MANUEL DE FORMATION SUR LA SURVEILLANCE DES DROITS HUMAINS

CHAPITRE III: DROITS DE L'HOMME ET DROIT HUMANITAIRE INTERNATIONAUX APPLICABLE: LE CADRE


MATIERES

A.) Introduction

B.) Force Légale des Droits de l'Homme et des Instruments du Droit Humanitaire

C.) Pertinence des Normes Internationales

1. D�finition du mandat � travers la Charte des Nations Unies, les autres trait�s, et les normes y relatives

a.) La Charte des Nations Unies

b.) La Charte internationale des droits de l'homme

c.) Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques

d.) Le Pacte international relatif aux droits �conomiques, sociaux et culturels

e.) Les trait�s sp�cialis�s

f.) Les organes cr��s en vertu d'instruments internationaux

g.) Les instruments des Nations Unies ne relevant pas des trait�s

h.) Les autres trait�s et instruments du syst�me des Nations unies

i.) Les Conventions et Protocoles de Gen�ve

j.) Les limitations des droits

k). �tat d'urgence et d�rogations

l.) Applicabilit� du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire

m.) La norme la plus protectrice

n.) La protection r�gionale des droits de l'homme

2. Pertinence des normes internationales dans l'identit� de la mission de droits de l'homme et dans son efficacit�

a.) Le caract�re international de la mission

b.) L'utilit� des normes internationales

 

A. INTRODUCTION

 

1. Chaque HRO doit poss�der une connaissance solide des droits garantis internationalement au titre des droits de l'homme et du droit humanitaire, dans toute la mesure o� ils rel�vent du mandat de la mission. Ce chapitre d�crit le cadre des droits de l'homme et du droit humanitaire internationalement reconnus, expose les sources et la force juridique des normes internationales, montre les liens entre droits de l'homme et droit humanitaire, et �voque la pertinence de ce droit avec le travail du HRO.

 

2. Le droit international relatif aux droits de l'homme �tablit des garanties larges concernant les droits fondamentaux de toute personne humaine. En outre, le droit humanitaire international, tel qu'en disposent les quatre Conventions de Gen�ve de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977, gouverne le traitement des combattants et des civils en temps de conflit arm� international ou int�rieur. Le droit international humanitaire r�affirme le principe selon lequel, dans des situations de conflit arm�, les personnes ne participant pas directement aux hostilit�s devront �tre trait�es avec humanit�.

 

B. FORCE L�GALE DES DROITS DE L'HOMME ET DES INSTRUMENTS DU DROIT HUMANITAIRE

 

3. Les HRO noteront sans doute que les trait�s multilat�raux re�oivent fr�quemment des noms diff�rents, par exemple Charte, Pacte, Convention ou Protocole. Tous sont des trait�s entre �tats, qui comportent des obligations l�galement contraignantes selon leur langue. Exception faite de la Charte des Nations Unies, qui d'apr�s son article 103 pr�vaut en cas de conflit avec un autre trait�, tous les autres trait�s poss�dent la m�me port�e juridique. Le terme de "protocole" s'emploie pour d�signer un trait� multilat�ral qui a pour vocation d'�tendre ou de modifier les effets d'une convention, d'un pacte ou d'un autre trait� auquel il est associ�.

 

4. D'autres textes faisant l'objet d'un accord international sont d�sign�s comme d�clarations, accords de principes, directives, etc. La principale diff�rence entre les trait�s et ce second type de documents r�side dans le fait que les trait�s peuvent �tre formellement reconnus par les gouvernements (par ratification ou accession) et sont donc consid�r�s comme des accords entre �tats juridiquement contraignants. En revanche, des textes comme les d�clarations, directives, r�gles minimales, accords de principes, varient dans leur effet obligatoire, selon le degr� auquel, par exemple, ils font autorit� dans l'interpr�tation des obligations d�rivant des trait�s, refl�tent le droit international coutumier ou les principes g�n�raux du droit, refl�tent le droit international coutumier dans son processus de formation, ou sont consid�r�s comme refl�tant de bonnes pratiques sans poss�der un effet juridique plus contraignant.

 

5. Le terme d'"instrument" s'emploie fr�quemment de fa�on g�n�rique pour d�signer soit un trait�, soit un autre texte normatif, comme une d�claration, un accord de principes, des directives, etc.

 

C. PERTINENCE DES NORMES INTERNATIONALES

 

6. Les HRO doivent �tre inform�s des normes internationales des droits de l'homme, car celles-ci d�finissent leur mandat, fournissent une identit� internationale � la mission de l'ONU, �tablissent les obligations juridiques du gouvernement, et donc constituent la base sur laquelle s'appuyer pour exiger le respect des droits de l'homme par le gouvernement et autres acteurs.

 

7. Les normes internationales des droits de l'homme sont l'�l�ment normatif principal servant de r�f�rence aux HRO agissant sous les auspices de l'ONU. Elles ne peuvent �tre remplac�es ou d�pass�es par les normes ou l'exp�rience nationale du pays d'origine du HRO, quelle que soit la connaissance qu'en poss�de le fonctionnaire. Que ce soit en surveillant la conformit� des actes gouvernementaux, en rapportant des violations, en intervenant aupr�s des autorit�s locales, ou en proposant des conseils, la base l�gitime de toute actions des HRO est constitu�e par les normes internationales figurant dans l'ensemble des instruments des Nations Unies et r�gionaux, concernant les droits de l'homme.

 

1. D�finition du mandat � travers la Charte des Nations Unies, les autres trait�s, et les normes y relatives

 

a. La Charte des Nations Unies

 

8. Quel que soit le mandat pr�cis de la mission dans une situation particuli�re, il sera en derni�re analyse bas� sur l'autorit� des Nations Unies conform�ment � la Charte des Nations Unies. Celle-ci est � la fois le plus important des trait�s entre �tats, qui en outre contient des dispositions fondamentales en mati�re de droits de l'homme (voir les articles 1, 55, 56, 103 de la Charte). L'article 55 de la Charte des Nations Unies d�finit les objectifs fondamentaux des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme, en disposant que les Nations Unies favoriseront :

a. le rel�vement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progr�s et de d�veloppement dans l'ordre �conomique et social;

b. la solution des probl�mes internationaux dans les domaines �conomique, social, de la sant� publique et autres probl�mes connexes, et la coop�ration internationale dans les domaines de la culture intellectuelle et de l'�ducation;

c. le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libert�s fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.

 

9. En ratifiant la Charte des Nations Unies, les �tats membres, aux termes de l'article 56, "s'engagent, en vue d'atteindre les buts �nonc�s � l'article 55, � agir, tant conjointement que s�par�ment, en coop�ration avec l'Organisation."

 

10. Les trait�s, y compris la Charte, constituent les sources premi�res du droit international, y compris du droit international relatif aux droits de l'homme. Par cons�quent, si le mandat indique que la mission pour les droits de l'homme est destin�e � surveiller et � promouvoir la protection des droits de l'homme, "droits de l'homme" sera d�fini selon les termes de la Charte des Nations Unies aussi bien que des autres trait�s et instruments pertinents promulgu�s par la communaut� internationale. Si le mandat est plus pr�cis (par exemple surveiller le d�roulement d'�lections libres et honn�tes, le retour de r�fugi�s, ou des discriminations ethniques), les droits auxquels il se r�f�re peuvent �tre identifi�s et expliqu�s au sein des trait�s relatifs aux droits de l'homme et autres instruments pertinents aussi bien que du droit international coutumier et des principes g�n�raux du droit y relatifs.

 

b. La Charte internationale des droits de l'homme

 

11. L'Assembl�e g�n�rale de l'ONU a d�fini les obligations des �tats membres de l'Organisation dans la Charte internationale des droits de l'homme, qui se compose de :

 

c. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques

 

12. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques �tablit des normes internationales minimales de conduite pour tous les �tats parties, en assurant le droit des peuples � disposer d'eux-m�mes et les droits des personnes : au recours; � l'�galit�; � la vie; � la libert�; � la libert� de circulation; � un proc�s �quitable, public et rapide pour toute infraction p�nale; � la vie priv�e; � la libert� d'expression, de pens�e, de conscience et de religion; � la r�union pacifique; � la libert� d'association (y compris le droit de constituer des syndicats et partis politiques); � la famille; � la participation � la vie publique; mais en interdisant la torture; les "peines ou traitements cruels, inhumains ou d�gradants"; l'esclavage; l'arrestation arbitraire; la double poursuite; l'emprisonnement pour inex�cution d'une obligation contractuelle.

 

d. Le Pacte international relatif aux droits �conomiques, sociaux et culturels

 

13. Le Pacte international relatif aux droits �conomiques, sociaux et culturels �tablit des normes internationales minimales pour les �tats ayant ratifi� ce texte, les engageant � agir pour respecter, prot�ger et assurer les droits �conomiques, sociaux et culturels. Ce Pacte requiert des �tats parties qu'ils consacrent de la fa�on la plus efficace et rapide possible le maximum de leurs ressources disponibles � assurer, progressivement dans certains cas, le plein exercice des droits qui y sont reconnus. Ceux-ci comprennent : le droit de gagner sa vie par le travail; de jouir de conditions de travail s�res et hygi�niques; de jouir du droit syndical; le droit � la s�curit� sociale; la protection de la famille; le droit au logement et au v�tement; le droit d'�tre � l'abri de la faim; le droit aux soins de sant�; le droit � l'enseignement public gratuit; celui de participer � la vie culturelle, aux activit�s cr�atrices, et � la recherche scientifique. Le Pacte interdit par ailleurs strictement toute discrimination � l'�gard des droits �conomiques, sociaux et culturels, et garantit le droit �gal de l'homme et de la femme au b�n�fice de ces droits.

 

e. Les trait�s sp�cialis�s

 

14. Les Nations Unies ont pr�cis� la codification et d�fini plus sp�cifiquement le droit international relatif aux droits de l'homme dans un certain nombre de trait�s relatifs � divers sujets initialement identifi�s par la Charte internationale des droits de l'homme. Les trait�s cr�ent des obligations l�gales pour ceux des pays qui y sont parties, mais ne s'imposent g�n�ralement pas � la communaut� internationale dans son ensemble. Il arrive cependant que des trait�s soient g�n�rateurs de droit international g�n�ral - c'est-�-dire s'imposent � tous les �tats - lorsque ces accords sont pr�vus pour l'adh�sion g�n�rale des �tats, sont de fait largement accept�s, ou reformulent des principes g�n�raux du droit.

 

15. � c�t� de la Charte des Nations Unies et de la Charte internationale des droits de l'homme, les plus importants des trait�s adopt�s par les Nations Unies qui ont re�u un nombre suffisant de ratifications ou accessions pour entrer en vigueur comprennent (par ordre de date d'entr�e en vigueur) :

la Convention pour la pr�vention et la r�pression du crime de g�nocide;

la Convention relative au statut des r�fugi�s;

le Protocole relatif au statut des r�fugi�s;

la Convention internationale sur l'�limination de toutes les formes de discrimination raciale;

la Convention sur l'�limination de toutes les formes de discrimination � l'�gard des femmes;

la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou d�gradants;

la Convention relative aux droits de l'enfant; o le Deuxi�me Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant � abolir la peine de mort (Deuxi�me Protocole ICCPR).

 

16. Pour qu'un trait� s'applique � un pays donn�, l'�tat (c'est-�-dire le pays) doit avoir ratifi� le trait�, ou y avoir adh�r� formellement par un autre moyen. Il est donc important pour le HRO de v�rifier si l'�tat o� la mission de terrain de l'ONU se d�roule a ratifi� ce trait�. Certains �tats ajoutent des r�serves ou limites � leur ratification. Aussi importe-t-il �galement de v�rifier si une telle r�serve ou limite a �t� �mise par l'�tat quant aux droits sur lesquels porte le travail du HRO. Il convient de noter que m�me si une r�serve a �t� �mise, cette r�serve peut �tre invalide si elle viole l'objet et le but du trait�.

 

f. Les organes cr��s en vertu d'instruments internationaux

 

17. Dans le cadre de six des principaux trait�s relatifs aux droits de l'homme, des comit�s ont �t� �tablis afin de veiller � leur ex�cution. Ces six organes cr��s en vertu d'instruments internationaux (treaty bodies), ou organes conventionnels, sont le Comit� des droits de l'homme (au titre du Pacte relatif aux droits civils et politiques); le Comit� des droits �conomiques, sociaux et culturels; le Comit� pour l'�limination de la discrimination raciale; le Comit� pour l'�limination des discriminations � l'�gard des femmes; le Comit� contre la torture; le Comit� des droits de l'enfant. Les six organes conventionnels examinent r�guli�rement des rapports soumis par les �tats parties concernant leur respect des trait�s respectifs. La plupart de ces organes �mettent des commentaires et recommandations d'ordre g�n�ral qui refl�tent leur exp�rience dans l'examen des rapports des �tats. De cette mani�re, ils sont susceptibles de fournir des interpr�tations faisant autorit� quant aux dispositions des trait�s. En outre, en examinant p�riodiquement dans quelle mesure les trait�s sont mis en �uvre par les �tats parties, gr�ce � l'analyse des rapports nationaux, ces organes �mettent des observations g�n�rales qui d�crivent et soulignent des domaines particuliers dans lesquels les �tats parties sont invit�s � modifier leur l�gislation, leur politique ou leur pratique en vue de faire avancer le respect du trait� en question. Ces observations g�n�rales constituent souvent une source d'informations pr�cieuse pour les personnes travaillant dans le domaine des droits de l'homme. En outre, trois de ces organes (le Comit� des droits de l'homme, le Comit� pour l'�limination de la discrimination raciale, et le Comit� contre la torture) peuvent sous certaines conditions recevoir des communications �manant de particuliers all�guant des violations de ces trait�s, et donc rendre des d�cisions adjudicatives interpr�tant et appliquant les dispositions du trait�. Quant aux autres organes conventionnels, s'ils ne peuvent encore recevoir formellement de plaintes sous la forme de communications �manant de particuliers, ils se prononcent cependant sur l'interpr�tation et l'application des trait�s, de m�me qu'ils indiquent, m�me si c'est souvent de mani�re ad hoc, que des �tats parties devraient changer de comportement afin de se conformer � leurs obligations d�coulant du trait�.

 

g. Les instruments des Nations Unies ne relevant pas des trait�s

 

18. En plus des trait�s, l'ONU a servi de cadre � l'�laboration et � l'adoption de dizaines de d�clarations, codes, r�gles, directives, principes, r�solutions, et autres instruments servant � interpr�ter et � d�velopper les obligations g�n�rales des �tats membres en mati�re de droits de l'homme au titre des articles 55 et 56 de la Charte des Nations Unies, instruments qui peuvent refl�ter le droit international coutumier. La D�claration universelle des droits de l'homme est le plus �minent de ces instruments dans le domaine des droits de l'homme : non seulement elle fournit une interpr�tation fiable, compl�te et presque contemporaine des obligations en mati�re de droits de l'homme au titre de la Charte des Nations Unies, mais elle comporte �galement des dispositions admises comme refl�tant le droit international coutumier s'imposant � tous les �tats, qu'ils soient ou non parties aux trait�s qui contiennent eux aussi ces dispositions. Parmi les autres instruments marquants qui, sans �tre des trait�s, rev�tent pourtant une grande importance au regard des droits de l'homme figurent (par ordre de date d'adoption) :

l'Ensemble de r�gles minima pour le traitement des d�tenus;

la D�claration des droits des personnes handicap�es;

le Code de conduite pour les responsables de l'application des lois;

la D�claration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalit� et aux victimes d'abus de pouvoir;

l'Ensemble de r�gles minima concernant l'administration de la justice pour mineurs ("R�gles de Beijing");

la D�claration sur le droit au d�veloppement;

l'Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises � une forme quelconque de d�tention ou d'emprisonnement;

les Principes relatifs � la pr�vention efficace des ex�cutions extra-judiciaires, arbitraires et sommaires et aux moyens d'enqu�ter efficacement sur ces ex�cutions;

les Principes de base sur le recours � la force et l'utilisation des armes � feu par les responsables de l'application des lois;

la D�claration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forc�es; o la D�claration des droits des personnes appartenant � des minorit�s nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques;

la D�claration sur l'�limination de la violence � l'�gard des femmes;

la D�claration sur le droit et la responsabilit� des individus, groupes et organes de la soci�t� de promouvoir et prot�ger les droits de l'homme et les libert�s fondamentales universellement reconnus.

 

h. Les autres trait�s et instruments du syst�me des Nations unies

 

19. L'Organisation des Nations Unies n'est pas la seule organisation globale ayant �mis ou facilit� l'�mission de normes mondiales en mati�re de droits de l'homme. Parmi les autres figurent les agences sp�cialis�es des Nations unies, comme l'Organisation internationale du travail (OIT) ou l'Organisation des Nations unies pour l'�ducation, la science et la culture (UNESCO), ainsi que le Comit� international de la Croix-Rouge (CICR).

 

20. Figurant parmi les plus anciennes organisations intergouvernementales, l'OIT a promulgu� 183 recommandation et 176 conventions, dont plusieurs trait�s relatifs aux droits de l'homme. L'UNESCO a �galement promulgu� plusieurs trait�s en la mati�re, par exemple la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement (429 U.N.T.S. 93), entr�e en vigueur le 22 mai 1962.

 

i. Les Conventions et Protocoles de Gen�ve

 

21. Depuis le milieu du XIXe si�cle, le Comit� international de la Croix-Rouge a r�uni des conf�rences gouvernementales afin de r�diger des trait�s prot�geant les soldats et marins bless�s dans les conflits arm�s, les prisonniers de guerre, et les civils en temps de guerre. Ces trait�s constituent le c�ur du droit humanitaire, qui est destin� � assurer le respect de principes g�n�raux d'humanit� en p�riode de conflit arm� international ou non-international. Dans le contexte d'un conflit arm�, le droit humanitaire offre une base plus solide et beaucoup plus d�taill�e pour la protection des droits de l'homme que la Charte internationale des droits de l'homme et autres instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme.

 

22. Les principaux trait�s multilat�raux qui r�gissent le droit international humanitaire - les quatre Conventions de Gen�ve de 1949 - ont �t� ratifi�s par davantage d'�tats qu'aucun autre trait� sur les droits de l'homme, en dehors de la Charte des Nations Unies et de la Convention relative aux droits de l'enfant. Les deux Protocoles additionnels de 1977 �tendent et pr�cisent les protections des Conventions de Gen�ve de 1949 dans les cas de conflits arm�s internationaux et non internationaux. Ces Conventions et Protocoles sont les suivants :

Convention de Gen�ve pour l'am�lioration du sort des bless�s et des malades dans les forces arm�es en campagne (Premi�re Convention de Gen�ve);

 

Convention de Gen�ve pour l'am�lioration du sort des bless�s, des malades et des naufrag�s des forces arm�es sur mer (Deuxi�me Convention de Gen�ve);

 

Convention de Gen�ve relative au traitement des prisonniers de guerre (Troisi�me Convention de Gen�ve);

 

Convention de Gen�ve relative � la protection des personnes civiles en temps de guerre (Quatri�me Convention de Gen�ve);

 

Protocole additionnel aux Conventions de Gen�ve relatif � la protection des victimes des conflits arm�s internationaux (Protocole additionnel I);

 

Protocole additionnel aux Conventions de Gen�ve relatif � la protection des victimes des conflits arm�s non internationaux (Protocole additionnel II).

 

23. De nombreuses dispositions des quatre Conventions de Gen�ve, des deux Protocoles additionnels, et des Conventions de La Haye de 1899 et 1907 sont largement admises comme reformulant le droit international humanitaire coutumier applicable � tous les pays. Le droit humanitaire s'applique sp�cifiquement aux situations de conflit arm�, qui seraient d'ordinaire qualifi�es de "situations d'urgence".

 

j. Les limitations des droits

 

24. Dans certaines situations sp�cifiques pr�sent�es dans les trait�s correspondants relatifs aux droits de l'homme, des limitations peuvent �tre apport�es par les �tats � l'exercice de certains droits de l'homme. Il doit cependant �tre clair que les limitations des droits doivent �tre consid�r�es comme l'exception, et non comme la r�gle. Les limitations des droits, lorsqu'elles sont autoris�es, sont �nonc�es dans les textes des divers trait�s relatifs aux droits de l'homme. En g�n�ral, ces restrictions et restrictions doivent �tre celles qui sont d�termin�es par la loi et n�cessaires dans une soci�t� d�mocratique pour :

garantir le respect des droits et libert�s d'autrui;
assurer les justes exigences de l'ordre public, de la sant� ou de la morale publiques, de la s�curit� nationale ou de la s�curit� publique.

Les limitations des droits impos�es en dehors ou au-del� des conditions sus-mentionn�es ne sont pas tol�r�es par le droit international sur les droits de l'homme.

 

k. �tat d'urgence et d�rogations

 

25. Aux termes des conditions strictes et sp�cifiques �nonc�es � l'article 4 (1) du Pacte international sur les droits civils et politiques, le droit international sur les droits de l'homme autorise les �tats � d�roger aux droits (c'est-�-dire � les suspendre temporairement) dans des cas de "danger public exceptionnel". Cet article 4 (1) d�clare en effet :

 

Dans le cas o� un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation et est proclam� par un acte officiel, les �tats parties au pr�sent Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure o� la situation l'exige, des mesures d�rogeant aux obligations pr�vues dans le pr�sent Pacte, sous r�serve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu'elles n'entra�nent pas une discrimination fond�e uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'origine sociale.

 

 

26. Il existe cependant certains droits auxquels il ne peut �tre apport� aucune restriction ou d�rogation, y compris dans la situation d�crite par l'article 4 du Pacte. Ces droits non d�rogeables sont les droits � la protection contre : la privation arbitraire de la vie; la torture et autres s�vices; l'esclavage; l'emprisonnement pour inex�cution d'une obligation contractuelle; la r�troactivit� des peines; la non-reconnaissance juridique; les atteintes � la libert� de pens�e, de conscience et de religion (article 4(2)).

 

27. Les dispositions de l'ICCPR soulignent la nature exceptionnelle des d�rogations aux droits garantis dans le Pacte. Il convient de noter avec soin les conditions de fond et de proc�dure dans lesquelles le droit international permet de d�roger � ces droits :

 

28. L'article 4 (3) exige en outre que les �tats introduisant des d�rogations aux droits informent imm�diatement, par l'entremise du Secr�taire g�n�ral de l'ONU, les autres �tats parties � l'ICCPR des dispositions auxquelles ils ont d�rog� ainsi que des motifs qui ont provoqu� cette d�rogation.

 

l. Applicabilit� du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire

 

29. Comme on l'a vu ci-dessus et au Chapitre I, le droit international humanitaire est le corpus juridique qui s'applique aux situations de conflit arm�, international comme non international. Il �tablit des protections pour les personnes et pose des limites aux m�thodes et moyens de guerre employ�s par les �tats bellig�rants.

 

30. En temps de guerre, les droits de l'homme demeurent en vigueur sur le plan juridique. Toutefois, puisque les situations de conflit arm� pourraient normalement �tre qualifi�es comme "danger public exceptionnel" au sens de l'article 4 de l'ICCPR, il est possible et probable qu'en de telles situations des restrictions et d�rogations soient apport�es par les �tats aux droits de l'homme (sous les conditions �voqu�es plus haut). Il est donc vraisemblable que le degr� de protection des individus dans les situations de conflit arm� sera celui garanti par les dispositions du droit humanitaire.

 

31. Le tableau suivant met en �vidence l'applicabilit� du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire dans diverses situations, correspondant � diff�rents niveaux de conflit :

 

Applicabilit� du droit des droits de l'homme et du droit humanitaire

 

SITUATION
DROIT APPLICABLE

1. Situation : Conflit arm� international

Comprenant les guerres entre �tats, et contre la domination coloniale, l'occupation �trang�re, les r�gimes racistes, dans l'exercice du droit � l'autod�termination.

Droit applicable : Quatre Conventions de Gen�ve de 1949
(1) Bless�s et malades du th��tre

(2) Naufrag�s

(3) Prisonniers de guerre

(4) Civils (en zone occup�e)

Protocole additionnel I de 1977

Autres dispositions relatives aux droits de l'homme (dans la mesure o� non d�rogeables ou en l'absence de d�claration de l'�tat d'urgence)

2.) Situation: Conflit armé non-international

Guerre civile ou autre situation dans laquelle des forces arm�es organis�es, sous commandement responsable, exercent sur une partie du territoire un contr�le tel qu'il leur permette de mener des op�rations militaires continues et concert�es et d'appliquer le droit humanitaire.

Droit humanitaire Article 3 commun aux Conventions de Gen�ve (s'applique au gouvernement et aux forces arm�es d'opposition).

Protocole additionnel II de 1977 (champ d'application plus restreint).

Autres dispositions relatives aux droits de l'homme (dans la mesure o� non d�rogeables ou en l'absence de d�claration de l'�tat d'urgence)

3. Situation : �tat d'urgence

D�sordres, �meutes, actes de violence isol�s et sporadiques, et autre danger public exceptionnel qui menace l'existence de la nation, dans lequel les mesures normalement compatibles avec la Constitution et les lois sont insuffisantes pour redresser la situation.

L'�tat d'urgence doit �tre d�clar� officiellement.

Droit applicable: Tous les droits de l'homme, avec les exceptions suivantes :

  • Des d�rogations � certains droits peuvent �tre admissibles dans la stricte mesure que requi�rent les exigences de la situation, et uniquement si elles ne sont pas incompatibles avec les autres obligations du droit international (dont les Conventions et Protocoles de Gen�ve).
  • Aucune discrimination uniquement bas�e sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'origine sociale.
  • Aucune d�rogation n'est admissible en mati�re de privation arbitraire de la vie, de torture, d'esclavage, ou d'emprisonnement pour manquement de satisfaire � une obligation contractuelle.

 

4. Situation Autres tensions int�rieures

D�sordres, �meutes, et actes de violence isol�s qui ne peuvent �tre qualifi�s comme mena�ant l'existence de la nation.

�tat d'urgence non d�clar�.

Droit applicable: Tous les droits de l'homme (mais pour chacun des droits, voir toute limitation pertinente. Les droits ne peuvent �tre sujets qu'aux limitations pr�vues par la loi, et uniquement dans le but d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libert�s d'autrui, et de r�pondre aux justes exigences de la moralit�, de l'ordre public et du bien-�tre g�n�ral dans une soci�t� d�mocratique).
5. Situations normales Droit applicable: Tous les droits de l'homme (mais pour chacun des droits, voir toute limitation pertinente. Les droits ne peuvent �tre sujets qu'aux limitations pr�vues par la loi, et uniquement dans le but d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libert�s d'autrui, et de r�pondre aux justes exigences de la moralit�, de l'ordre public et du bien-�tre g�n�ral dans une soci�t� d�mocratique).

 

m. La norme la plus protectrice

 

32. �tant donn� qu'il existe des incoh�rences et des failles entre les protections apport�es par les divers instruments des droits de l'homme et du droit humanitaire, aussi bien que dans les lois nationales et locales, la personne doit se voir accorder les dispositions les plus protectrices du droit applicable, international, national ou local. En cons�quence, si le droit humanitaire apporte une meilleure protection des droits que le droit des droits de l'homme, c'est le droit humanitaire qui doit s'appliquer - et vice-versa.

 

n. La protection r�gionale des droits de l'homme

 

33. Outre les m�canismes mis en place par les Nations Unies pour appliquer les droits de l'homme, des structures r�gionales sont d�sormais � l'�uvre en Afrique, aux Am�riques, et en Europe. Les droits que prot�gent ces structures d�rivent de ceux de la Charte internationale des droits de l'homme, et leur sont semblables, mais chacune d'entre elles a �labor� des approches propres pour tenter d'assurer que les droits en question soient mis en pratique. Si les �l�ments qui suivent se focalisent souvent sur les normes des Nations Unies et autres normes mondiales, les normes r�gionales peuvent s'av�rer d'une grande importance dans des circonstances particuli�res, par exemple dans le cas o� le gouvernement d'un pays ayant ratifi� des trait�s r�gionaux significatifs en mati�re de droits de l'homme consid�re ceux-ci comme plus persuasifs, ou dans celui o� ces instruments r�gionaux se voient reconna�tre la pr��minence dans l'accord pass� avec la mission de l'ONU sur les droits de l'homme (comme dans les accords de Dayton sur le conflit en Bosnie-Herz�govine, qui conf�rent � la Convention europ�enne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libert�s fondamentales un statut �gal � celui du droit national). Les trois principaux trait�s r�gionaux (1) �voqu�s dans le pr�sent Manuel sont les suivants :

 

 

2. Pertinence des normes internationales dans l'identit� de la mission de droits de l'homme et dans son efficacit�

 

34. Comme indiqu� plus haut, ce Manuel se concentre sur les normes internationales en mati�re de droits de l'homme parce qu'elles d�terminent d'ordinaire le mandat de la mission (voir aussi Troisi�me partie, Chapitre 6 o "Identification et priorit�s des efforts concernant les violations des droits de l'homme"). Ces normes d�finissent en outre le caract�re international de la mission de terrain, peuvent �tre d�velopp�es dans un manuel destin� � couvrir des situations partout au monde, et sont les plus aptes � se montrer convaincantes en tant que minimums internationaux.

 

a. Le caract�re international de la mission

 

35. La l�gitimit� constitue le caract�re le plus important d'une mission de terrain concernant les droits de l'homme. Elle repose sur l'id�e partag�e que la mission est juste et repr�sentative de la volont� de la communaut� internationale dans son ensemble et non sur quelque int�r�t partiel. Cette l�gitimit� est encore renforc�e par la composition de la mission de terrain, qui rassemble habituellement un personnel de nationalit�s tr�s diverses.

 

36. La base des op�rations de terrain en mati�re de droits de l'homme dans le droit international est un apport suppl�mentaire � la l�gitimit� des op�rations en t�moignant de la volont� de la communaut� internationale. On voit en effet mal comment le gouvernement ou la population du pays o� se d�roule la mission accorderaient cr�dit aux HRO si chaque fonctionnaire avan�ait que le gouvernement devrait suivre les approches de son propre pays en mati�re de droits de l'homme. Les normes internationales minimales constituent un niveau de base sur lequel l'accord peut se faire non seulement entre �tats, mais aussi parmi les HRO quant � ce qu'ils doivent surveiller, promouvoir ou recommander.

 

b. L'utilit� des normes internationales

 

37. Si le pr�sent Manuel de formation s'attache surtout aux normes mondiales en mati�re de droits de l'homme, c'est que des missions de terrain peuvent �tre envoy�es n'importe o� dans le monde, et qu'il serait concr�tement tr�s difficile de couvrir toutes les normes nationales et r�gionales dans ce domaine, susceptibles de s'appliquer dans une situation particuli�re. Les HRO ne peuvent donc pas se fier � ce Manuel pour traiter de toutes les normes adapt�es � leur cas.

 

38. Alors que le mandat d'une mission de l'ONU se fonde sur les normes des Nations Unies en mati�re de droits de l'homme telles que celles �voqu�es dans ce Manuel, il est possible qu'un accord entre le gouvernement et l'ONU d�finisse un mandat en se r�f�rant �galement � d'autres normes internationales, � des trait�s r�gionaux relatifs aux droits de l'homme, � la constitution du pays, ou � d'autres �l�ments. De fait, si le mandat fait r�f�rence � ces normes hors-Nations Unies, ou si celles-ci sont plus protectrices ou plus convaincantes, il convient que les HRO se familiarisent avec toute norme qui sera la plus utile � leur travail. Par exemple, dans certains pays, les normes r�gionales peuvent �tre mieux connues et mieux respect�es que des normes internationales pratiquement identiques. Dans de telles circonstances, il est pr�f�rable que le HRO ait recours aux normes r�gionales. De fa�on analogue, il se peut que la Constitution ou les lois du pays prennent en compte les normes r�gionales, de sorte qu'il conviendra de les utiliser en priorit�. Autre exemple, celui d'un pays o� la Constitution ou le droit national refl�tent la substance des normes internationales. En fait, du point de vue de l'individu et dans la plupart des pays, le moyen le plus important pour la protection des droits de l'homme et l'application du droit international r�side dans la l�gislation, les tribunaux et les administrations au niveau national. Pour parvenir � prot�ger les droits de l'homme, le HRO sera peut-�tre plus efficace en se r�f�rant � la constitution ou aux lois nationales.

 

39. Un troisi�me exemple de l'utilit� des normes hors-Nations Unies en mati�re de droits de l'homme peut se rencontrer dans un pays dont la constitution, le droit national ou la pratique prot�gent les droits de l'homme encore mieux que le droit international. Apr�s tout, les trait�s des droits de l'homme ne fournissent que des normes internationales minimales. Rien n'emp�che un pays d'accorder aux droits de l'homme une protection accrue par rapport aux normes internationales. On l'a vu plus haut, l'individu doit avoir acc�s aux dispositions les plus protectrices du droit international, national ou local applicable. Par cons�quent, le HRO se servira des normes les plus protectrices, quelles qu'elles soient.

 

40. En g�n�ral, cependant, les HRO trouveront une protection des droits de l'homme sup�rieure dans le droit international que dans les lois et pratiques nationales. Ces fonctionnaires ont donc besoin d'une formation sur la mani�re d'invoquer les protections les plus larges, et de mettre � profit les savoirs accumul�s au niveau international quant � la mise en �uvre des droits de l'homme. Les chapitres suivants constituent la base d'une telle formation.

 

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1. Pour un recueil complet des instruments régionaux des droits de l'homme, voir Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, Droits de l'homme : Compilation d'instruments internationaux - Volume II, instruments régionaux, New York et Genève, 1997.

 


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