Comité des droits de l'homme
Soixante-dix-huitième session
14 juillet - 8 août 2003
ANNEXE
Constatations du Comité des droits de l'homme au titre du paragraphe
4
de l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques*
- Soixante-dix-huitième session -
Communication No. 981/2001
Présentée par: |
Mme Teófila Gómez de Casafranca |
Au nom de: |
Son fils, Ricardo Ernesto Gómez Casafranca |
État partie: |
Pérou |
Date de la communication: |
26 octobre 1999 (date de la communication initiale) |
Le Comité des droits de l'homme, institué en vertu de l'article 28
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 22 juillet 2003,
Ayant achevé l'examen de la communication no 981/2001 présentée
par Mme Teófila Gómez de Casafranca en vertu du Protocole facultatif se
rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont
été communiquées par l'auteur de la communication et l'État partie,
Adopte ce qui suit:
Constatations au titre du paragraphe 4 de l'article 5 du Protocole facultatif
1. L'auteur de la communication, datée du 26 octobre 1999, est Mme Teófila
Casafranca de Gómez, qui soumet la communication au nom de son fils Ricardo
Ernesto Gómez Casafranca, de nationalité péruvienne; il a été condamné à 25
ans d'emprisonnement pour délit de terrorisme et se trouve actuellement en
détention. L'auteur n'invoque pas de disposition précise du Pacte mais sa
communication pourrait soulever des questions au regard des articles suivants
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques: 7; 9, paragraphes
1 et 3; 14, paragraphes 1, 2 et 3 c); et 15. Le Pacte est entré en vigueur
pour le Pérou le 28 avril 1978 et le Protocole facultatif le 2 octobre 1980.
L'auteur est représentée par un conseil.
Rappel des faits exposés par l'auteur
2.1 Ricardo Ernesto Gómez Casafranca était étudiant à la faculté de dentisterie
de l'Université Inca Garcilaso de la Vega, tout en travaillant dans le restaurant
que tenait sa famille. Le 3 octobre 1986, alors qu'il rentrait chez lui
pour se changer, il a été arrêté devant un immeuble près de son domicile
par un groupe de policiers qui avaient braqué leur arme sur lui. Cette arrestation
a eu lieu sans qu'un mandat d'arrêt ait été délivré et l'intéressé n'avait
pas été surpris en flagrant délit; il a été conduit dans les bureaux de
la DIRCOTE (1) où il a été placé en cellule pour être interrogé.
2.2 L'auteur affirme que dans les locaux de la DIRCOTE son fils a été sauvagement
torturé, subissant des mauvais traitements physiques, psychiques et moraux
cruels. Dans les pièces du deuxième procès (procédure orale) tenu en 1998
- qui ont été envoyées au secrétariat - le prévenu, M. Gómez
Casafranca, dit expressément qu'on l'a torturé pour obtenir certaines déclarations.
Concrètement, il raconte que les policiers lui tordaient la main et les
bras, le soulevaient brutalement, lui mettaient une arme dans la bouche;
un jour, ils l'avaient conduit à la plage et avaient tenté de le noyer et
une autre fois ils avaient voulu le violer en lui introduisant une bougie
dans l'anus. Le 7 septembre 2001, M. Gómez Casafranca s'est adressé à la
Direction des droits de l'homme de la police nationale pour se plaindre
des tortures qu'il avait subies le 3 octobre 1986 dans les locaux de la
DIRCOTE. La Direction des droits de l'homme a répondu le 17 septembre 2001
que M. Gómez Casafranca avait bénéficié de l'assistance de son avocat et
qu'à l'époque des faits il n'avait pas dénoncé les mauvais traitements subis.
M. Gómez Casafranca avait été accusé du délit d'homicide, de blessures et
d'actes terroriste. L'auteur affirme que son fils a toujours clamé son innocence
et ne connaissait même pas ses coïnculpés qui l'avaient compromis en disant
qu'il avait participé au délit, peut-être parce qu'ils avaient eux-mêmes
été torturés.
2.3 D'après l'auteur, la police, agissant de façon totalement arbitraire,
a établi les charges qui allaient être portées contre son fils dans un procès-verbal
(no 91-D4-DIRCOTE), daté du 22 octobre 1986, en lui imputant des actes qu'il
n'avait jamais commis ni en tant qu'auteur ni en tant que complice. D'après
le procès-verbal de la DIRCOTE, Ricardo Ernesto Gómez Casafranca, alias
«Tomás», était le chef d'une cellule terroriste armée du Sentier lumineux,
opérant dans le centre du pays, secteur Ñaña Chosica. Cette cellule était
chargée de recruter de nouveaux militants, d'organiser des «écoles populaires»,
de commettre des attentats à la dynamite et à la bombe incendiaire et d'annihiler
des effectifs de police. Toujours d'après le rapport de police, Ricardo
Ernesto Gómez Casafranca était responsable du délit de terrorisme parce
qu'il était impliqué dans l'attentat contre une usine de la société «La
Papelera Peruana SA» commis le 31 juillet 1986 à l'aide de bombes incendiaires
de fabrication artisanale. Il était également accusé d'autres infractions
comme des délits d'atteinte à la vie, à l'intégrité physique et à la santé,
ainsi que d'atteinte aux biens. D'après le rapport de police, Ricardo Ernesto
Gómez Casafranca avait été fouillé à corps mais on n'avait trouvé aucune
arme, pas plus que des explosifs ni de la propagande subversive. La perquisition
à son domicile n'avait rien donné non plus. Néanmoins, après une expertise
graphologique, il avait été établi que divers textes politiques de caractère
subversif étaient écrits d'une écriture qui correspondait à celle de Ricardo
Ernesto Gómez Casafranca. De plus, d'autres personnes placées en détention
- Sandro Galdo Arrieta, Francisco Reyna GarcÝa, Ignacio Guizado Talaverano
et Rosa Luz Tineo Suasnabar - l'avaient accusÚ de faire partie du
Sentier lumineux.
2.4 Le détenu a été déféré devant le juge de la trente-neuvième juridiction
d'instruction de la Cour supérieure de Lima, qui a ouvert une information
et décerné un mandat de détention le 23 octobre 1986. D'après l'auteur,
le procureur n'a apporté aucune preuve qui puisse confirmer les accusations
portées contre son fils. Dans le rapport des services du procureur daté
du 22 juillet 1987, on peut lire que, selon les constatations consignées
au procès-verbal, M. Gómez Casafranca et d'autres personnes appartiennent
à la cellule terroriste du Sentier lumineux de la zone Centre, secteur Ñaña
Chosica. Ce rapport fait également état de diverses déclarations d'autres
inculpés qui ont dit qu'ils ne confirmaient pas la déclaration qu'ils avaient
faite à la police parce qu'elle avait été obtenue sous la torture. (2)
2.5 Au cours des débats contradictoires, les juges se sont contentés d'interroger
le suspect en partant des arguments de la police et sans tenir compte des
actes d'instruction. Le 22 décembre 1988, le tribunal correctionnel no 7
de Lima a rendu un verdict d'acquittement, déclarant M. Gómez Casafranca
innocent des charges portées contre lui.
2.6 Le Procureur général de la nation a introduit un recours en nullité
contre ce verdict, qui a été annulé par la Cour suprême «sans visage», le
11 avril 1997. La Cour a fait valoir que les faits n'avaient pas été appréciés
comme il convenait et que les preuves n'avaient pas été dûment vérifiées.
2.7 Le 11 septembre 1997, la police a arrêté M. Ricarco Ernesto Gómez Casafranca
pour qu'il passe de nouveau en jugement pour les mêmes faits; à l'issue
d'un procès oral, la Chambre pénale spéciale pour les affaires de terrorisme
l'a condamné à 25 ans d'emprisonnement le 30 janvier 1998, condamnation
confirmée par la Cour suprême le 18 septembre 1998.
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur affirme que son fils est victime d'une violation du droit
à l'intégrité personnelle, physique, psychique et morale et du droit de
ne pas être soumis à des tortures pendant la détention. Le droit à la liberté
et à la sécurité de la personne aurait également été violé.
3.2 L'auteur affirme en outre qu'en appliquant sa politique de lutte contre
l'insurrection, l'État partie a violé les garanties d'une procédure régulière
et le droit à la protection de la justice. Elle affirme que les droits de
bénéficier de la protection de la justice, d'être entendu avec toutes les
garanties voulues et le principe de la présomption d'innocence ont également
été violés. En outre d'après elle son fils a été condamné sur la seule base
de la transcription du rapport de police et, dans le jugement, la décision
n'est pas motivée et la responsabilité pénale n'est pas individualisée.
3.3 Enfin, l'auteur dit qu'il y a eu violation du principe de légalité,
du principe de non-rétroactivité et du principe de l'égalité devant la loi.
Observations de l'État partie sur la recevabilité et sur le fond
4.1 Dans sa réponse datée du 20 décembre 2001, l'État partie reconnaît
que les conditions de recevabilité sont remplies car tous les recours internes
ont été épuisés et que la même affaire n'a pas été soumise à une autre instance
internationale d'enquête ou de règlement.
4.2 Pour ce qui est du fond, l'État partie affirme que M. Gómez Casafranca
a été arrêté en application de la loi régissant les enquêtes pour délit
de terrorisme et dans le cadre de la Constitution de 1979, les deux dispositions
étant applicables à l'époque. Le décret législatif no 46, pris le 10 mars
1981 c'est-à-dire avant la date de l'arrestation, disposait en son article
9 que les forces de police pouvaient procéder à l'arrestation et à la détention
préventive des auteurs ou des complices présumés de terrorisme, pour une
durée maximale de 15 jours, à condition d'en informer immédiatement et par
écrit le ministère public et le juge d'instruction dans un délai de 24 heures.
La police a donc agi conformément à cette loi.
4.3 L'État partie relève que l'auteur de la communication ne conteste pas
la compatibilité légale du décret législatif no 46 avec le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques ni sa validité pour les juridictions
nationales. Il objecte que les juges péruviens auraient pu prononcer l'inconstitutionnalité
de ce texte s'ils avaient été saisis d'une plainte faisant valoir que le
décret n'était pas applicable au fils de l'auteur. Ce dernier n'a pas non
plus engagé la moindre action en protection, habeas corpus ou amparo,
au moment de son arrestation, pendant la détention préventive ni lors de
son procès pour terrorisme. La détention a donc eu lieu dans le respect
des dispositions du paragraphe 1 de l'article 9 du Pacte.
4.4 En ce qui concerne les allégations de l'auteur qui affirme que son
fils a été soumis à des tortures cruelles, l'État partie répond que le dossier
de la demande de grâce (3) contient une transcription de certificats
médicaux attestant que l'intéressé n'a pas subi de mauvais traitements physiques.
4.5 L'État partie relève en outre que dans la communication il est simplement
fait état de l'application de tortures sans que soient précisées la date
ni les formes de torture qui auraient été infligées. Par conséquent, il
n'est pas établi qu'il y a eu une violation de l'article 7 du Pacte.
4.6 L'État partie considère que les garanties d'un procès équitable énoncées
à l'article 14 du Pacte ont été respectées. D'après lui, l'auteur n'est
pas fondée à affirmer qu'il y a eu violation du droit à une procédure régulière,
à la protection de la justice et des autorités judiciaires et du droit de
chacun à ce que sa cause soit entendue avec toutes les garanties voulues,
de la présomption d'innocence, ni de la règle qui veut que le jugement doit
être motivé en fait et en droit.
4.7 D'après l'État partie, M. Gómez Casafranca a été jugé dans des conditions
d'égalité par les tribunaux péruviens. Les deux fois où il a comparu devant
un tribunal, les audiences étaient publiques et il s'agissait de magistrats
professionnels, spécialisés en matière criminelle; il a eu la possibilité
d'être entendu et d'exercer son droit à la défense lui-même ou en se faisant
assister par l'avocat de son choix. Selon l'Etat partie, les tribunaux qui
l'ont jugé étaient déjà constitués avant sa comparution, conformément à
la législation en vigueur à l'époque: le Code de procédure pénale adopté
par la loi no 9024 du 23 novembre 1939 et le décret-loi no 25475, cette
dernière loi fut modifié par la loi no 26248 (4) et par la loi no
26671, (5) qui a aboli les «tribunaux sans visage». Il n'a donc pas
été jugé par un quelconque tribunal «sans visage» en audience privée mais
au contraire, les deux fois, il a été entendu en audience publique par des
magistrats composant un tribunal compétent (établi par la loi préalablement
à sa comparution), indépendant (constitué dans le respect des garanties
énoncées dans la Constitution et dans la loi) et impartial.
4.8 L'Etat partie maintient que le jugement était suffisamment motivé malgré
le fait que la chambre pénale de la Court suprême, ayant annulé le verdict
d'acquittement du M.Gómez Casafranca le 11 avril 1997, était une chambre
« sans visage ».
4.9 En ce qui concerne le principe de la présomption d'innocence consacré
au paragraphe 2 de l'article 14 du Pacte, il a été respecté autant pendant
l'instruction que pendant le jugement. Ayant apprécié les preuves administrées
au cours d'un procès juste, les magistrats ont conclu que les dépositions
des témoins et les autres modes de preuve avaient permis de lever la présomption
d'innocence. La Cour suprême avait suivi le même raisonnement pour confirmer
la condamnation.
4.10 L'État partie soutient que les décisions de justice ont été fondées
sur tous les éléments de fait et de droit. S'il ne s'agit pas d'un droit
prévu expressément dans le Pacte, cet élément entre néanmoins dans le cadre
des garanties judiciaires.
4.11 En ce qui concerne une éventuelle violation des principes de légalité,
de non-rétroactivité et d'égalité devant la loi, l'État partie affirme que
les tribunaux ont mené les investigations voulues et ont condamné l'intéressé
pour délit de terrorisme en appliquant les dispositions pénales spéciales
régissant l'enquête et la sanction dans le cas de ce délit, c'est-à-dire
le décret législatif no 46 du 10 mars 1981, la loi no 24651 du 6 mars 1987
et le décret-loi no 25475 du 5 mai 1992 pour ce qui est du jugement de 1998.
4.12 En ce qui concerne le verdict d'acquittement rendu le 22 décembre
1988, l'État partie répond que le tribunal correctionnel no 7 a appliqué
la disposition pénale contenue dans le décret législatif no 46, en vigueur
à l'époque des faits imputés à M. Gómez Casafranca, et qui étaient l'homicide
d'un policier, Román Rojas Saavedra, le 20 juin 1986, la tentative d'incendie
de l'usine de «La Papelera Peruana S.A.», le 31 juillet 1986, l'attentat
à l'explosif contre des lignes à haute tension, le 27 juillet 1986, l'homicide
d'un policier, le brigadier Aurelio da Cruz del Águila, le 11 août 1986,
l'homicide d'un autre policier, Rolando Marín Paucar, le 2 septembre 1986
et le complot d'assassinat contre Enrique Thomas Ojeda, candidat du parti
péruvien Aprista à Chaclacayo.
4.13 Le décret législatif no 46 a été abrogé par l'article 6 de la loi
no 24651 du 6 mars 1987. C'est cette disposition pénale qui a été appliquée
pour condamner M. Gómez Casafranca le 30 janvier 1998. La chambre pénale
collégiale spéciale pour les affaires de terrorisme de la Cour supérieure
de justice de Lima a appliqué dans ce cas une disposition pénale postérieure
aux faits qu'elle a jugé illicites (loi no 24651). Cette décision a été
confirmée par la Cour suprême le 18 septembre 1998. Toutefois, le décret
législatif no 46 aussi bien que la loi no 24651 définissaient déjà les faits
punissables qui constituaient le délit de terrorisme et prévoyaient des
peines analogues. Donc l'auteur n'a pas montré en quoi cet élément pouvait
être incompatible avec l'article 15 du Pacte.
4.14 Enfin, l'État partie considère que les actes pour lesquels les tribunaux
ont condamné M. Gómez Casafranca étaient des délits en droit péruvien et
donc que la disposition qui était en vigueur temporairement pouvait ne pas
être appliquée pour que la qualification des faits soit correcte. Cette
situation pourrait être réglée par une nouvelle décision judiciaire mais
non par un acte du pouvoir exécutif.
4.15 En conclusion, l'État partie réaffirme qu'il n'a aucune observation
à faire sur la recevabilité de la communication et, pour ce qui est du fond,
que les garanties d'une procédure régulière ont été respectées et qu'aucune
atteinte n'a été portée au droit à la liberté et à l'intégrité de la personne.
Commentaires de l'auteur sur la recevabilité et sur le fond
5.1 Dans ses commentaires, l'auteur affirme que tout ce que l'État partie
a répondu est faux, ses observations visant uniquement à occulter la violation
des articles 9 et 14 du Pacte qui a été commise. D'après elle, l'État partie
n'a pas répondu à ses griefs précis concernant son fils, qui se trouve emprisonné
après avoir été jugé par un tribunal «sans visage», qui l'a condamné sans
preuve, sans individualiser la responsabilité matérielle et de surcroît
en appliquant des textes qui n'étaient pas en vigueur au moment des faits,
ce qui est le cas du jugement condamnatoire du 30 janvier 1998.
5.2 Pour ce qui est de l'arrestation de son fils, l'auteur affirme qu'elle
a été effectuée sans mandat judiciaire et hors situation de flagrant délit.
En ce qui concerne la période de détention préventive, la durée maximale
autorisée par la loi dans les locaux de la police était de 15 jours; or,
son fils est resté détenu pendant 22 jours et il n'est fait mention de cet
élément dans aucun jugement. De plus, l'État partie n'a apporté aucune réponse
au sujet des tortures dont son fils a été victime.
5.3 L'auteur affirme que le jugement du 30 janvier 1998 représente le prolongement
des méthodes appliquées par les tribunaux «sans visage». Le droit à une
procédure régulière, le principe de la présomption d'innocence, les règles
relatives à la charge de la preuve ainsi que le principe de légalité ont
été violés. Elle souligne que ce jugement reproduit littéralement le rapport
de police, ce qui est une atteinte au principe de légalité et au principe
d'égalité devant la loi. De plus, son fils a été condamné en application
d'une loi qui n'était pas en vigueur au moment des faits, lesquels ont été
commis de juin à septembre 1986 alors que la sentence a été rendue en application
de la loi no 24651, qui avait été promulguée le 6 mars 1987.
5.4 L'auteur affirme que le jugement du 18 septembre 1998 constitue une
violation des principes de liberté et de sécurité de la personne, du principe
de l'égalité devant la loi et de la non-rétroactivité, du droit à une procédure
équitable et à la protection effective de la justice.
Délibérations du Comité
6.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte.
6.2 Le Comité a vérifié, comme il est tenu de le faire en vertu du paragraphe
2 a) de l'article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n'avait
pas été soumise à une autre procédure internationale d'enquête ou de règlement.
Il a vérifié également que les recours internes avaient été épuisés aux
fins du paragraphe 2 b) de l'article 5 du Protocole facultatif.
6.3 Le Comité note également que l'État partie n'a pas contesté que le
paragraphe 2 a) et b) de l'article 5 du Protocole facultatif était applicable
en l'espèce et n'a donc pas contesté que la communication était recevable.
Par conséquent, et compte tenu des allégations de l'auteur, le Comité déclare
la communication recevable et procède à son examen quant au fond sur la
base des informations données par les parties, conformément aux dispositions
du paragraphe 1 de l'article 5 du Protocole facultatif.
Examen de la communication sur le fond
7.1 En ce qui concerne l'allégation de l'auteur qui affirme que son fils
a subi des mauvais traitements pendant sa détention dans les locaux de la
police, le Comité note que si l'auteur ne donne pas de précisions à ce sujet
elle a joint des copies des pièces du procès tenu le 30 janvier 1998 qui
montrent que devant le juge son fils a décrit en détail les actes de torture
qu'il avait subis. Étant donné que l'État partie n'a pas donné de renseignement
à ce sujet et qu'il n'a pas non plus diligenté d'office une enquête sur
les faits relatés, le Comité considère qu'il y a eu violation de l'article
7 du Pacte.
7.2 En ce qui concerne les allégations de violation du droit à la liberté
et à la sécurité de la personne et le fait que le fils de l'auteur a été
arrêté sans mandat, le Comité regrette que l'État partie n'ait pas répondu
explicitement et qu'il se soit contenté d'affirmer, en termes généraux,
que l'arrestation de M. Gómez Casafranca avait été effectuée conformément
à la législation péruvienne. Le Comité prend également note de l'allégation
de l'auteur qui a affirmé que son fils avait été maintenu en détention dans
les locaux de la police pendant 22 jours, alors que la loi fixe un maximum
de 15 jours. Étant donné que l'État partie n'a pas répondu à ces allégations,
le Comité estime qu'il doit accorder le crédit voulu à ces affirmations.
Par conséquent, le Comité estime qu'il y a eu violation des paragraphes
1 et 3 de l'article 9 du Pacte.
7.3 En ce qui concerne les plaintes de l'auteur au titre de l'article 14,
le Comité relève que M. Gómez Casafranca a été, après son acquittement en
1988 appelé á être re-jugé par « une chambre sans visage » de la Cour suprême.
Ce seul fait soulève des questions qui se au titre des paragraphes 1 et
2 de l'article 14. Prenant en compte le fait que M. Gómez Casafranca fut
condamné suite à un nouveau procès en 1998, le Comité estime que, en dépit
de toute mesure prise pour la Chambre pénale spéciale contre le terrorisme
afin de garantir la présomption d'innocence du M. Gómez Casafranca, le délai
de presque 12 ans par rapport a la date où les fait ont eu lieu, et de 10
ans par rapport au premier procès, constitue une violation du droit de la
victime au titre de l'article 14. 3(c), à être jugée sans retard excessif.
Dans les circonstances du présent cas, le Comité conclu qu'il y a eu une
violation de l'article 14 du Pacte, relatif au droit à un procès équitable,
pris dans son ensemble.
7.4 En ce qui concerne l'allégation de violation du principe de la non-rétroactivité
et du principe de l'égalité devant la loi, violation qui serait constituée
par l'application de la loi no 24651 du 6 mars 1987, postérieure aux faits
incriminés, le Comité relève que l'État partie reconnaît qu'il en a bien
été ainsi. S'il est vrai, comme le dit l'État partie lui-même, que les actes
de terrorisme étaient déjà au moment des faits qualifiés d'infractions par
les dispositions du décret législatif no 46 de mars 1981, il n'en est pas
moins vrai que la loi no 24651 de 1987 modifie les peines, et prévoit une
peine minimale plus lourde, c'est-à-dire aggrave la situation des condamnés
(6). Bien que M. Gómez Casafranca fut condamné à la peine minimale
de 25 ans, en vertu de la nouvelle loi, cette peine représente plus que
le double de la peine minimal établie par la précédente loi, et le tribunal
n'a donné aucune explication sur ce qu'aurait été la condamnation au titre
de l'ancienne loi si cette dernière était encore en vigueur. Pour cette
raison, le Comité conclut qu'il y a eu violation de l'article 15 du Pacte.
8. Le Comité des droits de l'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de
l'article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques, estime que les faits dont il est
saisi font apparaître une violation [de l'article 7,] des paragraphes 1
et 3 de l'article 9, de l'article 14 [et de l'article 15] du Pacte.
9. En vertu du paragraphe 3 a) de l'article 2 du Pacte, l'État partie doit
remettre M. Gómez Casafranca en liberté et lui assurer une indemnisation
appropriée. L'État partie est également tenu de veiller à ce que des violations
analogues ne se reproduisent pas à l'avenir.
10. Étant donné qu'en adhérant au Protocole facultatif l'État partie a
reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s'il y avait eu ou
non violation du Pacte et que, conformément à l'article 2 du Pacte, il s'est
engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et
relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer
un recours utile et exécutoire lorsqu'une violation a été établie, le Comité
souhaite recevoir de l'État partie, dans un délai de 90 jours, des renseignements
sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L'État partie
est également invité à rendre publiques les présentes constatations.
________________________
[Adopté en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra
ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté
par le Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres suivants du Comité ont participé à l'examen de la présente
communication: M. Abdelfattah Amor, M. Alfredo Castillero Hoyos, M. Maurice
Glèlè Ahanhanzo, M. Walter Kälin, M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rajsoomer Lallah,
M. Rafael Rivas Posada, M. Nigel Rodley, M. Martin Scheinin, M. Ivan
Shearer, M. Hipólito Solari Yrigoyen, Mme. Ruth Wedgwood, M. Roman Wieruszewski
et M. Maxwell Yalden.
Notes
1. Direction nationale contre le terrorisme (section antiterroriste de la
police).
2. Sandro Galdo Arrieta, Francisco Reyna García, Ignacio Guizado Talaverano
et Rosa Luz Tineo Suasnabar.
3. La loi No.26655 a adoptée a fin d'octroyer le pardon aux personnes inculpés
par terrorisme et est administrée par le Conseil national de droits de l'homme
du Pérou. Le dossier ne contient aucune information sur la décision relative
à la demande de M.Gómez Casafranca. Il semble que ce dernier est toujours
en prison.
4. La loi No.26248 du 25 novembre 1993, qui réintroduit l'habeas corpus
pour les cas de terrorisme et de trahison.
5. La loi No.26671 du 12 octobre 1996, qui établit que les tribunaux «
sans visage » ne fonctionnaient plus à partir du 15 octobre de 1997.
6. Le décret législatif no 46 de mars 1981 prévoit un emprisonnement de
12 ans comme peine minimale, sans fixer de peine maximale. La loi no 24651
de 1987 prévoit un emprisonnement de 25 ans comme peine minimale et fixe
comme peine maximale la réclusion à perpétuité mais uniquement pour les
dirigeants d'une organisation terroriste.