur renvoie à cet égard aux affaires ci-après soumises au Comité
des droits de l'homme: Little c. Jamaïque, op. cit.; Reid c.
Jamaïque, communication no 250/1987, constatations adoptées le 20 juillet
1990; Collins c. Jamaïque, communication no 356/1989, constatations
adoptées le 25 mars 1993; Smith c. Jamaïque, communication
no 282/1988, constatations adoptées le 31 mars 1993; Smart c.
Trinité-et-Tobago, op. cit.
7. Communication no 806/1998, constatations adoptées le 18 octobre 2000.
8. Communication no 845/1998, constatations adoptées le 26 mars 2002.
9. Lubuto c. Zambie, communication no 390/1990, constatations
adoptées le 31 octobre 1995, et Neptune c. Trinité-et-Tobago,
op. cit.
10. Communication no 588/1994, constatations adoptées le 22 mars 1996.
11. Op. cit.
12. Kennedy c. Trinité-et-Tobago, op. cit.