Comité des droits de l'homme
Soixante-dix-huitième session
14 juillet - 8 août 2003
ANNEXE
Décisions du Comité des droits de l'homme déclarant irrecevables
des communications présentées en vertu du Protocole facultatif
se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et
politiques
- Soixante-dix-huitième session -
Communication No. 989/2001
Présentée par: M. Walter Kollar (représenté par M. Alexander H. E.
Morawa)
Au nom de: L'auteur
État partie: Autriche
Date de la communication: 6 décembre 2000 (communication initiale)
Le Comité des droits de l'homme, institué en application de l'article
28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 30 juillet 2003,
Adopte ce qui suit:
DÉCISION CONCERNANT LA RECEVABILITÉ
1.1 L'auteur de la communication est Walter Kollar, de nationalité autrichienne,
né le 3 août 1935. Il affirme être victime de violations par l'Autriche (1)
du paragraphe 1 de l'article 14 et de l'article 26 du Pacte. Il est représenté
par un conseil.
1.2 Lorsqu'il a ratifié le Protocole facultatif le 10 décembre 1987, l'État
partie a émis la réserve suivante: «Étant entendu que, conformément aux
dispositions de l'article 5, paragraphe 2, dudit Protocole, le Comité des
droits de l'homme institué en vertu de l'article 28 du Pacte n'examinera
aucune communication émanant d'un particulier sans s'être assuré que la
même question n'a pas déjà été examinée par la Commission européenne des
droits de l'homme établie en vertu de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales».
Rappel des faits soumis par l'auteur
2.1 Depuis 1978, l'auteur était employé comme médecin contrôleur indépendant
(Vertrauensarzt) et, depuis février 1988, comme médecin chef (Chefarzt)
de la Caisse régionale d'assurance maladie de Salzbourg pour les travailleurs
et les salariés (Salzburger Gebietskrankenkasse für Arbeiter und Angestellte).
2.2 Le 22 septembre 1988, comme suite aux accusations de conduite illégale
et inappropriée portées contre l'auteur et son ancien superviseur, le Président
de la Caisse d'assurance a essayé en vain d'obtenir l'accord du comité d'entreprise
(Betriebsrat) pour suspendre l'auteur de ses fonctions.
2.3 Le 23 septembre 1988, l'employeur a engagé contre l'auteur des poursuites
pénales auxquelles le procureur n'a finalement pas donné suite. Il a alors
engagé, toujours sans succès, une procédure de citation directe.
2.4 Le 27 octobre 1988, le Conseil de la Caisse d'assurance a entamé une
procédure disciplinaire contre l'auteur et l'a suspendu de ses fonctions,
avec diminution de ses émoluments. Une commission disciplinaire a été constituée
le 22 février 1989. L'auteur a été accusé de conduite inappropriée avec
enrichissement personnel aux dépens de son employeur. Le 22 janvier 1990,
la commission disciplinaire s'étant réunie plusieurs fois à huis clos a
reconnu l'auteur coupable d'un certain nombre de chefs d'accusation, à savoir:
prescription illégale de médicaments entraînant un désavantage financier
pour son employeur, violation de ses devoirs de loyauté et de confidentialité
en tenant une conférence de presse sur les accusations portées contre son
ancien superviseur et admission illégale de patients dans un centre de réadaptation.
La décision était sans appel.
2.5 Le 23 janvier 1990, la Caisse d'assurance a prétendu licencier l'auteur
en s'appuyant sur les conclusions de la commission disciplinaire, sans toutefois
s'acquitter de certaines obligations. Après s'en être acquittée, elle a,
le 9 novembre 1990, confirmé la validité du premier licenciement et décidé,
en tout état de cause, de licencier une seconde fois l'auteur.
2.6 Le 14 décembre 1988, l'auteur a contesté sa suspension de service,
en date du 27 octobre 1988, devant le tribunal régional de Salzbourg (Landesgericht
Salzburg) qui, par décision du 15 février 1989, a repoussé sa demande.
Le 19 septembre 1989, la cour d'appel de Linz (Oberlandesgericht Linz)
l'a débouté de son appel; mais, le 28 février 1990, la Cour suprême (Oberste
Gerichtshof) a admis le pourvoi de l'auteur et renvoyé l'affaire devant
le tribunal régional, en considérant que l'existence de motifs suffisants
de suspendre l'intéressé de ses fonctions n'avait pas été établie. Le 7
août 1990, le tribunal de Salzbourg a une nouvelle fois rejeté le recours
de l'auteur. Cette décision a été confirmée par la cour d'appel de Linz
le 29 janvier 1991. Le 10 juillet 1991, la Cour suprême a une nouvelle fois
accepté le pourvoi de l'auteur, en considérant que les juridictions inférieures
n'avaient toujours pas établi l'existence de motifs suffisants de suspendre
l'auteur. Le 13 juillet 1992, le tribunal régional de Salzbourg a rejeté
une troisième fois l'action intentée par l'auteur. Tant la cour d'appel
de Linz, par décision du 9 mars 1993, que la Cour suprême, par décision
du 22 septembre 1993, ont rejeté le pourvoi de l'auteur.
2.7 L'auteur a également exercé un recours contre son premier licenciement,
prononcé le 23 janvier 1990. Le 9 octobre 1990, le tribunal régional de
Salzbourg, agissant dans le cadre de sa compétence pour connaître des affaires
de droit du travail et de législation sociale, a fait droit à la demande
de l'auteur. Le 11 juin 1991, la cour d'appel de Linz et, le 6 novembre
1991, la Cour suprême ont rejeté l'appel de l'employeur, en considérant
que la relation de travail entre l'auteur et son employeur continuait d'exister.
2.8 Le 16 novembre 1990, l'auteur a contesté son deuxième licenciement,
prononcé le 9 novembre 1990. Malgré l'objection de l'auteur, la procédure
a été suspendue le 19 mars 1991, en attendant le résultat définitif de celle
engagée contre le premier licenciement. Après la décision de la Cour suprême
en date du 6 novembre 1991, la procédure relative au deuxième licenciement
a repris et, le 25 novembre 1993, le tribunal régional de Salzbourg a rejeté
la demande de l'auteur. Le 29 novembre 1994, la cour d'appel de Linz et,
le 29 mars 1995, la Cour suprême ont rejeté les pourvois de l'auteur, en
considérant ce dernier coupable de manquements à ses obligations, justifiant
son licenciement.
2.9 Le 7 février 1996, l'auteur a adressé une requête à l'ancienne Commission
européenne des droits de l'homme, en se déclarant victime de violations
des droits visés aux articles 6, 10, 13 et 14 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi
qu'au paragraphe 1 de l'article 2 du Protocole no 7 à la Convention. Cette
requête n'a jamais été examinée par la Commission. Au lieu de cela, le 17
mars 2000 (après l'entrée en vigueur du Protocole no 11), la Cour européenne
des droits de l'homme, siégeant en comité de trois juges, l'a déclarée irrecevable.
En ce qui concerne les griefs relatifs à la procédure disciplinaire engagée
par l'employeur, la Cour a jugé que «le rôle de la Caisse d'assurance maladie
était celui d'un employeur privé, la procédure disciplinaire contestée n'avait
pas été engagée par un organe investi de prérogatives publiques mais était
une procédure propre au lieu de travail du requérant visant à établir s'il
y avait lieu de licencier ce dernier […]». (2) La Cour a conclu
que cette partie de la requête était incompatible ratione personae
avec la Convention. En ce qui concerne les articles 13 et 14 de la Convention,
ainsi que l'article 2 du Protocole no 7, elle a conclu que les griefs soulevés
ne faisaient apparaître aucune violation des droits visés par ces dispositions.
(3)
Teneur de la plainte
3.1 L'auteur déclare être victime de violations du paragraphe 1 de l'article
14 et de l'article 26 du Pacte puisque l'égalité d'accès à un tribunal indépendant
et impartial lui a été déniée du fait que les juridictions autrichiennes
ont examiné uniquement les conclusions de la commission disciplinaire sous
l'angle des irrégularités flagrantes.
3.2 Se référant à la décision adoptée par le Comité dans l'affaire Nahlik
c. Autriche, (4) l'auteur affirme que le paragraphe 1
de l'article 14 s'applique aussi aux procédures de la commission disciplinaire.
Cette dernière lui a dénié le droit à une audience publique en se réunissant
à huis clos. L'exclusion du public n'était pas nécessaire pour protéger
le droit de ses patients au respect de leur vie privée car les noms des
intéressés auraient pu être remplacés par des initiales. L'auteur affirme
que son droit à un procès équitable a été violé parce que le principe de
l'égalité des armes a été bafoué de plusieurs manières. Premièrement, l'accusation
a pu examiner les charges portées contre lui avec le président de la commission
disciplinaire, alors que la défense n'a pas bénéficié d'une telle possibilité.
De plus, le temps accordé pour préparer sa défense a été exagérément court.
Le président de la commission ayant refusé d'admettre les réponses écrites
de l'avocat de l'auteur aux accusations écrites de l'accusation, la défense
a dû présenter oralement tous ses arguments pendant l'audience. En conséquence
de quoi, un expert médical entendu par la commission n'a pas eu accès aux
réponses écrites de la défense et n'a pu s'en remettre qu'aux faits présentés
par l'accusation.
3.3 Par ailleurs, l'auteur affirme que la commission disciplinaire ne possédait
pas l'impartialité et l'indépendance requises au paragraphe 1 de l'article
14 du Pacte. Malgré des demandes répétées, auxquelles elle n'a pas donné
suite, la commission était composée, outre son président, de deux membres
désignés par l'employeur et de deux membres désignés par le comité d'entreprise,
qui étaient subordonnés à l'employeur. De même, la proposition de l'auteur
de remplacer au moins un de ces membres par un expert médical est restée
sans réponse.
3.4 L'auteur affirme que le président de la commission était partial dans
la mesure où il a examiné l'affaire en privé et pendant plusieurs heures
avec l'accusation et parce qu'il a rejeté sa réponse écrite aux accusations,
en prétendant que cette réponse avait été soumise après l'expiration des
délais et en joignant à la note initiale, dans le dossier, l'instruction
de transmettre la réponse à l'accusation. Qui plus est, le président aurait
écarté plusieurs objections de forme soulevées par la défense, manipulé
les comptes rendus d'audience et intimidé l'avocat de l'auteur, ainsi que,
à une occasion, un expert médical déposant en faveur de l'auteur. Se référant
aux constatations adoptées par le Comité dans l'affaire Karttunen c.
Finlande, (5) l'auteur conclut que le président a fait montre
de partialité, en violation du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte.
3.5 L'auteur affirme également être victime d'une discrimination, en violation
du paragraphe 1 de l'article 14 et de l'article 26 du Pacte, selon lesquels
un traitement égal doit être réservé à des affaires objectivement égales.
À l'appui de sa plainte, il indique que son ancien superviseur, qui faisait
l'objet d'accusations analogues, a été traité différemment pendant la procédure
disciplinaire et, finalement, acquitté. Dans le cas du superviseur, trois
membres de la commission disciplinaire ont été remplacés par des médecins
principaux à la demande de l'intéressé, alors qu'aucun membre de la commission
n'a été remplacé par un médecin dans le cas de l'auteur, en dépit du fait
que la demande à cet effet présentée par ce dernier reposait sur des arguments
identiques et avait été formulée par le même avocat. En outre, l'ancien
superviseur a été acquitté de l'accusation d'avoir délivré des ordonnances
à titre privé en utilisant les formulaires de la Caisse d'assurance, au
motif que cette pratique avait déjà été établie par son prédécesseur. Qui
plus est, malgré l'accord par lequel la Caisse régionale d'assurance de
Salzbourg avait autorisé l'un de ses prédécesseurs à utiliser lesdits formulaires,
l'auteur a été reconnu coupable de cette même accusation par la commission.
Celle-ci a considéré que l'accord avait été conclu avec le prédécesseur
à titre personnel et que l'auteur n'aurait donc pu l'invoquer que s'il avait
été reconduit ad personam.
3.6 En ce qui concerne la réserve émise par l'Autriche au sujet de l'article
5, paragraphe 2 a), du Protocole facultatif, l'auteur affirme que la même
affaire «n'a pas été examinée par la Commission européenne des droits de
l'homme». En l'occurrence, c'est la Cour européenne des droits de l'homme,
et non la Commission, qui a déclaré sa requête irrecevable. Par ailleurs,
le Greffier de la Cour ne l'a pas informé des problèmes concernant la recevabilité
de sa requête, le privant ainsi de la possibilité de lever les incertitudes
ou de retirer sa plainte afin de la soumettre au Comité des droits de l'homme.
L'auteur affirme également que la Cour européenne ne s'est même pas prononcée
officiellement sur les griefs selon lesquels le caractère extrêmement limité
de l'examen de la décision de la commission disciplinaire par les juridictions
autrichiennes violait son droit d'être entendu par un tribunal indépendant
et impartial établi par la loi (art. 6, par. 1, de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales).
3.7 L'auteur affirme qu'il existe des différences notables entre les articles
de la Convention et les droits visés par les dispositions du Pacte qu'il
invoque. Ainsi, la Convention ne contient pas de clause distincte de non-discrimination
analogue à l'article 26 du Pacte. De plus, l'article 14, paragraphe 1, du
Pacte garantit un droit à l'égalité devant les tribunaux qui est unique
en son genre. Se référant à la décision adoptée par le Comité dans l'affaire
Nahlik c. Autriche, (6) l'auteur ajoute que le champ
d'application de cette disposition a été interprété d'une manière plus large
que celui de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne.
Observations de l'État partie
4.1 Dans une note verbale datée du 17 septembre 2001, l'État partie présente
ses vues sur la recevabilité de la communication. Il considère que la compétence
du Comité pour examiner ladite communication est exclue par l'article 5,
paragraphe 2 a), du Protocole facultatif lu dans le contexte de la réserve
émise par l'Autriche au sujet de cette disposition.
4.2 L'État partie affirme que la réserve s'applique à la communication
car l'auteur a déjà porté la même affaire devant la Commission européenne
des droits de l'homme, d'où l'examen de sa requête par la Cour européenne
des droits de l'homme qui a repris les fonctions de la Commission après
la restructuration des organes de Strasbourg conformément au Protocole no
11.
4.3 Selon l'État partie, le fait que la Cour européenne a rejeté la requête
comme étant irrecevable ne signifie pas que la Cour n'a pas «examiné» les
griefs de l'auteur, au sens où l'entend la réserve émise par l'Autriche.
Le raisonnement de la Cour, à savoir qu'«il n'est constaté aucune violation
des droits du requérant» (7) et que les griefs soulevés «ne font
apparaître aucune violation des droits et libertés énoncés dans la Convention
ou ses Protocoles» (8) , indique à l'évidence que la décision de
rejeter la requête comme irrecevable «porte aussi sur des aspects importants
concernant le fond».
4.4 L'État partie admet que la Cour européenne n'a pas examiné la nature
de la procédure disciplinaire engagée contre l'auteur, tout en soulignant
que, comme l'a indiqué la Cour, il ne peut être tenu responsable des litiges
opposant des employeurs privés, comme la Caisse régionale d'assurance maladie,
et leurs employés.
Commentaires de l'auteur
5.1 Dans sa lettre datée du 15 octobre 2001, l'auteur répond aux déclarations
de l'État partie, en réaffirmant que, compte tenu du sens ordinaire et du
contexte de la réserve émise par l'Autriche, le Comité n'est pas empêché
d'examiner sa communication. Il maintient que cette réserve ne s'applique
pas puisque la même affaire n'a jamais été «examinée» par la Commission
européenne. Il compare la réserve de l'Autriche à celles analogues, mais
plus larges, émises sur l'article 5, paragraphe 2 a), du Protocole optionnel
par 16 autres États parties à la Convention européenne et affirme que la
réserve de l'État partie est la seule qui fasse référence à un examen «par
la Commission européenne des droits de l'homme».
5.2 L'auteur considère comme sans incidence le fait que l'État partie,
en émettant sa réserve, ait eu l'intention d'empêcher un examen simultané
ou successif des mêmes faits par les organes de Strasbourg et le Comité,
car selon lui l'intention de la partie qui émet une réserve est simplement
d'apporter un moyen complémentaire d'interprétation au titre de l'article
32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, qui ne peut être
utilisé que lorsqu'une interprétation suivant l'article 31 de ladite Convention
(sens ordinaire, contexte, objet et but) s'avère insuffisante.
5.3 Se référant à la jurisprudence de la Cour européenne et de la Cour
interaméricaine des droits de l'homme, l'auteur souligne que les réserves
concernant les instruments relatifs aux droits de l'homme doivent être interprétées
en faveur des particuliers. Toute tentative visant à élargir la portée de
la réserve émise par l'Autriche doit donc être rejetée, dans la mesure en
particulier où le Comité dispose de moyens appropriés pour prévenir une
utilisation abusive des procédures parallèles existantes, comme les notions
de «justification des griefs» et de «recours abusif», sans parler de l'article
5, paragraphe 2 a), du Protocole facultatif.
5.4 L'auteur conclut que la communication est recevable au titre de l'article
5, paragraphe 2 a), du Protocole facultatif puisque la réserve émise par
l'Autriche ne s'applique pas dans ce cas. Il fait valoir accessoirement
que la communication est recevable dans la mesure où elle porte sur les
violations de ses droits commises dans le cadre de la procédure disciplinaire
et sur l'absence de recours utile lui permettant de faire examiner cette
procédure par un tribunal, parce que la Cour européenne n'a pas examiné
ses griefs en la matière.
Observations complémentaires de l'État partie
6.1 Dans sa note verbale du 30 janvier 2002, l'État partie apporte de nouvelles
précisions concernant la recevabilité de la communication, en expliquant
que l'Autriche a émis sa réserve en se fondant sur une recommandation du
Comité des ministres du Conseil de l'Europe, tendant à ce que les États
membres «qui signent ou ratifient le Protocole facultatif aient la possibilité
de faire une déclaration […] à l'effet d'exclure la compétence du
Comité des droits de l'homme de l'ONU pour recevoir et examiner des plaintes
présentées par des particuliers au sujet d'affaires en cours d'examen ou
déjà examinées au titre de la procédure établie par la Convention européenne».
(9)
6.2 L'État partie affirme que sa réserve ne diffère des réserves analogues
émises par d'autres États membres conformément à cette recommandation que
dans la mesure où, par souci de clarté, le mécanisme approprié de la Convention
y est directement cité. Toutes les réserves visent à prévenir un nouvel
examen par une instance internationale après une décision adoptée par l'un
des mécanismes institués par la Convention européenne. Il serait donc injustifié
de nier la validité et le maintien de l'application de la réserve émise
par l'Autriche au seul motif qu'une réforme structurelle des organes de
Strasbourg est intervenue.
6.3 Par ailleurs, l'État partie affirme que, après la fusion de la Commission
européenne et de l'«ancienne» Cour, la «nouvelle» Cour européenne peut être
considérée comme le «successeur légal» de la Commission puisque plusieurs
de ses fonctions essentielles, y compris la prise de décisions concernant
la recevabilité, l'établissement des faits de la cause et le premier examen
sur le fond d'une affaire, étaient auparavant exercées par la Commission.
Attendu que la référence à la Commission européenne qui y est faite visait
précisément ces fonctions, la réserve de l'État partie reste entièrement
valable après l'entrée en vigueur du Protocole no 11. L'État partie affirme
qu'il n'était pas possible de prévoir, lorsqu'il a émis sa réserve en 1987,
que les mécanismes de protection de la Convention européenne seraient remaniés.
6.4 L'État partie réaffirme que la même affaire a déjà été examinée par
la Cour européenne qui, pour déclarer irrecevable la requête de l'auteur,
a dû l'examiner quant au fond, ne serait-ce que sommairement. En particulier,
il découle du rejet des griefs concernant la procédure disciplinaire que
la Cour a examiné la plainte sur le fond avant de prendre sa décision.
Autres commentaires de l'auteur
7.1 Dans sa lettre du 25 février 2002, l'auteur constate que rien n'interdisait
à l'État partie, en ratifiant le Protocole facultatif, d'émettre une réserve
empêchant le Comité d'examiner des communications si la même affaire a déjà
été examinée «au titre de la procédure instituée par la Convention européenne»,
comme recommandé par le Comité des ministres, ou d'utiliser la formulation
plus large d'un examen antérieur par «une autre instance internationale
d'enquête ou de règlement», comme d'autres États parties à la Convention
européenne l'ont fait.
7.2 Par ailleurs, l'auteur indique que l'État partie pourrait même envisager
d'émettre une réserve à cet effet en ratifiant une nouvelle fois le Protocole
facultatif, pour autant que cette réserve puisse être considérée comme compatible
avec l'objet et le but de cet instrument. Ce qu'il n'est pas possible de
faire, en revanche, c'est d'élargir le champ d'application de la réserve
existante d'une façon contraire aux règles fondamentales de l'interprétation
des traités.
7.3 L'auteur réfute l'argument de l'État partie selon lequel les fonctions
essentielles de la «nouvelle» Cour européenne, comme les décisions sur la
recevabilité et l'établissement des faits de la cause, relevaient à l'origine
de la compétence exclusive de la Commission européenne. Se référant à la
jurisprudence de la Cour, il indique que l'«ancienne» Cour européenne avait
à connaître régulièrement de telles questions.
7.4 L'auteur conteste l'argument de l'État partie selon lequel la réorganisation
des organes de la Convention n'était pas prévisible en 1987, en citant des
extraits du Rapport explicatif concernant le Protocole no 11, qui comprend
un bref historique des débats sur la «fusion de la Cour et de la Commission»
ayant eu lieu entre 1982 et 1987.
Délibérations du Comité
8.1 Avant d'examiner une plainte soumise dans une communication, le Comité
des droits de l'homme doit, conformément à l'article 87 de son règlement
intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte.
8.2 Le Comité constate que l'État partie a invoqué la réserve émise au
titre de l'article 5, paragraphe 2 a), du Protocole facultatif, qui l'empêche
d'examiner des plaintes ayant déjà été «examinées» par la «Commission européenne
des droits de l'homme». En ce qui concerne l'argument de l'auteur selon
lequel la requête qu'il a soumise à la Commission n'a en fait jamais été
examinée par cet organe mais a été déclarée irrecevable par la Cour européenne
des droits de l'homme, le Comité fait observer que la Cour européenne, à
la suite d'un amendement à la Convention en vertu du Protocole no 11, a
légalement repris les fonctions de l'ancienne Commission, à savoir: recevoir
les requêtes présentées au titre de la Convention européenne, se prononcer
sur la recevabilité et procéder à un premier examen sur le fond. Il fait
remarquer, aux fins d'établir l'existence d'un examen parallèle ou, selon
le cas, successif de l'affaire par le Comité et les organes de Strasbourg,
que la nouvelle Cour européenne des droits de l'homme a succédé à l'ancienne
Commission européenne en en reprenant les fonctions.
8.3 Le Comité estime qu'une reformulation de la réserve de l'État partie,
dans le cadre d'une nouvelle ratification du Protocole optionnel, comme
l'a proposé l'auteur, dont l'objet serait uniquement d'énoncer ce qui est
en fait une conséquence logique de la réforme des mécanismes de la Convention
européenne, serait un exercice purement formaliste. Pour des raisons de
continuité et compte tenu de son objet et de son but, il interprète la réserve
de l'État partie comme s'appliquant également aux plaintes qui ont été examinées
par la Cour européenne.
8.4 Pour répondre à l'auteur qui affirme que la Cour européenne n'avait
pas «examiné» sa plainte sur le fond quand elle a déclaré la requête irrecevable,
le Comité rappelle sa jurisprudence selon laquelle dès lors que la Commission
européenne a déclaré la requête irrecevable non seulement pour vice de forme,
(10) mais aussi pour des motifs reposant sur un examen quant au
fond, il est considéré que la même affaire a été «examinée» au sens des
réserves sur l'article 5, paragraphe 2 a), du Protocole facultatif (11).
En l'occurrence, la Cour européenne ne s'est pas contentée d'examiner des
critères de recevabilité portant purement sur la forme, mais a estimé que
la requête était irrecevable, en partie à cause de son incompatibilité ratione
personae, et en partie parce qu'elle ne faisait apparaître aucune violation
des dispositions de la Convention. Le Comité conclut en conséquence que
l'on ne peut refuser d'admettre la réserve de l'État partie en arguant simplement
du fait que la Cour européenne n'a pas rendu de décision concernant le fond
de la requête de l'auteur.
8.5 En ce qui concerne l'affirmation de l'auteur selon laquelle la Cour
européenne n'a pas examiné les griefs relatifs à la procédure disciplinaire,
au regard du paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention, et ne s'est même
pas prononcée officiellement sur la plainte concernant l'examen limité de
la décision de la commission disciplinaire par les juridictions autrichiennes,
le Comité constate que la Cour européenne a considéré que la procédure disciplinaire
contestée n'avait pas été conduite par un organe investi de prérogatives
publiques, mais qu'il s'agissait d'une procédure propre au lieu de travail
du requérant visant à établir s'il y avait lieu de licencier ce dernier.
Pour ces raisons, le Comité conclut que le droit de l'auteur à un recours
utile (art. 13 de la Convention européenne et art. 2, par. 1, du Protocole
no 7) n'avait pas été violé.
8.6 Le Comité fait en outre observer que, malgré certaines différences
d'interprétation du paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention européenne
et du paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte par les organes compétents,
aussi bien la teneur que la portée de ces dispositions convergent largement.
Compte tenu des importantes analogies existant entre ces deux textes et
de la réserve émise par l'État partie, le Comité considère qu'il est empêché
de réexaminer une conclusion de la Cour européenne concernant l'applicabilité
du paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention européenne en la remplaçant
par sa jurisprudence concernant le paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte.
En conséquence, il considère cette partie de la communication comme irrecevable
au titre de l'article 5, paragraphe 2 a), du Protocole facultatif, car la
même affaire a déjà été examinée par la Cour européenne des droits de l'homme.
8.7 Pour ce qui est de la plainte présentée au titre de l'article 26 du
Pacte, le Comité rappelle que l'application du principe de non-discrimination
inscrit dans cette disposition ne se limite pas aux autres droits garantis
par le Pacte et note que la Convention européenne ne contient aucune clause
comparable en matière de discrimination. Cela étant, il constate également
que la plainte de l'auteur ne repose pas sur des griefs distincts de discrimination,
dans la mesure où son allégation de violation de l'article 26 n'est pas
différente de celle relative au paragraphe 1 de l'article 14 du Pacte. Le
Comité conclut que cette partie de la communication est également irrecevable
en vertu de l'article 5, paragraphe 2 a), du Protocole facultatif.
9. En conséquence, le Comité des droits de l'homme décide:
a) Que la communication est irrecevable en vertu de l'article 5, paragraphe
2 a), du Protocole facultatif;
b) Que la présente décision sera communiquée à l'État partie et aux auteurs.
__________________________
[Adopté en anglais (version originale), en français et en espagnol. Paraîtra
aussi ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel
présenté par le Comité à l'Assemblée générale.]
* Les membres du Comité dont le nom suit ont participé à l'examen de la
communication: M. Abdelfattah Amor, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati,
M. Alfredo Castillero Hoyos, M. Maurice Glèlè Ahanhanzo, M. Walter Kälin,
M. Ahmed Tawfik Khalil, M. Rafael Rivas Posada, Sir Nigel Rodley, M. Martin
Scheinin, M. Ivan Shearer, M. Roman Wieruszewski et M. Maxwell Yalden.
Notes
1. Le Pacte et son Protocole facultatif sont entrés en vigueur pour l'État
partie le 10 décembre 1978 et le 10 mars 1998, respectivement.
2. Cour européenne des droits de l'homme, 3e section, décision sur la recevabilité,
Requête no 30370/96 (Walter A. F. Kollar c. Autriche), 17
mars 2000, par. 1.
3. Ibid., par. 3.
4. Communication no 608/1995, Nahlik c. Autriche, décision
concernant la recevabilité adoptée le 22 juillet 1996, par. 8.2.
5. Communication no 387/1989, constatations adoptées le 23 octobre 1992,
par. 7.2.
6. Communication no 608/1995, décision adoptée le 22 juillet 1996, par.
8.2.
7. Voir Cour européenne des droits de l'homme, 3e section, décision sur
la recevabilité, Requête no 30370/96 (Walter A. F. Kollar c. Autriche),
17 mars 2000, par. 2.
8. Voir ibid., par. 3.
9. Conseil de l'Europe, Résolution (70) 17 du Comité des ministres en date
du 15 mai 1970.
10. Voir, par exemple, communication no 716/1996, Pauger c. Autriche,
constatations adoptées le 25 mars 1999, par. 6.4.
11. Voir, par exemple, communication no 121/1982, A. M. c. Danemark,
décision concernant la recevabilité adoptée le 23 juillet 1982, par. 6;
communication no 744/1997, Linderholm c. Croatie, décision
concernant la recevabilité adoptée le 23 juillet 1999, par. 4.2.