Observaciones finales del Comité de Derechos Humanos : Norway. 04/11/93.
Convention Abbreviation: CCPR
COMITE DES DROITS DE L'HOMME
RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 40 DU PACTE
Observations du Comité des droits de l'homme */
CROATIE
A. Introduction
1. Profondément préoccupée par les événements
dont le territoire de l'ex-Yougoslavie a été récemment
ou est actuellement le théâtre et qui affectent les droits de l'homme
protégés par le Pacte international relatif aux droits civils
et politiques; notant que toutes les populations qui se trouvent sur le territoire
de l'ex-Yougoslavie ont droit aux garanties énoncées dans le Pacte;
et agissant conformément aux dispositions du paragraphe 1 b) de l'article
40 du Pacte, le Comité a, le 7 octobre 1992, prié le Gouvernement
de Croatie de lui présenter un bref rapport sur les questions suivantes,
concernant ces événements et les personnes relevant à présent
de sa juridiction :
a) Mesures prises pour prévenir et combattre la politique de "nettoyage
ethnique" menée, selon plusieurs sources d'information, sur le territoire
de certaines parties de l'ex-Yougoslavie, eu égard aux articles 6 et
12 du Pacteinternational relatif aux droits civils et politiques;
b) Mesures prises contre les arrestations arbitraires et l'assassinat ainsi
que la disparition de personnes, eu égard aux articles 6 et 9 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques;
c) Mesures prises contre les exécutions arbitraires, la torture et autres
traitements inhumains dans les camps de détention, eu égard aux
articles 6, 7 et 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques;
d) Mesures prises pour lutter contre tout appel à la haine nationale,
raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination,
à l'hostilité ou à la violence, eu égard à
l'article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
2. En réponse à cette demande, la Croatie a présenté
un bref rapport spécial intitulé "Rapport sur les mesures
prises pour empêcher les actes criminels perpétrés en violation
des droits et libertés de l'homme dans la République de Croatie",
que le Comité a examiné à ses 1201ème et 1202ème
séances, le 4 novembre 1992. La République de Croatie était
représentée par M. Smiljan Simac, ministre adjoint des affaires
étrangères de la République de Croatie, chef de la délégation;
M. Budislav Vukas, professeur à la faculté de droit de Zagreb,
membre de la délégation; et M. Davor Krapac, professeur à
la faculté de droit de Zagreb, membre de la délégation.
Le rapport a été complété par une introduction orale
de M. Simac et par les réponses des différents membres de la délégation
aux questions et observations des membres du Comité.
3. Le 12 octobre 1992, la République de Croatie a fait savoir au Secrétaire
général de l'Organisation des Nations Unies qu'elle avait succédé,
à compter du 8 octobre 1991 (date de la proclamation de son indépendance),
aux divers instruments relatifs aux droits de l'homme, y compris le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques.
B. Aspects positifs
4. On a noté certains facteurs encourageants quant à la garantie
des droits de l'homme. La République de Croatie était devenue
un Etat en 1990 à la suite d'élections parlementaires démocratiques.
Les obligations découlant des instruments des Nations Unies relatifs
aux droits de l'homme étaient inscrites dans la nouvelle Loi constitutionnelle
relative aux droits et libertés de l'homme et aux droits des communautés
ou minorités nationales ou ethniques, adoptée en décembre
1991 et modifiée en avril 1992. Le gouvernement avait créé
un bureau des relations interethniques, qui aurait des services dans différents
districts de Croatie et serait doté d'un mandat très large.
La délégation croate a confirmé que, du point de vue du
gouvernement, l'identité ethnique devait servir uniquement à faire
en sorte que les minorités ethniques reçoivent les garanties auxquelles
elles avaient droit en vertu de l'article 27 du Pacte. On a également
noté que des personnes accusées de crimes contre des civils, de
crimes contre des prisonniers de guerre ou du crime de génocide avaient
été traduites en justice. Les trois camps de prisonniers de guerre
qui existaient en Croatie étaient placés sous le contrôle
du Ministère de la défense et ouverts au Comité international
de la Croix-Rouge. Le gouvernement avait condamné la politique des groupes
paramilitaires et des partis politiques d'extrême droite et menait des
enquêtes sur les activités de certains membres du Parlement appartenant
au Parti de droite croate.
C. Facteurs et difficultés entravant l'application du Pacte
5. Depuis son indépendance, le territoire de la République de
Croatie a été le théâtre de vastes opérations
militaires. Il en est résulté des violations massives des droits
de l'homme, y compris des pertes en vies humaines, des tortures, des disparitions
et des exécutions sommaires; des villes entières ont été
détruites et des populations ont été déplacées.
En outre, à cause du conflit qui déchire la Bosnie-Herzégovine
voisine, la Croatie a accueilli un grand nombre de réfugiés.
6. Les représentants ont aussi informé le Comité que la
Croatie ne contrôlait que les trois quarts environ de son territoire,
le reste étant placé sous le contrôle de la FORPRONU. La
délégation a admis qu'au cours des hostilités qui s'étaient
déroulées sur son territoire, il y avait eu des périodes
où l'ordre public s'était effondré et où il avait
été impossible de maîtriser la violence d'origine ethnique
dirigée contre les Serbes. Le pays en acceptait la responsabilité.
D. Principaux sujets d'inquiétude
7. Le Comité était préoccupé par le préambule
de la Constitution, selon lequel la République de Croatie est définie
comme "l'Etat national de la nation croate comprenant des membres d'autres
nations et minorités qui en sont les citoyens". Il était
également préoccupé par la discrimination et les tracasseries
dont étaient victimes depuis longtemps les personnes d'origine serbe
résidant en Croatie. Il fallait déplorer, en particulier, la circulation
de listes de personnes groupées selon leur origine ethnique. Des purges
avaient été permises dans les services publics et la police était
identifiée au nationalisme d'extrême droite. On voyait souvent
des militaires porter des emblèmes fascistes en public, y compris en
Bosnie-Herzégovine. Des Serbes avaient été licenciés
dans les services de presse, et les arrestations ainsi que les disparitions
étaient chose courante. Des personnes étaient détenues
dans des conditions déplorables en Bosnie-Herzégovine dans des
lieux d'internement qui étaient placés sous le contrôle
de l'armée croate ou de factions militaires croates locales appuyées
par la République de Croatie.
La responsabilité internationale de la République de Croatie se
trouvait engagée du fait de ces événements.
8. Le Comité était convaincu qu'il y avait en Croatie des lieux
de détention qui n'avaient pas été signalés et où
des personnes étaient détenues souvent par des groupes privés.
De nombreuses personnes étaient illégalement détenues sans
aucune raison légitime. On les privait parfois de leur liberté
simplement pour pouvoir les échanger contre des prisonniers croates.
E. Recommandations
9. Le Gouvernement croate est instamment prié de lutter vigoureusement
contre toutes les manifestations de haine raciale. La circulation de listes
de personnes classées selon leur appartenance ethnique doit être
publiquement condamnée et les mesures appropriées doivent être
prises. Des efforts énergiques doivent être faits pour identifier
les lieux de détention non déclarés et pour veiller à
ce que seules les personnes ayant le statut de prisonnier de guerre soient détenues,
et ce dans des camps dûment notifiés et administrés conformément
aux Conventions de Genève et au Pacte. L'Etat doit accepter la responsabilité
des actes commis par les membres des forces armées en Croatie ainsi que
dans les autres territoires. Tous les membres du personnel militaire doivent
recevoir des instructions claires quant aux obligations qui leur incombent en
vertu du Pacte. Ce qui précède vaut également pour l'appui
accordé, directement ou indirectement, aux milices croates locales en
Bosnie-Herzégovine. Les responsables de violations des droits de l'homme
doivent être traduits rapidement en justice. A cet égard, les distinctions
existant entre les juridictions militaires et les juridictions civiles doivent
être révisées de manière à ce que les militaires
puissent être jugés et, s'ils sont reconnus coupables, punis dans
le cadre d'une juridiction civile normale.
*/ Adoptées à la 1205ème séance (quarante-sixième
session), le 6 novembre 1992.