MANUEL DE FORMATION SUR LA SURVEILLANCE DES DROITS HUMAINS

CHAPITRE I: INTRODUCTION


LES MATIERES

A. N�cessit� d'un Manuel de Formation

B. Publique Vis�s

C. Objectifs

D. D�finition des Termes Cl�s

1.) "Droits de l'homme" et "droit international humanitaire"

2.) "Surveillance"

3.) "�tablissement des faits"

4.) "Observation"

5.) "Violations des droits de l'homme" et "abus des droits de l'homme"

6.) "Fonctionnaire charg� des droits de l'homme"

 

A. N�CESSIT� D'UN MANUEL DE FORMATION

 

1. L'ONU a mis en �uvre des op�rations de terrain en mati�re de droits de l'homme dans divers pays comme la Bosnie-Herz�govine, le Burundi, le Cambodge, le Guatemala, Ha�ti, le Rwanda et le Salvador. Chacune de ces op�rations a comport� une fonction cl� consistant � surveiller la situation des droits de l'homme dans le pays. Et chaque fois, on a largement du �laborer une m�thodologie et des structures permettant d'assurer le travail de terrain, y compris le monitoring des droits de l'homme. Il s'agit d'un processus long, qui �loigne le moment o� devient effective toute mission concernant les droits de l'homme : six mois, un an ou davantage. Quand la d�cision est prise de mettre une mission en place, la situation des droits de l'homme dans le pays est d�j� le plus souvent critique. Tout autre retard doit donc �tre �vit�.

 

2. L'ONU a accumule une exp�rience toujours plus importante dans le domaine des op�rations de terrain concernant les droits de l'homme, tout en r�unissant un groupe de personnes ayant servi sur le terrain. Le pr�sent Manuel de formation est destin� � rassembler ces comp�tences, en mettant l'accent sur les t�ches de monitoring des droits de l'homme, et de les rendre accessibles aux futurs fonctionnaires charg�s des droits de l'homme (HRO) afin de donner � ceux-ci une formation plus efficace pour un travail syst�matique et professionnel.

 

3. Le plus souvent, il est si urgent d'envoyer du personnel sur le terrain que le temps manque pour former les HRO avant leur d�ploiement. Diverses exigences ont en outre parfois conduit � recruter des HRO poss�dant � des degr�s disparates l'exp�rience requise pour les t�ches qu'ils devaient accomplir : langues rares, disponibilit� vis-�-vis du risque physique, ou connaissance du pays. Ces raisons engendrent un fort besoin de formation sur site des HRO. Il est essentiel que ceux-ci re�oivent une formation compl�te, d�passant l'�ducation en mati�re de normes et proc�dures des droits de l'homme, et qui inclue un cadre de r�f�rence sur les techniques et le travail concret qu'ils devront mettre en �uvre - dont le travail de monitoring des droits de l'homme.

 

4. En cons�quence, ce Manuel de formation propose une vue globale de la doctrine et de la m�thodologie de le monitoring des droits de l'homme, telle que de prime abord elle est issue des op�rations de l'ONU en mati�re de droits de l'homme, et telle qu'elle doit s'y appliquer. Il pr�sente la l�gislation internationale applicable aux droits de l'homme et dans le domaine humanitaire; les d�marches permettant d'identifier les violations des droits de l'homme, de rassembler des informations, de proc�der � des interrogatoires, de rendre visite � des personnes d�tenues, de rendre visite � des personnes d�plac�es dans des camps, de surveiller le retour de r�fugi�s et de personnes d�plac�es dans leur pays, d'observer des proc�s, d'observer des �lections, de surveiller des manifestations publiques, de surveiller le respect des droits �conomiques, de r�diger des rapports, d'intervenir aupr�s des autorit�s locales, et toute autre forme de suivi; l'histoire des standards des Nations Unies en mati�re de monitoring; c. En outre, ce Manuel dispense des propositions de normes visant le travail des HRO dans leurs op�rations de terrain, et portant �galement sur la mani�re dont ils peuvent faire face au stress et aux probl�mes de s�curit� qu'ils vont rencontrer.

 

5. Ce Manuel de formation est destin� � un usage g�n�rique d'avant-d�ploiement pour les contr�leurs des droits de l'homme, ou bien � servir de base en vue de d�velopper des manuels sp�cifiques � un pays. Dans ce dernier cas, il devra �tre compl�t� et examin� � la lumi�re du mandat, de la situation de fait, et de tout autre contexte d'op�rations futures concernant les droits de l'homme. Ce Manuel s'inspire de nombreux principes de monitoring commun�ment admis, que devraient observer toutes les op�rations de terrain de l'ONU. Or chacune de celles-ci sera investie d'un mandat diff�rent, munie de ressources diff�rentes, et confront�e � des probl�mes de droits de l'homme diff�rents, et ce dans des contextes eux-m�mes tr�s vari�s. Le pr�sent Manuel, dans sa tentative de constituer un outil m�thodologique et formateur pour toute cette gamme d'op�rations, doit �tre compl�t� pour �tre utilis� dans toute mission de terrain concernant les droits de l'homme � la lumi�re de son mandat sp�cifique et de ses circonstances particuli�res ainsi que selon le jugement de ses responsables. En effet, de nombreux aspects de ce Manuel comportent des jugements politiques qui doivent �tre soigneusement pes�s par les responsables des op�rations en mati�re de droits de l'homme, afin d'assurer qu'ils concordent avec les n�cessit�s de la mission. De m�me, les HRO rechercheront sur ces questions les conseils des responsables des op�rations concernant les droits de l'homme.

 

6. Toute mission de terrain concernant les droits de l'homme re�oit ses termes de r�f�rence propres, ou mandat, de l'institution des Nations Unies qui l'autorise - par exemple le Conseil de s�curit� ou le Conseil �conomique et social (ECOSOC) -, ou bien aux termes d'un accord entre l'ONU et le pays h�te. Ces mandants sont souvent semblables d'une mission � l'autre, mais il y existe des diff�rences. Ainsi, la vocation et l'�tendue d'un mandat de monitoring des droits de l'homme peuvent varier consid�rablement selon la mission. Si le pr�sent Manuel peut offrir des conseils sur la mani�re d'interpr�ter ces mandats et sur les normes juridiques internationales qui sous-tendent les principaux aspects des mandats typiques de monitoring confi�s � des op�rations pass�es, ce n'est que lorsque le mandat d'une mission sp�cifique a �t� d�fini qu'il devient possible de mettre au point une doctrine faisant autorit�. Par cons�quent, d�s lors qu'une mission de terrain se trouve autoris�e, il devient n�cessaire de compl�ter ce Manuel en y ajoutant les �l�ments particuliers pertinents � cette nouvelle op�ration.

 

7. G�n�rique, ce Manuel est destin� � servir dans des situations diverses, et il ne contient donc pas de donn�es sp�cifiques � un pays donn�; il donne en revanche une id�e du type de documents sp�cifiques au pays qui sont n�cessaires � la formation des HRO afin de les mettre � m�me d'accomplir leurs t�ches de monitoring, lesquels documents comprendront des informations sur la g�ographie, l'histoire, l'�conomie, la population, le syst�me de gouvernement, les religions, les langues, les conflits ethniques, le statut des r�fugi�s et des personnes d�plac�es, la culture et les coutumes, les ratifications de trait�s concernant les droits de l'homme, les autres organisations internationales pr�sentes dans le pays, les organisations non-gouvernementales, et toutes autres informations concernant la situation des droits de l'homme. Ce Manuel fournit donc les indications n�cessaires � sa propre mise � jour dans des situations nationales pr�cises. � cet �gard, les �l�ments compl�mentaires devront prendre en compte l'estimation des besoins qui pr�c�de habituellement l'autorisation d'une mission de terrain concernant les droits de l'homme. D�s qu'une telle op�ration est effectivement lanc�e, il devient indispensable de rassembler ces �l�ments contextuels (voir Chapitre II : "Le contexte local").

 

8. Dans ce Manuel de formation, on trouvera des chapitres qui ont besoin de suppl�ments, et d'autres superflus puisque non pertinents au mandat d'une mission de terrain particuli�re. C'est ainsi que le Chapitre IX : "Visiter les personnes d�tenues" ou le Chapitre XI : "Surveiller et prot�ger les droits humains des personnes rapatri�es ou d�plac�es (IDP)" peuvent se voir compl�ter par des informations caract�ristiques du pays. Dans le m�me temps, le mandat de chaque op�ration de terrain sera diff�rent : il est donc peu probable qu'une mission quelconque soit mandat�e pour chaque chapitre de la IIIe Partie "La fonction de monitoring". D'o� suit que, par exemple, le Manuel de formation de terrain consacr� � une mission particuli�re pourra se dispenser de diverses sections, comme le Chapitre X : "Surveiller et prot�ger les droits humains des r�fugi�s et/ou des personnes d�plac�es vivant dans des camps" ou le Chapitre XIV : "Observation des �lections".

 

9. Le chef de la mission de terrain sera d�sign� d�s que possible, afin qu'il ou elle soit en mesure de prendre les d�cisions politiques et organisationnelles n�cessaires pour compl�ter et appliquer les indications du pr�sent Manuel dans la mission en question. En fait, il conviendrait que le chef des op�rations choisisse aussit�t que possible une personne susceptible de s'acquitter de la t�che critique consistant � compl�ter ce Manuel. Dans l'id�al, c'est la personne responsable concr�tement de la formation pour cette op�ration de droits de l'homme qui serait �galement charg�e d'adapter ce Manuel.

 

10. Ce "charg� de formation" travaillerait en �troite consultation avec le chef de la mission, et avec le personnel charg� de son lancement. Ce travail de mise � jour du Manuel peut d�buter au si�ge de New York ou de Gen�ve, pour peu que le charg� de formation ait acc�s au texte de ce nouveau mandat et aux informations utiles sur le pays concern�, notamment les particularit�s des droits de l'homme et de la situation politique, aussi bien que les conditions de travail locales. Une attention sp�ciale sera pr�t�e � l'estimation des besoins qui devrait pr�c�der (et pr�c�de souvent) toute autorisation d'op�ration de terrain en mati�re de droits de l'homme.

 

11. Le charg� de formation devrait �tre d�ploy� d�s que possible dans le pays d'op�ration. En prenant pour base les chapitres du Manuel, et sous la conduite du chef de la mission, quelques semaines lui seront n�cessaires pour �laborer les compl�ments. Divers types de supports contextuels seront � rassembler (voir Chapitre II : "Le contexte local").

 

12. Les �l�ments additionnels du Manuel de formation n'ont pas � �tre complets. Il est prioritaire de mettre � disposition du nouveau personnel arrivant les informations les plus essentielles dans le cadre de sa formation, et d'utiliser ce Manuel de formation et ses compl�ments comme moyen d'orienter les nouveaux HRO, tout en pr�cisant la m�thodologie et la politique relatives � la situation particuli�re de la mission.

 

13. Il s'ensuit que les �l�ments de formation compl�mentaires doivent �tre mis � jour � mesure que la situation �volue dans le pays, et que se d�veloppe la mission de terrain elle-m�me. Certains chapitres pourront �tre adapt�s en r�ponse � un �v�nement particulier. Par exemple, le retour imminent de 100 000 r�fugi�s peut conduire � mettre � jour la formation, la conduite des op�rations, et la m�thode employ�e pour surveiller le respect des droits humains des rapatri�s.

 

14. Pour mettre � jour les �l�ments compl�mentaires de formation, le charg� de formation travaillera �troitement sur chaque chapitre avec les autres HRO. Ainsi, par exemple, le ou les HRO charg� de surveiller les conditions de d�tention (s'il en existe) peut contribuer � faire �voluer la m�thodologie et les �l�ments du Chapitre IX : "Visites aux personnes d�tenues". Autant que possible, les HRO impliqu�s dans la mission auront la possibilit� de participer � la mise � jour r�guli�re et au d�veloppement de ce mat�riel de formation suppl�mentaire. Chaque fonctionnaire aura son mot � dire, et l'engagement de l'ensemble du personnel permettra de faire en sorte que ce manuel, compl�t� de ses suppl�ments de formation, refl�te la plus large exp�rience, tout en assurant que chacune et chacun contribue � am�liorer et � pr�ciser le travail accompli.

 

B. PUBLICS VIS�S

 

15. Ce Manuel de formation est destin� � divers interlocuteurs directs ainsi qu'� un public indirect plus large. Il s'adresse en premier lieu aux responsables de la formation des HRO devant assurer des fonctions de monitoring des droits de l'homme dans des op�rations de terrain de l'ONU. Cette formation peut se d�rouler avant le d�ploiement des HRO dans le pays d'op�ration, ou bien sur le site. En deuxi�me lieu, ce Manuel concerne le HRO d'une mission de terrain choisi pour le compl�ter et l'adapter � la lumi�re du mandat, des circonstances et des politiques de la mission en question (c'est-�-dire pour �tablir une version du Manuel sp�cifique au pays et � la mission), de telle mani�re qu'il puisse servir de guide � tous les HRO. En outre, ce Manuel de formation devrait �tre utile � tout chef d'op�ration de terrain en mati�re de droits de l'homme, pour �laborer les politiques de cette op�ration particuli�re. Il servira par ailleurs, accompagn� du Guide du formateur, aux fonctionnaires responsables de la formation initiale ou continue des HRO dans le pays d'op�ration. Il sera enfin utile aux HRO recevant orientation et instruction, que ce soit avant ou apr�s leur d�ploiement.

 

16. Le Manuel de formation peut �galement s'av�rer utile � d'autres organisations partenaires, comme le Haut-Commissariat aux r�fugi�s (HCR), le Fonds des Nations unies pour l'enfance (FISE-UNICEF), le Comit� international de la Croix-rouge (CICR), l'Organisation des �tats am�ricains (OEA), et l'Organisation pour la s�curit� et la coop�ration en Europe (OSCE), qui souhaiteraient former leur personnel dans le domaine de le monitoring des droits de l'homme.

 

17. De plus, ce manuel peut aider d'autres organisations intergouvernementales ou non-gouvernementales engag�es dans le domaine des droits de l'homme, pour former leurs personnels et d�velopper leurs propres m�thodes.

 

18. Les b�n�ficiaires ultimes de ce manuel seront les individus et les communaut�s dont les droits humains sont menac�s ou viol�s, et qui peuvent compter sur l'assistance susceptible d'�tre fournie � travers les op�rations de terrain visant les droits de l'homme.

 

C. OBJECTIFS

 

19. L'objectif global de ce manuel consiste � am�liorer l'efficacit�, le professionnalisme et l'impact des op�rations de terrain concernant les droits de l'homme dans la mise en �uvre de leurs mandats de monitoring. Les objectifs sp�cifiques du Manuel consistent � :

a) informer quant aux normes humaines internationales pertinentes aux op�rations de terrain de l'ONU;

b) informer quant aux techniques de monitoring des droits de l'homme et encourager au d�veloppement des capacit�s en rapport chez les fonctionnaires des Nations Unies charg�s des droits de l'homme et chez les autres professionnels des droits de l'homme.

 

20. Ce Manuel est principalement destin� � former le personnel des op�rations de terrain visant les droits de l'homme, affect�s sur le site pendant une p�riode cons�quente (par exemple, au moins six mois) en nombre cons�quent (par exemple dix personnes au moins, et habituellement davantage) pour y remplir une fonction essentiellement de monitoring. Mais la plupart de ses chapitres traitent de techniques qui peuvent s'adapter � des activit�s concernant les droits de l'homme de moindre ampleur, de moindre dur�e et de moindre �tendue.

 

21. Le lecteur voudra bien garder � l'esprit que ce Manuel n'est pas consacr� � un seul th��tre d'op�rations ni � un seul pays. Chaque mission de terrain est diff�rente des pr�c�dentes, puisque le mandat lui-m�me est diff�rent, tout comme les probl�mes de droits de l'homme et les circonstances qui pr�valent dans chaque pays. On ne saurait non plus oublier que ce Manuel vise d'abord une seule des fonctions possibles des missions de terrain, � savoir surveiller les violations des droits de l'homme.

 

22. Enfin, le Manuel des missions de terrain concernant les droits de l'homme ne constitue pas une panac�e � propos des violations ou conflits pouvant survenir. Les HRO doivent �tre conscients du fait que, bien souvent, ils ne peuvent changer le cours des �v�nements, et ne doivent pas se sentir responsables de faits qu'ils ne peuvent pas changer. L'action des HRO est �galement limit�e par les normes internationales qu'ils ont eux-m�mes pour but de mettre en place, ainsi que par les principes fondamentaux de le monitoring : ne pas cr�er de dommages; respecter son mandat; exercer un jugement perspicace; c.). On trouvera ces principes mieux d�velopp�s dans la Ve Partie : "Le fonctionnaire des droits de l'homme" comme au Chapitre V : "Principes fondamentaux de le monitoring".

 

D. D�FINITION DES TERMES-CL�S

 

1. "Droits de l'homme" et "droit international humanitaire"

 

23. Les droits de l'homme apportent des garanties l�gales universelles prot�geant les individus et les groupes contre tout acte d'un �tat portant atteinte aux libert�s fondamentales et � la dignit� humaine. La l�gislation internationale relative aux droits de l'homme oblige les �tats � accomplir certaines t�ches, et leur interdit d'en accomplir d'autres. Parmi les caract�ristiques les plus fr�quemment invoqu�es � propos des droits de l'homme, on rencontre :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

24. Au cours du XXe si�cle, le terme de "droits de l'homme" r�sumait ceux des droits garantis par la Charte internationale des droits de l'homme, qui comprenait la D�claration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits �conomiques, sociaux et culturels, et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR) ainsi que son Protocole facultatif. Mais au cours des ann�es, les instruments relatifs aux droits de l'homme sur le plan international et r�gional ont nettement explicit� les droits �nonc�s dans la Charte. Les "droits de l'homme" se d�finissent aujourd'hui avec bien plus de pr�cision et de sp�cificit�. La l�gislation internationale des droits de l'homme prot�ge ainsi d�sormais davantage les personnes et groupes vuln�rables, y compris les enfants, les groupes autochtones, les r�fugi�s et d�plac�s, et les femmes. En outre, certains instruments concernant les droits de l'homme en ont �largi la d�finition en �tablissant des droits nouveaux (1).

 

25. Le "droit international humanitaire" peut se d�finir comme la partie du droit international qui est destin�e � assurer le respect des principes g�n�raux de l'humanit� dans des situations de conflit international arm�, et (� un moindre degr�) de conflit arm� int�rieur. N� du droit international coutumier, des premi�res tentatives de codification, et des trait�s adopt�s lors des Conf�rences de la Haye en 1899 et 1907, le droit international humanitaire prend ses sources principales dans les quatre Conventions de Gen�ve de 1949 et dans les deux Protocoles de 1977 additionnels � ces Conventions.

 

26. Si la plupart des droits de l'homme sont per�us comme des droits de l'individu vis-�-vis de l'�tat, les normes du droit humanitaire peuvent �galement s'appliquer � des acteurs non-�tatiques, tels que des groupes d'opposition arm�s, des entreprises, des institutions financi�res internationales et des individus perp�trant des violences familiales, qui commettent des violations des droits de l'homme. La campagne en faveur de l'abolition de l'esclavage, l'un des premiers efforts de protection des droits de l'homme, visait � interdire aux acteurs priv�s de d�tenir des esclaves ou d'en faire commerce (2). Selon l'article 3 commun aux Conventions de Gen�ve de 1949 et les Protocoles additionnels de 1977 � celles-ci, le droit international humanitaire s'applique aux groupes d'opposition arm�s. Il existe en outre une s�rie de trait�s relatifs aux d�tournements d'avions, aux enl�vements de diplomates, etc. Plus r�cemment, les normes internationales concernant les droits de l'homme se sont attach�es aux responsabilit�s des �tats dans l'interdiction faite aux individus de commettre des actes contraires aux droits de l'homme dans les domaines de la violence familiale, des mutilations sexuelles f�minines, etc. Les Directives de Maastricht relatives aux violations des droits �conomiques, sociaux et culturels, adopt�es le 26 janvier 1997 par un groupe de 30 juristes, experts internationaux (3), �tablissent que ...

 

L'obligation de prot�ger requiert que les �tats pr�viennent la violation de ces droits par de tierces parties. Ainsi, le manquement d'assurer que les employeurs priv�s se conforment aux normes minimales r�gissant le travail peut �quivaloir � une violation des droits de travailler ou du droit � des conditions de travail justes et favorables... (directive 6).

 

27. En somme, le terme de "droits de l'homme" peut actuellement se comprendre, aux fins du pr�sent Manuel, comme incluant � la fois les droits traditionnellement d�finis par la Charte internationale des droits de l'homme, aussi bien que l'extension de cette d�finition aux droits garantis par le droit international humanitaire. En outre, les normes applicables aux droits de l'homme sont d�sormais per�ues comme opposables � certains acteurs non-�tatiques, ou tout au moins comme rendant les �tats responsables de pr�venir certains abus commis par des individus (4). Il est cependant important de noter que les mandats confi�s aux Nations Unies pour de nombreuses op�rations de monitoring des droits de l'homme peuvent et devraient se d�finir en fonction des droits de l'homme les plus menac�s dans un pays particulier, et les plus aptes � �tre trait�s par un nombre r�duit de HRO.

 

2. "Surveillance"

 

28. Le "monitoring" est un terme de sens large, d�crivant la collecte active, la v�rification et l'usage imm�diat d'informations en vue de r�soudre des probl�mes de droits humains. Le monitoring des droits de l'homme peut revenir � r�unir des informations sur des incidents, � observer des �v�nements (�lections, proc�s, manifestations, etc.), � visiter des sites tels que des lieux de d�tention ou des camps de r�fugi�s, � s'entretenir avec les autorit�s gouvernementales afin d'obtenir des renseignements, de parvenir � des rem�des et d'assurer tout autre suivi imm�diat. Ce terme recouvre les activit�s d'�valuation conduites au Si�ge de l'ONU ou aupr�s du bureau central des op�rations, aussi bien que les activit�s de premi�re main consistant � collecter des donn�es ou autres travaux de terrain. Le monitoring rev�t de plus une qualit� temporelle, dans la mesure o� il s'exerce le plus souvent sur une p�riode prolong�e.

 

3. "�tablissement des faits"

 

29. L'"�tablissement des faits" d�signe un processus par lequel on tire des conclusions de faits �tablis par les activit�s de monitoring. L'"�tablissement des faits" est donc n�cessairement un terme plus �troit que celui de "monitoring". Il comporte une grande part de collecte d'informations de mani�re � �tablir et � v�rifier les faits concernant une pr�sum�e violation des droits de l'homme. En outre, la recherche des faits comporte une exigence de fiabilit� reposant sur le recours � des proc�dures commun�ment admises et sur une r�putation �tablie d'�quit� et d'impartialit�.

 

4. "Observation"

 

30. L'"observation" �voque habituellement un processus plus passif, consistant � assister � des �v�nements tels qu'assembl�es, proc�s, �lections ou manifestations. Cet aspect de le monitoring des droits de l'homme exige une pr�sence sur le terrain.

 

5. "Violations des droits de l'homme" et "abus des droits de l'homme"

 

31. Les "violations des droits de l'homme" recouvrent des transgressions par les �tats des droits garantis par le droit humanitaire national, r�gional et international et les actes et omissions directement imputables � l'�tat comportant un manquement � la mise en �uvre d'obligations l�gales d�riv�es des normes concernant les droits de l'homme. Les violations interviennent lorsqu'une loi, une politique ou une pratique contrevient d�lib�r�ment �, ou ignore d�lib�r�ment, des obligations incombant � l'�tat, ou lorsque l'�tat s'abstient d'une norme de conduite requise ou d'un r�sultat requis. Des violations suppl�mentaires interviennent lorsqu'un �tat d�roge � ou supprime des protections des droits de l'homme existantes.

 

32. Tous les droits humains (civils, culturels, �conomiques, politiques et sociaux) imposent aux �tats trois types d'obligations distinctes : respecter, prot�ger, et faire. Le manquement d'un �tat � l'une quelconque de ces obligations constitue une violation des droits de l'homme.

 

33. Bien que la r�alisation enti�re de certains aspects de certains droits ne soit possible que de mani�re progressive, cela n'alt�re pas la nature des obligations l�gales des �tats, et ne signifie pas non plus que tous les droits comportent des composantes qui sont toujours sujettes � une application imm�diate.

 

34. Pour ce qui concerne sp�cifiquement les droits �conomiques, sociaux et culturels, des violations peuvent intervenir aussi lorsque l'�tat manque � satisfaire "les niveaux minimums essentiels des droits" �nonc�s par l'ICESCR, et donc un �tat o� "toutes personnes en nombre significatif sont priv�es d'aliments essentiels, de soins de sant� primaires essentiels, d'abri et de logement de base, ou des formes les plus �l�mentaires de l'�ducation, se trouve, � premi�re vue, en violation de l'ICESCR". Ces obligations minimales de base s'appliquent sans �gard � la disponibilit� de ressources dans le pays concern�, ni � quelque autre facteur ou difficult�.

 

35. Toute discrimination fond�e sur l'all�gation de la race, la couleur, le sexe, la langue, l'opinion politique ou autre, l'origine nationale ou sociale, la richesse, la naissance ou tout autre statut ayant pour effet d'annihiler ou d'alt�rer l'�gale jouissance ou exercice de tout droit de l'homme est constitutive d'une violation des droits de l'homme.

 

36. Le pr�sent Manuel utilise le terme de "abus des droits de l'homme" dans un sens plus large que "violations", et recouvre les violations commises par la conduite des acteurs non-�tatiques.

 

6. "Fonctionnaire charg� des droits de l'homme"

 

37. Le "fonctionnaire charg� des droits de l'homme" est un membre du personnel d'une organisation ou op�ration de terrain de l'ONU concernant les droits de l'homme, charg� d'accomplir des fonctions de monitoring, d'information, d'assistance technique, de promotion, ou autres. On l'a vu pr�c�demment, ce Manuel n'est consacr� qu'� une seule des fonctions �ventuelles du HRO en op�ration de terrain, celle consistant � surveiller la situation des droits de l'homme. C'est en ce sens qu'il convient d'entendre le terme de "fonctionnaire charg� des droits de l'homme" (HRO) dans le pr�sent Manuel. Dans une mission de terrain de l'ONU, le HRO pourra travailler dans un bureau local, � l'�cart du bureau central, ou bien dans ce dernier, pour analyser l'information, r�diger des rapports, exercer des activit�s diverses, etc.

 

38. En g�n�ral, le travail essentiel du HRO ne consiste pas en t�ches de secr�tariat, ni d'assistance informatique, logistique ou autre, vis-�-vis de la mission de terrain. Ces fonctions sont celles du personnel d'appui. Afin de pr�server le caract�re international de la mission de terrain, les nationaux du pays o� celle-ci se d�roule ne servent normalement pas en tant que HRO; mais de nombreuses autres fonctions peuvent �tre remplies par du personnel national dans le cadre d'une mission.

 

 

 

___________________

1. Voir par exemple la Déclaration des droits des personnes handicapées, rés. AG 3447 (XXX) (1975); ou la Déclaration sur le droit au développement, rés. 41/128 (1986).

2. Voir l'Acte général de la Conférence de Bruxelles de 1890; la Convention de Saint-Germain en Laye de 1919; et la Convention relative à l'esclavage de 1926, entrée en vigueur le 9 mars 1927.

3. Publiées dans Human Rights Quarterly, février 1998, vol. 20 no. 1.

4. Voir Andrew Clapham, Human Rights in the Private Sphere 95-133 (1993).

 


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