Strasbourg, 26.XI.1987
Les Etats membres du Conseil de l'Europe, signataires de la présente Convention,
Vu les dispositions de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales;
Rappelant qu'aux termes de l'article 3 de la même Convention, «nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants»;
Constatant que les personnes qui se prétendent victimes de violations de l'article 3 peuvent se prévaloir du mécanisme prévu par cette Convention;
Convaincus que la protection des personnes privées de liberté contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants pourrait être renforcée par un mécanisme non judiciaire, à caractère préventif, fondé sur des visites.
Sont convenus de ce qui suit:
Chapitre I
Article 1er
Il est institué un Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (ci-après dénommé: «le Comité»). Par le moyen de visites, le Comité examine le traitement des personnes privées de liberté en vue de renforcer, le cas échéant, leur protection contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Article 2
Chaque Partie autorise la visite, conformément à la présente Convention, de tout lieu relevant de sa juridiction où des personnes sont privées de liberté par une autorité publique.
Article 3
Le Comité et les autorités nationales compétentes de la Partie concernée coopèrent en vue de l'application de la présente Convention.
Chapitre II
Article 4
Le Comité se compose d'un nombre de membres égal
à celui des Parties.
Les membres du Comité sont choisis parmi des personnalités
de haute moralité, connues pour leur compétence
en matière de droits de l'homme ou ayant une expérience
professionnelle dans les domaines dont traite la présente
Convention.
Le Comité ne peut comprendre plus d'un national du même
Etat.
Les membres siègent à titre individuel, sont indépendants
et impartiaux dans l'exercice de leurs mandats et se rendent disponibles
pour remplir leurs fonctions de manière effective.
Article 5
Les membres du Comité sont élus par le Comité
des Ministres du Conseil de l'Europe à la majorité
absolue des voix, sur une liste de noms dressée par le
Bureau de l'Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe;
la délégation nationale à l'Assemblée
Consultative de chaque Partie présente trois candidats
dont deux au moins sont de sa nationalité.
La même procédure est suivie pour pourvoir les sièges
devenus vacants.
Les membres du Comité sont élus pour une durée
de quatre ans. Ils ne sont rééligibles qu'une fois.
Toutefois, en ce qui concerne les membres désignés
à la première élection, les fonctions de
trois membres prendront fin à l'issue d'une période
de deux ans. Les membres dont les fonctions prendront fin au terme
de la période initiale de deux ans sont désignés
par tirage au sort effectué par le Secrétaire Général
du Conseil de l'Europe immédiatement après qu'il
aura été procédé à la première
élection.
Article 6
Le Comité siège à huis clos. Le quorum
est constitué par la majorité de ses membres. Les
décisions du Comité sont prises à la majorité
des membres présents, sous réserve des dispositions
de l'article 10, paragraphe 2.
Le Comité établit son règlement intérieur.
Le Secrétariat du Comité est assuré par le
Secrétaire Général du Conseil de l'Europe.
Chapitre III
Article 7
Le Comité organise la visite des lieux visés
à l'article 2. Outre des visites périodiques, le
Comité peut organiser toute autre visite lui paraissant
exigée par les circonstances.
Les visites sont effectuées en règle générale
par au moins deux membres du Comité. Ce dernier peut, s'il
l'estime nécessaire, être assisté par des
experts et des interprètes.
Article 8
Le Comité notifie au gouvernement de la Partie concernée son intention d'effectuer une visite. A la suite d'une telle notification, le Comité est habilité à visiter, à tout moment, les lieux visés à l'article 2.
Une Partie doit fournir au Comité les facilités
suivantes pour l'accomplissement de sa tâche:
a l'accès à son territoire et le droit de s'y déplacer
sans restrictions;
b tous renseignements sur les lieux où se trouvent des
personnes privées de liberté;
c la possibilité de se rendre à son gré dans
tout lieu où se trouvent des personnes privées de
liberté, y compris le droit de se déplacer sans
entrave à l'intérieur de ces lieux;
d toute autre information dont dispose la Partie et qui est nécessaire
au Comité pour l'accomplissement de sa tâche. En
recherchant cette information, le Comité tient compte des
règles de droit et de déontologie applicables au
niveau national.
Le Comité peut s'entretenir sans témoin avec les
personnes privées de liberté.
Le Comité peut entrer en contact librement avec toute personne
dont il pense qu'elle peut lui fournir des informations utiles.
S'il y a lieu, le Comité communique sur-le-champ des observations
aux autorités compétentes de la Partie concernée.
Article 9
Dans des circonstances exceptionnelles, les autorités
compétentes de la Partie concernée peuvent faire
connaître au Comité leurs objections à la
visite au moment envisagé par le Comité ou au lieu
déterminé que ce Comité a l'intention de
visiter. De telles objections ne peuvent être faites que
pour des motifs de défense nationale ou de sûreté
publique ou en raison de troubles graves dans les lieux où
des personnes sont privées de liberté, de l'état
de santé d'une personne ou d'un interrogatoire urgent,
dans une enquête en cours, en relation avec une infraction
pénale grave.
Suite à de telles objections, le Comité et la Partie
se consultent immédiatement afin de clarifier la situation
et pour parvenir à un accord sur des dispositions permettant
au Comité d'exercer ses fonctions aussi rapidement que
possible. Ces dispositions peuvent comprendre le transfert dans
un autre endroit de toute personne que le Comité a l'intention
de visiter. En attendant que la visite puisse avoir lieu, la Partie
fournit au Comité des informations sur toute personne concernée.
Article 10
Après chaque visite, le Comité établit
un rapport sur les faits constatés à l'occasion
de celle-ci en tenant compte de toutes observations éventuellement
présentées par la Partie concernée. Il transmet
à cette dernière son rapport qui contient les recommandations
qu'il juge nécessaires. Le Comité peut entrer en
consultation avec la Partie en vue de suggérer, s'il y
a lieu, des améliorations dans la protection des personnes
privées de liberté.
Si la Partie ne coopère pas ou refuse d'améliorer
la situation à la lumière des recommandations du
Comité, celui-ci peut décider, à la majorité
des deux tiers de ses membres, après que la Partie aura
eu la possibilité de s'expliquer, de faire une déclaration
publique à ce sujet.
Article 11
Les informations recueillies par le Comité à
l'occasion d'une visite, son rapport et ses consultations avec
la Partie concernée sont confidentiels.
Le Comité publie son rapport ainsi que tout commentaire
de la Partie concernée, lorsque celle-ci le demande.
Toutefois, aucune donnée à caractère personnel
ne doit être rendue publique sans le consentement explicite
de la personne concernée.
Article 12
Chaque année, le Comité soumet au Comité des Ministres, en tenant compte des règles de confidentialité prévues à l'article 11, un rapport général sur ses activités, qui est transmis à l'Assemblée Consultative et rendu public.
Article 13
Les membres du Comité, les experts et les autres personnes qui l'assistent sont soumis, durant leur mandat et après son expiration, à l'obligation de garder secrets les faits ou informations dont ils ont connaissance dans l'accomplissement de leurs fonctions.
Article 14
Les noms des personnes qui assistent le Comité sont
indiqués dans la notification faite en vertu de l'article
8, paragraphe 1.
Les experts agissent sur les instructions et sous la responsabilité
du Comité. Ils doivent posséder une compétence
et une expérience propres aux matières relevant
de la présente Convention et sont liés par les mêmes
obligations d'indépendance, d'impartialité et de
disponibilité que les membres du Comité.
Exceptionnellement, une Partie peut déclarer qu'un expert
ou une autre personne qui assiste le Comité ne peut pas
être admis à participer à la visite d'un lieu
relevant de sa juridiction.
Chapitre IV
Article 15
Chaque Partie communique au Comité le nom et l'adresse de l'autorité compétente pour recevoir les notifications adressées à son gouvernement et ceux de tout agent de liaison qu'elle peut avoir désigné.
Article 16
Le Comité, ses membres et les experts mentionnés à l'article 7, paragraphe 2, jouissent des privilèges et immunités prévus par l'annexe à la présente Convention.
Article 17
La présente Convention ne porte pas atteinte aux dispositions
de droit interne ou des accords internationaux qui assurent une
plus grande protection aux personnes privées de liberté.
Aucune disposition de la présente Convention ne peut être
interprétée comme une limite ou une dérogation
aux compétences des organes de la Convention européenne
des Droits de l'Homme ou aux obligations assumées par les
Parties en vertu de cette Convention.
Le Comité ne visitera pas les lieux que des représentants
ou délégués de puissances protectrices ou
du Comité international de la Croix-Rouge visitent effectivement
et régulièrement en vertu des Conventions de Genève
du 12 août 1949 et de leurs Protocoles additionnels du 8
juin 1977.
Chapitre V
Article 18
La présente Convention est ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l'Europe. Elle sera soumise à ratification, acceptation ou approbation. Les instruments de ratification, d'acceptation ou d'approbation seront déposés près le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe.
Article 19
La présente Convention entrera en vigueur le premier
jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois
mois après la date à laquelle sept Etats membres
du Conseil de l'Europe auront exprimé leur consentement
à être liés par la Convention conformément
aux dispositions de l'article 18.
Pour tout Etat membre qui exprimera ultérieurement son
consentement à être lié par la Convention,
celle-ci entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l'expiration
d'une période de trois mois après la date du dépôt
de l'instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation.
Article 20
Tout Etat peut, au moment de la signature ou au moment du dépôt
de son instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation,
désigner le ou les territoires auxquels s'appliquera la
présente Convention.
Tout Etat peut, à tout autre moment par la suite, par une
déclaration adressée au Secrétaire Général
du Conseil de l'Europe, étendre l'application de la présente
Convention à tout autre territoire désigné
dans la déclaration. La Convention entrera en vigueur à
l'égard de ce territoire le premier jour du mois qui suit
l'expiration d'une période de trois mois après la
date de réception de la déclaration par le Secrétaire
Général.
Toute déclaration faite en vertu des deux paragraphes précédents
pourra être retirée, en ce qui concerne tout territoire
désigné dans cette déclaration, par notification
adressée au Secrétaire Général. Le
retrait prendra effet le premier jour du mois qui suit l'expiration
d'une période de trois mois après la date de réception
de la notification par le Secrétaire Général.
Article 21
Aucune réserve n'est admise aux dispositions de la présente Convention.
Article 22
Toute Partie peut, à tout moment, dénoncer la
présente Convention en adressant une notification au Secrétaire
Général du Conseil de l'Europe.
La dénonciation prendra effet le premier jour du mois qui
suit l'expiration d'une période de douze mois après
la date de réception de la notification par le Secrétaire
Général.
Article 23
Le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe
notifiera aux Etats membres du Conseil de l'Europe:
a toute signature;
b le dépôt de tout instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation;
c toute date d'entrée en vigueur de la présente Convention conformément à ses articles 19 et 20;
d tout autre acte, notification ou communication ayant trait à la présente Convention, à l'exception des mesures prévues aux articles 8 et 10.
En foi de quoi, les soussignés, dûment autorisés à cet effet, ont signé la présente Convention.
Fait à Strasbourg, le 26 novembre 1987, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui sera déposé dans les archives du Conseil de l'Europe. Le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe en communiquera copie certifiée conforme à chacun des Etats membres du Conseil de l'Europe.
ANNEXE
Privilèges et immunités
(article 16)
Aux fins de la présente annexe, les références aux membres du Comité incluent les experts mentionnés à l'article 7, paragraphe 2.
Les membres du Comité jouissent, pendant l'exercice
de leurs fonctions ainsi qu'au cours des voyages accomplis dans
l'exercice de leurs fonctions, des privilèges et immunités
suivants:
a immunités d'arrestation ou de détention et de
saisie de leurs bagages personnels et, en ce qui concerne les
actes accomplis par eux en leur qualité officielle, y compris
leurs paroles et écrits, immunités de toute juridiction;
b exemption à l'égard de toutes mesures restrictives
relatives à leur liberté de mouvement: sortie de
et rentrée dans leur pays de résidence et entrée
dans le et sortie du pays dans lequel ils exercent leurs fonctions,
ainsi qu'à l'égard de toutes formalités d'enregistrement
des étrangers, dans les pays visités ou traversés
par eux dans l'exercice de leurs fonctions.
Au cours des voyages accomplis dans l'exercice de leurs fonctions,
les membres du Comité se voient accorder, en matière
de douane et de contrôle des changes:
a par leur propre gouvernement, les mêmes facilités
que celles reconnues aux hauts-fonctionnaires se rendant à
l'étranger en mission officielle temporaire;
b par les gouvernements des autres Parties, les mêmes facilités
que celles reconnues aux représentants de gouvernements
étrangers en mission officielle temporaire.
Les documents et papiers du Comité sont inviolables, pour
autant qu'ils concernent l'activité du Comité. La
correspondance officielle et autres communications officielles
du Comité ne peuvent être retenues ou censurées.
En vue d'assurer aux membres du Comité une complète
liberté de parole et une complète indépendance
dans l'accomplissement de leurs fonctions, l'immunité de
juridiction en ce qui concerne les paroles ou les écrits
ou les actes émanant d'eux dans l'accomplissement de leurs
fonctions continuera à leur être accordée
même après que le mandat de ces personnes aura pris
fin.
Les privilèges et immunités sont accordés
aux membres du Comité, non pour leur bénéfice
personnel, mais dans le but d`assurer en toute indépendance
l'exercice de leurs fonctions. Le Comité a seul qualité
pour prononcer la levée des immunités; il a non
seulement le droit, mais le devoir de lever l'immunité
d'un de ses membres dans tous les cas où, à son
avis, l'immunité empêcherait que justice ne soit
faite et où l'immunité peut être levée
sans nuire au but pour lequel elle est accordée.