MANUEL DE FORMATION SUR LA SURVEILLANCE DES DROITS HUMAINS
CHAPITRE 20 : RAPPORTS
SUR LES DROITS DE L'HOMME
MATIÈRES
A. Introduction
B. Les Principes Généraux des Rapports Concernant les Droits de l'Homme
C. Les Rapports Internes à la Mission de Droits de l'Homme
1. Les rapports (1) constituent une part essentielle de la fonction de monitoring des droits de l'homme. Ils doivent être adaptés au mandat de la mission de droits de l'homme, comme aux besoins des fonctionnaires qui la dirigent. On fera dans ce chapitre une distinction entre les rapports à usage interne et externe. Du point de vue d'une mission de terrain précise, les rapports internes sont ceux établis par le personnel de la mission à son usage exclusif. Les rapports externes étant ceux produits par la mission sur la base de renseignements fournis par les rapports internes, mais destinés à une diffusion plus large, par exemple auprès des sièges de l'ONU à Genève ou New York, d'autres organes de l'ONU (comme l'Assemblée générale ou la Commission des droits de l'homme), ou bien des mécanismes de l'ONU (rapporteurs par pays ou thématiques, ...), ou enfin de la communauté internationale et des médias.
2. Parfois les HRO, et notamment ceux qui travaillent dans les établissements de la mission autres que le bureau central de la mission, pourront percevoir leur travail de rédaction de rapports comme franchement annexe par rapport au travail concret qu'ils et elles accomplissent en faveur des droits de l'homme. Ces personnes peuvent en arriver à se lasser des demandes constantes en provenance d'un bureau central exigeant une litanie de rapports rédigés de façon bien déterminée. C'est pourquoi il est extrêmement important que ces fonctionnaires soient informés des raisons pour lesquelles ces rapports leur sont demandés, et de l'usage qui en sera fait. Savoir exactement ce qui sera fait de leur rapport aidera grandement les HRO à le rédiger. Il conviendra donc de leur faire prendre conscience que leurs rapports internes seront par la suite employés dans la compilation de rapports à usage externe. Enfin, en vue d'assurer l'exhaustivité et l'exactitude des rapports, toute mission de terrain établira clairement, dès que possible, une structure de reporting.
3. Le présent chapitre présente quelques proposition concernant les différents types de rapports éventuellement rédigés par la mission de terrain, ainsi que des usages qui peuvent en être faits. On donnera également quelques directives à propos de la rédaction de ces rapports et de l'utilisation des formulaires.
B. LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DES RAPPORTS CONCERNANT LES DROITS DE L'HOMME
1. Exactitude et précision
4. La première étape dans l'établissement de tout rapport consiste à vérifier les informations reçues. Il est impossible d'établir des rapports ou d'intervenir auprès des autorités sans disposer d'une base d'informations vérifiées, croisées et recoupées. Ce n'est qu'après une enquête complète, et après vérification de toute information, que le HRO pourra par exemple entreprendre de rédiger une description d'une violation de droits de l'homme sur la base d'éléments constatés.
5. Le reporting concernant les droits de l'homme est susceptible de prendre des formes différentes, mais certains éléments seront toujours indispensables aux rapports d'un(e) HRO de l'ONU. En premier lieu, le rapport sera toujours précis et exact. Il ne sera pas fondé sur la rumeur publique ou sur des informations invérifiées. Bien évidemment, les allégations les plus graves imposeront aux HRO des obligations de précaution d'autant plus grandes dans la précision des faits rapportés.
2. Célérité
6. En deuxième lieu, le rapport sera soumis rapidement. Le HRO devra rassembler les éléments disponibles et rédiger son rapport tant que l'affaire est encore fraîche dans sa mémoire. Procéder ainsi est d'une importance particulière lorsque le fonctionnaire doit s'enquérir et rapporter à propos de nombreuses affaires présentant des caractères analogues. La vitesse de réaction est en outre déterminante pour l'efficacité de l'intervention de la mission de l'ONU auprès des autorités.
3. Pragmatisme
7. Troisièmement, le rapport prédisposera à l'action. Le HRO mettra en avant ses recommandations concernant les prochaines démarches à entreprendre. L'importance de ce pragmatisme tient à ce que ce fonctionnaire sera sans doute dans la meilleure position pour évaluer l'état de la situation et juger des actions qui s'imposent.
C. LES RAPPORTS INTERNES À LA MISSION DE DROITS DE L'HOMME
8. Le plus souvent, ces rapports internes seront rédigés par chaque HRO ou par les bureaux locaux (2) de la mission, puis soumis au bureau central de la mission. Les HRO se tiendront donc informés des structures et fonctions de la mission de droits de l'homme dans le pays et/ou la région où ils seront en poste, afin de savoir où ils se situent dans le circuit de l'information et à qui ils ont à faire rapport. En effet, des questions différentes seront rapportées à des services ou individus différents. Les affaires urgentes pourront devoir être rapportées à des instances autres que celles, moins pressantes, concernant des plaintes individuelles ou évaluations générales de la situation. On fournira aux HRO les formulaires nécessaires aux rapports concernant les divers types d'affaires urgentes, d'affaires individuelles et d'évolutions générales. Ces formulaires seront employés afin de rapporter les renseignements requis sous forme structurée. La présente section prévoit la nécessité d'au moins quatre types de rapports internes : les rapports périodiques (y compris ceux portant sur des activités spécialisées); les rapports d'urgence; les rapports d'entretiens; et les rapports sommaires sur des incidents particuliers.
1. Les rapports périodiques
9. Il sera demandé à chaque bureau ou fonctionnaire local d'établir des rapports afin :
10. Dans certaines missions, ces rapports sont requis à intervalles hebdomadaires; mais dans d'autres, il a fallu établir des rapports périodiques chaque jour, ou toutes les deux semaines, ou encore mensuellement. Le cas le plus fréquent dans les missions de droits de l'homme semble être celui de rapports mensuels, mais la fréquence des rapports doit refléter à la fois la situation, le temps dont on dispose pour les établir, la possibilité pour les HRO de se réunir au bureau central, et les besoins de la hiérarchie. En effet, les rapports périodiques devraient normalement être rédigés de manière à coïncider avec les réunions régulières au bureau central de membres de chaque bureau local, pratique habituelle dans toute mission, de façon à permettre d'évaluer les progrès accomplis et de fixer de nouveaux objectifs. Les rapports périodiques feront état des tendances tant positives que négatives.
11. Les rapports périodiques décriront toutes les activités majeures du bureau ou du fonctionnaire qui les soumettront. L'Annexe 1 à ce chapitre propose un modèle de formulaire de rapport périodique, instrument destiné à aider à évaluer les résultats obtenus et à préparer l'avenir. Ce modèle sera adapté selon le mandat et les besoins de la mission et de la hiérarchie. Ainsi, ce formulaire présume de certains aspects du mandat, alors que celui-ci diffère pour chaque mission.
12. Les rapports internes "périodiques" de la mission pourront
éventuellement couvrir les thèmes suivants :
- la détention
- le monitoring des rapatriés
- le monitoring des manifestations
- le monitoring des élections
- l'assistance au système judiciaire
- l'assistance aux ONG
- etc.
13. Sous chaque chapitre, les informations seront fournies pour chaque domaine spécifique du mandat de la mission. Si certains HRO sont spécifiquement responsables de certains de ces domaines spécifiques, par exemple la détention, l'observation des procès, etc., des rapports d'activités spécialisées pourront être annexés aux rapports périodiques pour chacun de ces domaines. On pourra annexer également d'autres documents, tels que des formulaires d'entretien ou autres, afin de contribuer à faire comprendre la situation ou les recommandations du rapport. Un certain chevauchement entre les différents chapitres est donc inévitable, et l'unité chargée du reporting au sein du bureau central s'efforcera de limiter ces doublons à leur minimum.
14. Les rapports des bureaux ou fonctionnaires locaux permettent au bureau central de suivre les activités de chaque bureau, de planifier et d'élaborer les stratégies permettant de faire face à l'évolution de la situation, de maintenir sa connaissance de la situation des droits de l'homme, et de rédiger un rapport périodique unique pour l'ensemble de la mission, à usage externe (voir ci-dessous).
2. Les rapports d'urgence
15. Il se produit parfois dans la situation des droits de l'homme des événements exigeant l'attention prompte ou immédiate du bureau central. Il peut s'avérer nécessaire, pour que la mission prenne action rapidement au niveau national, de traiter très vite un problème particulier rencontré par son personnel au niveau local. Les rapports d'urgence sont précisément destinés à fournir les renseignements les plus essentiels permettant au bureau central d'entreprendre les démarches nécessaires. On trouvera donc à cet effet en Annexe 2 un formulaire type de rapport d'urgence. Certaines missions de droits de l'homme ont intitulé les rapports d'urgence "rapport flash" ou encore "rapport d'action d'urgence".
16. Étant donné que tout rapport d'urgence doit parvenir à destination aussi vite que possible, il ne sera pas toujours indiqué de le porter manuellement du bureau de terrain au bureau central. C'est en partie pour cette raison que le formulaire de rapport d'urgence est suffisamment bref pour pouvoir être transmis par télécopie. Exceptionnellement, et si la télécopie s'avère impossible, les informations figurant au rapport pourront être transmises par radio ou par téléphone. Le formulaire de rapport d'urgence sera structuré de manière à faciliter cette communication de renseignements par radio ou par téléphone. Il n'en demeure pas moins qu'a priori aucune information confidentielle ne sera transmise ni par radio ni par téléphone.
3. Les rapports d'entretien
17. Il sera usuel pour les HRO de conduire des entretiens, que ce soit dans le cadre d'enquêtes sur des violations des droits de l'homme alléguées, ou dans celui du monitoring de certaines activités, comme les manifestations de réfugiés rapatriés. On se référera pour cela au Chapitre 8 - "L'entretien", dont quelques considérations sont résumées ci-dessous.
a. L'utilisation du formulaire d'entretien
18. On trouvera en Annexe 3 à ce chapitre un formulaire de questionnement ou d'entretien. Ce formulaire apporte à l'interviewer une idée des questions pouvant être évoquées au cours de l'entretien, et ce plus ou moins dans l'ordre où elles se poseront sans doute. Il commence ainsi sur une question très ouverte permettant au témoin éventuel de faire son récit sans excès d'interventions ou d'interruptions concernant des questions annexes. Néanmoins, ce questionnaire est conçu pour enregistrer les résultats de l'entretien, et non pas comme un protocole d'interrogatoire.
19. Pour le fonctionnaire, il est infiniment plus important d'écouter ce que le témoin a à dire que de suivre l'ordre du formulaire, ou même de le remplir. Ayant entendu le récit du témoin, l'interviewer posera ses questions afin d'éclaircir certains des renseignements apportés, et d'évoquer des faits susceptibles de mettre au jour des violations de droits de l'homme ayant pu se produire. Mais les questions posées à un témoin seront toujours davantage fonction de son récit et de sa situation, plutôt que de quelconques questionnaires ou listes de sujets à aborder.
20. Ce formulaire doit être considéré comme instrument au service du rapport sur l'entretien, et non pas comme destiné avant tout à prendre des notes au cours de l'entretien ou à lui servir de guide logique. Bien au contraire, l'entretien sera fonction des faits tels qu'ils seront décrits. Tout au plus ce formulaire, ou tout autre adapté à une mission de droits de l'homme particulière ou à un entretien bien précis, pourra-t-il servir de liste de contrôle que le fonctionnaire pourra consulter pour se remémorer les questions essentielles, aussi bien avant l'entretien qu'à l'approche de sa fin, en vue simplement de s'assurer que toutes les questions importantes auront été abordées. Consulter le formulaire avant l'entrevue permettra ainsi à l'interviewer de se remettre en tête les principales questions à poser; mais le contact visuel et la relation établie sont d'une bien plus grande importance que l'adhésion stricte à un ordre de questionnement. Comme indiqué plus haut, le formulaire peut également être employé comme aide-mémoire peu avant la fin de l'entretien, pour s'assurer que toutes les questions importantes ont été posées. Dans tous les cas, l'interviewer portera la plus grande attention à ce que le formulaire ne devienne pas une barrière artificielle dans la communication avec le témoin.
21. Le formulaire sera également adapté en fonction du mandat de la mission de droits de l'homme et des nécessités de chaque entretien. Par exemple, le modèle prévoit que l'entretien portera sur des questions comme l'arrestation arbitraire ou la torture; mais le mandat de la mission pourra couvrir des violations supplémentaires ou différentes. Par conséquent, le formulaire devra être adapté à chaque mission particulière. De même, le formulaire pourra devoir être adapté à certaines catégories particulières de témoins. Par exemple, tel bureau local, ou tel HRO, pourra découvrir que ses contacts se font essentiellement avec des personnes déplacées; alors que tel ou telle autre aura surtout affaire à d'anciens prisonniers. Le questionnaire sera alors adapté aux besoins spécifiques de ces groupes, de façon à en supprimer les questions inutiles et à y ajouter ceux des sujets pertinents qui n'y figurent pas. En procédant à ces aménagements, on notera que le formulaire requiert l'emploi d'une terminologie aussi claire que possible, ne demandant que peu d'interprétation. Dans ce même esprit, les résultats des entretiens devront permettre d'établir des rapports statistiques. Enfin, le formulaire est destiné à fournir des détails précis aux fonctionnaires du bureau central ou autres, n'ayant pas assisté à l'entretien.
b. Le contenu du rapport d'entretien
22. Avant tout, évidemment, tout rapport d'entretien concernant un incident doit présenter un exposé précis des faits. Mais il doit également comprendre d'autres renseignements importants : l'objectif consiste en effet à fournir la description la plus claire possible des événements sur la base des éléments disponibles. Outre les données personnelles concernant la victime (âge, sexe, profession, etc.), toute information à propos du contexte de la violation peut s'avérer très importante pour comprendre les événements. De plus, le HRO devra mentionner les sources de ses informations et son évaluation de leur fiabilité, dans la mesure ou cela ne conduira pas à violer la confidentialité.
23. Si possible, le HRO s'efforcera de faire état de l'identité de l'auteur des violations, ainsi que des relations entre le ou les auteurs et les autorités. Dans les rapports internes d'incidents, l'identité des auteurs peut être particulièrement utile pour déterminer si plusieurs personnes ont souffert des agissements d'un même individu. Si la chaîne de commandement peut être identifiée, elle sera elle aussi mentionnée. Cependant, en général, les informations concernant l'identité des auteurs seront tenues confidentielles, car révéler ces informations serait de nature à exposer les individus en cause à des risques, par exemple de représailles de la part des familles de victimes ou autres. L'auteur allégué, identifié, risque même d'être tué par d'autres responsables, mettant en uvre la "limitation des dégâts". S'il existe toutefois des raisons particulièrement pressantes de rendre publics les noms de l'auteur d'une violation, le bureau central devra consulter le bureau central et, en aucun cas, ne devra révéler cette identité à moins d'avoir donné à l'intéressé la possibilité de répondre à ces allégations. Lorsque le système judiciaire fonctionne, il est en général préférable d'inciter les autorités locales à déférer l'individu à la justice.
24. En outre, le HRO aura à identifier ceux des droits qui auront été violés. Il fera également état des actions recommandées aux niveaux, local, national et international et à court, moyen et long terme. Il sera utile de joindre au rapport des annexes, par exemple des copies d'attestations, des cartes, des photographies, des éléments documentaires, des dossiers médicaux ou des certificats de décès.
25. Il sera utile de constituer une base de données reprenant toutes les affaires, par nom, numéro de cas et autres détails pertinents, dans chaque bureau de terrain, pour en fin de compte aboutir à un enregistrement unique auprès du bureau central, afin de prévenir la duplication d'enquêtes par des bureaux locaux différents, par des personnes chargées de responsabilités concurrentes, ou par la composante de droits de l'homme et d'autres composantes de la mission, comme la police civile, à supposer qu'il en existe.
4. Les rapports d'incidents
26. Lorsqu'il aura rassemblé suffisamment de renseignement, par ses entretiens et observations directes, et de toute autre manière, le HRO ayant mené l'enquête établira un rapport précis et détaillé sur les événements conduisant à penser que s'est produite une violation des droits de l'homme, ou dont le bureau central doit être par ailleurs informé. Le plus souvent, les rapports d'entretiens comporteront l'ensemble des informations pertinentes, et le HRO sera en mesure de proposer une évaluation globale, résumant les événements et émettant à l'intention de la mission des recommandations pour une action locale, nationale et internationale. On trouvera en Annexe 4 un modèle de rapport d'incident qui, en substance, suit la même démarche que le rapport d'entretien. Étant donné que les types d'événements susceptibles de faire l'objet de tels rapports sont innombrables, il est difficile de prescrire l'usage d'un formulaire unique recouvrant tous les besoins des fonctionnaires chargés des droits de l'homme. Pourtant, la mission découvrira peut-être certaines répétitions dans les violations, ou dans d'autres événements, qui justifieront d'élaborer des formulaires spécialisés.
1. Les rapports au siège
27. On l'a vu au Chapitre 19 - "Suivi et action corrective", le chef de la mission de droits de l'homme est chargé de faire rapport à la tête de la présence de l'ONU dans le pays, lorsque cette mission fait partie d'une plus vaste opération des Nations Unies (par exemple, le Représentant spécial du Secrétaire général). Mais le chef de mission est également responsable des rapports au siège de l'opération, à Genève ou à New York, par exemple au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, et/ou au Département des opérations de maintien de la paix, et/ou au Département des affaires politiques.
28. Les rapports adressés par les missions de droits de l'homme au siège et/ou à la tête des opérations de l'ONU dans le pays pourront être hebdomadaires ou mensuels, en fonction de la nature des problèmes rencontrés et des besoins spécifiques de chaque bureau. La pratique du Haut-Commissariat aux droits de l'homme consiste à recevoir des rapports hebdomadaires et mensuels des missions de droits de l'homme et de tout autre bureau placé sous son autorité.
29. Ces rapports au siège pourront être établis dans les formats qui figurent aux Annexes 1, 2 et 4, selon qu'ils seront périodiques, d'urgence ou d'incident. Dans la réalité, au-delà des rapports hebdomadaires ou mensuels demandés aux missions de droits de l'homme, le chef de mission pourra juger nécessaire d'alerter le siège de l'ONU sur un problème ou incident particulier. Ce sera peut-être notamment le cas si le chef de mission souhaite demander un suivi particulier au niveau du siège, comme indiqué au Chapitre 19 - "Suivi et action corrective". Mais les rapports au siège présenteront des renseignements relatifs au pays entier et au travail de toute la mission, sans se borner à une zone ou région spécifique comme dans le cas des rapports internes. C'est la raison pour laquelle ces rapports sont établis au niveau central.
30. Pour les rédiger, le chef de mission et le bureau central se procureront auprès des bureaux locaux : (1) leurs rapports sur les cas individuels tels que décrits par les formulaires d'entretien; (2) leurs rapports de situation périodiques (hebdomadaires, mensuels, etc.) décrivant l'état présent des questions entrant dans le mandat, y compris les rapports sur les activités spécialisées, et donnant une indication des tendances; (3) leurs rapports d'urgence concernant des situations requérant une attention particulière (attaques contre le personnel chargé des droits de l'homme, risques imminents d'atteintes graves aux personnes entrant dans les termes de référence de la mission, etc.); et (4) tout rapport d'incident.
2. Les rapports à d'autres organes et mécanismes des Nations Unies
a. Les organes des Nations Unies
31. On l'a évoqué au Chapitre 19 - "Suivi et action corrective", toute mission de droits de l'homme pourra se voir demander de faire rapport sur l'évolution des droits de l'homme et sur ses activités à d'autres organes concernés du système des Nations unies, dont par exemple le Conseil de sécurité des Nations Unies, l'Assemblée générale et la Commission des droits de l'homme. En général, ces rapports sont établis sur une base annuelle (mais parfois plus fréquemment), et soumis par le Secrétaire général ou le Haut-Commissaire aux droits de l'homme. Au chapitre précédent, on a ainsi rencontré les exemples des rapports annuels à l'Assemblée générale et à la Commission des droits de l'homme sur les activités du Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l'homme au Cambodge, et de celui soumis à la Commission à propos de la Colombie. De même, les missions de droits de l'homme faisant partie d'opérations de maintien de la paix auront le plus souvent à rédiger les parties des rapports de ces opérations concernant les droits de l'homme, rapports destinés au Conseil de sécurité. Ces types de rapport sont normalement préparés par le bureau central en consultation avec le siège de la mission (DPKO, HCDH, DPA).
b. Les mécanismes des Nations Unies
32. La mission pourra par ailleurs apporter des informations à d'autres mécanismes de l'ONU concernés par les droits de l'homme, parmi lesquels les rapporteurs et procédures par pays ou thématiques désignés par la Commission des droits de l'homme de l'ONU, et parfois par l'Assemblée générale, évoqués au Chapitre 19 - "Suivi et action corrective". Dans certains cas, un lien officiel pourra avoir été établi entre la mission de droits de l'homme et le rapporteur ou représentant par pays, chargé des droits de l'homme; ce lien aura alors pour conséquence d'ajouter aux tâches de la mission celle d'aider ce dernier pour son information et dans ses enquêtes et rapports. En pareil cas tout rapport, soigneusement vérifié, sera systématiquement transmis au rapporteur ou au représentant concerné.
33. En l'absence d'une relation aussi clairement établie entre la mission de droits de l'homme et les procédures de la Commission des droits de l'homme, la mission comme son personnel doivent savoir que les informations qu'ils réunissent tout comme les rapports qu'ils établissent pourront être utilisés par certaines de ces procédures, thématiques notamment, en vue d'agir sur des cas précis ou dans des rapports rendus publics. On l'aura noté au Chapitre 19 - "Suivi et action corrective", la complémentarité entre procédures thématiques et missions de droits de l'homme peut utilement servir à traiter les problèmes et affaires de droits de l'homme dont la mission aura à connaître. Pour décider de comment et en quels cas intervenir, on considérera en premier lieu les effets possibles sur la protection des droits de l'homme dans le pays. Chaque mission devra donc prendre des dispositions particulières concernant la transmission de l'information et des rapports aux mécanismes thématiques. En règle générale, les rapports périodiques de la mission seront mis à disposition des pays et mécanismes concernés par l'entremise du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.
34. La mission de droits de l'homme fournira également toute information publique requise par la situation, et parfois même ses informations internes, aux enquêteurs intervenant pour le compte de tout tribunal pénal international, comme dans les cas de l'ex-Yougoslavie et du Rwanda.
35. La direction de l'opération pourra estimer nécessaire, de concert avec son siège, de publier régulièrement des communiqués destinés à la presse nationale et internationale à propos de l'évolution des droits de l'homme. Ces communiqués pourront éventuellement aider la mission à inciter le gouvernement à se conformer aux normes internationales relatives aux droits de l'homme, et à fournir à la communauté internationale les informations nécessaires pour réagir à la situation. Si la mission décide de rendre publics des rapports ou des renseignements auprès des médias, ces informations seront diffusées largement et rapidement par les Centres d'information des Nations Unies de Genève, New York, et du pays concerné.
3. Les rapports au gouvernement
36. Il sera peut-être également utile et nécessaire d'établir des rapports périodiques destinés au gouvernement du pays où intervient la mission. Normalement, chaque mission de terrain doit produire un rapport périodique décrivant ses activités, distribué par exemple au sein des Nations unies, on l'a vu dans les pages qui précèdent, comme aux États membres de la communauté internationale. Les ambassades des pays contribuant au financement de la mission pourront demander à être régulièrement tenues au courant à propos de programmes particuliers auxquels elles sont intéressées, par exemple un projet de création de capacités en matière judiciaire.
37. En principe, tout rapport concernant l'état des droits de l'homme dans le pays de la mission sera adressé en priorité au gouvernement de ce pays. Comme on l'a dit au Chapitre 19 - "Suivi et action corrective", la mission de terrain fera usage auprès du gouvernement de ses rapports externes en vue d'améliorer la protection des droits de l'homme. Mais par ailleurs, adresser un rapport au gouvernement pourra déboucher sur une amélioration souhaitée, de sorte que le rapport devra être révisé, voire non publié s'il est devenu sans objet. Enfin, le gouvernement aura peut-être des corrections factuelles et des commentaires qui devront figurer au rapport.
4. Rédiger les rapports, employer les formulaires
38. Certains des rapports externes ne serviront qu'à l'information - notamment ceux destinés à la communauté internationale. D'autres, et en particulier ceux expédiés aux gouvernements, ou concernant des incidents particuliers, auront pour but de résoudre des problèmes de droits de l'homme précis. Certains rapports externes concerneront des questions thématiques telles que les droits de l'homme dans les prisons ou autres lieux de détention, dans l'administrations de la justice, dans les rapports avec la police, etc. Pour ces rapports, tout incident spécifique pourra servir d'illustration.
39. On l'a déjà dit, les rapports externes de la mission se fondent le plus souvent sur ses rapports internes, fréquemment issus des bureaux locaux. Il est donc vraisemblable que les personnes qui, au bureau central, vont établir le rapport, ne posséderont pas l'expérience personnelle des événements décrits. On voit ainsi à l'évidence que tout rapport des bureaux locaux devra fournir une information détaillée, employer une terminologie déterminée, et adopter une démarche constante à l'égard du renseignement, de sorte que le fonctionnaire chargé au bureau central de rédiger le rapport externe puisse se référer aux faits ainsi rassemblés et en tirer des conclusions générales constructives à propos de l'évolution des droits de l'homme. Par exemple, si un HRO particulier dénonce un meurtre commis dans une localité précise à une date précise, il sera utile que d'autres fonctionnaires fournissent des renseignements tout aussi détaillés à propos d'autres meurtres.
40. Tant les fonctionnaires chargés des droits de l'homme que les personnels du bureau central conserveront à l'esprit l'usage qui sera fait des informations et des rapports qu'ils vont publier. Par conséquent, tout HRO s'efforcera de communiquer l'état de la situation locale au bureau central de manière à ce que ce dernier puisse agir selon les besoins, établir les rapports au gouvernement hôte suscitant quelque préoccupation, et rédiger des rapports à l'intention de tiers. En général, le HRO connaîtra parfaitement la situation locale, et fera en sorte que ses rapports transmettent ce savoir au bureau local et donc aux autres. Bien souvent, le HRO établira son rapport en faisant état de ses renseignements, et d'une manière qui lui permettra de faire état de la réalité; mais il ne mentionnera pas les banalités contextuelles bien connues dans la localité, mais qui peuvent échapper au bureau central. Le fonctionnaire chargé des droits de l'homme écrira en pensant à son lecteur.
41. À la fin de ce chapitre, on trouvera quatre formulaires de rapports visant à faire en sorte que les rapports du terrain puissent être systématisés et homogénéisés pour être ensuite traités par le bureau central. Mais ils suggèrent également une approche analytique, qui sera peut-être utile à l'HRO. Aux fins particulières d'une mission précise, ces formulaires devront être modifiés, et on en inventera d'autres. Il est parfois difficile de concevoir des formulaires réalistes. Au bout du compte, tout formulaire sera soigneusement adapté à son objectif. Les formulaires de rapport laisseront une certaine latitude à toute éventualité : le formulaire d'incident pourra ainsi prévoir divers types d'incidents, meurtres, sévices, manifestations, etc. Le formulaire sera suffisamment précis pour que des personnes différentes rapportant des incidents différents fournissent des renseignements de même nature (par exemple lieux, dates, personnes impliquées, etc.) au même endroit du formulaire, en employant la même terminologie, et de la même manière. Si le formulaire n'est pas rempli convenablement, il devient très difficile à tout fonctionnaire, autre que celui l'ayant rédigé, d'utiliser ces informations de façon comparative, voire tout simplement de les utiliser.
42. L'un des usages des formulaires consiste à établir des
statistiques susceptibles de décrire les tendances de la situation des
droits de l'homme. Par exemple, si le formulaire a été conçu
de façon adéquate et complété avec rigueur, il sera
peut-être possible au bureau central d'en tirer des conclusions quant
à la fréquence des violations graves des droits de l'homme ou
d'autres problèmes risquant de se poser dans les diverses régions.
Ces statistiques pourront constituer des arguments puissants pour mesurer la
nécessité d'une intervention internationale dans telle zone, ou
indiquer qu'elle sera moins urgente dans telle autre. Le formulaire d'entretien
(Annexe 1) et le formulaire d'incident (Annexe 4) de ce chapitre
ont été élaborés dans le souci d'apporter des statistiques
comparatives et de contribuer à identifier les tendances dans la situation
des droits de l'homme. Le rapport périodique (Annexe 2) a également
été préparé en vue d'inciter le personnel régional
à fournir des informations et à indiquer des tendances.
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1. On a déjà rencontré le terme de "reporting", qui désigne ici l'ensemble de la fonction (NdT).
2. On emploie ici le terme de "bureau central" pour désigner le bureau de la mission de terrain établi dans la capitale du pays. Le terme de "bureaux locaux" s'applique aux bureaux installés par la mission aux niveaux régional, provincial ou local dans le pays de la mission, c'est-à-dire hors de la capitale.