Comité des droits de l'homme
Soixante-dix-huitième session
14 juillet - 8 août 2003
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe
4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques*
- Soixante-dix-huitième session -
Communication No. 950/2000
Présentée par: |
M. S. Jegatheeswara Sarma |
Au nom de: |
L'auteur, sa famille et son fils, M. Thevaraja Sarma |
État partie: |
Sri Lanka |
Date de la communication: |
25 octobre 1999 (date de la lettre initiale) |
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 16 juillet 2003,
Ayant achevé l'examen de la communication no 950/2000 présentée
au nom de M. S. Jegatheeswara Sarma en vertu du Protocole facultatif se
rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont
été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,
Adopte ce qui suit:
Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5
du Protocole facultatif
1.1 L'auteur de la communication, datée du 25 octobre 1999, est M. S. Jegatheeswara
Sarma, un ressortissant sri-lankais qui affirme que son fils est victime de
violations, par l'État partie, des articles 6, 7, 9 et 10 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques («le Pacte») et que lui-même et sa
famille sont victimes d'une violation, par l'État partie, de l'article 7 du
même instrument. Il n'est pas représenté par un conseil.
1.2 Le Pacte et le Protocole facultatif s'y rapportant sont entrés en vigueur
à l'égard de l'État partie le 11 juin 1980 et le 3 octobre 1997, respectivement.
Sri Lanka a fait la déclaration suivante:
«Conformément à l'article premier du Protocole facultatif, le Gouvernement
de la République socialiste démocratique de Sri Lanka reconnaît que le
Comité des droits de l'homme a compétence pour recevoir et examiner les
communications émanant de particuliers relevant de la juridiction de la
République socialiste démocratique de Sri Lanka qui prétendent être victimes
d'une violation de l'un quelconque des droits énoncés dans le Pacte, résultant
soit d'actes, omissions, faits ou événements postérieurs à la date d'entrée
en vigueur à son égard du présent Protocole, soit d'une décision portant
sur les actes, omissions, faits ou événements postérieurs à cette même
date. Le Gouvernement de la République socialiste démocratique de Sri
Lanka considère par ailleurs que le Comité ne devra examiner aucune communication
émanant de particuliers sans s'être assuré que la même question n'est
pas déjà en cours d'examen ou n'a pas déjà été examinée par une autre
instance internationale d'enquête ou de règlement.».
1.3 Le 23 mars 2001, le Comité, agissant par l'intermédiaire de son Rapporteur
spécial pour les nouvelles communications, a décidé d'examiner à part la question
de la recevabilité de la communication et le fond de celle-ci.
Rappel des faits présentés par l'auteur
2.1 L'auteur affirme que le 23 juin 1990, à 8 h 30 environ, son fils, lui-même
et trois autres personnes ont été enlevés par des soldats de leur maison
familiale d'Anpuvalipuram au cours d'une opération militaire, en présence
de la femme de l'auteur et d'autres personnes. Les quatre intéressés ont
été remis à d'autres militaires, dont un certain caporal Sarath, dans un
autre lieu (camp militaire d'Ananda Stores). Apparemment, le fils de l'auteur
était soupçonné d'être membre des Liberation Tigers of Tamil Eelam (Tigres
libérateurs de l'Eelam tamoul), ou LTTE, et il a été battu et torturé. Après
avoir transité par un certain nombre d'autres lieux, il a été mis en détention
militaire à l'école de Kalaimagal. Il y aurait été torturé, encagoulé et
forcé à identifier d'autres suspects.
2.2 Dans l'entretemps, l'auteur et d'autres personnes arrêtées étaient
amenés à l'école de Kalaimagal, où ils ont été forcés de défiler devant
le fils encagoulé de l'auteur. Plus tard dans la journée, vers 12 h 45,
le fils de l'auteur a été amené au camp militaire de Plaintain Point, où
l'auteur et les autres personnes ont été libérés. L'auteur a informé de
ces événements la police, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR)
et les associations de défense des droits de l'homme.
2.3 Plus tard, des arrangements ont été pris pour que les parents des disparus
puissent rencontrer par groupes de 50 le général Pieris et être informés
de la situation des personnes en question. Au cours de l'une de ces rencontres,
en mai 1991, la femme de l'auteur a appris que son fils était mort.
2.4 L'auteur affirme cependant que le 9 octobre 1991, entre 13 h 30 et
14 heures, alors qu'il travaillait à la «City Medical Pharmacy», une fourgonnette
militaire jaune, portant les plaques d'immatriculation no 35 Sri 1919, s'est
arrêtée devant la pharmacie. Un officier est entré dans l'établissement
et a demandé à faire des photocopies. À ce moment précis, l'auteur a vu
dans la fourgonnette son fils qui le regardait. Alors qu'il essayait de
lui parler, son fils lui a fait un signe de la tête pour l'empêcher d'approcher.
2.5 Le même officier étant revenu plusieurs fois à la pharmacie, l'auteur
a pu l'identifier: il s'agissait du lieutenant Amarasekara. En janvier 1993,
alors que se tenait à Trincomalee le «Presidential Mobile Service», l'auteur
a rencontré le Premier Ministre d'alors, M. D. B. Wijetunghe, à qui il s'est
plaint de la disparition de son fils. Le Premier Ministre a ordonné la libération
du fils de l'auteur, où qu'il se trouvât. En mars 1993, l'armée a informé
l'auteur que son fils n'avait jamais été placé en détention.
2.6 En juillet 1995, l'auteur a témoigné devant la Commission présidentielle
d'enquête sur les enlèvements et les disparitions involontaires dans les
provinces du Nord et de l'Est («la Commission présidentielle»), mais en
vain. En juillet 1998, il a de nouveau écrit au Président; il a été informé
en février 1999 par l'armée qu'aucune personne répondant à ses indications
n'avait été mise en détention militaire. Le 30 mars 1999, l'auteur a adressé
une requête au Président, réclamant une enquête approfondie et la libération
de son fils.
Teneur de la plainte
3. L'auteur soutient que les faits mentionnés ci-dessus constituent des
violations des articles 6, 7, 9 et 10 du Pacte par l'État partie.
Observations de l'État partie sur la recevabilité de la communication
4.1 Dans une lettre datée du 26 février 2001, l'État partie soutient que
le Protocole facultatif ne s'applique pas en l'espèce ratione temporis.
Il considère que l'incident au cours duquel le fils de l'auteur aurait été
enlevé contre son gré aurait eu lieu le 23 juin 1990 et la disparition de
l'intéressé plus tard, en mai 1991: l'un et l'autre événements se seraient
produits avant l'entrée en vigueur du Protocole facultatif à son égard.
4.2 L'État partie déclare que l'auteur n'a pas établi qu'il avait épuisé
les recours internes. Il affirme que l'auteur s'est abstenu d'exercer les
recours suivants:
- Une requête en habeas corpus auprès de la Cour d'appel aurait
donné à celle-ci la possibilité d'obliger les autorités de détention à lui
présenter la victime présumée;
- La police refusant ou s'abstenant de faire enquête, l'article 140 de
la Constitution de l'État partie offre la possibilité de demander à la cour
d'appel une ordonnance de mandamus visant les autorités publiques
qui refusent ou s'abstiennent d'accomplir une obligation légale;
- La police ne faisant pas enquête ou le plaignant ne voulant pas prêter
foi à ses conclusions, le plaignant a le droit, en vertu de l'alinéa a
du paragraphe 1 de l'article 136 du Code de procédure pénale, d'attaquer
directement au pénal devant la Magistrate's Court.
4.3 L'État partie soutient que l'auteur n'a pas établi que ces voies de
recours ne sont pas ou n'auraient pas été utiles ou auraient pris un temps
excessivement long.
4.4 Par conséquent, l'État partie considère que la communication est irrecevable.
Commentaires de l'auteur
5.1 Le 25 mai 2001, l'auteur a répondu aux observations de l'État partie.
5.2 Pour ce qui est de la compétence ratione temporis du Comité,
l'auteur considère que lui-même et sa famille sont victimes d'une violation
continue de l'article 7 puisqu'ils ignorent toujours où se trouverait la
personne en question. L'auteur renvoie à la jurisprudence du Comité dans
les affaires Quinteros c. Uruguay (1) et El Megreisi
c. Jamahiriya arabe libyenne, (2) et soutient que cette torture
psychologique est aggravée par les réponses contradictoires que donnent
les autorités.
5.3 Pour montrer l'assiduité de ses efforts, l'auteur énumère les 39 lettres
et requêtes diverses qu'il a adressées au sujet de la disparition de son
fils. Ces courriers ont été adressés à diverses autorités sri-lankaises,
dont la police, l'armée, la Commission nationale des droits de l'homme,
divers ministères, le Président de la République et la Commission présidentielle.
Malgré toutes ces démarches, il n'a eu aucune nouvelle de son fils. De plus,
après qu'il eut présenté au Comité la communication dont il est question
ici, le Département des enquêtes criminelles a reçu l'ordre d'enregistrer
à Sinhala les dépositions de l'auteur et de neuf autres témoins que l'auteur
avait cités dans ses plaintes antérieures, sans qu'il en soit résulté jusqu'à
présent quoi que ce soit de concret.
5.4 L'auteur souligne que cette passivité est d'autant plus injustifiable
qu'il a fourni aux autorités le nom des responsables de la disparition et
celui d'autres témoins. Il a donné les détails qui suivent aux autorités
de l'État partie:
«1. Le 23 juin 1990, mon fils a été enlevé en ma présence à Anpuvalipuram
par le caporal Sarath, de l'armée de terre. Celui-ci est originaire de
Girithala (Polanaruwa). Il est marié à une sage-femme et vit à Kantale,
Mile 93. Sa femme travaille à l'hôpital de Kantala.
2. Le 9 octobre 1991, M. Amerasekera (portant l'insigne à l'étoile),
de l'armée de terre, a amené mon fils à la City Medical Pharmacy dans
une fourgonnette immatriculée 35 Sri 1919.
3. Le 23 juin 1990, les militaires suivants étaient en service au moment
du ratissage d'Anpuvalipuram:
a) Le major Patrick;
b) Le lieutenant Suresh Cassim;
c) Jayasekara […];
d) Ramesh (Abeypura).
4. Outre les personnes mentionnées au paragraphe 3, les militaires
suivants étaient au même moment en service au camp militaire de Plantain
Point:
a) Sunil Tennakoon (muté depuis);
b) Tikiri Banda (travaillant actuellement au camp);
c) Le capitaine Gunawardena;
d) Kundas (Européen).
5. Témoins:
a) Ma femme;
b) M. S. Alagiah, 330, Anpuvalipuram, Trincomalee;
c) M. P. Markandu, 442, Kanniya Veethi, Barathipuram, Trincomalee;
d) M. P. Nemithasan, 314, Anpuvalipuram, Trincomalee;
e) M. S. Mathavan (magasin Maniam), Anpuvalipuram, Trincomalee;
f) Janab. A. L. Majeed, City Medical, Dockyard Road, Trincomalee;
g) Mme Malkanthi Yatawara, 80A, Walpolla, Rukkuwila, Nittambuwa;
h) M. P. S. Ramiah, Pillaiyar Kovilady, Selvanayagapuram, Trincomalee.».
5.5 L'auteur a également déposé le 29 juillet 1995 devant la Commission présidentielle.
Il cite la déclaration qu'il y a faite en ces termes:
«En ce qui concerne […] les preuves disponibles pour établir la
réalité des enlèvements et des disparitions présumées, […] il y
a eu les abondants témoignages concordants des parents, des voisins et
d'autres êtres humains [sic], car la plupart des arrestations ont
été opérées au vu de tout le monde, souvent à partir des camps de réfugiés
et pendant des opérations de bouclage et de ratissage, au cours desquelles
de très nombreuses personnes ont pu être témoins des incidents.
En ce qui concerne […] le sort actuel des personnes dont il est
allégué qu'elles ont été enlevées ou qu'elles ont disparu, l'enquête
de la Commission s'est heurtée à un mur. D'ailleurs, le personnel des
services de sécurité a nié avoir participé aux arrestations, et ce malgré
l'abondance des preuves de sa culpabilité. […]».
5.6 L'auteur affirme que ces événements font apparaître une violation des
articles 6, 7, 9 et 10 du Pacte.
5.7 L'auteur affirme qu'il a épuisé tous les recours internes utiles disponibles
sans délais excessifs. Citant les rapports des organismes internationaux
de protection des droits de l'homme, il affirme que le recours en habeas
corpus est sans effet à Sri Lanka et que la procédure en est indûment
lente. Il cite également le rapport du Groupe de travail sur les disparitions
forcées ou involontaires du 28 décembre 1998, qui confirme que les enquêtes
ne sont pas entreprises, même si elles sont ordonnées par un tribunal.
5.8 L'auteur affirme que, pendant la période 1989-1990, Trincomalee était
un lieu de non-droit, que les tribunaux ne fonctionnaient pas, que l'on
tirait à vue sur des civils et que les arrestations étaient nombreuses.
Les postes de police des provinces du Nord et du Sud étaient dirigés par
des Cinghalais qui arrêtaient ou faisaient disparaître des centaines de
Tamouls. C'est pourquoi l'auteur n'a pu signaler à la police la disparition
de son fils, car il craignait de faire l'objet de représailles ou d'être
soupçonné de terrorisme.
Décision concernant la recevabilité
6.1 À sa soixante-quatorzième session, le Comité a examiné la communication
du point de vue de sa recevabilité. Après s'être assuré que la même question
n'avait pas été examinée et n'était pas en cours d'examen devant une autre
instance internationale d'enquête ou de règlement, il a examiné les faits
qui lui étaient présentés et il a estimé que la communication soulevait
des questions relatives à l'article 7 du Pacte en ce qui concernait l'auteur
et les membres de sa famille, et au paragraphe 1 de l'article 6, à l'article
7, au paragraphe 1 de l'article 9 et à l'article 10 du même instrument en
ce qui concernait le fils de l'auteur.
6.2 Pour ce qui est de l'applicabilité ratione temporis du Protocole
facultatif, le Comité a noté qu'en adhérant audit Protocole l'État partie
avait fait une déclaration limitant la compétence du Comité aux événements
postérieurs à l'entrée en vigueur du Protocole. Cependant, le Comité a considéré
que même si l'enlèvement puis la disparition présumés du fils de l'auteur
avaient eu lieu avant l'entrée en vigueur du Protocole facultatif à l'égard
de l'État partie, les violations du Pacte, si leur réalité était confirmée
par l'examen au fond, avaient pu avoir lieu ou se poursuivre après l'entrée
en vigueur du Protocole facultatif.
6.3 Le Comité a également examiné la question de l'épuisement des recours
internes; il a jugé que, dans les circonstances de l'affaire, l'auteur s'était
prévalu des recours qui étaient raisonnablement utiles et disponibles à
Sri Lanka. Le Comité a noté que l'auteur avait engagé une procédure en 1995
auprès d'un organe ad hoc (la Commission présidentielle d'enquête sur les
enlèvements et les disparitions involontaires dans les provinces du Nord
et de l'Est) spécialement institué pour régler ce genre d'affaire. Notant
qu'après sept années la Commission présidentielle n'était pas parvenue à
une conclusion définitive sur la disparition du fils de l'auteur, le Comité
a jugé que cette voie de recours présentait des lenteurs excessives. En
conséquence, il a déclaré la communication recevable le 14 mars 2002.
Observations de l'État partie sur le fond
7.1 Le 22 avril 2002, l'État partie a présenté ses observations sur le
fond de la communication.
7.2 À propos des circonstances de l'affaire et des mesures prises après
la disparition présumée du fils de l'auteur, l'État partie affirme que le
24 juillet et le 30 octobre 2000 le Procureur général de Sri Lanka a reçu
deux lettres de l'auteur demandant «la recherche de son fils et sa libération»
des autorités militaires. À la suite de quoi, le Bureau du Procureur général
a demandé à l'armée sri-lankaise si le fils de l'auteur avait été arrêté
et s'il était encore en détention. Les enquêtes ont révélé que ni la marine
sri-lankaise, ni l'armée de l'air sri-lankaise, ni la police sri-lankaise
n'avaient arrêté ou détenu la personne en question. Les requêtes de l'auteur
ont été transmises à la Commission des personnes disparues du Bureau du
Procureur général. Le 12 décembre 2000, le Coordonnateur de ladite Commission
a informé l'auteur que les mesures nécessaires seraient prises et il a demandé
à l'Inspecteur général de la police de procéder à une enquête criminelle
sur la disparition présumée.
7.3 Le 24 janvier 2001, les inspecteurs du Groupe de recherche sur les
disparitions ont rencontré un certain nombre de personnes, dont l'auteur
et sa femme, se sont entretenus avec elles et ont enregistré leurs déclarations.
Le 25 janvier 2001, le Groupe s'est rendu au camp militaire de Plaintain
Point. Ce même jour, puis entre les 8 et 27 février 2001, il a interrogé
un certain nombre d'autres témoins. Entre le 3 avril et le 26 juin 2001,
le Groupe a interrogé 10 membres des forces armées, dont l'officier qui
commandait les forces de sécurité de la division de Trincomalee en 1990-1991.
Il a achevé son enquête le 26 juin 2001 et adressé son rapport à la Commission
des personnes disparues qui, le 22 août 2001, a demandé un complément de
recherches sur certains points. Les conclusions des recherches complémentaires
ont été communiquées à la Commission le 24 octobre 2001.
7.4 L'État partie déclare que l'enquête criminelle a montré que le 23 juin
1990 le caporal Ratnamala Mudiyanselage Sarath Jayasinghe Perera («le caporal
Sarath») de l'armée sri-lankaise et deux autres personnes non identifiées
avaient «involontairement enlevé (retiré)» le fils de l'auteur. Cet enlèvement
n'avait rien à voir avec l'«opération de bouclage et de ratissage» lancée
par l'armée sri-lankaise dans le village d'Anpuwalipuram, dans le district
de Trincomalee, pour retrouver et arrêter des personnes soupçonnées de terrorisme.
Pendant l'opération en question, il y a bien eu des arrestations et des
mises en détention aux fins de l'enquête, selon les dispositions de la loi,
mais les officiers qui la dirigeaient n'étaient pas au courant de la conduite
du caporal Sarath ni de l'enlèvement du fils de l'auteur. L'enquête n'a
pas permis d'établir que celui-ci avait été détenu au camp militaire de
Plaintain Point ni en aucun autre lieu de détention, et il a été impossible
de le localiser.
7.5 Le caporal Sarath a nié avoir participé à l'incident et n'a donné aucun
renseignement sur le fils de l'auteur ni expliqué de manière plausible pourquoi
les témoins l'auraient impliqué à tort. La Commission des personnes disparues
a alors décidé de partir de l'hypothèse que le caporal et deux autres personnes
non identifiées étaient responsables de l'«enlèvement contre son gré» du
fils de l'auteur.
7.6 En ce qui concerne les événements du 9 octobre 1991, date à laquelle
l'auteur aurait vu son fils en compagnie du lieutenant Amarasekera, l'enquête
a révélé qu'il n'y avait pas d'officier de ce nom dans le district de Trincomalee
pendant la période dont il s'agit. L'officier de service dans le secteur
en question en 1990-1991 était un certain Amarasinghe, tué peu après dans
une attaque terroriste.
7.7 Le 18 février 2002, l'auteur a écrit de nouveau au Procureur général,
déclarant que son fils avait été «enlevé» par le caporal Sarath et demandant
que la question soit réglée rapidement et que son fils lui soit rendu sans
retard. Le 28 février 2002, le Procureur général a informé l'auteur que
son fils avait disparu après son enlèvement le 23 juin 1990 et qu'on ignorait
ce qu'il était devenu.
7.8 Le 5 mars 2002, le caporal Sarath a été inculpé de l'«enlèvement» du
fils de l'auteur le 23 juin 1990 avec deux complices inconnus, infraction
tombant sous le coup de l'article 365 du Code pénal sri-lankais. L'inculpation
a été transmise à la Haute Cour de Trincomalee, ce dont l'auteur a été avisé
le 6 mars 2002. L'État partie déclare que le caporal Sarath a été accusé
d'«enlèvement» parce que le droit interne sri-lankais ne connaît pas la
figure pénale du «retrait involontaire». De plus, les conclusions de l'enquête
ne permettaient pas de présumer que le caporal Sarath était responsable
du meurtre de la victime, puisque celle-ci avait été vue vivante le 9 octobre
1991. Le procès du caporal Sarath commencera vers la fin de 2002.
7.9 L'État partie déclare qu'il n'est pas à l'origine de la disparition
du fils de l'auteur, ni directement ni par l'intermédiaire de ses militaires
commandant sur le terrain. Jusqu'à l'achèvement de l'enquête dont il a été
question ci-dessus, le comportement du caporal Sarath était resté ignoré
de l'État partie; il s'agissait d'un comportement illégal et interdit, comme
l'attestait la récente inculpation de l'intéressé. En l'espèce, l'État partie
considère que la «disparition» ou la privation de liberté du fils de l'auteur
ne peut être considérée comme une violation des droits de l'homme de la
victime.
7.10 L'État partie répète que le «retrait involontaire» ou la «privation
de liberté» dont le fils de l'auteur aurait été victime le 23 juin 1990
puis sa disparition présumée le 9 octobre 1991 ou aux alentours de cette
date ont eu lieu avant la ratification par Sri Lanka du Protocole facultatif,
et que rien dans la communication ne démontre qu'il s'agit d'une «violation
continue».
7.11 L'État partie en conclut que la communication est sans fondement et
qu'elle doit de toute manière être considérée comme irrecevable pour les
motifs exposés au paragraphe 7.10.
Commentaires de l'auteur
8.1 Le 2 août 2002, l'auteur a présenté ses commentaires sur les observations
de l'État partie sur le fond de la communication.
8.2 L'auteur soutient que la disparition de son fils a eu lieu dans un
contexte où les disparitions étaient systématiques. Il cite le rapport final
de la Commission d'enquête sur les enlèvements et les disparitions involontaires
dans les provinces du Nord et de l'Est de 1997, selon lequel:
«Les jeunes ont disparu en grand nombre dans le Nord et dans l'Est vers
la fin de 1989 et vers la fin de 1990. Ces disparitions massives sont
liées aux opérations militaires lancées contre le Front populaire de libération
(People's Liberation Front, JVP) à la fin de 1989 et contre les Tigres
libérateurs de l'Eleam tamoul pendant la deuxième guerre de l'Eleam, commencée
en juin 1990 […]. Il était évident qu'une section de l'armée agissait
sur ordre de ses supérieurs politiques, avec un zèle digne d'une meilleure
cause. De larges pouvoirs étaient conférés à l'armée par les Mesures d'exception,
dont celui de faire disparaître les corps sans autopsie ni examen, ce
qui a encouragé une partie de l'armée à franchir la ligne invisible qui
sépare une opération de sécurité légitime d'une campagne sauvage d'arrestations
et de tueries.».
8.3 L'auteur souligne que l'un des aspects des disparitions à Sri Lanka est
l'impunité absolue dont jouissent les officiers et autres agents de l'État,
comme l'a indiqué le rapport rendu par le Groupe de travail sur les disparitions
forcées ou involontaires après sa troisième mission dans l'île en 1999 (3).
L'auteur soutient que son fils a disparu du fait de certains agents de l'État,
dans le cadre d'une pratique et d'une politique systématiques de la disparition
forcée dans lesquelles sont impliqués tous les niveaux de l'appareil d'État.
8.4 L'auteur attire l'attention sur le fait que l'État partie ne conteste
pas le fait de la disparition de son fils, même s'il prétend ne pas en être
responsable; que cela confirme que la victime a été enlevée le 23 juin 1990
par le caporal Sarath et deux autres officiers non identifiés, même si cela
s'est fait de façon «tout à fait à part et indépendamment» de l'opération
de bouclage et de ratissage menée par l'armée au même moment au même endroit;
et que l'État partie déclare que les officiers de son armée ignoraient la
conduite du caporal Sarath et l'enlèvement du fils de l'auteur.
8.5 L'auteur soutient que les disparitions forcées sont une violation manifeste
de plusieurs dispositions du Pacte, dont l'article 7 (4), et, soulignant
que l'une des questions principales soulevées en l'espèce est celle de l'attribution
de responsabilité, considère qu'il ne fait guère de doute que la disparition
de son fils est imputable à l'État partie puisque l'armée sri-lankaise est
indéniablement un organe de cet État. (5) Quand les droits consacrés
par le Pacte sont violés par un soldat ou quelque autre agent de l'État
qui use de son autorité officielle pour commettre un acte répréhensible,
cet acte est imputable à l'État (6) même si l'intéressé outrepasse
les pouvoirs qui lui sont conférés. L'auteur, s'appuyant sur l'arrêt de
la Cour interaméricaine des droits de l'homme en l'affaire Velásquez
Rodríguez (7) et sur le jugement de la Cour européenne des droits
de l'homme, conclut que même si un officier agit ultra vires, l'État
voit sa responsabilité engagée s'il a fourni les moyens d'accomplir l'acte
dont il s'agit ou l'a facilité. Même dans le cas où les responsables ont
agi en contradiction directe avec les ordres qui leur ont été donnés -
ce que l'on ignore en l'espÞce -, l'╔tat peut Ûtre encore tenu
responsable.(8)
8.6 L'auteur soutient que son fils a été arrêté et détenu par des membres
de l'armée, dont le caporal Sarath et d'autres personnes non identifiées,
au cours d'une opération militaire de ratissage, et que ces actes ont eu
pour résultat la disparition de son fils. Si l'on considère les preuves
accablantes dont est saisie la Commission présidentielle, qui montrent que
beaucoup des habitants de Trincomalee arrêtés et amenés au camp militaire
de Plaintain Point n'ont jamais reparu, il est difficile de croire à l'affirmation
selon laquelle la disparition du fils de l'auteur serait un acte isolé commis
par le seul caporal Sarath, à l'insu et sans la complicité d'autres personnes
de la hiérarchie militaire.
8.7 L'auteur soutient que l'État partie est responsable des actes du caporal
Sarath même si, comme l'État partie le laisse entendre, les actes de cette
personne ne s'inscrivaient pas dans une opération militaire plus large,
parce qu'il n'est pas contestable que les actes en question ont été commis
par du personnel militaire. Le caporal Sarath était en tenue au moment des
faits et il n'est pas contesté qu'il agissait sous les ordres d'un officier
pour procéder à une opération de recherche dans le secteur pendant la période
considérée. L'État partie a donc fourni les moyens et les facilités permettant
d'accomplir l'acte présumé. Le fait que le caporal Sarath était un officier
subalterne ayant une grande marge de manœuvre et agissant sans ordre
supérieur n'exonère pas l'État partie de sa responsabilité.
8.8 L'auteur ajoute que même si les faits ne sont pas directement imputables
à l'État partie, la responsabilité de celui-ci peut être engagée du fait
qu'il n'a pas accompli positivement les obligations qui lui incombent de
prévenir et de réprimer certaines violations graves, comme les violations
arbitraires du droit à la vie. Cette obligation vaut, que les actes considérés
soient ou non commis par un agent de l'État.
8.9 L'auteur argue à cet égard que les circonstances de l'espèce créent
nécessairement au moins une présomption de responsabilité, présomption que
l'État partie n'a pas réfutée. Ici, et selon la jurisprudence du Comité
(9), c'est assurément l'État partie et non l'auteur qui est à même de
se procurer les renseignements nécessaires, et c'est donc à lui qu'il doit
incomber de réfuter cette présomption de responsabilité. L'État partie s'est
abstenu d'ouvrir une enquête approfondie sur les allégations de l'auteur
dans des régions où lui seul pouvait avoir accès aux informations utiles,
et il n'a pas non plus fourni au Comité de renseignements pertinents.
8.10 L'auteur soutient que selon la jurisprudence du Comité (10) et
celle de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, l'État partie était
tenu de mener effectivement une enquête approfondie sur la disparition de
son fils, de traduire en justice les responsables et d'accorder réparation
aux familles des victimes.(11)
8.11 En l'espèce, l'État partie n'a pas fait de recherches effectives sur
sa propre responsabilité ni sur la responsabilité personnelle des personnes
soupçonnées d'avoir directement commis les infractions, et n'a pas expliqué
pourquoi l'enquête n'avait été entreprise qu'une dizaine d'années après
que la disparition eut été pour la première fois portée à l'attention des
autorités compétentes. L'enquête n'a pas permis d'obtenir des renseignements
sur les ordres qui pourraient avoir été donnés au caporal Sarath et à d'autres
personnes en ce qui concerne leur rôle dans les opérations de recherche;
elle ne s'est pas non plus intéressée à la voie hiérarchique. Elle n'a pas
fourni d'information sur les dispositifs de l'appareil militaire concernant
les ordres, la formation, l'acheminement des rapports ou les autres procédures
censées contrôler l'activité des soldats, qui aurait pu corroborer ou démentir
l'allégation selon laquelle les supérieurs dudit caporal n'avaient pas ordonné
et avaient ignoré les activités de celui-ci. Elle n'a pas fourni la preuve
que le caporal Sarath ou ses collègues agissaient à titre personnel à l'insu
des autres officiers.
8.12 Il y a aussi des lacunes frappantes dans les preuves rassemblées par
l'État partie. Les archives des opérations militaires lancées dans la région
en 1990 n'ont été en fait ni consultées ni produites, et les registres de
détention et les dossiers de l'opération de bouclage et de ratissage n'ont
pas été réunis. Il ne semble pas non plus que l'État partie ait recherché
le véhicule immatriculé sous le numéro 35 Sri 1919, véhicule dans lequel
le fils de l'auteur a été vu pour la dernière fois. Le Procureur général
qui a formulé l'inculpation du caporal Sarath n'a pas retenu certains témoins
à charge clefs, alors qu'ils avaient déjà déposé devant les autorités et
auraient pu apporter des témoignages déterminants pour l'issue de l'affaire.
Parmi eux, on compte Poopalapillai Neminathan, arrêté en même temps que
le fils de l'auteur et détenu avec lui au camp militaire de Plaintain Point;
Santhiya Croose, arrêté avec le fils de l'auteur mais libéré sur la route
du camp militaire de Plaintain Point; S. P. Ramiah, témoin de l'arrestation
du fils de l'auteur; Shammugam Algiah, dans la maison duquel le fils de
l'auteur a été arrêté. De surcroît, rien n'indique que la moindre preuve
ait été recueillie pour définir le rôle joué par les responsables militaires,
les officiers eux-mêmes pouvant être pénalement responsables, soit directement
pour avoir donné des ordres ou des incitations, soit indirectement pour
avoir négligé d'empêcher leurs subordonnés d'agir ou de les punir.
8.13 Pour ce qui est de la recevabilité de la communication, l'auteur rappelle
que le Comité a déjà déclaré l'affaire recevable le 14 mars 2002; il soutient
que les événements faisant l'objet de la plainte se sont poursuivis après
la ratification du Protocole facultatif par l'État partie, et ce jusqu'à
la date de sa communication initiale. Il cite l'article 17 de la Déclaration
des Nations Unies sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions
forcées.(12)
8.14 L'auteur demande au Comité de tenir l'État partie responsable de la
disparition de son fils et déclare que cet État a violé les articles 2,
6, 7, 9, 10 et 17 du Pacte. Il demande également que l'État partie entreprenne
effectivement une enquête approfondie, dans le sens indiqué ci-dessus, lui
communique les conclusions appropriées de cette enquête, libère son fils
et verse une indemnisation adéquate.
Examen quant au fond
9.1 Le Comité des droits de l'homme a examiné la présente communication
en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été soumises par
les parties, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l'article
5 du Protocole facultatif.
9.2 En ce qui concerne la plainte de l'auteur concernant la disparition
de son fils, le Comité constate que l'État partie n'a pas nié que le fils
de l'auteur avait été enlevé par un officier de l'armée sri-lankaise le
23 juin 1990 et qu'il est depuis resté introuvable. Le Comité considère
que, du point de vue de la responsabilité de l'État, le fait que l'officier
à qui la disparition est imputée ait agi ultra vires n'est pas pertinent
en l'espèce, non plus que le fait que ses supérieurs aient ignoré ses agissements.
(13) Le Comité en conclut que l'État partie est en l'occurrence responsable
de la disparition du fils de l'auteur.
9.3 Le Comité relève la définition de l'expression «disparitions forcées»
figurant à l'alinéa i du paragraphe 2 de l'article 7 du Statut de
Rome de la Cour pénale internationale: (14) Par «disparitions
forcées», on entend les cas où des personnes sont arrêtées, détenues ou
enlevées par un État ou une organisation politique ou avec l'autorisation,
l'appui ou l'assentiment de cet État ou de cette organisation, qui refuse
ensuite d'admettre que ces personnes sont privées de liberté ou de révéler
le sort qui leur est réservé ou l'endroit où elles se trouvent, dans l'intention
de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée.
Tout acte conduisant à une disparition de ce type constitue une violation
d'un grand nombre de droits consacrés dans le Pacte, notamment le droit
de tout individu à la liberté et à la sécurité de sa personne (art. 9),
le droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants (art. 7), et le droit de toute personne
privée de sa liberté d'être traitée avec humanité et avec le respect de
la dignité inhérente à la personne humaine (art. 10). Il viole en outre
le droit à la vie ou le met gravement en danger (art. 6).(15)
9.4 En l'espèce, les faits montrent clairement que l'article 9 du Pacte
concernant le droit de tout individu à la liberté et à la sécurité de sa
personne s'applique. L'État partie a lui-même reconnu que l'arrestation
du fils de l'auteur était illégale et relevait d'un comportement interdit.
Il n'y avait aucun fondement juridique non seulement à son arrestation,
mais aussi, manifestement, à sa détention continue. Une violation aussi
flagrante de l'article 9 ne saurait en aucun cas être justifiée. Le Comité
estime qu'en l'espèce les faits dont il est saisi font apparaître à l'évidence
une violation de l'article 9 dans son entier.
9.5 En ce qui concerne une violation de l'article 7, le Comité reconnaît
le degré de souffrance qu'entraîne le fait d'être détenu indéfiniment, privé
de tout contact avec le monde extérieur (16) et relève que, en l'espèce,
l'auteur semble avoir fortuitement aperçu son fils quelque 15 mois après
sa mise en détention. Il doit donc être considéré comme victime d'une violation
de l'article 7. En outre, considérant l'anxiété et la détresse dans lesquelles
se trouve la famille de l'auteur à cause de la disparition du fils de celui-ci
et de l'incertitude qui continue de peser sur son sort et le lieu où il
se trouve, (17) le Comité juge que l'auteur et sa femme sont également
victimes d'une violation de l'article 7 du Pacte. Le Comité conclut donc
que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l'article
7 du Pacte en ce qui concerne le fils de l'auteur et en ce qui concerne
la famille de l'auteur.
9.6 Quant à la violation possible de l'article 6 du Pacte, le Comité note
que l'auteur ne lui a pas demandé de conclure au décès de son fils. En outre,
tout en invoquant l'article 6, l'auteur demande aussi la libération de son
fils, indiquant qu'il n'a pas abandonné l'espoir de le voir réapparaître.
Le Comité considère qu'en de telles circonstances il ne lui appartient pas
de sembler présumer le décès du fils de l'auteur. Dans la mesure où les
obligations incombant à l'État partie en vertu du paragraphe 11 ci-après
seraient les mêmes qu'une telle constatation soit faite ou non, le Comité
juge approprié en l'espèce de ne formuler aucune constatation au titre de
l'article 6.
9.7 Compte tenu des constatations ci-dessus, le Comité ne juge pas utile
d'examiner les plaintes de l'auteur au titre des articles 10 et 17 du Pacte.
10. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4
de l'article 5 du Protocole facultatif, juge que les faits dont il est saisi
font apparaître une violation des articles 7 et 9 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques en ce qui concerne le fils de l'auteur
et de l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
en ce qui concerne l'auteur et sa femme.
11. Selon l'alinéa a du paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte, l'État
partie est tenu de garantir à l'auteur et à sa famille qu'ils disposeront
d'un recours utile, y compris sous forme d'une enquête approfondie et efficace
sur la disparition et le sort du fils de l'auteur, sa libération immédiate
s'il est encore en vie, de donner des renseignements appropriés à l'issue
de cette enquête et d'indemniser le fils de l'auteur, l'auteur et sa famille
de façon appropriée pour les violations subies. Le Comité considère que
l'État partie est également tenu de diligenter la procédure pénale et de
faire en sorte que tous les responsables de l'enlèvement du fils de l'auteur
soient promptement jugés en application de l'article 356 du Code pénal sri-lankais
et de traduire en justice toute autre personne impliquée dans cette disparition.
L'État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues
ne se reproduisent pas à l'avenir.
12. Étant donné qu'en adhérant au Protocole facultatif un État partie reconnaît
la compétence du Comité pour déterminer s'il y a eu ou non violation du
Pacte et que, conformément à l'article 2 de celui-ci, il s'engage à garantir
à toute personne se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction
les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire
lorsqu'une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l'État
partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements sur les mesures prises
pour donner effet à ses constatations. L'État partie est également prié
de rendre publiques les constatations du Comité.
______________________________
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres du Comité dont les noms suivent ont participé à l'examen
de la présente communication: M. Abdelfattah Amor, M. Prafullachandra Natwarlal
Bhagwati, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil,
M. Rajsoomer Lallah, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin
Scheinin, M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen, Mme Ruth Wedgwood,
M. Roman Wieruszewski et M. Maxwell Yalden.
Notes
1. Affaire no 107/1981, constatations adoptées le 21 juillet 1983.
2. Affaire no 440/1990, constatations adoptées le 24 mars 1994.
3. E/CN.4/2000/64/Add.1, par. 34 et 35.
4. Celis Laureano c. Pérou, communication no 540/1993, constatations
adoptées le 25 mars 1996.
5. Affaire Velásquez Rodríguez (1989), Cour interaméricaine des
droits de l'homme, arrêt du 29 juillet 1998 (série C), no 4 (1988).
6. Voir affaire Caballero Delgado and Santana, Cour interaméricaine
des droits de l'homme, arrêt du 8 décembre 1995 (rapport annuel de la Cour
interaméricaine des droits de l'homme 1995 OAS/Ser.L/V III.33 Doc.4); id.
affaire Garrido and Baigorria, jugement au fond, 2 février 1996.
7. Affaire Velásquez Rodríguez (1989), op. cit., par. 169 et 170.
8. Affaire Timurtas c. Turquie, Cour européenne des droits
de l'homme, requête no 23531/94, arrêt du 13 juin 2000; affaire Ertak
c. Turquie, Cour européenne des droits de l'homme, requête no 20764/92,
arrêt du 9 mai 2000.
9. Voir Bleier c. Uruguay, communication no 30/1978, constatations
adoptées le 24 mars 1980, par. 13.3 («En ce qui concerne l'obligation de
faire la preuve, elle ne peut incomber uniquement à l'auteur de la communication,
en particulier si l'on considère que l'auteur et l'État partie n'ont pas
toujours les mêmes possibilités d'accès aux preuves et que, fréquemment,
l'État partie est seul à détenir l'information pertinente. Il découle implicitement
du paragraphe 2 de l'article 4 du Protocole facultatif que l'État partie
est tenu d'enquêter de bonne foi sur toutes les allégations de violation
du Pacte portées contre lui et ses représentants […]»).
10. Sanjuán Arévalo c. Colombie, communication no 181/1984,
constatations adoptées le 3 novembre 1989; Avellanal c. Pérou,
communication no 202/1986, constatations adoptées le 28 octobre 1988; Mabaka
Nsusu c. Congo, communication no 157/1983, constatations adoptées
le 26 mars 1986; et Vicente et al. c. Colombie, communication
no 612/1995, constatations adoptées le 29 juillet 1997; voir également l'Observation
générale no 6, HRI/GEN/1/Rev.1 (1994), par. 6.
11. Observations finales du Comité des droits de l'homme concernant l'examen
du troisième rapport périodique du Sénégal, 28 décembre 1992 (CCPR/C/79/Add.10);
voir également Baboeram c. Surinam, communication no 146/1983,
constatations adoptées le 4 avril 1985, et Hugo Dermit c. Uruguay,
communication no 84/1981, constatations adoptées le 21 octobre 1982.
12. Une disparition forcée «continue d'être considéré[e] comme un crime
aussi longtemps que ses auteurs dissimulent le sort réservé à la personne
disparue et le lieu où elle se trouve et que les faits n'ont pas été élucidés».
Allant dans le même sens, l'article 3 de la Convention interaméricaine sur
la disparition forcée des personnes dispose que le délit de disparition
forcée «est considéré comme continu ou permanent tant que la destination
de la victime ou le lieu où elle se trouve n'ont pas été déterminés».
13. Voir l'article 7 du Projet d'articles sur la responsabilité de l'État
pour fait internationalement illicite qui a été adopté par la Commission
du droit international à sa cinquante-troisième session (2001), et le paragraphe
3 de l'article 2 du Pacte.
14. Le texte du Statut de Rome a été publié en date du 17 juillet 1998
sous la cote A/CONF.183/9 et rectifié par des procès-verbaux datés des 10
novembre 1998, 12 juillet 1999, 30 novembre 1999, 8 mai 2000, 17 janvier
2001 et 16 janvier 2002. Le Statut est entré en vigueur le 1er juillet 2002.
15. Voir le paragraphe 2 de l'article premier de la Déclaration sur la
protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, résolution
47/133 de l'Assemblée générale, documents officiels de l'Assemblée générale,
quarante-septième session, Supplément no 49, Document A/47/49 (vol.
I), 1992, p. 221. Adoptée par l'Assemblée générale dans sa résolution 47/133
du 18 décembre 1992.
16. Voir El Megreisi c. Jamahiriya arabe libyenne, communication
no 440/1990, constatations adoptées le 23 mars 1994.
17. Quinteros c. Uruguay, communication no 107/1981, constatations
adoptées le 21 juillet 1983.