Comité des droits de l'homme
Soixante-dixième session
16 octobre - 3 novembre 2000
Annexe
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils
et politiques
- Soixante-dixième session -
Communication No 949/2000
Présentée par : M. Ameer Keshavjee
Au nom de : L'auteur
État partie : Canada
Date de la communication : 4 juin 1996 (date de la lettre initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 2 novembre 2000
Adopte la décision ci-après :
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est Ameer Keshavjee, de nationalité canadienne,
né le 4 octobre 1938. Il affirme être victime d'une violation par le Canada
des articles 14, 25 c) et 26 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur a été recruté par Revenu Canada à compter du 19 septembre
1989 en tant qu'agent des contacts pour les recouvrements après avoir réussi
aux examens pertinents. Il bénéficiait d'un engagement pour une période
de stage prenant fin le 9 avril 1990. Le 15 mars 1990, l'auteur a passé
un examen supplémentaire avec succès et s'est vu proposer une nomination
en tant qu'agent des recouvrements et d'exécution pour une période de stage
de 12 mois prenant effet au 9 avril 1990. Le 31 juillet 1990, l'auteur s'est
vu notifier par écrit par le chef du groupe des recouvrements que cinq contrôles
par sondage de son travail effectués entre novembre 1989 et juillet 1990
s'étaient révélés non satisfaisants. Les contrôles avaient été effectués
les 8 novembre 1989, 10 janvier 1990, 5 mars 1990, 22 juin 1990 et 10 juillet
1990.
2.2 Le 31 juillet 1990, l'auteur s'est vu donner un délai de 90 jours pour
rectifier ces manquements, faute de quoi il serait mis fin à sa nomination
pour une période de stage. Il a aussi été informé que trois contrôles par
sondage seraient effectués au cours de cette période de 90 jours. L'auteur
prétend que c'était la première fois qu'on l'informait que son travail laissait
à désirer. Il affirme aussi que la production du service entier était faible
mais qu'aucun autre employé n'avait reçu une telle lettre. Le 29 août 1990,
l'auteur a été informé que du fait que son travail laissait à désirer, l'augmentation
de traitement qui lui était normalement due à compter du 19 septembre 1990
ne lui serait pas accordée. Ce report semble constituer une procédure normale
dans les cas où l'administration détermine qu'un fonctionnaire ne donne
pas satisfaction. Le 28 novembre 1990, il a été mis fin à l'engagement de
l'auteur pour une période de stage.
2.3 Avec l'assistance et les conseils du Syndicat des employé(e)s de l'impôt,
l'auteur a attaqué la décision de ne pas accorder l'augmentation de traitement
et de mettre fin à l'engagement en suivant une procédure de recours interne
comprenant quatre paliers (aucune précision n'est donnée à ce sujet). Ce
processus s'est achevé le 22 janvier 1992 par la notification du résultat
des audiences du dernier palier de la procédure. L'augmentation de traitement
avait été rétablie au troisième palier de la procédure, mais la décision
de mettre fin à l'engagement n'a été annulée à aucun moment.
2.4 En octobre 1991, l'auteur s'est plaint à la Commission canadienne des
droits de l'homme d'avoir fait l'objet d'une discrimination fondée sur sa
race, sa couleur et son origine nationale ou ethnique (il est indien d'Asie)
ayant conduit à sa mise à pied. La Commission, après avoir mené une enquête
approfondie, a constaté que le travail de l'auteur ne s'était pas amélioré
malgré les avertissements qu'il avait reçus et que d'autres agents des recouvrements
étaient traités de la même manière que lui. Elle a conclu en août 1992 que
la plainte n'était pas fondée. L'auteur a fait une nouvelle démarche auprès
de la Commission afin qu'elle revienne sur sa décision, mais ceci lui a
également été refusé.
2.5 En novembre 1992, l'auteur a porté plainte devant la Commission de la
fonction publique du Canada concernant son cas. Cette plainte a été rejetée
en décembre 1992. L'auteur a fait diverses autres tentatives pour exercer
un recours par le truchement du Premier Ministre, du Ministre du revenu
national et de certains députés. Il n'a pas poursuivi dans la voie judiciaire,
par exemple devant la Cour fédérale du Canada. Il prétend qu'un tel recours
serait inutile dans la mesure où la Cour fédérale n'examine les décisions
de la Commission des droits de l'homme que sous l'angle des questions de
compétence et de l'équité de caractère procédural.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur présente deux griefs principaux. Le premier concerne le Syndicat
des employé(e)s de l'impôt, qui l'a représenté dans les procédures internes
d'examen des plaintes. L'auteur affirme que le Syndicat ne lui a pas expliqué
les procédures de recours appropriées applicables à son cas et qu'il l'a
tenu à l'écart de certaines audiences contre son gré. Il affirme aussi que
des membres du syndicat ont organisé son renvoi.
3.2 Le principal volet de la plainte de l'auteur tient au fait qu'il prétend
avoir perdu son emploi en raison d'une discrimination exercée à son encontre.
L'auteur affirme qu'il avait récemment passé des examens d'un niveau supérieur
et souligne que l'augmentation de traitement qui lui avait été refusée à
l'origine lui a été accordée ultérieurement. Son renvoi aurait été motivé
par la discrimination raciale. À l'appui de cette affirmation, il allègue
que ses chefs, les syndicalistes qui l'ont représenté et les arbitres étaient
tous blancs et que les procédures internes d'examen des plaintes étaient
inéquitables, puisque des personnes ayant exercé des fonctions de cadre
étaient également membres des jurys d'enquête sur les plaintes des fonctionnaires.
Il y aurait donc eu violation des articles 14, 25 c) et 26 du Pacte.
Délibérations du Comité
4.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte.
4.2 Pour ce qui est des allégations visant le comportement du Syndicat,
le Comité constate qu'elles sont dirigées contre des particuliers. En l'absence
de tout argument selon lequel l'État partie pourrait être tenu responsable
des actes de ces individus, cette partie de la communication est irrecevable
ratione personae en vertu de l'article premier du Protocole facultatif.
4.3 S'agissant des allégations de discrimination avancées par l'auteur,
le Comité renvoie à sa jurisprudence constante et réaffirme qu'il appartient
non pas à lui mais aux autorités compétentes de l'État partie d'apprécier
les faits et les éléments de preuve. Il n'appartient pas au Comité d'intervenir
dans une telle appréciation, sauf s'il peut être établi qu'elle a été manifestement
arbitraire ou a représenté un déni de justice. Dans le cas d'espèce, le
Comité note que les allégations de l'auteur ont été examinées quant au fond
par la Commission canadienne des droits de l'homme, qui a conclu qu'il avait
été mis fin à l'engagement de l'auteur pour des motifs ne tenant en aucune
façon à une discrimination mais au fait que son travail laissait à désirer.
En outre, la Commission a constaté que d'autres agents des recouvrements
avaient été traités de la même façon. L'auteur n'a pas prouvé, aux fins
de la recevabilité, que ces conclusions étaient manifestement arbitraires
ou représentaient un déni de justice. Compte tenu des constatations de la
Commission des droits de l'homme, le Comité est d'avis que l'auteur n'a
pas prouvé, aux fins de la recevabilité, que son renvoi avait entraîné des
violations des droits que lui confèrent les articles 14, 25 c) et 26 du
Pacte. En conséquence, cette partie de la communication est irrecevable
conformément à l'article 3 du Protocole facultatif.
5. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide :
a) que la communication est irrecevable en vertu des articles 1 et 2 du
Protocole facultatif;
b) que la présente décision sera communiquée à l'auteur et, pour information,
à l'État partie.
__________
* Les membres du Comité dont les noms suivent ont participé à l'examen de
la présente communication : M. Abdelfattah Amor, M. Prafullachandra Natwarlal
Bhagwati, Lord Colville, Mme Elisabeth Evatt, Mme Pilar Gaitan de Pombo, M.
Louis Henkin, M. Eckart Klein, M. David Kretzmer, M. Rajsoomer Lallah, Mme
Cecilia Medina Quiroga, M. Martin Scheinin, M. Hipólito Solari Yrigoyen et
M. Roman Wieruszewski. Conformément à l'article 85 du règlement intérieur
du Comité, M. Maxwell Yalden n'a pas pris part à l'examen de la communication.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.