Comité des droits de l'homme
Soixante-quinzième session
8 - 26 juillet 2002
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe
4,
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte
International relatif aux droits civils et politiques
- Soixante-quinzième session -
Communication No. 946/2000
Présentée par: |
M. L. P. |
Au nom de: |
L'auteur et son fils |
État partie: |
République tchèque |
Date de la communication: |
17 mai 1999 (date de la lettre initiale) |
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 25 juillet 2002,
Ayant achevé l'examen de la communication no 946/2000, présentée
par M. L. P. en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont
été communiquées par l'auteur de la communication et par l'État partie,
Adopte les constatations suivantes:
Constatations au titre du paragraphe 4 de
l'article 5 du Protocole facultatif
1. L'auteur de la communication est L. P., citoyen tchèque. Il affirme que
lui et son fils sont victimes d'une violation par la République tchèque (1)
des articles 17, paragraphes 1 et 2, et 2, paragraphe 3, du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (le Pacte). Il n'est pas représenté
par un conseil.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur, homme d'affaires, un des principaux représentants de l'organisation
non gouvernementale «Justice pour les enfants» et membre fondateur de la
«Société pour la médiation familiale» a un fils né en 1989. Depuis que l'auteur
s'est séparé de son épouse et mère de son enfant, Mme R. P., en mars 1991,
son fils est sous la garde exclusive de sa mère, et l'auteur ne peut avoir
de relations régulières avec lui.
2.2 Par une décision provisoire du tribunal régional de Prague-Ouest en
date du 12 juillet 1993, confirmée dans une autre décision judiciaire provisoire
datée du 2 octobre 1995, l'auteur s'est vu accorder le droit de voir son
fils un week-end sur deux, du samedi matin au dimanche soir. Mme R. P. n'a
cependant pas exécuté ces décisions et a toujours empêché l'auteur d'exercer
son droit de visite. Ce n'est qu'en 1994 et 1995 que l'auteur a pu voir
son fils, irrégulièrement, et sous la surveillance d'un membre de la famille
de Mme R. P. ou d'agents de sécurité armés. Mme R. P. a été condamnée à
de multiples amendes pour son refus d'exécuter les décisions de justice.
2.3 En 1994, l'auteur a engagé des poursuites pénales contre Mme R. P. pour
son refus d'exécuter lesdites décisions de justice, en vertu du Code pénal,
loi no 140/1961 Coll., article 171, paragraphe 3. C'est le tribunal d'Okresní
soud Ústí nad Labem qui a connu de l'affaire, qui n'avait pas été tranchée
à la date de la communication de l'auteur, le 9 février 2002.
2.4 Ultérieurement, l'auteur a de nouveau déposé une plainte au pénal contre
Mme R. P. pour n'avoir pas exécuté d'autres décisions provisoires qui l'autorisaient
à voir son fils durant la période allant de décembre 1997 à août 1998. La
procédure a duré plus de deux ans, du 11 janvier 1999 au 14 février 2001,
date à laquelle le juge s'est retiré de l'affaire. Le nouveau juge a rejeté
les accusations portées contre Mme R. P. (2). L'auteur allègue
néanmoins que cette décision n'a pas été signifiée aux parties conformément
à la loi et qu'elle n'est donc pas entrée en vigueur. La plainte portée
par l'auteur devant la Cour constitutionnelle a été rejetée.
2.5 Le 18 novembre 1993, le tribunal régional de Kladno a condamné Mme R.
P. pour trois infractions concernant la garde de l'enfant. Cette décision
a fait l'objet d'un appel, mais peu avant que la cour d'appel ait rendu
son verdict, Mme R. P. a été graciée pour deux des infractions en cause,
la troisième demeurant en suspens pour être finalement prescrite. Le 20
novembre 1995, l'auteur a déposé une plainte constitutionnelle, qui a été
rejetée au motif qu'il n'avait pas été partie à l'instance pénale.
2.6 Dans une déclaration datée du 1er juin 1992, un expert désigné par le
tribunal, le docteur J. K. et le docteur J. B. ont expliqué que l'épouse
de l'auteur souffrait de troubles mentaux affectant le développement de
sa personnalité. Dans une autre déclaration, signée des docteurs J. C. et
H. D. le 11 mai 1993, il était dit que l'épouse de l'auteur nuisait aux
intérêts de leur fils en n'autorisant pas l'enfant à voir son père. Ces
déclarations ont été étayées par les déclarations d'un autre expert nommé
par le tribunal, le docteur V. F., datées des 14 mai 1995 et 15 avril 1997.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur allègue des violations de son droit et de celui de son fils
à la protection de leur vie familiale, y compris le droit de voir régulièrement
son fils.
3.2 L'auteur affirme que les autorités tchèques ont refusé de faire exécuter
les décisions judiciaires l'autorisant à rendre régulièrement visite à son
fils, violant ainsi son droit et le droit de son fils à la protection de
leur vie de famille reconnu à l'article 17, et à un recours utile garanti
par l'article 2, paragraphe 3, du Pacte.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et sur le fond
4.1 Par une note verbale datée du 28 février 2002, l'État partie a présenté
ses observations sur la recevabilité et quant au fond. Il considère que
la communication est irrecevable au motif que les recours internes n'ont
pas été épuisés et qu'elle est manifestement infondée.
4.2 En ce qui concerne les faits, l'État partie explique que l'instance
de divorce entre l'auteur et son épouse, qui a débuté en 1989, est toujours
pendante. La garde de leur fils est donc régie par des ordonnances provisoires.
L'énorme dossier relatif à l'affaire de divorce représente maintenant plusieurs
milliers de pages.
4.3 L'État partie indique que le 22 novembre 1994, l'auteur a engagé une
action pénale contre Mme R. P. en l'accusant de faire obstacle à l'exécution
d'une décision de justice, en application du Code pénal, loi no 140/1961,
article 171, paragraphe 3.
4.4 Le 16 septembre 1997, une audience a eu lieu devant le tribunal de district
à Ústí. Selon les procès-verbaux de cette audience, après les réquisitions
de l'accusation, l'auteur a demandé des renseignements sur ses droits procéduraux.
Le juge lui a conseillé de lire le Code de procédure pénale, loi no 141/1961,
article 43. L'auteur a refusé de le faire, prétendant que le juge, l'avocat
de l'accusation et tous les avocats du bureau du Procureur avaient un parti
pris contre lui. Il a aussi informé le tribunal qu'il avait intenté une
action pénale contre le juge. Le 19 septembre 1997, le tribunal a décidé
que le juge ne serait pas récusé pour parti pris. L'auteur a contesté cette
décision devant le tribunal régional d'Ústí nad Labem, qui a rejeté sa plainte
le 23 mars 2000. L'audience suivante dans le procès pénal était prévue pour
le 23 février 2001, mais l'affaire est toujours pendante.
4.5 Le 29 décembre 1994, l'auteur a de nouveau intenté une action pénale
contre Mme R. P., l'accusant d'«oppression», infraction prévue à l'article
237 du Code pénal.
4.6 La police a néanmoins décidé, le 30 juin 1995, de ne pas donner suite
à l'affaire. Le recours de l'auteur concernant cette décision a été rejeté
par une résolution du Procureur d'Ústí nad Labem en application de l'article
148, paragraphe 1 c), du Code de procédure pénale.
4.7 Le Procureur a engagé des poursuites pénales distinctes contre Mme R.
P. pour obstruction à l'exécution d'une décision de justice en application
du Code pénal, article 171, paragraphe 3, devant le tribunal de district
d'Ústí nad Labem. L'audience a eu lieu les 13 mai et 17 août 1999 et aussi
bien l'auteur que son épouse ont été entendus. L'affaire a été ajournée
pour complément d'information. Le juge a demandé que lui soient communiqués
des documents du tribunal régional, mais ceux-ci n'ont pu être obtenus car
le dossier avait dans l'entre-temps été envoyé à la Haute Cour du fait de
l'appel de l'auteur. L'audience suivante a aussi été ajournée pour complément
d'information après que l'avocat de Mme R. P. eut demandé qu'un expert soit
consulté en ce qui concerne le fils de sa cliente. L'affaire est toujours
pendante.
4.8 Le Procureur a engagé d'autres poursuites pénales contre Mme R. P. sur
la base de la plainte pénale déposée par l'auteur. L'enquêteur a toutefois
décidé de ne pas poursuivre la procédure compte tenu de l'avis d'un spécialiste
en psychologie clinique qui a déclaré que l'enfant était très ferme dans
ses convictions et refusait de passer avec l'auteur le temps prévu dans
l'ordonnance du tribunal.
4.9 L'auteur a contesté la décision de l'enquêteur. Le 5 avril 2000, en
application du Code de procédure pénale, article 148, paragraphe 1 a), le
Procureur a rejeté sa plainte comme étant sans fondement.
4.10 L'auteur a voulu exercer un recours contre cette décision, mais il
a été mis fin à la procédure le 6 octobre 2000 au motif que la plainte n'était
pas juridiquement fondée.
4.11 L'auteur a déposé un total de huit plaintes constitutionnelles, dont
sept ont été rejetées comme manifestement infondées. Ces plaintes alléguaient
des violations du droit à la protection de la justice. Dans deux d'entre
elles, l'auteur se plaignait d'avoir été condamné à une amende pour avoir
attaqué verbalement un magistrat. Dans une autre, il demandait que Mme R.
P. soit condamnée à une amende, et dans une autre encore, il se plaignait
de la décision d'un inspecteur de police de ne pas engager l'action pénale.
Dans deux de ses plaintes, l'auteur demandait l'annulation d'une décision
du tribunal régional, et d'une résolution de la Cour constitutionnelle,
et dans une autre il demandait un complément d'information à l'appui de
sa requête. La seule plainte constitutionnelle qui n'ait pas été rejetée
comme manifestement infondée n'a pas été examinée par la Cour constitutionnelle
parce qu'elle ne constituait pas, du point de vue formel, une requête introductive
d'instance devant la Cour constitutionnelle, mais seulement une plainte
contre les décisions du parquet et une demande en prescription de mesures
provisoires.
4.12 S'agissant de la recevabilité de la communication, l'État partie fait
valoir que les plaintes constitutionnelles déposées par l'auteur concernaient
d'autres droits que ceux invoqués devant le Comité, et qu'en conséquence
la communication devrait être déclarée irrecevable parce que les recours
internes n'ont pas été épuisés.
4.13 En outre, l'État partie affirme que la documentation fournie par l'auteur
n'établit pas que ce dernier ait fait l'objet d'immixtions arbitraires ou
illégales des autorités tchèques au sens de l'article 17 du Pacte, et la
communication devrait être déclarée irrecevable comme étant manifestement
infondée.
4.14 Sur le fond, et en ce qui concerne l'article 17, l'État partie réaffirme
qu'il n'a jamais arbitrairement ou illégalement porté atteinte aux droits
de l'auteur au sens de l'article 17 du Pacte, et que toutes les mesures
et décisions prises par les tribunaux de tous ressorts ont respecté les
règles de procédure énoncées par la loi tchèque. Il fait observer que les
nombreuses pétitions et requêtes de l'auteur sont à l'origine d'un important
retard dans le règlement de son divorce et de la question de la garde de
son fils. Selon l'État partie, l'auteur a accusé de parti pris pratiquement
toutes les autorités ayant pris part au règlement de ses problèmes de famille,
et il a notamment engagé des actions pénales contre des enquêteurs, des
avocats et des juges, ainsi que contre ses beaux-parents et d'autres personnes
liées à Mme R. P.
4.15 En ce qui concerne la prétendue violation de l'article 2, paragraphe
3 a) et c), du Pacte, l'État partie estime que la communication ne relève
pas de ce paragraphe.
Commentaires de l'auteur
5.1 Par lettre datée du 22 avril 2002, l'auteur a répondu aux observations
de l'État partie. Il estime que ce dernier a à plusieurs égards déformé
les faits. Il déclare que l'État partie s'est abstenu d'aborder le fond
de l'affaire, à savoir que depuis 11 ans l'auteur est empêché de voir son
fils et que les autorités tchèques ont négligé de protéger ses droits de
père, en ne faisant pas diligenter les enquêtes voulues en ce qui concerne
les allégations d'infraction pénale formulées par lui.
5.2 Pour ce qui est de l'allégation de l'État partie selon laquelle l'auteur
n'a pas épuisé les recours internes parce qu'il n'a pas invoqué des droits
énoncés dans le Pacte dans ses plaintes constitutionnelles, l'auteur fait
observer qu'il a invoqué en substance les droits énoncés dans le Pacte en
soutenant que l'État partie ne le protégeait pas contre les immixtions arbitraires
dans sa vie privée et sa vie de famille et n'assurait pas cette protection
en utilisant tous les moyens à sa disposition.
5.3 S'agissant de l'argument de l'État partie selon lequel les nombreux
recours exercés par l'auteur devant les tribunaux ont causé des retards
dans la procédure, l'auteur fait valoir que l'État partie confond la cause
et l'effet, et que ses nombreux recours sont le résultat de la tolérance
par l'État partie du comportement pénalement répréhensible de Mme R. P.
5.4 L'auteur affirme en outre que la seule accusation pénale qu'il ait portée
contre les grands-parents de son fils est celle par laquelle il a reproché
à la mère de Mme R. P. d'avoir porté atteinte à ses droits parentaux et
de l'avoir agressé verbalement et physiquement. Il a aussi engagé une action
pénale contre le nouveau mari de la grand-mère, qui a menacé de le tuer
et qui n'a pas été puni pour le préjudice corporel qu'il a infligé à l'auteur
le 30 octobre 1999.
5.5 Selon l'auteur, l'article premier du Code pénal dispose que les instances
pénales doivent viser à renforcer la primauté du droit et à anticiper et
prévenir la criminalité. Il estime que cet article du Code met à la charge
de l'État partie l'obligation d'agir pour mettre fin à la violation en ce
qui concerne la garde du fils de l'auteur et prévenir toute nouvelle violation
des droits de l'auteur. L'auteur souligne qu'il a engagé des poursuites
pénales contre Mme R. P. non parce qu'il estimait qu'il était nécessaire
d'emprisonner celle-ci mais parce qu'il espérait, en la faisant incarcérer,
la persuader de mettre fin à son déni coupable de ses droits en ce qui concerne
la garde de son fils.
Délibérations du Comité
Examen de la recevabilité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, en application de l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable au regard du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité s'est assuré, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe
2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n'est pas
déjà à l'examen devant une autre instance internationale d'enquête ou de
règlement. Quant au critère de recevabilité énoncé à l'alinéa b du
paragraphe 2 de l'article 5, l'État partie allègue que les plaintes constitutionnelles
de l'auteur concernaient d'autres droits que ceux invoqués devant le Comité
et qu'en conséquence l'auteur n'a pas épuisé les recours internes. Certes,
la nature exacte de la procédure en cause n'est pas claire mais le Comité
note que l'instance concernant le divorce et le droit de garde dure depuis
13 ans sans qu'une décision définitive soit prise (3).
6.3 Le Comité conclut que même si certains retards dans la procédure peuvent
être imputés à l'auteur lui-même, compte tenu de toutes les circonstances
de la cause, l'application des recours a été excessivement longue (4)
au sens du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.
6.4 Le Comité note que dans ses observations l'auteur a également affirmé
que les droits de son fils avaient été violés. Toutefois, comme il ne prétend
pas représenter son fils, le Comité conclut que cette partie de la communication
est irrecevable en vertu de l'article premier du Protocole facultatif.
6.5 Le Comité a pris note de l'argument de l'État partie selon lequel la
communication ne révèle, de la part des autorités tchèques, aucune immixtion
arbitraire ou illégale au sens de l'article 17 du Pacte. Il considère néanmoins
que l'auteur a dûment établi, aux fins de la recevabilité, que sa communication
soulève des questions relevant de l'article 17 du Pacte, au motif que l'État
partie n'aurait pas protégé le droit de l'auteur de voir son fils. Il décide
donc que la communication est recevable dans la mesure où elle soulève des
questions relevant de l'article 17 compte tenu de l'article 2 du Pacte.
Examen de l'affaire au fond
7.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication
en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par
les parties, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l'article
5 du Protocole facultatif.
7.2 En ce qui concerne la violation présumée de l'article 17, le Comité
note l'affirmation de l'État partie selon laquelle aucune immixtion arbitraire
ou illicite de l'État partie dans la vie de famille de l'auteur n'est établie,
les décisions des tribunaux de tous les ressorts étaient conformes aux règles
de procédure énoncées par la loi et les retards dans les procédures concernant
le divorce et la garde de l'enfant sont imputables aux nombreuses requêtes
présentées par l'auteur. Toutefois, le fait est que la communication à l'examen
n'est pas fondée uniquement sur le paragraphe 1 de l'article 17 du Pacte
mais aussi sur le paragraphe 2 dudit article aux termes duquel toute personne
a droit à la protection de la loi contre les immixtions arbitraires ou illégales
dans sa vie privée et sa famille.
7.3 Le Comité considère que l'article 17 garantit d'une manière générale
une protection effective du droit d'un parent d'avoir des relations régulières
avec ses enfants mineurs. Même s'il peut exister des circonstances exceptionnelles
dans lesquelles le déni de toute relation est nécessaire dans l'intérêt
de l'enfant et ne saurait être considéré illégal ou arbitraire, dans le
cas d'espèce, les tribunaux de l'État partie ont statué qu'il fallait maintenir
une telle relation. En conséquence, la question qui se pose est celle de
savoir si l'État partie a assuré une protection effective du droit de l'auteur
de voir son fils conformément aux décisions des tribunaux nationaux.
7.4 Bien que les tribunaux aient maintes fois condamné l'épouse de l'auteur
à une amende pour ne pas avoir respecté les ordonnances préliminaires accordant
à l'auteur le droit de voir son fils, les amendes imposées n'ont été ni
pleinement mises à exécution ni remplacées par d'autres mesures destinées
à garantir les droits de l'auteur. Dans ces circonstances et compte tenu
du retard considérable constaté dans différentes phases de la procédure,
le Comité est d'avis que les droits de l'auteur consacrés par l'article
17 du Pacte, lu conjointement avec les paragraphes 1 et 2 de l'article 2,
n'ont pas été protégés d'une manière effective. En conséquence, le Comité
estime que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de
l'article 17, lu conjointement avec l'article 2 du Pacte.
8. Aux termes de l'alinéa a du paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte,
l'État partie a l'obligation de mettre à la disposition de l'auteur un recours
utile, qui devrait comprendre des mesures propres à assurer l'exécution
rapide des ordonnances judiciaires concernant les relations entre l'auteur
et son fils. L'État partie est aussi tenu de veiller à ce que de telles
violations ne se reproduisent pas à l'avenir.
9. Étant donné qu'en adhérant au Protocole facultatif l'État partie a reconnu
que le Comité était compétent pour déterminer s'il y avait eu ou non violation
du Pacte et que, aux termes de l'article 2 du Pacte, il s'est engagé à garantir
à tous les individus se trouvant sur son territoire ou relevant de sa juridiction
les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire
lorsqu'une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l'État
partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises
pour donner effet à ses constatations. L'État partie est également invité
à rendre ces constatations publiques.
_________________________________
[Adopté en anglais (original), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement
en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l'Assemblée
générale.]
Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la présente
communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal
Bhagwati, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Eckart
Klein, M. David Kretzmer, M. Rajsoomer Lallah, M. Rafael Rivas Posada, M.
Martin Scheinin, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen, M. Patrick
Vella et M. Maxwell Yalden.
** Le texte d'une opinion individuelle signée par deux membres du Comité,
M. Nisuke Ando et M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, est joint au présent
document.
Opinion individuelle de M. Nisuke Ando et de
M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati,
membres du Comité
Tout en convenant que la communication est recevable conformément au paragraphe
2 de l'article 5 du Protocole facultatif, je ne peux partager le point de
vue du Comité selon lequel les droits de l'auteur consacrés par l'article
17 du Pacte, lu conjointement avec l'article 3, ont été violés.
Premièrement, à mon sens, la disposition de l'article premier ne garantit
pas à un père séparé le «droit absolu» d'avoir accès à son enfant
placé sous la garde de sa mère. Le Comité devrait se rappeler de ses constatations
concernant la communication no 201/1985 (Hendriks c. Pays-Bas)
dans lesquelles il a été estimé qu'une situation identique ou similaire
soulevait des questions au titre de l'article 23.
Deuxièmement, le Comité semble conclure que l'auteur n'a pas bénéficié
d'une «protection effective» comme l'exigent les articles 17 et 2
du Pacte (par. 7.4). Pour ma part, je considère que l'État partie a fait
ce qu'il a pu. C'est ainsi que dans la décision préliminaire du tribunal
régional de Prague-Ouest en date du 12 juillet 1993, qui a été confirmée
par une autre décision préliminaire datée du 2 octobre 1995, l'auteur a
obtenu le droit de voir son enfant un week-end sur deux. De fait, l'auteur
a été autorisé à voir son fils en 1994 et 1995 quoique d'une manière irrégulière
et sous la surveillance de membres de la famille de la mère ou d'agents
de sécurité armés (par. 2.2). Ultérieurement, comme la mère ne se conformait
pas à la décision du tribunal, le Procureur a engagé contre elle des poursuites
pénales (par. 4.6). En outre, le Procureur a engagé d'autres poursuites
pénales contre la mère sur la base d'une plainte pénale déposée par l'auteur
lui-même (par. 4.7). Manifestement, la mère a été condamnée à de multiples
amendes (par. 2.2).
Troisièmement, je ne comprends pas pourquoi la mère a catégoriquement
refusé d'autoriser le père à voir son fils mais je prends note du fait qu'au
cours de la procédure se rapportant aux autres plaintes pénales mentionnées
ci-dessus, un expert en psychologie clinique a déclaré que l'enfant était
très ferme dans ses convictions et refusait de passer avec son père le temps
prévu dans l'ordonnance du tribunal (par. 4.7). Sachant qu'étant âgé de
plus de 10 ans, le fils devrait être en mesure de juger par lui-même et
que le père n'a fait aucune observation sur ce point précis, le Comité devrait
à mon avis tenir dûment compte des souhaits de l'enfant. À cet égard, je
tiens à souligner que le plus important en l'espèce c'est «l'intérêt
supérieur de l'enfant» et que les tribunaux tchèques doivent disposer
d'éléments concrets pour se prononcer sur la question d'autant plus que
l'auteur n'a pas fourni au Comité suffisamment d'arguments pour qu'il soit
possible d'aller à l'encontre des jugements des tribunaux. Quoi qu'il en
soit, selon la jurisprudence du Comité, ce n'est pas au Comité mais aux
tribunaux nationaux compétents qu'il appartient d'évaluer les faits et les
éléments de preuve dans une affaire donnée à moins qu'une telle évaluation
ne soit entachée d'impartialité ou ne constitue un déni de justice. Tel
n'est pas le cas en l'espèce.
Enfin, l'auteur fait valoir que l'État partie n'a pas assuré la protection
requise en utilisant tous les moyens à sa disposition (par. 5.3) et le Comité
estime que l'État partie a l'obligation de fournir à l'auteur un recours
utile, qui devrait comprendre des mesures propres à assurer l'exécution
rapide des ordonnances judiciaires concernant les relations entre l'auteur
et son fils (par. 8). Eu égard au caractère particulier des questions familiales
en général et des circonstances particulières de la présente affaire, je
dois admettre que le recours judiciaire n'est pas omnipotent et qu'il existe
certaines limites au-delà desquelles il ne peut et ne doit pas aller. En
conséquence, l'État partie aurait difficilement pu faire plus que ce qu'il
a fait.
Notes
1. La République fédérale tchèque et slovaque a ratifié le Protocole facultatif
en mars 1991, mais elle a cessé d'exister le 31 décembre 1992. Le 22 février
1993, la République tchèque a notifié sa succession au Pacte et au Protocole
facultatif.
2. Ce point de la communication n'est pas clair.
3. Voir affaire no 514/1992, Fei c. Colombie, par. 8.4, constatations
adoptées le 4 avril 1995.
4. Voir également affaire no 417/1990, Balaguer c. Espagne,
constatations adoptées le 15 juillet 1994.