Comité des droits de l'homme
Soixante-neuvième session
10 -28 juillet 2000
ANNEXE
Décision du Comité des droits de l'homme en vertu du protocole
facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux
droits civils et politiques*
-Soixante-neuvième session -
Communication No 934/2000
Présentée par : Mme G. (nom supprimé)
Au nom de : L'auteur
État partie : Canada
Date de la communication : 29 décembre 1999
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 17 juillet 2000,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est Mme G, citoyenne canadienne, née le 9
mai 1949. Elle affirme être victime d'une violation par le Canada des articles
2, 14, paragraphe 1, 17, paragraphe 1 et 26 du Pacte, à cause d'une discrimination
en raison du lieu où ses titres universitaires lui ont été décernés.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur indique qu'elle a obtenu un doctorat de psychologie de l'éducation
à l'Université de Toronto en 1976. Depuis 1983, elle a été engagée de façon
régulière pour enseigner à temps partiel et sur la base de contrats temporaires
à la Faculté de psychologie de l'Université de l'Alberta mais a systématiquement
été empêchée de présenter sa candidature à un poste permanent, bien qu'elle
ait publié trois ouvrages et de nombreux articles dans des revues scientifiques
et qu'elle soit félicitée pour son enseignement.
2.2 En juillet 1993, l'auteur a déposé une plainte auprès de la Commission
des droits de l'homme de la province de l'Alberta pour discrimination structurelle.
Le 28 mars 1995, la Commission a rejeté la plainte et a refusé de la renvoyer
à une commission d'enquête pour qu'une enquête officielle soit menée, faisant
valoir que rien n'indiquait que l'auteur était victime d'une discrimination
spécifique ou structurelle. Le 5 juillet 1996, la Cour du Banc de la Reine
a rejeté la demande d'examen judiciaire et a fait valoir que la Commission
n'était pas compétente pour se prononcer sur la plainte puisque le motif
de cette plainte n'était pas expressément énoncé dans la législation relative
à la protection des droits de l'homme de la province de l'Alberta. Les parties
ne s'étant pas entendues sur les frais de justice, la Cour a ordonné à l'auteur,
par une décision du 3 février 1997, de les prendre en charge.
2.3 En appel, la Cour d'appel a statué qu'une discrimination structurelle,
si elle est établie, est simplement un élément de l'ensemble des preuves
qui pourraient démontrer des incidences négatives sur la plaignante. Après
avoir réexaminé les éléments qui avaient été soumis à la Commission, la
Cour d'appel a statué qu'ils n'étaient pas suffisants pour justifier le
renvoi de l'affaire à une commission d'enquête. Elle ne s'est donc pas prononcée
sur les questions juridictionnelles qui avaient été soulevées et a rejeté
le recours.
2.4 L'auteur dit qu'elle ne s'est pas pourvue devant la Cour suprême parce
que dans la pratique ce recours ne lui était pas ouvert en raison de l'insuffisance
de ses moyens financiers. Elle ajoute que le résultat, si elle avait gain
de cause, serait le renvoi de l'affaire au Tribunal des droits de l'homme
de la province de l'Alberta, dont les membres sont des employés de la Commission
des droits de l'homme de la province. De plus, la procédure serait extrêmement
longue.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme qu'elle fait l'objet d'une discrimination due à l'origine
de ses diplômes parce que les universités canadiennes, à commencer par l'Université
de l'Alberta, préfèrent engager des titulaires d'un diplôme d'une université
des États-Unis. Elle fait valoir que la discrimination tenant à l'origine
des titres universitaires en général exclut des groupes en raison de leur
lieu d'origine, étant donné que la plupart des gens font leurs études là
où ils vivent. Elle affirme que le lieu d'origine des diplômes universitaires
est une caractéristique personnelle pour laquelle il est interdit de pratiquer
une discrimination.
3.2 L'auteur fait valoir en outre que la Commission des droits de l'homme
de l'Alberta, la Cour et la Cour d'appel n'ont pas traité de façon équitable
sa plainte. À ce sujet, elle affirme qu'il y avait suffisamment d'éléments
donnant à penser qu'il y avait eu discrimination structurelle et que pourtant
la Commission des droits de l'homme a refusé de renvoyer l'affaire à une
commission d'enquête. Elle fait valoir également que la Commission a modifié
la nature de sa plainte, étant donné qu'elle avait déposé une plainte pour
discrimination structurelle et que la Commission avait statué sur une question
de discrimination ayant des incidences négatives pour elle, individuellement.
Elle ajoute que la Cour du Banc de la Reine, en refusant un examen judiciaire
de l'affaire, a empêché qu'elle soit tranchée sur le fond. L'auteur conteste
également la décision de la Cour qui a exonéré l'Université des frais de
justice, parce qu'il s'agissait de réexaminer une décision de la Commission
des droits de l'homme de l'Alberta et non pas une décision de l'Université
(les décisions de l'Université ne peuvent pas être soumises à un contrôle
judiciaire en droit canadien). Pour ce qui est du rejet de sa plainte par
la Cour d'appel de l'Alberta, l'auteur indique que la Cour s'est réunie
deux fois et qu'elle était constituée chaque fois d'un collège de juges
différents; le collège de juges, qui a siégé à la première audience, avait
décidé que la plainte relevait de la compétence de la Commission des droits
de l'homme. Or, d'après l'auteur, ce collège de juges a été dissous sans
motif et, après une nouvelle audience tenue cette fois par un deuxième collège,
la Cour a rejeté l'appel. L'auteur affirme en outre que la Cour d'appel
n'a pas suivi la jurisprudence et que son interprétation de la loi sur la
protection des droits de l'homme de l'Alberta était incompatible avec la
Charte canadienne. Elle ajoute que la Cour d'appel a commis un abus de pouvoir
en substituant son propre avis à celui de la Commission sans se prononcer
au préalable sur la compétence de la Commission. D'après l'auteur le résultat
est qu'elle a été privée de recours judiciaire sans que sa plainte pour
discrimination structurelle ait jamais été tranchée.
3.3 L'auteur affirme en outre que ce qui précède constitue une diffamation
à l'égard de sa personne et de sa réputation. Dans ce contexte, elle fait
aussi valoir que l'Université de l'Alberta garde dans son dossier une lettre
qu'elle considère diffamatoire, et que l'Université refuse de retirer à
moins qu'elle n'accepte par écrit de cesser toute action.
Délibérations du Comité
4.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte.
4.2 Pour ce qui est de l'allégation de violation de l'article 26, le Comité
note que l'auteur affirme qu'elle a été victime d'une discrimination en
raison du lieu où elle a obtenu son diplôme universitaire. Le Comité note
que l'allégation de discrimination formulée par l'auteur a été examinée
par la Cour d'appel et que celle-ci a jugé que les éléments dont elle était
saisie ne permettaient pas de conclure à la discrimination. Du point de
vue du Comité, l'auteur n'a pas étayé, aux fins de la recevabilité, son
affirmation selon laquelle les conclusions de la Cour étaient manifestement
arbitraires ou ont représenté un déni de justice. Il n'appartient pas, par
conséquent, au Comité de réévaluer les faits de la cause. Cette partie de
la communication est donc irrecevable pour incompatibilité avec les dispositions
du Pacte, en vertu de l'article 3 du Protocole facultatif.
4.3 Le Comité note que l'allégation de violation de l'article 14 du Pacte
porte principalement sur l'appréciation des faits et des éléments de preuve
ainsi que sur l'interprétation de la législation interne. Il rappelle que
c'est en général aux juridictions des États parties et non au Comité qu'il
appartient d'apprécier les faits dans une affaire déterminée et d'interpréter
la législation interne. Les renseignements dont le Comité est saisi et les
arguments avancés par l'auteur ne montrent pas que l'appréciation des faits
et l'interprétation de la loi par les tribunaux aient été manifestement
arbitraires ou aient représenté un déni de justice. En conséquence cette
partie de la communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 3
du Protocole facultatif.
4.4 L'auteur s'est plainte du fait que la composition de la Cour d'appel
n'était pas la même lorsqu'elle avait examiné sa plainte pour la première
fois, que le premier collège a été dissous et qu'une nouvelle audience a
été ensuite tenue par un collège différent. Le Comité note à ce propos qu'il
s'agit là d'une simple affirmation et que l'auteur n'a rien fait pour épuiser
les recours internes, en rapport avec sa plainte. Cette partie de la communication
est donc irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole
facultatif.
4.5 Le Comité estime que l'auteur n'a pas suffisamment montré, aux fins
de la recevabilité, qu'elle était victime d'une violation de l'article 17
du Pacte. Il apparaît en outre que l'auteur n'a pas épuisé les recours internes
dans le cadre de sa plainte. Cette partie de la communication est donc irrecevable
en vertu de l'article 2 et du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole
facultatif.
5. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu des articles 2 et 3 et
du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur et portée à la
connaissance de l'État partie.
_______________
* Les membres du Comité dont les noms suivent ont participé à l'examen
de la présente communication : M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. P.N.
Bhagwati, Mme Christine Chanet, Lord Colville, Mme Elizabeth Evatt, M. Louis
Henkin, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, M. Rajsoomer Lallah, Mme Cecilia
Medina Quiroga, M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Roman
Wieruszewski et M. Abdallah Zakhia.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe, dans le rapport annuel
présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]