Convention Abbreviation: CCPR
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques
- Quatre-vingt-troisième session -
Communication No 918/2000
Au nom de: Konstantin Vedeneyev (fils de l'auteur)
État partie: Fédération de Russie
Date de la communication: 24 février 1997 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 29 mars 2005,
Adopte ce qui suit:
1.2 Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour la Fédération de Russie le 1er janvier 1992.
Exposé des faits
2.1 L'auteur indique que, le 20 avril 1994, Konstantin Vedeneyev a été arrêté à Tomsk car il était soupçonné d'avoir commis un meurtre à Moscou. Il a été transféré à Moscou au Centre no 1 de détention avant jugement puis, à une date non précisée, au Centre no 2 de détention avant jugement, pour y être interrogé. M. Vedeneyev a d'abord clamé son innocence, mais il aurait été torturé par des policiers dans le but d'obtenir des aveux. L'auteur a reçu des lettres dans lesquelles son fils décrit le traitement auquel il a été soumis, et indique notamment avoir été battu et avoir subi des décharges électriques. À la suite de ce traitement, M. Vedeneyev a fini par faire de faux aveux concernant le meurtre en question. Par la suite, il s'est rétracté. Il a vu un avocat pour la première fois le 6 mai 1994. L'enquête menée sur l'affaire a été conclue le 20 décembre 1994 et le procès devait avoir lieu au début de 1995.
2.2 L'auteur affirme que les lettres de son fils décrivent les conditions inacceptables dans lesquelles il a vécu au Centre no 2 de détention avant jugement de Moscou. Placé dans une cellule surpeuplée avec 100 autres détenus, il n'avait pas de lit et la nourriture était insuffisante. M. Vedeneyev a contracté la tuberculose mais n'a pas reçu de traitement médical adapté. Son état a empiré et, le 26 janvier 1995, il a été transféré pour traitement médical au Centre no 1 de détention avant jugement, où il est décédé le 28 janvier 1995. Son certificat de décès précise que la cause du décès est la tuberculose pulmonaire. L'auteur affirme que son fils était robuste et en bonne santé lorsqu'il a été placé en détention avant jugement.
2.3 À une date non précisée, l'auteur a déposé une plainte auprès du Procureur de la ville de Moscou, affirmant que son fils avait été torturé dans le but d'obtenir des aveux, qu'il n'avait pu s'entretenir avec un conseil que deux semaines après son arrestation et qu'il avait été détenu dans des conditions déplorables au Centre no 2 de détention avant jugement de Moscou, où il avait contracté la tuberculose. Elle a affirmé que le fait d'avoir détenu son fils dans de telles conditions revient à l'avoir condamné à mort de façon extrajudiciaire et a demandé que les responsables de la mort de son fils soient traduits en justice.
2.4 Dans une lettre datée du 21 mars 1996, le Directeur du Centre no 2 de détention avant jugement a informé l'auteur qu'il avait reçu la plainte qu'elle avait déposée auprès du Procureur de la ville de Moscou et que les conditions du décès de son fils avaient fait l'objet d'une enquête. Il a déclaré qu'aucune violation des règles touchant aux conditions de détention ou à la fourniture d'une assistance médicale aux détenus n'avait été mise à jour. D'après la lettre, la tuberculose de M. Vedeneyev a été diagnostiquée le 17 novembre 1994 et il a reçu un traitement médical approprié. Le 20 janvier 1995, son état a empiré et il a fallu l'hospitaliser. Une grave pneumonie a alors été diagnostiquée. Il a finalement été transféré au département de chirurgie du Centre no 1 de détention avant jugement le 26 janvier 1995, mais les efforts déployés pour le sauver ont été vains.
2.5 L'auteur indique s'être adressée au procureur régional, au procureur municipal et au procureur général, mais ne donne aucune information sur ses demandes. Elle précise seulement qu'elles ont été rejetées.
Teneur de la plainte
3. L'auteur affirme que son fils a été soumis à la torture et à des traitements cruels, inhumains et dégradants, en violation des droits reconnus à l'article 7 du Pacte. Elle fait valoir que les conditions de détention au Centre no 2 de détention avant jugement de Moscou étaient telles que son fils n'a pas été traité avec humanité et dans le respect de sa dignité, en violation du paragraphe 1 de l'article 10. Enfin, elle affirme que, dans ces circonstances, le décès de son fils, dû à la tuberculose, constitue une violation du droit à la vie consacré au paragraphe 1 de l'article 6 du Pacte.
Observations de l'État partie et commentaires de l'auteur
4. Dans une lettre datée du 10 décembre 2001, l'État partie fait valoir que la communication est irrecevable car l'auteur n'a pas épuisé les recours internes du fait qu'elle n'a saisi ni le Procureur général de la Fédération de Russie ni la Cour suprême.
5. Dans une lettre datée du 22 août 2004, l'auteur indique qu'elle ne considère ni le Procureur général de la Fédération de Russie ni la Cour suprême comme des organes capables de fournir un recours utile. Elle ne donne aucune explication à l'appui de cette affirmation.
6. Dans de nouvelles observations en date du 7 février 2005, l'État partie donne des informations supplémentaires sur la procédure d'appel, recours qui était selon lui ouvert mais que l'auteur n'a pas utilisé. L'État partie indique que toutes les décisions des organes de l'État sont susceptibles d'appel, ainsi que le garantit l'article 46 de la Constitution russe. En droit russe, les représentants d'une victime peuvent interjeter appel au nom de celle-ci. Une décision rendue en première instance peut être infirmée si elle n'est pas conforme à la loi, si elle est injuste, ou s'il existe des disparités entre les conclusions qu'elle contient et les faits, entre autres circonstances. La loi sur le ministère public dispose que toute action dénoncée comme illégale peut être réexaminée par un procureur, et que le fait d'avoir déposé une plainte auprès du ministère public n'empêche pas le plaignant de saisir directement une juridiction. L'État partie réaffirme qu'à son sens la communication est irrecevable pour non-épuisement des recours internes.
Délibérations du Comité
7.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 93 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
7.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même question n'était pas déjà en cours d'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de règlement.
7.3 Le Comité note que l'État partie fait valoir que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes car elle n'a pas saisi le Procureur général de la Fédération de Russie et la Cour suprême au sujet des mauvais traitements qu'aurait subis son fils. Si l'auteur affirme que ces organes n'auraient pu fournir un recours utile dans le cas présent, aucune explication ne vient étayer cette affirmation. Le Comité considère que, même s'il n'incombe pas au seul auteur d'une communication de démontrer qu'un recours interne donné n'est pas utile, il doit toutefois présenter au moins un commencement de preuve du bien-fondé de sa position et expliquer pourquoi il estime que le recours en question n'est ou ne serait pas utile. Dans le cas présent, l'auteur ne l'a pas fait.
8. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide:
a) Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et à l'auteur de la communication.
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[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée générale.]
** Les membres suivants du Comité ont participé à l'examen de la présente communication: M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, Mme Christine Chanet, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Edwin Johnson, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Michael O'Flaherty, Mme Elisabeth Palm, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari-Yrigoyen et M. Roman Wieruszewski.