Comité des droits de l'homme
Soixante-neuvième session
10 - 28 juillet 2000
Annexe
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Soixante-neuvième session -
Communication No 936/2000
Présentée par : M. Terry Gillan (représenté par un conseil, M. Vincent Th. Calderhead)
Au nom de : L'auteur
État partie : Canada
Date de la communication : 9 décembre 1999
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 17 juillet 2000,
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est M. Terry Gillan, de nationalité canadienne, né le 18 novembre 1980. Il se déclare victime d'une violation par le Canada de l'article 14 du Pacte lu conjointement avec les articles 2 et 26. Il est représenté par Me Vincent Thomas Calderhead, conseil à Halifax.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 Le 22 juin 1995, la police a arrêté l'auteur pour une question sans rapport avec la suite et a découvert en le fouillant six bouteilles de bière, non ouvertes, réparties dans ses vêtements. Par la suite l'auteur a été inculpé de détention illégale d'alcool en infraction à l'article 78, paragraphe 2, de la loi de Nouvelle-Écosse sur le contrôle des alcools et jugé par le tribunal pour mineurs. La défense n'a pas contesté les preuves apportées au tribunal. En revanche, elle a contesté le cadre législatif dans lequel les poursuites avaient été ouvertes, considérant qu'il y avait violation du droit à la présomption d'innocence L. Le juge du tribunal pour mineurs a rejeté les arguments développés par la défense, faisant valoir que compte tenu des preuves dont il était saisi, il n'avait pas besoin de s'appuyer sur les dispositions en matière de preuve contenues dans la loi contestée, mais qu'il pouvait condamner l'auteur sans avoir à se fonder sur ces articles.
2.2 Le 22 janvier 1998, la cour d'appel a débouté l'auteur, statuant que le juge du fond ne s'était pas appuyé sur les articles 128 et 130, paragraphe 1, et n'avait pas besoin de le faire. Le 13 août 1998, la Cour suprême a refusé l'autorisation de former recours. Tous les recours internes disponibles ont donc été épuisés.
Teneur de la plainte
3. Le conseil fait valoir que les dispositions en matière de preuve de la loi de Nouvelle-Écosse sur le contrôle des alcools sont incompatibles avec le paragraphe 2 de l'article 14 du Pacte. Il affirme que des milliers d'habitants de la province de Nouvelle-Écosse sont inculpés chaque année de détention illégale d'alcool en application d'une loi viciée. D'après lui, la plupart des personnes inculpées d'infraction à cette loi appartiennent à des groupes défavorisés de la société canadienne.
Délibérations du Comité
4.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
4.2 L'argumentation du conseil est que les articles 128 et 130, paragraphe 1, de la loi de Nouvelle-Écosse sur le contrôle des alcools constituent une violation du principe de la présomption d'innocence et par conséquent du paragraphe 2 de l'article 14 du Pacte. Le Comité note qu'il ressort des renseignements dont il est saisi que l'auteur a été condamné parce que sa culpabilité a été établie au-delà de tout doute raisonnable. En l'espèce, le tribunal n'a pas fondé son jugement sur les dispositions de la loi sur le contrôle des alcools que le conseil conteste. Le Comité conclut par conséquent que la communication est irrecevable en vertu de l'article premier du Protocole facultatif, étant donné que l'auteur ne peut pas se considérer comme victime de la violation alléguée.
5. En conséquence, le Comité décide :
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article premier du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'auteur et à son conseil et, pour information, à l'État partie.
___________
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la présente communication : M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, Mme Christine Chanet, Lord Colville, Mme Elizabeth Evatt, Mme Pilar Gaitán de Pombo, M. Louis Henkin, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, Mme Cecilia Medina Quiroga, M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Roman Wieruszewski, M. Maxwell Yalden et M. Abdallah Zakhia.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraît également en arabe, chinois et russe dans le présent rapport.]
Notes
1. L'article 78, paragraphe 2, dispose : "Sauf dans les conditions autorisées par la présente loi ou son règlement, aucune boisson alcoolisée ne sera fabriquée, transportée ou détenue par un individu". L'article 89, paragraphe 1, de la loi interdit la détention d'alcool par tout individu de moins de 19 ans. Il n'est pas contesté que l'auteur était mineur au moment des faits.
2. Le conseil renvoie aux articles 128 et 130, paragraphe 1, de la loi sur le contrôle des alcools, qui disposent :
"128. Si, dans le cadre des poursuites engagées contre une personne
inculpée d'une infraction à la présente loi, pour avoir vendu, recelé en
vue de la vente, donné, conservé, possédé, acheté ou reçu de l'alcool, un
commencement de preuve apparaît indiquant que la personne en question avait
en sa possession ou sous sa responsabilité un alcool au sujet duquel ou
en rapport avec lequel les poursuites sont engagées contre elle, dans ce
cas, à moins que l'intéressé ne prouve qu'il n'a pas commis l'infraction
dont il est inculpé, il peut être déclaré coupable de l'infraction."
"130 1) La charge de prouver le droit de détenir, de conserver,
de vendre, de donner, d'acheter ou de consommer de l'alcool incombe à
la personne soupçonnée de détenir, de conserver, de vendre, de donner,
d'acheter ou de consommer de l'alcool indûment ou illégalement, que l'accusation
ait ou n'ait pas apporté de preuve venant s'ajouter au commencement de
preuve visé à l'article 128."