Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 16 juillet 2003,
Adopte ce qui suit:
Décision concernant la recevabilité
1. L'auteur de la communication est un citoyen islandais, M. Bjorn Kristjánsson,
qui se dit victime d'une violation par l'Islande de l'article 26 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques. L'auteur est représenté
par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l'Islande
le 22 novembre 1979.
Législation pertinente
2.1 Durant les années 1970, la capacité de pêche de la flotte islandaise
a dépassé la faculté de reconstitution des stocks halieutiques et des mesures
se sont imposées pour préserver la principale ressource naturelle du pays.
Après plusieurs tentatives infructueuses ayant tendu à limiter les captures
de plusieurs espèces et à assujettir l'usage de certains types d'engins
ou de certains types de navires à l'obtention d'une licence, la loi no 82/1983
a introduit un système de gestion des pêcheries (dit «régime des quotas»)
fondé sur l'attribution de quotas de captures aux bateaux de pêche en fonction
de leurs captures antérieures.
2.2 Les exploitants des bateaux ayant pratiqué la pêche d'espèces démersales
pendant la période allant du 1er novembre 1980 au 31 octobre 1983 se sont
vu reconnaître la possibilité d'obtenir une licence de pêche, ce en vertu
du règlement no 44/1984 (sur la gestion des espèces démersales) portant
application de la loi susmentionnée. Ces bateaux ont été admis au bénéfice
de quotas de pêche déterminés en fonction du volume de leurs captures pendant
la période de référence. De nouveaux règlements sont venus préciser les
principes ainsi posés - qui ont ÚtÚ incorporÚs dans un texte lÚgislatif
(loi no 97/1985) disposant que nul ne pouvait capturer sans permis les espèces
suivantes: poissons démersaux, crevettes, homards, coquillages, harengs
et capelans. Le régime des quotas de capture est devenu permanent avec l'adoption
de la loi no 38/1990 sur la gestion des pêcheries, encore en vigueur.
2.3 L'article premier de la loi susmentionnée dispose que les bancs de
pêche entourant l'Islande sont le patrimoine commun de la nation islandaise
et que l'attribution de quotas n'ouvre pas droit à une appropriation privative
ou une maîtrise irrévocable desdits bancs par des particuliers. L'article
3 de cette loi charge le Ministre de la pêche d'édicter un règlement fixant
les totaux admissibles de captures (TAC) par période ou saison donnée pour
les différents stocks marins exploitables dans les eaux islandaises dont
on a jugé nécessaire de plafonner l'exploitation. Les droits de pêche institués
par la loi sont calculés en se fondant sur ces TAC et chaque bateau se voit
attribuer une fraction déterminée du TAC pour chaque espèce visée (la part
de quota). Aux termes du paragraphe 1 de l'article 4 de la loi, nul ne peut
pratiquer la pêche commerciale dans les eaux islandaises sans être titulaire
d'un permis de pêche général. Le paragraphe 2 de l'article 4 autorise le
Ministre à édicter des règlements instituant l'obligation d'obtenir un permis
spécial pour la capture de certaines espèces ou de faire usage de certains
types d'engins ou de certains types de bateaux. Le paragraphe 1 de l'article
7 dispose que la pêche des espèces marines vivantes ne faisant pas l'objet
des TAC visés à l'article 3 est ouverte à tous les bateaux dotés d'un permis
de pêche commerciale. Le paragraphe 2 de l'article 7 dispose que les droits
de pêche concernant les espèces dont le total des captures est plafonné
sont attribués à titre individuel aux bateaux. Les parts de quota pour les
espèces non assujetties auparavant à des TAC sont calculées sur la base
des captures des trois dernières campagnes de pêche. Pour les espèces déjà
assujetties à une restriction de pêche, les parts de quota sont calculées
sur la base des attributions des années précédentes. Le paragraphe 6 de
l'article 11 de la loi dispose que la part de quota d'un bateau peut être
transférée en tout ou partie à un autre bateau ou fusionnée avec la part
de quota d'un autre, étant entendu qu'un tel transfert ne doit pas avoir
pour résultat de porter les droits de pêche du bateau bénéficiaire à un
niveau manifestement supérieur à sa capacité de pêche. Celles des parties
admises à titre permanent au bénéfice d'une part de quota qui n'exercent
pas de manière satisfaisante ce droit s'exposent à le perdre à titre permanent.
La loi sur la gestion des pêcheries plafonne en outre la part de quota qu'un
particulier ou une personne morale est susceptible de détenir.
2.4 En décembre 1998, dans l'affaire Valdimar Johannesson c. République
d'Islande, la Cour suprême islandaise a rendu un arrêt dans lequel elle
a estimé que le refus du Gouvernement d'attribuer au requérant une licence
de pêche en application de l'article 5 de la loi sur la gestion des pêcheries
était contraire aux articles 65 (droit à l'égalité devant la loi) et 75
(liberté d'exercer un emploi de son choix) de la Constitution. Le Parlement
a par la suite adopté la loi no 1/1999 qui prévoit que tout ressortissant
islandais exploitant un bateau de pêche immatriculé et doté d'un certificat
de navigabilité est habilité à obtenir une licence de pêche. Tout titulaire
d'une licence de pêche est quant à lui habilité à négocier l'achat de fractions
de quota avec les détenteurs de quotas et à «louer» des quotas de tonnage
à la bourse des quotas.
Rappel des faits présentés par l'auteur
3.1 L'auteur affirme que malgré l'article premier de la loi sur la gestion
des pêcheries, les quotas de pêche sont dans la pratique devenus un patrimoine
transférable. Les parties possédant des droits de pêche en vertu du règlement
initial no 44/1984 peuvent céder des quotas à d'autres parties contre paiement.
Le prix des quotas de tonnage est déterminé par la bourse des quotas régie
par la loi no 11/1998 y relative et que gère un conseil d'administration
dont les membres sont nommés par le Ministre de la pêche. L'auteur indique
que les prix des quotas sont élevés au point de mettre un pêcheur n'en possédant
pas dans l'impossibilité de réaliser le moindre bénéfice. Le secteur de
la pêche est de la sorte pratiquement fermé à tout nouvel entrant alors
que, selon l'auteur, de nombreux Islandais souhaitent exercer l'activité
de pêche car c'est un métier profondément enraciné dans la culture islandaise
tout en étant d'ailleurs la seule activité productive accessible aux hommes
dans la force de l'âge. L'auteur ajoute que chaque année des milliers de
tonnes de poissons de petite taille (et donc non susceptibles d'être vendus
au meilleur prix) sont rejetés en mer afin de ne pas être imputés sur les
quotas.
3.2 En 1999, l'auteur travaillait comme capitaine de bateau pour la société
Hyrnó, propriétaire immatriculé du bateau de pêche Vatneyri. Le 10
février 1999, cette société a déclaré publiquement que ses bateaux iraient
pêcher même sans disposer de quota pour certaines espèces capturées. L'auteur
estime avoir le droit d'accéder au même titre que d'autres aux bancs de
pêche et indique avoir été disposé à acheter à un organisme public mais
non à un particulier ce droit d'accès. Le propriétaire du bateau avait initialement
l'intention d'acheter un quota de tonnage correspondant à ce qu'il était
susceptible de capturer mais, après avoir constaté que le prix de la morue
à la bourse des quotas était égal ou supérieur au prix qu'il pouvait espérer
obtenir pour ses prises au retour au port, il a décidé de passer outre les
dispositions légales, convaincu que la justice les jugerait contraires à
la Constitution.
3.3 L'auteur est rentré au port le 16 février 1999 et a débarqué 33 623
kg de morue. Le 16 août 1999, des poursuites ont été engagées contre l'auteur
et le propriétaire du bateau pour avoir enfreint les lois nos 57/1996, 38/1990
et 97/1997 en ayant pêché sans être titulaires d'un quota. Le 5 janvier
2000, l'auteur et le propriétaire ont été relaxés par le tribunal de district
des Fjords occidentaux qui a estimé, en se référant à l'arrêt rendu par
la Cour suprême dans l'affaire Valdimar, que le paragraphe 2 de l'article
7 de la loi sur la gestion des pêcheries était contraire aux articles 65
(droit à l'égalité) et 75 (liberté de l'emploi) de la Constitution. L'auteur
indique que sa relaxe a suscité chez des membres du Gouvernement et des
représentants des milieux économiques de vives critiques, que certains ont
perçues comme attentatoires à l'indépendance des magistrats. Le 6 avril
2000, la Cour suprême islandaise a infirmé le jugement de la juridiction
inférieure. Il a déclaré aussi bien l'auteur que le propriétaire coupables.
Le propriétaire de la société a été condamné à une amende de 1 million de
couronnes islandaises et l'auteur à une amende de 600 000 couronnes islandaises.
L'arrêt a été rendu par une majorité de quatre juges, un juge ayant exprimé
son accord sur la condamnation mais son désaccord sur la peine et deux juges
ayant exprimé leur désaccord sur la condamnation.
Teneur de la plainte
4. L'auteur affirme que l'État partie a violé l'article 26 du Pacte en
accordant à une minorité de ses citoyens le droit exclusif de percevoir
d'autres citoyens une redevance pour l'accès à une ressource naturelle renouvelable
de grande valeur - rÚpartie sur une superficie prÞs de sept fois
supÚrieure Ó celle du territoire terrestre de l'Islande - qui n'Útait
auparavant pas assujettie au droit de propriÚtÚ et en le reconnaissant coupable
d'une infraction pÚnale du fait de son refus de se plier Ó cette disposition.
Il fait valoir que l'exploitation de ces ressources au cours de la pÚriode
allant du 1er novembre 1980 au 31 octobre 1983 par les bénéficiaires de
ce privilège ne saurait le justifier.
Observations de l'État partie
5.1 Dans une note verbale en date du 23 janvier 2001, l'État partie conteste
la recevabilité de la communication à trois égards: non-épuisement des recours
internes (par. 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif); insuffisance
des éléments apportés par l'auteur pour étayer l'affirmation selon laquelle
il serait victime d'une violation de l'article 26 (art. 90 b) du Règlement
intérieur du Comité); incompatibilité de la communication avec les dispositions
du Pacte (art. 3) du Protocole facultatif.
5.2 Au sujet de l'application du principe d'égalité en droit islandais,
l'État partie souligne que la Constitution et le droit civil général garantissent
la complète indépendance de l'appareil judiciaire islandais et que cela
s'applique pleinement dans la pratique. L'État partie réfute donc l'affirmation
de l'auteur selon laquelle le Gouvernement aurait exercé sur la Cour suprême
des pressions qui auraient indûment influé sur l'arrêt rendu par cette instance
dans l'affaire de l'auteur. À ce propos, l'État partie renvoie à divers
arrêts marquants rendus par la Cour suprême en se fondant sur l'article
65 de la Constitution - qui s'inspire de l'article 26 du Pacte -
en particulier dans l'affaire Valdimar Johannesson. Dans le cas de
l'auteur, la Cour suprême a procédé là aussi à un nouvel examen, approfondi,
de la compatibilité du système de gestion des pêcheries islandaises avec
les principes généraux de liberté de l'emploi et d'égalité des citoyens
et a conclu à la compatibilité.
5.3 L'État partie fait valoir que l'auteur n'a pas épuisé tous les recours
internes disponibles en ce qu'il n'a pas sollicité l'obtention du permis
de pêche qui lui aurait donné la possibilité d'acquérir ou de louer des
parts de quota. L'État partie souligne que la validité de la condition préalable
à l'obtention d'un permis de pêche - Ó savoir la possession d'un
bateau par le requÚrant - n'a pas ÚtÚ contestÚe par l'auteur. De
l'avis de l'╔tat partie, l'auteur n'a pas fait usage des moyens nÚcessaires
pour se voir attribuer des droits de pÛche.
5.4 L'╔tat partie fait valoir par ailleurs que l'auteur n'a pas dÚmontrÚ
en quoi l'article 26 du Pacte s'applique en l'espÞce. L'╔tat partie
note que l'auteur se contente d'avancer des arguments Ó caractÞre gÚnÚral
sans exposer sa propre position et sans apporter d'ÚlÚments analytiques
tendant Ó Útablir qu'il a ÚtÚ victime de discrimination par rapport Ó d'autres
personnes se trouvant dans une position similaire. L'╔tat partie rappelle
que l'auteur Útait employÚ par la sociÚtÚ Hyrn¾ et qu'au moment des faits
cette sociÚtÚ avait dÚjÓ utilisÚ la part de quota permanente attribuÚe Ó
ses bateaux en vertu du paragraphe 2 de l'article 7 de la loi sur la gestion
des pÛcheries. Les bateaux de la sociÚtÚ Hyrn¾, y compris le bateau dont
l'auteur Útait capitaine, s'Útaient vu attribuer une part de quota sur la
base de leurs captures antÚrieures au mÛme titre que les autres bÚnÚficiaires
de ces dispositions. Selon l'╔tat partie, l'auteur doit avoir eu parfaitement
conscience du fait qu'il commettait une infraction pÚnale en sortant en
mer pour pÛcher aprÞs l'Úpuisement des droits de pÛche de sa sociÚtÚ. L'ouverture
de poursuites pÚnales contre l'auteur ne constitue en rien une discrimination
Ó son Úgard puisque de nombreuses poursuites de cet ordre sont intentÚes
chaque annÚe en application des diverses dispositions pertinentes de la
lÚgislation relative Ó la gestion des pÛcheries.
5.5 L'╔tat partie fait Úgalement valoir que la libertÚ de l'emploi
- un des principaux points invoquÚs par l'auteur devant les tribunaux
internes - n'est pas protÚgÚe en tant que telle par le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques et qu'en l'absence d'arguments prÚcis
dÚmontrant que les restrictions Ó sa libertÚ de l'emploi revÛtaient un caractÞre
discriminatoire, la communication devrait Ûtre considÚrÚe irrecevable en
ce qu'elle est incompatible avec les dispositions du Pacte, conformÚment
Ó l'article 3 du Protocole facultatif.
5.6 S'agissant du fond de la communication, l'╔tat partie fait valoir
qu'aucune discrimination contraire Ó la loi n'a ÚtÚ faite entre l'auteur
et les parties auxquelles des droits de pÛche ont ÚtÚ attribuÚs. En l'occurrence
il s'agit d'une diffÚrence de traitement justifiable puisque son objet est
licite et repose sur des motifs raisonnables et objectifs, ÚnoncÚs par la
loi et se caractÚrisant par une proportionnalitÚ entre les moyens employÚs
et le but recherchÚ. L'╔tat partie explique que l'intÚrÛt public exige
que des restrictions soient imposÚes Ó la libertÚ des individus de pratiquer
la pÛche commerciale afin d'empÛcher la surpÛche. Des restrictions Ó cet
effet sont inscrites dans les dispositions de la lÚgislation relative aux
pÛches. L'╔tat partie fait en outre observer que la rÚpartition de
ressources limitÚes ne peut s'effectuer sans une forme ou une autre de discrimination
et indique que le lÚgislateur a fait preuve de pragmatisme dans la dÚfinition
des modalitÚs d'attribution des permis. L'╔tat partie rejette l'opinion
de l'auteur selon laquelle le principe d'ÚgalitÚ protÚgÚ par l'article 26
du Pacte doit s'interprÚter comme imposant l'obligation d'attribuer Ó tous
les citoyens d'un ╔tat une partie de ressources limitÚes. L'╔tat
partie souligne en outre que la loi sur la gestion des pÛcheries autorise
le transfert des droits de pÛche - garantissant ainsi Ó de nouvelles
parties l'accÞs Ó la pÛche d'espÞces pour lesquelles des plafonds de capture
ont ÚtÚ fixÚs. └ ce propos, l'╔tat partie indique que l'employeur
de l'auteur (la sociÚtÚ Hyrn¾) a elle-mÛme transfÚrÚ Ó d'autres parties
des droits de pÛche qui avaient Ó l'origine ÚtÚ attribuÚs au bateau de l'auteur
et que c'est lÓ une des raisons pour lesquelles ce bateau avait ÚpuisÚ ses
droits de pÛche au moment de l'infraction.
5.7 L'╔tat partie souligne que tout citoyen islandais disposant d'un
bateau immatriculÚ et dotÚ d'un certificat de navigabilitÚ peut solliciter
un permis de pÛche gÚnÚral et capturer les espÞces de poissons dont le volume
des captures n'est pas plafonnÚ. En outre, il peut obtenir des droits de
pÛche pour des espÞces de poissons dont la capture est soumise Ó plafonnement
en achetant une part de quota permanent ou un quota de capture pour une
pÚriode dÚterminÚe. L'╔tat partie fait observer que le caractÞre permanent
et transfÚrable des droits de pÛche est garant d'efficacitÚ Úconomique et
constitue la meilleure mÚthode de concilier les objectifs Úconomiques et
biologiques assignÚs Ó la gestion des pÛcheries. Enfin, l'╔tat partie
signale que la troisiÞme phrase de l'article premier de la loi sur la gestion
des pÛcheries indique clairement que l'attribution de droits de pÛche Ó
une partie ne l'investit pas d'un droit de propriÚtÚ ni d'un pouvoir irrÚvocable
sur les droits de pÛche. Les droits de pÛche ne sont donc permanents qu'en
ce qu'ils ne peuvent Ûtre abolis ou modifiÚs que par un texte lÚgislatif.
L'╔tat partie ajoute qu'un rÚexamen de la lÚgislation relative Ó la
gestion des pÛcheries est prÚvu d'ici Ó la fin de la saison de pÛche 2000-2001.
5.8 En conclusion, l'╔tat partie fait valoir que la discrimination
dÚcoulant du systÞme de gestion des pÛcheries repose sur des considÚrations
objectives et pertinentes et vise Ó atteindre des objectifs lÚgitimes fixÚs
par la loi. Des restrictions ont certes ÚtÚ imposÚes Ó la libertÚ de l'emploi
mais dans le respect du principe d'ÚgalitÚ et le requÚrant n'a pas apportÚ
suffisamment d'ÚlÚments pour Útayer l'affirmation selon laquelle il serait
victime d'une discrimination contraire Ó la loi constituant une violation
de l'article 26 du Pacte.
5.9 Dans un mÚmoire supplÚmentaire en date du 25 septembre 2001, l'╔tat
partie formule des observations complÚmentaires relatives au fond de la
communication. Il explique que tous les citoyens islandais sont autorisÚs
Ó pÛcher dans les eaux baignant le pays aux fins de leur consommation particuliÞre
et que les textes rÚglementaires relatifs Ó la gestion des pÛcheries n'ont
imposÚ aucune interdiction en la matiÞre. L'╔tat partie estime que
les problÞmes soulevÚs dans la communication touchent Ó la question de savoir
jusqu'Ó quel point il est permis de restreindre la libertÚ de l'auteur de
choisir pour emploi la pÛche Ó but lucratif ou professionnelle. L'╔tat
partie rÚaffirme qu'aucune discrimination contraire Ó la loi n'a ÚtÚ faite
entre l'auteur d'un c¶tÚ et les personnes auxquelles ont ÚtÚ attribuÚs des
droits de pÛche de l'autre et que la diffÚrence de traitement instituÚe
se justifie.
5.10 L'État partie constate que l'auteur n'a pas expliqué en quoi il a
été personnellement victime d'une discrimination puisqu'il se contente d'affirmer
de manière générale que le système de gestion des pêcheries viole le principe
d'égalité, sans se référer à sa position particulière ni à des conséquences
spécifiques pour sa personne. Il souligne que l'auteur ne possède pas de
bateau de pêche et ne remplit donc pas les conditions fixées par l'article
5 de la loi sur la gestion des pêcheries relatif à l'acquisition d'un permis
de pêche général. L'État partie réfute l'affirmation selon laquelle tous
les citoyens islandais devraient avoir accès aux droits de pêche et considère
que le dispositif d'attribution des droits de pêche institué par la loi
sur la gestion des pêcheries ne constitue pas une violation de l'article
26 du Pacte. Il rappelle qu'au moment où le législateur a dû statuer sur
la répartition de ressources limitées, il était tenu de respecter le droit
à l'emploi des personnes déjà actives dans le secteur de la pêche et ayant
investi dans ce secteur. L'État partie indique en conclusion que la distinction
établie entre l'auteur et les diverses parties titulaires de droits de pêche
et de parts de quota en vertu de la loi no 38/1990 l'a été dans le souci
légitime de protéger les stocks de poissons dans l'intérêt de la nation
et repose sur des considérations objectives et raisonnables.
Commentaires de l'auteur concernant les observations de l'État
partie
6.1 Dans ses commentaires, en date du 3 décembre 2001, l'auteur reconnaît
qu'hormis le climat général et les circonstances de sa condamnation, aucun
élément ne prouve que les conditions visées à l'article 14 n'étaient pas
remplies. Il fait observer que sa condamnation avait pour prémisse la compatibilité
supposée du système de gestion des pêcheries avec les normes relatives aux
droits de l'homme et demande donc au Comité de se prononcer sur sa validité.
6.2 S'agissant des arguments avancés par l'État partie pour conclure à
l'irrecevabilité de la communication, l'auteur estime que sa position devrait
aux fins de la communication être considérée comme équivalente à celle de
son employeur puisqu'il était à son service et a été condamné du fait qu'il
travaillait pour ledit employeur. Que l'auteur n'ait pas été propriétaire
du bateau en cause est une circonstance n'entrant pas en ligne de compte
dans les poursuites pénales engagées contre lui. Il est de plus souligné
que le bateau Vatneyri, dont l'auteur était le capitaine, possédait
une licence de pêche professionnelle générale. L'auteur n'avait donc aucune
raison de demander un permis de pêche. La condamnation de l'auteur est motivée
non par le défaut de permis de pêche mais par le fait d'avoir pêché sans
l'obtention préalable du quota nécessaire.
6.3 Au sujet de l'argument de l'État partie selon lequel l'auteur n'a pas
démontré en quoi l'article 26 s'appliquait à son cas, l'auteur fait valoir
que l'État partie n'a pas compris l'essence de sa plainte - qui ne
porte pas sur une discrimination par rapport Ó d'autres individus se trouvant
dans la mÛme situation que lui suite Ó la mise en place du systÞme en vigueur
de gestion des pÛcheries mais sur le fait que son statut diffÞre de celui
d'autres parties en matiÞre d'accÞs aux quotas. D'autres parties se sont
en effet vu attribuer un droit exclusif d'exploiter la plus importante des
ressources naturelles de l'Islande alors que l'auteur ne peut exploiter
cette ressource qu'en versant de l'argent aux parties dÚtentrices de ce
droit. L'ÚgalitÚ de droit existant entre toutes les personnes qui comme
l'auteur ne se sont pas vu attribuer de droits de pÛche exclusifs n'a rien
Ó voir avec la plainte de l'auteur. L'auteur affirme que sa plainte ne porte
pas sur le fait qu'on lui refuse un privilÞge accordÚ Ó d'autres mais, inversement,
sur le fait que d'autres se sont vu attribuer un privilÞge par rapport Ó
lui. Selon l'auteur, la diffÚrence de traitement que constitue l'attribution
du droit d'exploiter les bancs de pÛche de l'Islande Ó un groupe restreint
de privilÚgiÚs est contraire aux obligations incombant Ó l'Islande en vertu
de l'article 26 du Pacte.
6.4 Pour ce qui est du fond de la communication, l'auteur rappelle qu'il
a ÚtÚ jugÚ nÚcessaire d'inscrire le principe de libertÚ de l'emploi dans
la Constitution pour empÛcher les situations de monopole. Il indique que
son objection ne concerne en rien le systÞme de gestion des pÛcheries fondÚ
sur des quotas librement transfÚrables appartenant Ó des particuliers mais
sur l'attribution de droits de pÛche exclusifs par voie de donation de quotas
Ó un groupe particulier. └ son avis, cette dÚmarche a abouti Ó une
diffÚrence de statut entre deux groupes, dont l'un est investi d'un privilÞge
alors que l'autre fait par voie de consÚquence l'objet d'une discrimination.
Dans cette optique, l'auteur fait valoir que l'emploi n'Úchappe pas au champ
d'application de l'article 26 du Pacte et que l'absence dans le Pacte d'une
disposition relative Ó la libertÚ de l'emploi n'a donc pas Ó entrer en considÚration
pour apprÚcier la recevabilitÚ de la communication. L'auteur conteste aussi
l'affirmation de l'╔tat partie selon laquelle le systÞme actuel de
gestion des pÛcheries serait efficace sur les plans Úconomique et Úcologique
et fait valoir que, mÛme si tel Útait le cas, les activitÚs et entreprises
Úconomiques sont assujetties Ó la loi et que l'efficacitÚ Úconomique ne
saurait constituer une excuse valable pour justifier des violations des
droits de l'homme.
6.5 └ propos de l'argument de l'╔tat partie selon lequel aucune
discrimination n'est intervenue du fait que la diffÚrence de traitement
Útait justifiable, l'auteur admet que la protection des bancs de pÛche contre
la surexploitation est un but lÚgitime mais fait valoir que la mÚthode retenue
pour y parvenir est incompatible avec le droit international. Il souligne
en outre que la diffÚrence de traitement ne repose pas sur des critÞres
raisonnables et objectifs vu que la condition effective fixÚe - Ó
savoir l'appartenance Ó un groupe jouissant d'un privilÞge crÚÚ artificiellement
- n'est ni raisonnable ni objective. Il ajoute que si l'utilisation
d'une certaine ressource ne peut Ûtre dÚvolue qu'Ó un nombre limitÚ de personnes,
les possibilitÚs pour tout citoyen d'en faire partie doivent, elles, Ûtre
identiques.
6.6 L'auteur indique ne pas avoir d'objection Ó formuler au sujet du mÚcanisme
d'attribution des quotas de capture aux propriÚtaires de bateaux. Son objection
porte sur une situation pÚrennisÚe par la loi sur la gestion des pÛcheries
sans y Ûtre mentionnÚe, Ó savoir que ces quotas ont ÚtÚ attribuÚs Ó un groupe
particulier avec pour rÚsultat que toutes les autres personnes sont obligÚes
de les acheter Ó ce groupe. └ propos de l'argument de l'╔tat
partie selon lequel la diffÚrence de traitement a ÚtÚ instituÚe par voie
lÚgislative, l'auteur affirme que les quotas de capture dans les eaux territoriales
islandaises de certaines espÞces de poissons soumises Ó des plafonds annuels
ne sont mentionnÚs dans aucun texte lÚgislatif. Selon l'auteur, les totaux
admissibles de capture ont ÚtÚ tout simplement rÚpartis entre les personnes
qui pratiquaient la pÛche Ó une certaine Úpoque, avec pour consÚquence que
les autres personnes en ont ÚtÚ exclues - par le rÞglement administratif
no 44/1984 dont les dispositions ont été reprises dans des textes de loi
ultérieurs aux termes desquels seules les personnes s'étant vu auparavant
attribuer un quota de capture sont admissibles au bénéfice d'un nouveau
quota annuel de capture et les autres personnes sont autorisées à accéder
à la ressource par l'achat ou la location de droits de pêche délivrés par
les autorités administratives selon les modalités prescrites. De l'avis
de l'auteur, l'existence de quotas de pêche en Islande découle donc de textes
non pas législatifs mais administratifs, et il s'interroge donc sur la logique
de l'affirmation de l'État partie selon laquelle les droits de pêche ne
sont permanents qu'en ce qu'ils ne peuvent être abolis ou amendés que par
un autre texte législatif car il lui est difficile de comprendre pourquoi
une disposition non établie par la voie législative ne peut être abrogée
que par la voie législative.
6.7 L'auteur estime que l'exploitation exclusive des ressources par un
groupe particulier de personnes sans considération pour les personnes n'appartenant
pas à ce groupe constitue une violation du principe d'égalité. La question
est de savoir, non pas si des Islandais sont investis d'un droit de propriété
les autorisant à exploiter les bancs de pêche autour de l'Islande, mais
si les personnes traitant actuellement comme un patrimoine privé des bancs
de pêche sont habilitées à le faire.
6.8 L'auteur conteste également l'affirmation de l'État partie selon laquelle
le système de gestion des pêcheries fait l'objet d'un consensus national
et indique que ce système a en fait suscité entre les Islandais une discorde
et des différends sans précédent.
Observations supplémentaires de l'État partie
7.1 Dans un mémoire du 25 février 2002, l'État partie répond aux commentaires
de l'auteur. Il réaffirme que la liberté de l'emploi n'est pas protégée
par le Pacte relatif aux droits civils et politiques et que le Comité n'a
donc pas compétence pour déterminer si la restriction imposée à la liberté
de l'emploi de l'auteur est excessive, à moins qu'il ne puisse être démontré
que cette restriction constitue une violation de l'article 26 du Pacte.
L'État partie souligne à ce sujet que l'auteur n'a pas fait état de la moindre
conséquence préjudiciable pour lui, telle qu'une perte de revenu.
7.2 Au sujet du commentaire de l'auteur selon lequel ses droits découlant
de l'article 26 du Pacte ont été violés en ce qu'il lui a été conféré un
statut différent de celui des personnes ayant obtenu des droits de pêche,
l'État partie indique avoir déjà exposé en détail pourquoi un groupe particulier
d'individus s'était vu attribuer une position plus favorable que les autres
citoyens islandais en matière d'accès aux parts de quotas de captures de
certaines ressources halieutiques limitées. L'État partie récapitule son
argumentation en faisant valoir que la différence de traitement est légitime,
qu'elle repose sur des considérations objectives et raisonnables et qu'il
existe un rapport de proportionnalité raisonnable entre les moyens employés
et le but recherché.
7.3 L'État partie note que l'auteur semble estimer que, suite à la mise
en place d'un système de gestion des pêcheries dans le cadre duquel des
droits de pêche ont été attribués en se basant sur les volumes des captures
antérieures des parties concernées du secteur de la pêche au cours d'une
certaine période, un groupe particulier de citoyens s'est retrouvé dans
une position plus favorable que les autres citoyens et qu'en conséquence
les droits des personnes n'ayant pas obtenu de droits de pêche ont été violés.
L'État partie ne partage pas l'opinion selon laquelle il est possible d'inférer
des dispositions de l'article 26 du Pacte que les droits en question devraient
être attribués à un groupe plus grand et même moins limitatif d'individus
- lesquels pourraient même ne pas être actifs dans le secteur de
la pêche. Sur ce point, l'Etat partie souligne à nouveau que la loi pertinente
autorise le transfert de droits de pêche et garantit ainsi à de nouvelles
parties l'accès aux stocks de poissons dont l'exploitation a été plafonnée.
7.4 S'agissant de l'affirmation de l'auteur selon laquelle les droits de
pêche visés ne reposeraient point sur un texte législatif vu qu'ils ont
été institués à l'origine par la voie de textes règlementaires, l'Etat partie
fait observer que l'auteur ne s'est pas prévalu des procédures internes
pour contester le fondement juridique de l'attribution des droits de pêche
et que les dispositions de la loi sur la gestion des pêcheries confèrent
à l'évidence un fondement législatif aux restrictions en vigueur imposées
en matière de droits de pêche que vise la plainte de l'auteur.
7.5 Enfin, l'Etat partie juge frappant le peu de rapports existant entre
les intérêts particuliers de l'auteur et l'ensemble de l'exposé de l'affaire,
ce qui l'amène à penser que la communication a pour objet d'obtenir du Comité
un avis théorique sur la question de savoir si les dispositions adoptées
par l'Islande en matière de gestion des pêcheries sont compatibles avec
l'article 26 du Pacte. Cette question possède une dimension sociale et présente
un intérêt considérable pour la nation islandaise. En violant la loi en
toute connaissance de cause, l'auteur s'est ouvert la possibilité de solliciter
l'avis des tribunaux islandais sur la question de savoir si la loi était
ou non compatible avec la Constitution et les conventions internationales.
En l'occurrence, la juridiction suprême a estimé que l'appréciation du législateur
quant aux moyens à mettre en oeuvre pour gérer les pêcheries islandaises
dans l'intérêt général de la nation ne pouvait être contestée si elle reposait
sur des considérations pertinentes. L'Etat partie souligne que le législateur
islandais est mieux à même que les instances internationales d'apprécier
quelles mesures sont les plus adaptées dans ce secteur, qui revêt une grande
importance pour la prospérité économique du pays.
7.6 L'Etat partie signale que de 1998 à 2001, il y a eu 20 inculpations
pour infraction à la loi sur la gestion des pêcheries.
7.7 L'Etat partie fournit également des renseignements sur la révision
de la législation relative à la gestion des pêcheries. En septembre 2001,
le maintien du régime des quotas dans le dispositif de gestion des pêcheries
a été préconisé par une commission parlementaire, dont la majorité des membres
a en outre recommandé d'engager une réflexion sur une nouvelle politique
concernant le paiement de redevances pour l'exploitation des ressources
marines. Un projet de texte législatif sera soumis au Parlement au printemps.
Commentaires supplémentaires de l'auteur
8.1 Dans une lettre du 12 avril 2002, l'auteur transmet ses commentaires
relatifs au mémoire de l'État partie. Il fait valoir que la limitation de
l'accès à des ressources de grande valeur doit se faire sans accorder de
privilège permanent à un groupe restreint de personnes. Au sujet de l'argument
de l'État partie selon lequel le système en vigueur de gestion des pêcheries
est dans l'intérêt du public, l'auteur fait observer qu'un système de privilège
octroyé ne présente qu'un intérêt très indirect pour le public. L'auteur
souligne ne rien avoir contre un système de quotas en tant que tel, mais
considère qu'il est vital que les droits de capture ne soient pas attribués
en excluant le plus grand nombre. La possibilité offerte aux exclus d'acheter
ou de louer des quotas de pêche aux personnes qui les obtiennent gratuitement
ne rend pas ce système légitime. Si l'argent est le moyen d'accéder aux
pêcheries, alors l'argent versé à cet effet devrait revenir à l'État en
tant qu'organe responsable du contrôle de cet accès mais pas à une clique
de privilégiés. L'auteur estime que le système en vigueur de gestion des
pêcheries a été introduit sous l'influence de groupes défendant les intérêts
d'individus riches et politiquement puissants et qu'il n'est nullement nécessaire
de restreindre l'attribution de quotas à un groupe aussi limitatif. L'auteur
rappelle qu'il a été condamné pour avoir violé les règles de gestion des
pêcheries mais qu'en tant que citoyen islandais, il a le droit de bénéficier
de la protection de la loi, si bien que l'affaire portée devant le Comité
revêt un caractère non théorique mais pratique.
8.2 Au sujet des informations fournies par l'État partie relatives à d'autres
poursuites pénales visant des infractions à la loi sur la gestion des pêcheries,
l'auteur ne nie pas que d'autres poursuites aient été engagées mais souligne
que ces autres affaires ne sont pas comparables à la sienne car aucune n'a
donné lieu à une remise en cause aussi manifeste des composantes fondamentales
du système de gestion des pêcheries. L'auteur explique à nouveau que sa
plainte ne vise pas le système de quotas transférables appartenant à des
particuliers pourvu qu'ils soient acquis honnêtement dans le respect des
principes généraux.
8.3 Par des correspondances en date des 8 et 12 août 2002, l'auteur a transmis
des copies et traductions d'articles consacrés par les médias à son affaire
lors de son examen par les tribunaux. Ces articles font ressortir que cette
affaire a été suivie avec une grande attention par le Gouvernement et le
Parlement, ce dernier ayant consacré un débat au jugement de la juridiction
inférieure. Des membres du Gouvernement semblent avoir exprimé à ce moment
l'opinion selon laquelle une confirmation du jugement de la juridiction
inférieure par la Cour suprême risquait de déclencher une grave crise économique
en Islande.
8.4 L'auteur a formulé des commentaires supplémentaires dans une nouvelle
lettre, en date d'octobre 2002, dans laquelle il indique que les hommes
politiques au pouvoir sont attachés au maintien du système de gestion des
pêcheries pour des raisons autres que la préservation des stocks halieutiques
de la nation, principalement parce que l'abolition du privilège concédé
les amènerait à reconnaître leur incompétence et affecterait les intérêts
financiers d'un groupe d'individus politiquement influents. Selon l'auteur,
dans des déclarations faites après le prononcé du jugement par la juridiction
inférieure dans son affaire, le Premier Ministre a brandi la menace d'une
confrontation avec le pouvoir judiciaire au cas où ce jugement ne serait
pas infirmé et c'est pourquoi la Cour suprême a rendu son arrêt sans appliquer
le principe d'égalité consacré par la Constitution - au mépris de
son devoir premier et prépondérant.
8.5 L'auteur rappelle que les contingents de capture islandais ont été
institués en fermant l'accès aux bancs de pêche à toutes les personnes qui
ne pratiquaient pas la pêche à une certaine époque, en attribuant ces contingents
aux personnes qui pratiquaient la pêche à ladite époque et en leur conférant
le droit exclusif de demander de l'argent à d'autres personnes pour accéder
à cette ressource. Il admet que ce dispositif n'était pas déraisonnable
au regard des circonstances de l'époque vu que les opérateurs alors en activité
auraient risqué autrement de ne pas pouvoir amortir leurs investissements.
L'auteur fait toutefois valoir que le législateur et le Gouvernement étaient
tenus de revenir aussitôt que possible à une situation conforme à la Constitution
et que ce dispositif n'aurait jamais dû être pérennisé, comme l'a estimé
la Cour suprême dans son arrêt relatif à l'affaire Valdimar.
8.6 Enfin, l'auteur fait observer que le non-respect de l'un des droits
fondamentaux de l'être humain conduit au non-respect des autres et a des
répercussions sur l'ensemble de la société. La concentration des droits
de pêche dans les mains d'un petit groupe de personnes a eu également pour
résultat d'accorder à ce groupe une meilleure protection de ses droits constitutionnels
au détriment des autres individus - bien moins susceptibles de bénéficier
de la protection de la Constitution.
Délibérations du Comité
9.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son Règlement
intérieur, décider si cette communication est recevable en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte.
9.2 L'auteur affirme que sa condamnation pour avoir pêché sans détenir
le quota nécessaire fait de lui la victime d'une violation de l'article
26 du Pacte au motif que la société pour laquelle il travaillait était tenue
d'acheter un quota à d'autres parties qui s'étaient vu attribuer gratuitement
des quotas parce qu'elles pratiquaient la pêche pendant la période de référence
(du 1er novembre 1980 au 31 octobre 1983). Le Comité note cependant que
l'auteur ne possédait pas de bateau et n'a jamais demandé à bénéficier d'un
quota en vertu de la loi sur la gestion des pêcheries. Il travaillait simplement
en tant que capitaine d'un vaisseau doté d'une licence de pêche et ayant
acquis un quota. Une fois le quota du bateau épuisé, l'acquisition d'un
nouveau quota s'est révélée trop coûteuse et il a accepté de continuer de
pêcher sans avoir acquis de quota, se rendant ainsi délibérément coupable
d'une infraction pénale aux termes de la loi sur la gestion des pêcheries.
Vu ces circonstances, le Comité estime que l'auteur ne peut se prétendre
victime d'une discrimination du fait de la condamnation prononcée contre
lui pour avoir pêché sans quota.
10. En conséquence, le Comité décide:
a) Que la communication est irrecevable ratione personae en vertu
de l'article premier du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et à l'auteur.
_________________
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra
ultérieurement aussi en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la
communication: M. Abdelfattah Amor, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati,
M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M.
Rajsoomer Lallah, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin Scheinin,
M. Ivan Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen, Mme Ruth Wedgwood, M. Roman
Wieruszewski et M. Maxwell Yalden.